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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie Certifiée Conforme délivrée le :
à Me Florence REMY
Copie Exécutoire délivrée le :
à Me Jean-Elie DRAI
■
8ème chambre
2ème section
N° RG 21/11161
N° Portalis 352J-W-B7F-CVBBF
N° MINUTE :
Assignation du :
24 août 2021
JUGEMENT
rendu le 25 janvier 2024
DEMANDERESSE
Madame [V] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence REMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0015
DÉFENDEUR
Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] représenté par son syndic la société GERARD SAFAR
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Jean-Elie DRAI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0946
Décision du 25 Janvier 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/11161 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVBBF
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président,
Anita ANTON, Vice-présidente,
Olivier PERRIN, Vice-Président,
assistés de Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 23 novembre 2023 tenue en audience publique devant Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [V] [C] est propriétaire dans l’immeuble sis [Adresse 1] soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis du lot n°45 correspondant au rez-de-chaussée du bâtiment A, porte gauche, à un appartement comprenant : une pièce principale, une cuisine, un dégagement, une salle d’eau et des WC.
Suivant décision du 19 novembre 2019, l’assemblée générale des copropriétaires a voté la création d’une porte SAS suivant le devis de l’entreprise Menuiseries Plaziat.
A l’occasion de cette résolution, l’assemblée générale a émis le souhait de l’installation d’un vidéophone au sein de la copropriété, sans pour autant qu’aucun vote ait lieu à ce sujet.
Le 23 avril 2021, le syndic a convoqué l’assemblée générale des copropriétaires fixée le 26 mai 2021 ; a notamment été mise à l’ordre du jour la résolution n°18 : « Pose d’un visiophone », suivant devis Alcof Sécurité Joint.
Madame [C] a écrit, le 22 mai 2021, afin de s’assurer que le vidéophone serait bien installé à l’entrée de l’immeuble et non au niveau de la porte SAS située dans le hall, pour des raisons de sécurité et de gêne acoustique, étant précisé que l’appartement de Madame [C] est contigu au hall d’entrée de l’immeuble.
Madame [C] a voté contre la résolution n°18.
Le syndic n’a apporté aucune réponse à la demande de Madame [C], sauf la notification du procès-verbal d’assemblée générale, duquel il résulte que la résolution prévoyant la pose du vidéophone avait été votée.
Le 13 juillet 2021, le Conseil de Madame [C] a écrit au syndic lui demandant de préciser, sous quinzaine, l’emplacement exact prévu pour ces équipements de sécurité et d’accès à l’immeuble.
Le 26 juillet 2021, le syndic a répondu dans les termes suivants :
« (…) Nous vous informons que les installations votées sont, une installation d’un système Vigik et digicode sur la porte rue et l’installation d’un vidéophone sur la porte SAS de l’immeuble.
Pour rappel, ce système avait déjà fait l’objet d’un vote lors de l’assemblée générale du 19 novembre 2019, à laquelle Madame [C] n’avait voté contre.
Nous proposerons à Madame [C], afin de régler ce problème à l’amiable, un rendez-vous en septembre, avec l’électricien en charge des travaux, le conseil syndical et nous-même afin de voir ensemble ce qui est possible de faire ».
Par exploit d’huissier délivré le 24 août 2021, Madame [V] [C] a assigné le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir notamment annuler les résolutions n° 18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires du 26 mai 2021 et condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3] à lui payer une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
Postérieurement à l’assignation, suivant lettre recommandée datée du 2 juin 2022, Madame [C] a été convoquée à l’assemblée générale ordinaire 2022, à l’ordre du jour de laquelle était inscrite deux résolutions en lien avec le litige :
– la résolution n° 18 portant annulation de la résolution n° 18 adoptée lors de la précédente assemblée générale et contestée par Madame [C] devant le tribunal judiciaire de PARIS (RG 21/11161),
– la résolution n° 19 : Décision à prendre concernant l’installation d’un nouveau système d’interphone et digicode, comprenant notamment l’installation d’une platine interphone audio dans le hall avec digicode et pose de 31 postes dans les logements, le tout en lieu et place du vidéophone voté un an plus tôt et dont l’installation était contestée par Madame [C].
Aux termes de l’assemblée générale du 30 juin 2022, ces deux résolutions ont été adoptées, respectivement à l’unanimité et à la majorité simple des voix exprimées (article 24 de la loi du 10 juillet 1965).
Le procès-verbal de l’assemblée générale du 30 juin 2022 a été notifié à Madame [C] le 6 juillet 2022.
Madame [C] a fait délivrer une nouvelle assignation tendant à l’annulation de la résolution n° 19 adoptée lors de l’assemblée générale du 30 juin 2022. Cette autre instance a été enregistrée au répertoire général sous le numéro 22/10562.
Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, Madame [V] [C] demande au tribunal de :
« Vu l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIRE ET JUGER Madame [V] [C] recevable en son action ;
Et vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et le décret n°67-223 du 17 mars 1967,
Vu la jurisprudence visée et les pièces versées aux débats,
CONSTATER que la demande en annulation des résolutions °18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5] du 26 mai 2021, est devenue sans objet par suite de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 30 juin 2022 de les annuler ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], à payer à Madame [V] [C] une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], aux entiers dépens de l’instance ;
DIRE y avoir lieu à faire application de l’article 10-1 alinéa 2 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965au profit de Madame [V] [C] ».
Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 30 décembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], représentée par son syndic en exercice, la société Gérard Safar SAS, demande au tribunal de :
« Vu l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et le décret n° 67-223 du 17 mars 1967,
Vu la jurisprudence visée et les pièces versées aux débats,
CONSTATER que la demande en annulation des résolutions n°18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5] du 26 mai 2021, est devenue sans objet par suite de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 30 juin 2022 de les annuler ;
DIRE ET JUGER Madame [V] [C] était recevable mais mal fondée en sa demande d’annulation des résolutions n° 18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5] du 26 mai 2021 ;
DEBOUTER Madame [C] de sa demande de condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], à payer à Madame [V] [C] une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [V] [C] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [V] [C] aux entiers dépens de l’instance ;
DIRE de pas avoir lieu à faire application de l’article 10-1 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 au profit de Madame [V] [C] »
Pour l’exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé aux dernières écritures des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 23 novembre 2023.
À l’issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 25 janvier 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la demande initiale de nullité des résolutions n°18, 19 et 20 de l’assemblée générale du 26 mai 2021 pour abus de majorité et rupture d’égalité des copropriétaires
Madame [V] [C] soutenait dans son assignation que la résolution n°18 devait être annulée pour abus de majorité dès lors que :
– si les occupants des étages restaient protégés par le dispositif de vidéophonie installé sur la porte SAS, située dans le hall de l’immeuble, tel ne sera pas son cas dès lors que son appartement ouvre directement sur le hall.
– le dispositif voté par l’assemblée générale des copropriétaires crée une rupture d’égalité entre les copropriétaires s’agissant de l’exposition aux risques d’intrusion, puisque de nombreuses personnes étrangères à l’immeuble ont librement accès au hall de l’immeuble et donc, à l’appartement de Madame [C].
– cette résolution crée également une rupture d’égalité entre Madame [C] et les autres copropriétaires s’agissant de l’usage des équipements communs puisqu’elle est la seule copropriétaire à ne pouvoir bénéficier d’un système de vidéophonie lui permettant d’identifier ses visiteurs et de leur ouvrir l’accès à l’immeuble depuis son appartement, alors même qu’une quote-part de son coût d’installation est mise à sa charge.
– l’installation d’un système de vidéophonie à l’intérieur du hall et non à l’extérieur de l’immeuble crée des nuisances sonores pour Madame [C], dont l’appartement est contigu au hall, une atteinte à sa vie privée dès lors que le champ du vidéophone couvrira la porte d’entrée de son appartement, de telle sorte que ses allées et venues, et celles de ses visiteurs, seront continuellement filmées et un préjudice économique puisque les nuisances sonores subies à l’intérieur de son appartement en dévalueront la valeur.
– l’adoption de cette résolution est d’autant plus abusive qu’il est possible, techniquement et sans surcoût, d’inverser le dispositif et par conséquent, d’installer le vidéophone à l’entrée de l’immeuble, et la platine vigik avec digicode au niveau de la porte SAS située dans le hall.
Elle soutenait en outre que l’installation du système de vidéophonie dans le hall de l’immeuble et non en façade ayant pour conséquence des nuisances sonores et une atteinte à la vie privée pour Madame [C], une atteinte aux conditions de jouissance de ses parties privatives serait caractérisée, de sorte que l’assemblée générale ne pouvait valablement délibérer à la majorité de l’article 24, et que, dès lors, la résolution n°18 et, par voie de conséquence, les résolutions n°19 et 20 de l’assemblée générale du 26 mai 2021 devaient être annulées.
Aux termes de ses dernières écritures, Madame [V] [C] demande au tribunal de constater que la demande en annulation des résolutions °18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5] du 26 mai 2021, est devenue sans objet par suite de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 30 juin 2022 de les annuler.
Le syndicat des copropriétaires soutient que :
– contrairement à ce que prétend Madame [C], il n’y a eu aucun abus de majorité, ni de rupture d’égalité entre les copropriétaires.
– pour des raisons de sécurité de tous les copropriétaires, l’assemblée générale des copropriétaires du 26 mai 2021 a voté l’installation d’un vidéophone dans le hall de l’immeuble, avec maintien d’une platine VIGIK équipée d’un digicode à l’entrée de l’immeuble.
– l’installation de ce dispositif avait d’ailleurs déjà été votée lors de l’assemblée générale du 19 novembre 2019,
– en l’état actuel, l’accès à l’immeuble est commandé par un digicode équipé d’une platine Vlglk installée en façade, côté rue,
– il s’agit du seul et unique équipement permettant de réguler l’accès à l’immeuble, aucun équipement n’étant installé sur la porte SAS située à l’autre extrémité du hall de l’immeuble,
– le dispositif voté par l’assemblée générale des copropriétaires ne crée aucun rupture d’égalité des copropriétaires s’agissant de l’exposition aux risques d’intrusion,
– le vote adopté par les copropriétaires de ce système de vidéophone témoigne de leur volonté d’identifier visuellement les personnes dans le SAS avant de leur ouvrir, ce vidéophone ne pouvant donc qu’augmenter la sécurité de tous les copropriétaires, et donc également celle de Madame [C],
– Madame [C] va profiter également de la sécurisation de l’immeuble tout entier par la mise en place de cette vidéo surveillance,
– Madame [C] ne prouve pas qu’elle subira la tonalité du vidéophone et les conversations entre les occupants de l’immeuble et leurs visiteurs, pas plus qu’elle ne prouve une atteinte à sa vie privée dès lors que le champ du vidéophone ne couvrira pas la porte d’entrée de son appartement ; en effet, le devis proposé par le syndic propose l’installation du vidéophone de telle sorte que ses allées et venues, et celles de ses visiteurs, ne seront pas filmées,
– Madame [C] n’apporte aucune preuve d’un préjudice économique lié à la dévaluation de son bien immobilier, tel qu’un rapport d’expert en la matière, qui pourrait prouver son préjudice,
Décision du 25 Janvier 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/11161 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVBBF
– il n’est pas possible, techniquement et sans surcoût, d’inverser le dispositif et par conséquent, d’installer le vidéophone à l’entrée de l’immeuble, et la platine vigik avec digicode au niveau de la porte SAS située dans le hall,
– le syndicat des copropriétaires n’a donc commis aucun abus de majorité.
Le syndicat des copropriétaires ajoute que le fait que l’assemblée générale du 30 juin 2022 ait décidé d’annuler la résolution n°18 de l’assemblée générale du 26 mai 2021 prive seulement d’objet les prétentions de Madame [C], sans acquiescer à ses prétentions, qui néanmoins s’obstine et maintient sa procédure et sa demande exorbitante d’article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 4000 euros.
Le syndicat des copropriétaires fait enfin valoir qu’il n’est pas démontré que l’installation du système de vidéophonie dans le hall de l’immeuble et non en façade aurait pour conséquence de créer des nuisances sonores significatives et une atteinte à la vie privée pour Madame [C], qu’aucune atteinte aux conditions de jouissance des parties privatives de Madame [C] n’est donc prouvée, que l’assemblée générale pouvait donc valablement délibérer à la majorité de l’article 24, de telle sorte que la résolution n° 18 et, par voie de conséquence, les résolutions 19 et 20 de l’assemblée générale du 26 mai 2021 sont valides.
Aux termes de ses dernières écritures, Madame [V] [C] demande au tribunal de constater que la demande en annulation des résolutions °18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5] du 26 mai 2021, est devenue sans objet par suite de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 30 juin 2022. Toutefois, le tribunal observe qu’il ne s’agit là ni d’une prétention, ni d’un moyen, destinés à produire un effet juridique.
En effet, à titre liminaire, le tribunal rappelle que :
– en application de l’alinéa 2 de l’article 768 du code de procédure civile, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ».
– les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
En outre en droit, la Cour de cassation considère que la réitération des décisions attaquées par l’assemblée, contre laquelle un recours est formé par une assemblée générale ultérieure, ne fait pas obstacle à la recevabilité de l’action en nullité exercée contre les assemblées antérieures (3ème Civ., 2 mars 2017, pourvois n° 16-11.735 et 16-11.736).
Si la survenance de la nouvelle assemblée générale annulation les résolutions querellées rend la demande d’annulation des résolutions de l’assemblée générale précédente sans objet, elle n’a pas pour effet de priver le demandeur d’un intérêt à agir qui en cette matière doit s’apprécier au jour de l’introduction de sa demande.
En effet, la disparition en cours de procédure de l’objet de sa demande ne doit pas conduire le Tribunal à le débouter purement et simplement comme en matière de fin de non-recevoir de l’ensemble de ses demandes, principales et accessoires, dès lors que pour statuer sur une éventuelle demande de dommages et intérêts ou de frais irrépétibles, il lui appartient de prendre en compte le bien-fondé de la demande devenue sans objet, apprécié au jour de l’introduction de l’instance.
Sur le fond, il appartient au copropriétaire qui demande la nullité d’une décision fondée sur l’abus de majorité de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable :
– dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires (3ème Civ., 8 févier 1989, pourvoi n°87-14322 ; 3ème Civ., 17 décembre 2014, pourvoi n°13-25.134),
– ou encore qu’elle rompt l’égalité entre les copropriétaires (3ème Civ., 11 décembre 2006, pourvoi n°05-10.924),
– ou encore qu’elle a été prise avec l’intention de nuire ou de porter préjudice à certains (3ème Civ., 29 novembre 2011, pourvoi n°10-28.146)
L’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « Les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés s’il n’en est autrement ordonné par la loi. » Ces dispositions concernent notamment les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement définies par les dispositions prises pour l’application de l’article 1er de la loi n°67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat.
L’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant…l’ensemble des travaux comportant transformation, addition ou amélioration ».
L’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dispose « L’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété ».
En l’espèce, il sera précisé qu’il résulte du procès-verbal du 19 novembre 2019 que l’assemblée générale des copropriétaires a voté à la résolution n°14 intitulée « Création d’une porte sas – majorité simple » la création d’une porte sas (Pièce n° 3 de Mme [C]) en ces termes :
« L’assemblée générale après avoir :
– pris connaissance des conclusions essentielles des devis, contrats et marchés notifiés ;
– pris connaissance de l’avis du conseil syndical,
– et délibéré
Décide d’effectuer les travaux suivants :
– création d’une porte sas
Examine et soumet au vote la proposition de l’entreprise Menuiseries Plaziat prévue pour un montant de 8.100 € TTC avec un démarrage des travaux prévu à la date du … ».
Cette résolution indique également : « L’assemblée générale demande la pose de vidéophones avec un câblage filaire et la pose de récepteurs filaires dans les appartements. Une note précisant les différents modèles ».
Toutefois et contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, s’agissant de la pose de vidéophones, l’assemblée générale des copropriétaires du 19 novembre 2019 n’a procédé à aucun vote et cette question, qui n’était pas indissociable de celle relative à la création d’une porte sas, n’était d’ailleurs pas inscrite à l’ordre du jour.
Il ne peut donc être opposé à Madame [C] qu’elle n’avait pas voté contre la résolution n°14 de l’assemblée générale du 19 novembre 2019.
Lors de l’assemblée générale du 26 mai 2021, les copropriétaires ont voté les trois résolutions suivantes :
– résolution n°18 « pose d’un vidéophone – majorité simple »
– résolution n°19 « pose d’un vidéophone – financement des travaux par utilisation du fonds de travaux »
– résolution n°20 « pose d’un vidéophone –honoraires du syndic » (Pièce n°7 de Mme [C]).
Les résolutions n°18 et 20 ont été adoptées à la majorité simple de l’article 24.
Seule la résolution n°19 qui porte sur le financement des travaux par utilisation du fond de travaux a été soumise au vote à la majorité de l’article 25, étant précisé qu’elle a été rejetée et que le procès-verbal d’assemblée générale précise : « Cette résolution est rejetée. La majorité des voix de l’ensemble des copropriétaires n’a pas été atteinte soit 2409 tantièmes. Cependant, la résolution n°18 ayant été adoptée à la majorité des voix des copropriétaires présents et représentés, ces travaux feront l’objet d’un appel de 100% au mois de juin 2021 en clé 231 ».
La résolution n°18 « pose d’un vidéophone » de l’assemblée générale du 26 mai 2021 (Pièce n°7 de Mme [C]) ne précise pas l’emplacement de l’interphone et du vidéophone dont l’installation est votée.
Madame [C] soutient que l’installation d’un système de vidéophonie à l’intérieur du hall et non à l’extérieur de l’immeuble créera des nuisances sonores, son appartement étant contigu au hall, une atteinte à sa vie privée dès lors que le champ du vidéophone couvrira la porte d’entrée de son appartement, de telle sorte que ses allées et venues, et celles de ses visiteurs, seront continuellement filmées, un préjudice économique puisque les nuisances sonores subies à l’intérieur de son appartement en dévalueront la valeur.
Toutefois, Madame [C] n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’elle subira des nuisances sonores. Elle n’établit pas plus que le champ du vidéophone couvrira la porte d’entrée de son appartement et par conséquent ses allées et venues, et celle de ses visiteurs, d’autant que la résolution n°18 ne précise par l’emplacement du vidéophone.
De la même manière, aucun élément ou pièce n’est versé aux débats pour accréditer l’existence d’un préjudice économique lié à la dévaluation de son appartement.
Madame [C] soutient que ces résolutions créent une rupture d’égalité entre elle et les autres copropriétaires, s’agissant de l’usage des équipements communs, puisque celle-ci sera la seule copropriétaire à ne pouvoir bénéficier d’un système de vidéophonie lui permettant d’identifier ses visiteurs dès lors que l’accès à son appartement se trouve dans le hall de l’immeuble, alors même qu’une quote-part de son coût d’installation est mise à sa charge.
Cependant, cette résolution ne crée aucune rupture d’égalité entre Madame [C] et les autres copropriétaires s’agissant de l’usage des équipements communs puisque le vidéophone ne représente pas une utilité ou un avantage différent d’un copropriétaire à l’autre dès lors que tous les copropriétaires en profiteront de façon équivalente par la sécurisation de l’immeuble tout entier résultant de la mise en place de cette vidéo surveillance.
L’abus de majorité n’est pas établi.
En conséquence, il résulte de l’ensemble des éléments de fait et de droit exposés que Madame [V] [C] était recevable mais mal fondée en sa demande de nullité des résolutions n°18, 19 et 20 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 5] du 26 mai 2021.
2. Sur les demandes accessoires
– Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Madame [V] [C], qui succombe, sera condamnée au paiement des entiers dépens de l’instance.
Compte tenu du sens de la présente décision, il y a lieu de débouter Madame [V] [C] de sa demande de dispense de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dans les conditions de l’avant-dernier alinéa de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
– Sur les frais non compris dans les dépens
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Tenue aux dépens, Madame [V] [C] sera en outre condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1.500 euros à ce titre.
– Sur l’exécution provisoire
Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, la nature des condamnations prononcées et l’ancienneté du litige justifient que l’exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE Madame [V] [C] aux dépens, ainsi qu’à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3], représentée par son syndic en exercice, la société Gérard Safar SAS, la somme de 1.500,00 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Madame [V] [C] de sa demande de dispense de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure, dans les conditions de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du jugement est de droit ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.
Fait et jugé à Paris le 25 janvier 2024
Le GreffierLe Président