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ARRÊT DU
22 Novembre 2023
AB/CTE
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N° RG 22/00636 –
N° Portalis DBVO-V-B7G-DAWO
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[U] [N], [J] [D] épouse [N]
C/
[E] [A], [M] [G]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 403-2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Monsieur [U] [N]
né le 25 décembre 1962 à [Localité 5]
de nationalité française
Madame [J] [D] épouse [N]
née le 24 juillet 1963 à [Localité 6]
de nationalité française
domiciliés ensemble : [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par Me Edouard MARTIAL, avocat au barreau d’AGEN, substitué à l’audience par Me CASELLAS
APPELANTS d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 03 Mai 2022, RG 20/01572
D’une part,
ET :
Monsieur [E] [A]
né le 07 décembre 1958 à [Localité 10]
de nationalité Française, médecin
Madame [M] [G]
née le 20 Mars 1985 à [Localité 11]
de nationalité Française, infirmière
domiciliés ensemble : [Adresse 8]
[Localité 3]
Représentés par Me Olivier O’KELLY, avocat au barreau D’AGEN
INTIMÉS
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 Septembre 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-même de :
Pascale FOUQUET, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l’appel interjeté le 2 août 2022 par les époux [U] [N] et [J] [D] à l’encontre d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 3 mai 2022.
Vu les conclusions des époux [U] [N] et [J] [D] en date du
26 juin 2023
Vu les conclusions des consorts [E] [A] et [M] [G] en date du 10 janvier 2023.
Vu l’ordonnance de clôture du 28 juin 2023 pour l’audience de plaidoiries fixée au 11 septembre 2023.
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Le 30 janvier 2019, Mme [M] [G] et M. [E] [A] ont pris à bail une maison d’habitation sise [Adresse 9] à [Localité 7] appartenant aux époux [U] [N] et [J] [D].
Par acte sous-seing privé reçu le 24 avril 2019 par Me [R], notaire à [Localité 4], les époux [N] et les consorts [G]-[A] ont conclu une promesse synallagmatique de vente portant sur ce bien immobilier moyennant le prix de 460.000,00 euros.
Aux termes de ce contrat :
– les consorts [G]-[A] déclaraient acquérir sans recours à un prêt tandis que la vente était conclue sous réserve du versement par les acquéreurs des sommes correspondant au prix de vente et des frais d’acte, au plus tard au jour de la réitération par acte authentique ;
– la somme de 46.000,00 euros serait due pour le cas où l’une des parties ne viendrait pas participer à l’acte notarié alors même que les conditions suspensives seraient satisfaites.
La signature de l’acte notarié devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2019.
Le 13 mai 2020, Me [R] a dressé un procès-verbal de carence constatant l’absence de comparution des consorts [G]-[A] en son étude malgré leur convocation régulière par exploit d’huissier en date du 4 mai 2020.
Par acte d’huissier en date du 4 septembre 2020, les époux [N] ont assigné les consorts [G]-[A] aux termes de leurs dernières écritures, en paiement in solidum des sommes de 46.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation et 5.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par jugement en date du 3 mai 2022, le tribunal judiciaire d’AGEN a notamment :
– débouté les époux [N] de leur demande en révocation de l’ordonnance de clôture ;
– prononcé la nullité de la promesse synallagmatique de vente du
24 avril 2019 ;
– débouté les consorts [G]-[A] de leur demande en dommages et intérêts pour manoeuvres dolosives ;
– débouté les époux [N] de leur demande en paiement de la somme de 46.000,00 euros ;
– condamné les époux [N] à payer aux consorts [G]-[A] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné les époux [N] aux dépens ;
– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Pour statuer en ce sens le premier juge a retenu que le dol n’est pas établi mais que le consentement des consorts [G] [A] est affecté d’une erreur portant sur les qualités substantielles de la chose vendue, du fait de l’extension de la gravière et de la majoration de la superficie déclarée de l’immeuble vendu.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel, sauf celui ayant débouté les consorts [G]-[A] de leur demande en dommages et intérêts pour manoeuvres dolosives.
Les époux [U] [N] et [J] [D] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts [G]-. [A] de leur demande en dommages et intérêts pour man’uvres dolosives ;
– réformer le jugement déféré des chefs visés à la déclaration d’appel.
– statuant à nouveau :
– prononcer la validité de la promesse synallagmatique du 24 avril 2019 en ce qu’elle n’est affectée par aucun vice du consentement, que ce soit sur le fondement du dol ou de l’erreur ;
– faisant application du contrat : condamner par conséquent in solidum les consorts [G]-[A] à leur payer la somme principale de 46.000,00 euros
– en tout état de cause, condamner in solidum les consorts [G]-[A] à leur payer la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum les consorts [G]-[A] aux dépens de l’instance.
Les consorts [G]-[A] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté es consorts [G]-[A] de leur demande en dommages et intérêts pour man’uvres dolosives, et rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
– statuant à nouveau :
* à titre principal : prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente du 24 avril 2019 pour vice du consentement ;
– débouter en conséquence les époux [N] de l’ensemble de leurs demandes ;
– les condamner à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des man’uvres dolosives ;
* à titre subsidiaire : prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente du 24 avril 2019 pour vice cachés ;
– débouter en conséquence les époux [N] de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner les époux [N] à payer aux époux [A]-[G] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
* à titre infiniment subsidiaire : juger que le défaut de réitération par les Époux [A]-[G] n’est pas fautif dans la mesure où il procède d’un manquement des vendeurs à leurs obligations ;
– débouter en conséquence les époux [N] de leur demande de voir les époux [A]-[G] condamnés à payer la somme de 46.000 euros au titre de la clause pénale ;
* à titre très infiniment subsidiaire : prendre acte des circonstances ayant amené à l’absence de réitération de la vente par les Époux [A]-[G] ;
– ramener en conséquence à de bien plus justes proportions le montant de la pénalité dont il leur serait éventuellement fait application ;
– en tout état de cause : rejeter l’ensemble des demandes des époux [N] ;
– les condamner à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, aux entiers frais et dépens d’instance ;
– réserver les dépens (sic).
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la demande en nullité de la promesse de vente :
Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Le premier juge a justement rappelé que le caractère déterminant des éléments sur lesquels le consentement des parties s’est exprimé s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles ledit consentement a été donné.
1- a Les consorts [G]-[A] fondent leur demande en nullité sur le dol commis par les promettant et sur leur propre erreur sur les qualités substantielle de l’objet de la promesse.
Aux termes de l’article 1137 al. 1 et 2 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Aux termes de l’article 1138 al. 2 du Code civil, le dol est également constitue lorsqu’il émane d’un tiers de connivence.
Les consorts [G] [A] estiment qu’ils ont été trompés par leurs cocontractants sur quatre éléments :
– l’extension de la gravière,
– le tracé de la ligne à grande vitesse,
– la présence de vices cachés,
– la surface habitable du bien.
Sur l’extension de la gravière : il n’est pas contesté qu’une parcelle de 27 ha de gravière est mise en exploitation à proximité du fonds vendu induisant des nuisances sonores, le passage de 10 camions par heure le long de la haie et devant l’entrée de la propriété.
C’est à bon droit que le premier juge a rejeté l’existence d’une résistance dolosive des vendeurs :
– le fait que M. [N] ait été un ancien directeur de la gravière et occupe un poste au sein du groupe COLAS propriétaire de la société GAIA exploitant la gravière, ne suffit pas à établir que M. [N] avait connaissance du projet d’extension de la carrière envisagé à compter de 2017, étant relevé que les époux [N] avait déménagé depuis plus de dix ans à la suite d’une mutation professionnelle, et que M. [N] n’était plus directeur de carrière depuis 2010.
– le SMS émis par M. [N] dont la date est ignorée décrit une évolution de l’exploitation de la carrière sans établir qu’il avait connaissance de l’extension litigieuse.
– le fait que le notaire ayant reçu la promesse synallagmatique de vente soit également celui ayant instrumenté l’acte notarié portant extension de la carrière ne suffit pas à établir qu’il ait été un tiers de connivence avec les époux [N].
Sur le tracé de la ligne à grande vitesse met en évidence la construction envisagée d’un viaduc à 350 m de la maison. Il s’agit d’un projet ancien et qui fait l’objet d’une publicité telle qu’il est connu de tous.
Sur la surface habitable erronée de la maison d’habitation, l’erreur établie est imputable à l’agence immobilière ayant établi le bail et il n’est pas établi que cette agence ait été un tiers de connivence avec les vendeurs.
Sur les vices affectant la maison d’habitation : les vendeurs ont réparé les vices affectant la piscine et les consorts [G] [A] qui au jour de la signature de la promesse de vente connaissaient l’existence du dysfonctionnement de l’assainissement, ne démontrent pas qu’ils avaient élevé ces éléments au rang d’éléments déterminants de leur consentement.
C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de résolution de la promesse synallagmatique sur le fondement du dol.
1- b Les consorts [G] [A] fondent leur demande sur l’erreur sur les qualités substantielle du bien objet de la promesse de vente.
Aux termes de l’article 1132 du code civil, l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
Aux termes de l’article 1133 al. 1er du code civil, les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracte.
C’est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a retenu deux erreurs ayant vicié le consentement des consorts [G] [A] :
– l’extension de près d’un quart de la surface d’exploitation de la gravière, sur une parcelle distante de quelques centaines de mètres de la façade principale de la maison objet de la vente, impliquant le passage le long de la clôture du bien vendu de camions de transport de gravier, constitue une source de nuisances sonores et visuelles suffisamment graves pour porter atteinte à une qualité substantielle de la chose alors que son environnement paisible en constituait une caractéristique évidente et décisive pour les parties, et était entrée dans le champ contractuel. Cet élément était programmé au jour de la promesse mais demeurait ignoré des acquéreurs ; il a vicié leur consentement.
– la surface habitable d’une maison d’habitation constitue une qualité substantielle dont l’exactitude est de nature à conditionner le consentement de l’acquéreur : en l’espèce la maison d’habitation a été louée pour une superficie de 280 m² alors qu’elle n’en comporte que 230 environ, et que l’acte de promesse de vente ne comporte que les superficies des parcelles objet du contrat. Le diagnostic technique sur lequel les consorts [G] [A] ont fondé leur consentement mentionne de même une superficie de 280 m².
Au vu de ces éléments c’est à bon droit que le premier juge a prononcé l’annulation de la promesse synallagmatique de vente.
Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur la demande en dommages intérêts :
La promesse de vente est annulée pour erreur, le dol invoqué n’est pas établi, c’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande en dommages intérêts sur le fondement des manoeuvres dolosives.
Le jugement est confirmé sur ce point.
3- Sur les demandes accessoires :
Chacune des parties succombe, chacune d’elle supporte la charge des dépens d’appel par elle avancés, l’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que chacune des parties supporte la charge des dépens d’appel par elle avancés.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,