Nuisances sonores : décision du 3 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/02265

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Nuisances sonores : décision du 3 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/02265
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Alexandra BOISSET
à : Madame [U] [E]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Catherine HENNEQUIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/02265 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLCP

N° MINUTE : 1/2024

JUGEMENT
rendu le 03 janvier 2024

DEMANDERESSE
Etablissement public [Localité 3] HABITAT OPH
[Adresse 1]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURS
Monsieur [W] [E]
[Adresse 2]

comparant assisté de Me Alexandra BOISSET, avocat au barreau de PARIS

Madame [B] [T] épouse [E]
[Adresse 2]

comparante assistée de Me Alexandra BOISSET, avocat au barreau de PARIS

Madame [U] [E]
[Adresse 2]

non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, juge des contentieux de la protection assistée de Nicolas RANA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 octobre 2023

JUGEMENT
réputé contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 03 janvier 2024 par Clara SPITZ, juge des contentieux de la protection assistée de Nicolas RANA, Greffier

Décision du 03 janvier 2024
PCP JCP ACR fond – N° RG 23/02265 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZLCP

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 24 mai 1983, l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH, anciennement OPHLM de la Ville de [Localité 3], a consenti un bail d’habitation à Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] sur des locaux situés au [Adresse 2].

Ils y demeurent avec leur fille, Madame [U] [E].

Par actes de commissaire de justice en date des 14 février 2023 et 03 août 2023, l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH a fait assigner Monsieur [W] [E], Madame [B] [E] et Madame [U] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
constater l’acquisition de la clause résolutoire ou subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du bail, ordonner l’expulsion de Monsieur [W] [E], Madame [B] [E] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, notamment de Madame [U] [E] sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision, supprimer le délai de deux mois prévu par l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution, enjoindre Madame [U] [E] à cesser de tenir des propos insultants ou injurieux à l’encontre des voisins sous astreinte de 500 euros par infraction constatée condamner Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] in solidum au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges majoré de 30%, à compter du jugement à intervenir et jusqu’à libération des lieux,condamner Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] in solidum au paiement de la somme de1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais de constat, ordonner l’exécution provisoire de la décision.
Au soutien de ses demandes, l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH invoque, au visa de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail et subsidiairement, sur le fondement de l’article 1728 du code civil, le comportement de Madame [U] [E] qui contrevient à l’obligation des locataires de jouir paisiblement des biens loués. La demanderesse produit ainsi des plaintes, main-courantes et courriers de différents locataires dénonçant les insultes, les violences, les menaces et les dégradations dont ils disent avoir été les victimes depuis 2019, un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 30 avril 2021 la condamnant à une peine de 6 mois de sursis probatoire pendant deux ans pour des faits de violence à l’encontre d’une voisine et de violence et outrage à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique, une sommation de respecter les conditions générales du bail en date du 20 octobre 2020 adressée à Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E], des courriers de Madame [U] [E] adressés au bailleur et le compte-rendu d’une intervention des services de police du mois d’août 2022.

À l’audience du 20 octobre 2023, l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH, représenté par son conseil, a demandé la jonction des deux procédures enregistrées sous des numéros de RG différents et sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance.

Assignés à personne, Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] se sont fait représenter par leur conseil qui a demandé que le coût de la première assignation, fruit d’une erreur du demandeur ne soit pas inclus dans les dépens qui pourraient, le cas échéant, être mis à la charge des défendeurs. Il a soutenu oralement les conclusions déposées, aux termes desquelles il est demandé :
à titre principal, de débouter l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes,à titre subsidiaire, de débouter l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande de résiliation judiciaire du bail et des demandes subséquentes, à titre infiniment subsidiaire :de fixer le montant de l’indemnité d’occupation, au montant du loyer et des charges, de débouter l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande de suppression du délai de deux mois pour quitter les lieux, d’accorder un délai de 36 mois à Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] sur le fondement de l’article L412-3 du code des procédures civiles d’exécution, de condamner l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,de condamner l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH aux entiers dépens.
Au soutien de leur demande de débouter l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH de leur demande d’acquisition de la clause résolutoire, ils indiquent que ladite clause est réputée non-écrite en ce qu’elle n’est pas rédigée dans les termes prévus à l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 dont ils entendent se prévaloir, que par ailleurs, la sommation de respecter les conditions générales du bail en date du 20 octobre 2020 laisse un délai de 15 jours aux locataires pour s’exécuter sans préciser la conséquence en cas de non-respect, à savoir, la résiliation dont le bailleur entend se prévaloir plus de deux années après la sommation. Ils s’opposent à la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail invoquant les troubles psychiatriques dont est atteinte Madame [U] [E] et relevant que les locataires en titre qui sont des personnes âgées, souffrant de pathologies physiques tentent d’accompagner leur fille dans sa demande d’obtention d’un logement social à son nom en dépit de la peur qu’elle leur inspire.

Bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de justice délivré à domicile, Madame [U] [E] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 03 janvier 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe.

Motifs de la décision

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

***

Sur la jonction des procédures

L’article 367 du code de procédure civile dispose que le juge peut à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les faire instruire ou juger ensemble.

En l’espèce, l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH a assigné Monsieur [W] [E], Madame [B] [E] et Madame [U] [E] une première fois le 14 février 2023, date à laquelle l’affaire a été renvoyée, puis une seconde fois le 03 août 2023.

Il s’agit de la même affaire ainsi enregistrée sous deux numéros de Répertoire Général (RG) et il est donc dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de juger ensemble les instances enregistrées sous les numéros de RG 23/2265 et RG 23/7686 En conséquence, la jonction sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 367 du code de procédure civile.

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

Il résulte de l’article 4g) de la loi du 06 juillet 1989 qu’est réputée non écrite toute clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d‘inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d’une assurance des risques locatifs, ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués résultant de troubles de voisinage, constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée.

En l’espèce, le contrat de bail conclu le 24 mai 1984 entre l’Office Public Habitation à Loyer Modéré de la Ville de [Localité 3] et Monsieur et Madame [E] contient une clause rédigée dans les termes suivants : « la location pourra être résiliée de plein droit, si bon semble au bailleur, quinze jours après une mise en demeure par acte extra-judiciaire resté sans effet, : (…) en cas d’infraction aux conditions du présent engagement et, notamment, de cession, sous location ou occupation gratuite par des tiers, désordre, scandale ou abus de jouissance ».

La rédaction de cette clause, antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 1989 à laquelle le bail est soumis, ce qui n’est pas contesté par les parties, n’est pas conforme à l’article 4g) susvisé qui vise une hypothèse particulièrement précise de troubles de voisinages ayant été constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée et qui dès lors s’avère beaucoup plus protectrice du locataire que la clause contenue dans le contrat de bail, évoquant « désordre, scandale ou abus de jouissance ».

Cette clause sera donc réputée non-écrite et le bailleur ne pourra s’en prévaloir pour demander que soit constatée l’acquisition de la clause résolutoire.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de bail

Il résulte de la combinaison de l’article 1728 du code civil et de l’article 7b) de la loi du 7 juillet 1989 que le locataire est tenu d’user paisiblement et raisonnablement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. Il en résulte notamment que la jouissance paisible impose d’occuper les lieux loués sans créer aux autres occupants de l’immeuble des troubles excédants les inconvénients normaux du voisinage

Les articles 1224 et 1227 du code civil permettent au bailleur de demander la résiliation du bail pour inexécution de ses obligations par le preneur.

Selon l’article 1741 du Code civil, le contrat de bail se résout notamment par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements. Le juge apprécie, au jour où il statue, si l’infraction est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation.

En outre, il a déjà été jugé par la Cour de Cassation que le bail pouvait être résilié au motif que le locataire est responsable des agissements des occupants de son chef, quand bien même le fauteur de troubles serait un enfant majeur du preneur.

En l’espèce, l’établissement public [Localité 3]-HABITAT OPH verse au débat, à l’appui de sa demande de résiliation :
la plainte déposée par Madame [N] [J] [O], habitante de l’immeuble, le 22 octobre 2019 indiquant avoir été victime d’insultes de la part de Madame [U] [E], de menaces, de dégradations sur sa porte d’entrée, de violences, courant septembre et octobre 2019, précisant que celle-ci ne dispose pas de toutes ses facultés mentales,la main-courante déposée par une autre voisine, Madame [M] [V] le 29 novembre 2019, dénonçant des menaces de la part de Madame [U] [E] à son encontre au cours du mois d’octobre, l’ayant conduite à écrire à [Localité 3] HABITAT OPH et à demander son relogement, les trois main-courantes déposées par une autre voisine, Madame [C] [Z] [D], les 20 et 21 juillet 2020 et18 août 2020 relatant des faits de menaces et de harcèlement à son égard de la part de Madame [U] [E], connue dans l’immeuble pour souffrir de troubles psychologiques, ainsi qu’une attestation qu’elle a rédigée en ce sens le 26 octobre 2020, un courriel que Madame [C] [Z] [D] a envoyé à PARIS HABITAT OPH le 15 février 2021 aux termes duquel elle se plaint également de l’agressivité de Madame [B] [E] et de la persistance du comportement de sa fille,la plainte de Madame [C] [D], déposée le 25 février 2021 selon laquelle elle déclare avoir été victime d’injures, de menaces de mort et de violence à l’aide d’un taser ayant conduit à l’interpellation de Madame [U] [E] le 25 mars 2021, les plaintes pour insultes, menaces et violences déposées par les eux OPJ intervenues à son domicile le 25 mars 2021, le jugement prononcé par le tribunal correctionnel de Paris le 30 avril 2021 à l’encontre de Madame [U] [E] la condamnant, pour les violences avec arme à l’encontre de Madame [C] [Z] [D] et pour les violences et outrage à l’encontre des deux OPJ, à une peine de 6 mois d’emprisonnement intégralement assortis d’un sursis probatoire pendant 6 mois avec interdiction d’entrer en contact avec les victimes et une obligation de suivre des soins notamment, une nouvelle plainte déposée par Madame [C] [Z] [D] à l’encontre de Madame [U] [E] au mois d’août 2022 pour menaces et empoisonnement cette dernière ayant versé des produits chimiques toxiques devant sa porte.
Il est également produit un courrier que Madame [U] [E] a adressés à [Localité 3] HABITAT-OPH le 08 septembre 2020 aux termes duquel elle se plaint des nuisances sonores générées par Madame [C] [Z] [D] et ses enfants et menace de s’en prendre physiquement à ces derniers et deux lettres qu’elle a envoyées également les 07 et 23 juin 2021 [Localité 3] HABITAT-OPH par lesquelles elle continue de se plaindre de ces nuisances, menace d’un « grand malheur » si elle se voit encore dérangée et insulte le personnel de l’établissement.

Le bailleur justifie par ailleurs avoir tenté de remédier à cette situation par la production d’une sommation de respecter les conditions générales du bail et le règlement intérieur de l’immeuble et de cesser de troubler la tranquillité du voisinage, qu’il a fait délivrer aux locataires en titre par commissaire de justice le 20 octobre 2020. En dépit de cette sommation, le comportement de Madame [U] [E] a perduré et abouti à sa condamnation pénale au mois d’avril 2021 qui n’a pas permis de mettre un terme à ses agissements comme en témoignent les pièces postérieures.

Il résulte de ce qui précède que les comportements décrits excèdent, par leur violence et leur répétition dans le temps les inconvénients normaux du voisinage ; qu’en outre, ils ont été sanctionnés pénalement et que, en dépit du jugement prononcé à l’encontre de Madame [U] [E], celle-ci a persisté à adopter une attitude menaçante à l’encontre de son voisinage et des employés de l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH.

Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] ont reconnu les troubles que causent leur fille au sein de leur immeuble. S’ils sont particulièrement démunis face à cette situation, ils ne sont pas moins responsables, en tant que locataires en titre, des agissements des occupants de leur chef, quand bien même il s’agit de leur fille majeure.  
Le bail liant les parties sera, en conséquence, résilié et il sera fait droit à la demande de l’établissement [Localité 3] HABITAT OPH tendant à voir prononcer l’expulsion Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E], ainsi que celle de tous occupants de leur chef.

Néanmoins, le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre les locataires à quitter les lieux, il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte, le demandeur obtenant par ailleurs une indemnité d’occupation.

Sur la demande tendant à la suppression du délai de deux mois prévus à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution

Il résulte de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution que si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d’expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l’occupation de résidents temporaires, régi par l’article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l’espèce, l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH sollicite la suppression du délai de deux mois eu égard à la gravité de la situation et à la dangerosité du comportement de Madame [U] [E].

Toutefois, l’urgence, le danger ou la gravité de la situation ne font pas partie des conditions énumérées, de manière limitative, aux termes de l’article susmentionné permettant la suppression de ce délai.

Il ne saurait par ailleurs être retenu à l’encontre des locataires en titre leur mauvaise foi, ces derniers, s’étant présentés à l’audience comme particulièrement démunis face à une situation compliquée et douloureuse émotionnellement. Ils justifient ainsi des démarches de relogement qu’ils ont initiées pour leur fille et de sa demande de logement social renouvelée le 26 mai 2023. Ils déclarent, aux termes de leurs écritures, souhaiter son départ et se disent également victime de ses agissements.

Enfin, il n’est pas contesté qu’ils ne sont pas entrés dans les locaux par manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

Par conséquent, la demande de suppression du délai prévu à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution formée par l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH sera rejetée.

Sur la demande de délais pour quitter le logement

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l’habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d’exécution dans la version actuellement en vigueur, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d’habitation dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

En l’espèce, les locataires en titre sont âgés de 78 et 79 ans et vivent au sein de ce logement depuis presque 40 ans. Ils vivent avec leur fille majeure, suivie sur le plan psychiatrique, qui perçoit l’allocation adulte handicapé et bénéfice d’une reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé. Ils sont tous deux à la retraite. Ils ne sont pas imposables et leur revenu fiscal de référence, pour l’année 2021, s’élève à 16 307 euros.
Eu égard à ces éléments, leur relogement dans de brefs délais n’est pas garanti et leur expulsion sans solution d’hébergement leur serait très préjudiciable en ce qu’ils seraient placés dans une situation de grande précarité.
De plus, ils font par ailleurs preuve de bonne volonté pour remédier à la situation comme en témoigne les pièces produites relatives au démarches de relogement de leur fille.
Enfin, la situation liée au comportement problématique de leur fille perdure depuis plusieurs années. Dès lors, l’urgence à les évincer du logement n’est pas rapportée par le demandeur qui a intenté cette procédure plus de deux ans après la condamnation pénale de Madame [U] [E].

Par conséquent, des délais pour quitter les lieux leur seront accordés pour une durée de 12 mois, correspondant à la limite maximale prévue par les textes susvisés.

Sur l’indemnité d’occupation
Le maintien dans des lieux sans droit ni titre constitue une faute civile de nature quasi-délictuelle ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l’occupation indue de son bien l’a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l’indemnité d’occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce afin de préserver les intérêts du demandeur, il convient, compte-tenu du bail antérieur de fixer l’indemnité d’occupation due à compter de la présente décision et jusqu’à la libération effective des lieux au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi et de ne pas faire droit à la demande de majoration qui n’apparaît pas justifiée au regard des éléments déjà mentionnés ayant trait à la bonne foi des locataires, à leur situation sociale et financière et à l’ancienneté d’une situation qui a perduré plusieurs années après la condamnation pénale de Madame [U] [E].

Sur la demande de condamnation de Madame [U] [E] à cesser de tenir des propos injurieux insultants, agressifs, menaçants ou déplacés et tout acte de violence verbale ou physique à l’encontre de ses voisins sous astreinte de 500 euros par infraction constatée

En l’espèce, la demande formée par l’établissement [Localité 3] HABITAT-OPH à ce titre est dénuée de tout fondement légal et il sera rappelé que le juge des contentieux de la protection n’est pas compétent s’agissant de la constatation d’éventuelles infractions pénales ainsi que de leur sanction.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, étant précisé que seront exclus le coût de la première assignation en date du 14 février 2023, résultant d’une erreur du demandeur, ainsi que les « frais de constat » sollicités par le demandeur ne versant pas de constat à la procédure.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 500 euros à la demande de l’établissement public [Localité 3] HABITAT –OPH concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

ORDONNE la jonction entre les procédures respectivement enregistrées sous les numéros de RG 23/2265 et RG 23/7686 et DIT que l’instance se poursuivra sous le numéro RG 23/2265,

DEBOUTE l’établissement [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande tendant au constat de l’acquisition de la clause résolutoire,

PRONONCE la résiliation du bail en date du 24 mai 1983 conclu entre l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH et Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] portant sur des locaux sis [Adresse 2],

AUTORISE Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] à quitter les lieux au plus tard dans un délai de DOUZE MOIS à compter de la signification de la présente décision,

DIT qu’à défaut de départ volontaire de Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] dans le délai susmentionné, l’EPIC [Localité 3] HABITAT-OPH pourra procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, notamment celle de Madame [U] [E] avec l’assistance de la force publique si besoin est, conformément aux dispositions des articles L.412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R.412-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution,

DEBOUTE l’établissement [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande d’astreinte,

DEBOUTE l’établissement [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande de suppression du délai prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

CONDAMNE Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, à compter de la signification de la présente décision et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,

CONDAMNE Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] à payer à l’établissement public [Localité 3] HABITAT-OPH la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [W] [E] et Madame [B] [E] aux dépens, comprenant notamment le coût de l’assignation délivrée le 03 août 2023 et à l’exclusion de celle délivrée le 14 février 2023 et des frais de constat,

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision,

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 3 janvier 2024, et signé par la juge et le greffier susnommées.

Le greffier La Juge

 


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