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N° 409
MF B
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Copie exécutoire
délivrée à :
– Me Mestre,
le 09.11.2023.
Copie authentique
délivrée à :
– Me Tauniua Céran J,
le 09.11.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 9 novembre 2023
RG 23/00007 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 22/723, rg n° 22/00055 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 5 décembre 2022 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 6 janvier 2023 ;
Appelante :
La Société Civile Immobilière GVP, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 7208 C dont le siège social est sis à [Adresse 1], agissant et représentée par son représentant Mme [U] [N] ;
Représentée par Me Tauniua CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
Mme [T] [X] épouse [H], née le 6 novembre 1980,
de nationalité française, demeurant à [Adresse 2], enseigne commerciale Tiaia Location, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n°191581 A, inscrite au répertoire des entreprises sous le n° 636027 ;
Représenté par Me François MESTRE, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 11 août 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 septembre 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
La SCI GVP est propriétaire du lot 7 du lotissement dénommé résidence Tiaia (anciennement résidence Moorea country Club) et [T] [X] est propriétaire du lot 10 dans ce même ensemble immobilier.
Le 16 février 2022, la SCI GVP a engagé une action à l’égard de [T] [X] en demandant qu’il lui soit au principal enjoint de cesser son activité commerciale de location saisonnière qui est contraire au cahier des charges imposant une occupation strictement résidentielle.
[T] [X] a répliqué en substance que cette activité de location sur la plate-forme Airbnb, était occasionnelle, non exercée à titre commercial, et non contraire au cahier des charges.
***
Suivant jugement n° 22/723 rendu le 5 décembre 2022 (RG 22/000 55), le tribunal civil de première instance de Papeete a débouté la SCI GVP de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à [T] [X] une indemnité de procédure de 120’000 XPF outre les entiers dépens.
Le tribunal a notamment retenu que l’activité occasionnelle de location de meublé touristique que [T] [X] admet mener dans son appartement n’est explicitement interdite par aucune disposition du cahier des charges, et qu’en outre, la SCI GVP ne justifie d’aucun trouble de voisinage en lien avec l’activité querellée.
***
Suivant requête du 6 janvier 2023, la SCI GVP a relevé appel de la décision dont elle sollicite l’infirmation, en demandant à la cour, statuant à nouveau par application de l’article 1134 du Code civil et du cahier des charges du lotissement établi le 3 septembre 1999 :
– dire et juger que [T] [X] est tenue de jouir de son lot 10 conformément à un usage strictement résidentiel à l’exclusion de toute activité commerciale,
– dire et juger qu’elle exploite une activité commerciale interdite au sein du lotissement,
– lui enjoindre de cesser son activité commerciale sous peine d’une astreinte de 1’000’000 XPF par infraction constatée et de résilier ses contrats avec les plates-formes de location saisonnière ainsi que sa patente au titre de cette activité sous peine de la même astreinte,
– la condamner à payer à l’appelante une indemnité de procédure de 350’000 XPF en plus des entiers dépens
À l’appui de son recours elle fait valoir :
– le cahier des charges du lotissement édicte manifestement une obligation de résidence à usage strictement exclusivement résidentiel,
– [T] [X] a manqué à son obligation d’affecter son lot un usage exclusivement résidentiel.
Suivant conclusions du 1er juin 2023, [T] [X] a demandé à la cour, au visa des dispositions des articles 3. 1,6.2 et 17 du code de procédure civile, de débouter la SCI GVP de l’intégralité de ses demandes puis de la condamner à lui verser la somme de 250’800 XPF en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’intimée se réfère à la motivation du jugement, soulignant que son activité de location saisonnière est de nature civile comme étant accessoire à sa résidence principale, d’autre part qu’aucune clause du cahier des charges ne prohibe la location saisonnière, et enfin, que la preuve de nuisances imputables au locataire saisonnier n’est pas rapportée.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘ dire et juger’ ou de ‘constater’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.
C’est d’ailleurs le sens des conclusions de [T] [X] critiquant le contenu des demandes de l’appelante tel que formulées dans la requête d’appel.
Le fait est que la seule prétention dont la cour est saisie au principal, est celle tenant à enjoindre à [T] [X] de cesser son activité commerciale et de résilier ses contrats avec les plates-formes de location saisonnière ainsi que sa patente au titre de cette activité, le tout sous astreinte.
Les parties sont propriétaires au sein de lotissement, et le cahier des charges constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les clauses qu’ils contiennent.
Le fondement de l’action de la société GVP (article 1134 du code civil applicable en Polynésie française) est donc la violation de dispositions déterminées du cahier des charges et non le trouble anormal de voisinage.
La requête d’appel contient des considérations générales sur le caractère nécessairement résidentiel des lots du lotissement résidence Tiaia, qui sont sans intérêt pour la solution du litige.
L’appelante invoque plus précisément la violation de dispositions du cahier des charges qui sont les suivantes :
– page 10 une clause intitulée ‘obligation particulière des acquéreurs des lots’ stipulant que les lots vendus sont exclusivement destinés à la construction de maison d’habitation de style polynésien devant avoir et conserver un caractère strictement résidentiel, à raison d’une maison par lot l’exception du lot n°1-2. Par dérogation, ce lot pourra être destiné, en complément d’habitation bourgeoise, à un usage de résidence de touristique à l’exclusion de tout autre activité.
– page 32, l’article 11 concernant la destination des lots, ainsi libellé :
les lots mis en vente sont destinés exclusivement à la construction de maisons d’habitation de style polynésien, devant avoir et conserver un caractère strictement résidentiel.
En conséquence de cette affectation exclusive, sont rigoureusement prohibés :
l’édification d’aucun atelier, usine, laboratoire, entrepôt, commerce de bouche ou créant des nuisances sonores ou olfactives, clinique, hospice, cercle, lieu de réunion dans quelque but que ce soit,
– page 33, l’article 16 concernant l’usage et l’entretien des propriétés qui prohibent sur le lotissement, toute activité industrielle, les professions libérales (sauf exception), l’installation de tout établissement dangereux, incommode ou insalubre, classé, susceptible de troubler ou gêner le voisinage par la suite de bruits, vibrations, parasites électriques etc…
***
L’activité de location saisonnière n’est mentionnée dans aucune de ces clauses – ni du reste, dans d’autres stipulations du cahier des charges – comme étant prohibée.
Le juge ne peut procéder par analogie : c’est donc vainement que l’appelante déduit de l’exception prévue pour le lot 1-2 que les autres lots ne peuvent avoir qu’une activité d’habitation bourgeoise.
Du reste, rien n’indique que l’activité de location saisonnière peut être assimilé à un établissement dangereux, incommodes ou insalubres, ou générateur d’un trouble de voisinage.
D’ailleurs, l’organe représentatif du lotissement – le syndicat des copropriétaires représentant l’association syndicale libre -, n’a pas lui-même intenté une action et n’est pas non plus intervenu dans le cadre de la présente procédure qui porte pourtant sur la violation alléguée d’une règle du cahier des charges.
Comme l’a fait observer le premier juge, les échanges de mails entre les copropriétaires (pièce 10), ne permettent pas d’imputer directement et nominativement à un locataire de [O] [X], les incivilités dont il est fait état.
Au surplus, il apparait que la présidente de la résidence écrivait le 27 janvier 2019 en demandant une copie des conditions de location saisonnière envoyées aux clients louant une maison dans le lotissement, sans faire état d’une quelconque interdiction résultant du cahier des charges.
La cour relève également que, dans l’arrêt de la cour d’appel rendu le 27 mai 2021 dont il est fait état, non seulement les faits concernaient un autre lotissement mais qu’en outre, l’activité reprochée aux copropriétaires poursuivis, était l’exploitation commerciale de chambres en vue de location touristique ainsi que d’une pension de famille alors que le cahier des charges dudit lotissement visait expressément au titre des activités rigoureusement prohibées : l’hôtellerie, pension ou autre bâtiment à destination autre que l’habitation bourgeoise, cette espèce étant donc sans similitude avec la situation de [O] [X] au sein du lotissement Tiaia.
Enfin, il est totalement sans intérêt d’évoquer les contributions fiscales attachées à la patente ou l’obligation de déclaration d’une activité d’hébergement touristique dès lors que l’administration fiscale n’est pas partie au présent procès et qu’il n’est pas prouvé que [O] [X] fait l’objet de poursuites de la part de cette administration.
En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions et la société GVP doit supporter les entiers dépens outre le paiement d’une indemnité de procédure d’appel à l’intimée.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu l’appel de la SCI GVP,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,
Condamne la SCI GVP aux dépens qui pourront être distraits au profit de Maître François Mestre, avocat qui en fait la demande, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de procédure de 200 000 XPF sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 9 novembre 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD