Nuisances sonores : décision du 9 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/07893

·

·

Nuisances sonores : décision du 9 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/07893
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

N° RG 21/07893 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N5GP

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 09 septembre 2021

(chambre 10 cab 10 J)

RG : 19/03969

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 09 Novembre 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. DJANWOUA ([R])

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

Et ayant pour avocat plaidant Me Philippe PLANES, avocat au barreau de LYON, toque : 303

INTIMES :

M. [M] [U]

né le 03 Septembre 1952 à [Localité 8] (TURQUIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

Et ayant pour avocat plaidant la SELARL HORKOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1058

Mme [B] [T] épouse [U]

née le 10 Octobre 1966 à [Localité 7] (TURQUIE)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

Et ayant pour avocat plaidant la SELARL HORKOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1058

INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. [L] [Z] prise en la personne de Maître [L] [Z], es qualité de mandataire liquidateur de la société DJANWOUA, nommée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 6 décembre 2022

[Adresse 2]

[Localité 5])

Non constituée

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 16 Mai 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Septembre 2023

Date de mise à disposition : 09 Novembre 2023

Audience présidée par Julien SEITZ, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne WYON, président

– Julien SEITZ, conseiller

– Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Selon contrat du premier janvier 2012, M. [M] [U] et Mme [B] [T] épouse [U] ont donné un local sis [Adresse 4] (Rhône) à bail commercial à M. [R] [W], pour l’exercice d’une activité de commerce alimentaire type supérette.

Par avenant du 24 octobre 2014, la société [R] s’est substituée à M. [R] en qualité de locataire.

Le syndic de copropriété et les riverains s’étant plaints de nuisances sonores et les services de police ayant constaté la vente non autorisée de boissons alcoolisées à crédit, la société [R] a fait l’objet de deux avertissements adressés par l’autorité préfectorale les 29 avril 2014 et 16 février 2015.

Des fermetures administratives ont été prononcées en juin 2015, avril 2017, mars 2018 et avril 2019.

Par arrêt du 02 novembre 2016, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Lyon a confirmé la condamnation de la gérante de la société [R] pour ouverture irrégulière d’un débit de boissons et vente illicite d’alcool, ainsi que la peine complémentaire de fermeture de l’établissement pour une durée de deux mois prononcée en première instance, en portant la peine principale d’amende à 1.500 euros, dont 1.000 avec sursis.

Des impayés locatifs sont également survenus, à raison desquels M. et Mme [U] ont fait délivrer commandements de payer les 06 juillet et 09 novembre 2018.

Un commandement d’avoir à respecter les clauses du bail a également été signifié le 09 novembre 2018.

Des constats d’huissier des 15 février et 29 mars 2019 ont également révélé l’exercice d’une activité non autorisée de restauration.

Telles sont les circonstances dans lesquelles M. et Mme [U] ont fait assigner la société [R] en résiliation de bail devant le tribunal de grande instance de Lyon, par acte d’huissier signifié le 13 mai 2019.

Par jugement du 09 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :

– dit que la société [R] a violé de manière grave et répétée ses obligations découlant du bail commercial du 1er janvier 2012 ;

– prononcé en conséquence la résiliation du bail conclu le 1er janvier 2012 ;

– ordonné l’expulsion de la société Djanwoua ([R]) du local commercial sis au [Adresse 4] avec au besoin le concours d’un serrurier et de la force publique ;

– fixé le montant mensuel de l’indemnité d’occupation due à compter de la décision intervenue jusqu’à complète libération des lieux à la somme de 870 euros ;

– dit que la société [R], par la violation répétée de ses obligations, a causé aux époux [U] un préjudice moral ;

– condamné en conséquence la société [R] au paiement de la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

– rejeté le surplus des demandes des parties ;

– condamné la même à payer aux époux [U] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société [R] a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 28 octobre 2021.

Par jugement du 06 décembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société [R], en commettant la société [L] [Z] en qualité de liquidatrice.

M. et Mme [U] ont déclaré leur créance le 06 février 2023.

Par assignation du 31 mars 2023, M. et Mme [U] ont repris l’instance d’appel contre la société [L] [Z] et lui ont signifié leurs conclusions récapitulatives déposées le 20 mars 2023, aux termes desquelles ils demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1184, 1382 anciens du code civil, R.145-5 du code de commerce, 32-1, 70, 562 et 564 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail conclu le 1er janvier 2012, la société [R] ayant violé de manière grave et répétée ses obligations découlant du bail commercial,

– confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 en ce qu’il a ordonné l’expulsion de la société [R] du local commercial sis au [Adresse 4], propriété de M. [U] et Mme [T] épouse [U], avec au besoin le concours d’un serrurier et de la force publique.

– confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 en ce qu’il a fixé le montant mensuel de l’indemnité d’occupation due à compter de la décision à intervenir jusqu’à complète libération des lieux à la somme de 870 euros,

– confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 en ce qu’il a dit que la société [R], par la violation répétée de ses obligations, a causé à M. [U] et Mme [T] épouse [U] un préjudice moral,

– confirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 en ce qu’il a condamné en conséquence la société [R] au paiement de la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

et statuant à nouveau :

– infirmer le jugement en ce qu’il a décidé n’y avoir lieu à condamner la Société [R] à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi par M. [U] et Mme [T] épouse [U],

– fixer la créance de M. [U] et de Mme [T] au passif de la société [R] représentée par la société [L] [Z], es qualité, à hauteur de 43.470,35 euros, correspondant à l’arriéré de loyers et charges, au préjudice moral et matériel subi, à l’indemnisation due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de l’abus du droit d’ester en justice, et aux dépens,

– déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles formées par la société [R],

– débouter la société [R] représentée par la société [L] [Z], es qualités, de l’ensemble de ses demandes.

Il est renvoyé à ces conclusions pour plus ample exposé des moyens venant à l’appui des prétentions de M. et Mme [U].

La société [L] [Z] n’a pas constitué ministère d’avocat. Elle a fait connaître par courrier réceptionné le 21 avril 2023 que la liquidation était totalement impécunieuse et que le local avait été restitué le 22 février 2023.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 16 mai 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 28 septembre 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 09 novembre 2023.

MOTIFS

Sur les chefs de jugement déférés mais non valablement critiqués :

Vu les articles 524 et 954 du code de procédure civile ;

En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la partie appelante doit demander, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation ou l’annulation du jugement dont appel. À défaut, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Par déclaration d’appel enregistrée le 28 octobre 2021, la société [R] a déféré à la cour les chefs de jugement par lesquels le tribunal judiciaire de Lyon a :

– dit que la société [R] a violé de manière grave et répétée ses obligations découlant du bail commercial du 1er janvier 2012 ;

– prononcé en conséquence la résiliation du bail conclu le 1er janvier 2012 ;

– ordonné l’expulsion de la société Djanwoua ([R]) du local commercial sis au [Adresse 4] avec au besoin le concours d’un serrurier de la force publique ;

– fixé le montant mensuel de l’indemnité d’occupation due à compter de la décision intervenue jusqu’à complète libération des lieux à la somme de 870 euros ;

– dit que la société [R], par la violation répétée de ses obligations, a causé aux époux [U] un préjudice moral ;

– condamné en conséquence la société [R] au paiement de la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

– condamné la même à payer aux époux [U] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société [L] [Z], seule habilitée, en sa qualité de liquidatrice judiciaire, à représenter la société [R] en la présente instance, n’a pas constitué ministère d’avocat et n’a pas conclu.

En l’absence de demande d’infirmation de ces chefs de jugement, la cour, auxquels il ont été déférés par la voie de la déclaration d’appel, ne peut que les confirmer.

Sur la créance de M. et Mme [U] à la liquidation judiciaire de la société [R] :

Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce ;

M. et Mme [U] reprochent au tribunal judiciaire d’avoir rejeté leur demande formée au titre de leur préjudice matériel.

Ils se prévalent en premier lieu d’un arriéré locatif de 30.444,43 euros.

Ils font également valoir que les violations graves et répétées des obligations de la société locataire les ont contraint à consacrer du temps et de l’énergie à la gestion de leur locataire. Ils ajoutent qu’ils vivent désormais dans la crainte permanente d’être poursuivis par la copropriété ou par les services de la ville. Ils évaluent le préjudice correspondant à 5.000 euros.

Ils soutiennent en quatrième lieu qu’ils ignorent l’état dans lequel le local leur sera restitué et affirment que l’activité illicite de restauration les a vraisemblablement endommagés. Ils estiment les frais de remise en état à la somme de 1.500 euros.

Ils estiment en cinquième lieu que les errements de la société [R] ont conduit à une dévalorisation de la valeur locative de leur immeuble et réclament la somme de 2.500 euros à ce titre.

Ils affirment en sixième lieu que l’appel est abusif et dilatoire, en rappelant les violations massives du bail et des obligations légales commises par la société [R]. Ils demandent que la réparation correspondante soit évaluée à 2.500 euros.

Ils réclament enfin l’indemnisation de leurs frais irrépétibles à concurrence de 3.000 euros et la fixation des dépens de l’instance d’appel au passif de la société [R].

Ils allèguent en conséquence d’une créance totale de 43.470,35 euros qu’ils demandent à la cour de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l’appelante.

Sur ce :

En vertu de l’article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 du même code et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Conformément à l’article L 622-22 du code de commerce, les instances sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

La liquidatrice judiciaire a fait connaître que M. et Mme [U] ont déclaré leur créance à hauteur de la somme de 43.470,35 euros à titre chirographaire.

Il résulte du décompte versé aux débats que la dette locative de loyers s’élève à la somme de 10.707,60 euros. Il convient de fixer cette dette au passif de la société [R].

M. et Mme [U] ne versent aucun décompte locatif au titre des charges prétendument impayées. Ils se contentent de produire les appels de charges de copropriété qui leur ont été adressés pour la période 2014 à 2021, sans indiquer quelles sont les charges répercutables sur la société locataire. Ils se dispensent surtout de communiquer les régularisations annuelles de charges censées être envoyées au locataire en vertu du contrat de bail, sans lesquelles le paiement des charges ne peut être exigé. Ils produisent également des avis de mise en recouvrement de taxes foncières alors que le contrat de bail ne répercute pas cette taxe sur la locataire. Il n’y a pas lieu, en pareilles circonstances, de fixer quelque somme que ce soit au passif de la société [R] au titre des charges locatives.

Les préjudices allégués du chef des tracas causés par les violations graves et répétées des obligations de la société locataire et de la crainte d’être poursuivis par la copropriété ou par les services de la ville ont été réparés par la condamnation prononcée au titre du préjudice moral dont M. et Mme [U] n’ont pas demandé l’infirmation. Aucune autre somme que celle de 1.000 euros arbitrée par le premier juge ne peut donc être fixée au passif de la société [R].

Le simple fait que le précédent locataire ait causé des nuisances n’implique pas nécessairement une perte de valeur locative du local et M.et Mme [U] n’établissent pas la réalité du préjudice allégué de ce chef. Il n’y a pas lieu en conséquence de fixer de réparation à ce titre au passif de la liquidation judiciaire.

Le local commercial a été restitué avant la clôture, ce dont il suit que les intimés ont pu prendre connaissance de son état et qu’ils ont été en mesure d’établir la réalité de toute dégradation constatée. Or, ils ne rapportent la preuve d’aucune dégradation susceptible de donner lieu à indemnisation. Il n’y a donc pas lieu de fixer de réparation à ce titre au passif de la liquidation judiciaire.

Le simple fait que la société [R] ait commis de graves manquements à ses obligations de locataire ne suffit à rendre l’exercice du droit d’appel abusif. Aucune somme ne sera donc fixée au passif de la liquidation judiciaire à ce titre.

Il convient en revanche de fixer la créance de frais irrépétibles à la somme de 3.000 euros, en ce inclus les frais des différents commandements de payer ou de se conformer aux clauses du bail, non constitutifs de dépens.

Il convient également de fixer la créance de dépens au montant de 551,08 euros, en ce inclus le commandement d’avoir à quitter les locaux.

Les époux [U] ne précisent ni n’établissent pas la somme constituant l’assiette de la créance d’intérêts mise en compte et aucune somme ne sera fixée au passif à ce titre.

Au regard de ce qui précède, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande formée au titre du préjudice matériel. Statuant à nouveau et y ajoutant, il convient de fixer la créance globale des époux [U] sur la société [R], en loyers, indemnisation des préjudices moral et matériel, frais irrépétibles et dépens à la somme de 15.258,68 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 09 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lyon sous le numéro RG 19/3969 entre M. [M] [U], Mme [B] [T] épouse [U] d’une part et la société [R] d’autre part, sauf en ce qu’il a débouté M. et Mme [U] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel ;

Statuant à nouveau du chef de jugement infirmé et y ajoutant :

Fixe la créance de M. [M] [U] et Mme [B] [T] épouse [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société [R] en loyers, indemnisation des préjudices moral et matériel, frais irrépétibles et dépens de première instance et d’appel à la somme de 15.258,68 euros.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x