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AFFAIRE : N° RG 21/01744 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-GYWZ
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LISIEUX du 20 Mai 2021
RG n° 20/00243
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2023
APPELANTE :
La SARL DAVID
[Adresse 4]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Henry MONS, avocat au barreau de LISIEUX,
assistée de Me Jacques GELPI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Le S.D.C. RESIDENCE [Adresse 5],
pris en la personne de son syndic la société CITYA COTE FLEURIE
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée et assistée de Me Jean-Jacques SALMON, substitué par Me ALEXANDRE, avocats au barreau de CAEN
DÉBATS : A l’audience publique du 28 septembre 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme DELAUBIER, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 21 Novembre 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme GUIBERT, greffier
* * *
EXPOSE DU LITIGE
La société à responsabilité limitée (Sarl) David est propriétaire au sein de la Résidence [Adresse 5] sise à [Localité 6], [Adresse 2], de plusieurs lots comprenant une cave, plusieurs appartements et locaux commerciaux, l’immeuble étant soumis au statut de la copropriété.
Par ordonnance de référé du 27 juillet 2018, le président du tribunal de grande instance de Lisieux a :
– condamné la société David à cesser l’exploitation du restaurant ‘Cocoriko Rôtisserie Trouvillaise et frites’ sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance ;
– dit que la société David est autorisée à reprendre l’exploitation du restaurant sous les conditions de justifier de la mise en ‘uvre de toutes les mesures propres à faire cesser les nuisances sonores et olfactives et après avoir reçu un avis favorable de la commission de sécurité ;
– condamné la société David à procéder au retrait de l’enseigne ‘Cocoriko Rôtisserie Trouvillaise et frites’ et des panneaux apposés sur les façades de l’immeuble sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance ;
– dit que la société David pourra de nouveau apposer les enseignes après avoir obtenu l’accord de l’assemblée générale à la majorité requise, de l’accord préalable du syndic et de l’architecte de l’immeuble ;
– s’est réservé la liquidation éventuelle des astreintes ;
– débouté les parties du reste de leurs demandes ;
– condamné la société David à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant au syndicat des copropriétaires qu’à la société Citya Côte Fleurie ;
– condamné la société David aux entiers dépens.
L’ordonnance de référé du 27 juillet 2018 a été signifiée par acte du 1er août 2018 et la société David a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 30 avril 2019, la cour d’appel de Caen a confirmé la décision de première instance, sauf en ce qu’elle a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires telles que reprises dans le motif de l’ordonnance et sauf à dire que la société David pourra apposer de nouveau lesdites enseignes et panneaux sous condition de justifier du seul accord préalable du syndic et de l’architecte de l’immeuble.
Par acte du 23 novembre 2020, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux pour voir liquider les astreintes mises à la charge de la société David.
Par ordonnance du 20 mai 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux a :
– ordonné la liquidation de l’astreinte provisoire ;
– condamné la société David à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 76 000 euros au titre de l’astreinte à raison de l’absence de fermeture du restaurant pour la période du 1eraoût 2018 au 30 août 2020 ;
– condamné la société David à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 38 000 euros au titre de l’astreinte à raison de l’absence de retrait de l’enseigne pour la période du 1eraoût 2018 au 30 août 2020 ;
– condamné la société David au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société David aux entiers dépens.
Par déclaration du 10 juin 2021, la société David a formé appel de cette ordonnance.
Suivant avis du 2 septembre 2021 et en application de l’article 905 du code de procédure civile, le président de la première chambre civile a fixé au 20 janvier 2022 à 14h les jours et heures auxquels l’affaire sera fixée à bref délai.
Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] a soulevé la nullité et l’irrecevabilité de l’appel interjeté et demandé à titre subsidiaire qu’il soit dit qu’il n’emporte pas d’effet dévolutif et constaté que la cour n’est saisie d’aucun chef de jugement.
Par arrêt du 22 novembre 2022, la présente cour a :
– déclaré la déclaration d’appel de la société David du 10 juin 2021 conforme aux dispositions de l’article 901 du code de procédure civile ;
– débouté le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] représenté par son syndic de toutes ses demandes, en ce compris de celle formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– réservé les dépens ;
– condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] à payer à la société David la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ;
– renvoyé l’affaire devant le président de chambre à la date du 14 décembre 2022 pour clôture et fixation.
Par conclusions de procédure du 26 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] a demandé au président de la chambre civile saisie de l’affaire, le report de la clôture prévue le 27 septembre 2023, le renvoi de l’affaire à une date de plaidoiries ultérieure, et à défaut, de voir écarter les conclusions et la pièce n°18, notifiées le 25 septembre 2023 à16h13 par la société David.
L’ordonnance de clôture fixée initialement le 6 septembre 2023 suivant avis du 14 décembre 2022, a été prononcée le 27 septembre 2023.
*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2023, la société David demande à la cour de :
– dire et juger l’acte d’appel régularisé par elle le 10 juin 2021 conforme aux dispositions textuelles et, en conséquence, régulier et recevable ;
– débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à titre principal comme subsidiaire et juger l’acte d’appel conforme aux dispositions légales ;
– en toutes hypothèses, principale et subsidiaire, condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer, la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’incident ;
En conséquence,
– infirmer l’ordonnance rendue le 20 mai 2021 par le juge des référés auprès du tribunal judiciaire de Lisieux en ce qu’elle :
* a ordonné la liquidation de l’astreinte provisoire ;
* l’a condamnée à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 76 000 euros au titre de l’astreinte à raison de l’absence de fermeture de l’établissement pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 ;
* l’a condamnée à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 38 000 euros au titre de l’astreinte à raison de l’absence de retrait de l’enseigne sur la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 ;
* l’a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
– dire et juger qu’elle a cessé définitivement l’exploitation de son commerce de restaurant ouvert sous l’enseigne ‘Rôtisserie Trouvillaise Cocoriko’ à compter du 18 août 2018 et, en conséquence, a exécuté l’obligation prescrite sous astreinte ;
– débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de liquidation de l’astreinte à raison de l’absence de fermeture du restaurant pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 ;
– débouter le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] de sa demande de liquidation de l’astreinte à raison de l’absence de retrait de l’enseigne pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 ;
Subsidiairement,
– ordonner la suppression de l’astreinte à raison de l’absence de retrait de l’enseigne pour la période du 17 mars 2020 au 30 août 2020, conformément à l’article L.131-4 alinéa 3 du code des procédures civiles d’exécution ;
– ordonner la liquidation de l’astreinte à raison de l’absence de retrait de l’enseigne pour la seule période du 1er août 2018 au 16 mars 2020 et en réduire de manière substantielle la liquidation de cette astreinte provisoire à l’euro symbolique ;
– condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 14 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] demande à la cour de :
– dire et juger l’appel de la société David nul ;
– condamner la société David à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
– dire et juger que l’acte d’appel n’emporte pas d’effet dévolutif ;
– constater que la cour d’appel n’est saisie d’aucun chef de jugement ;
– condamner la société David à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
A titre infiniment subsidiaire,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux en date du 20 mai 2021 ;
– débouter la société David de toutes ses demandes et prétentions en cause d’appel ;
En conséquence,
– prononcer la liquidation de l’astreinte judiciaire provisoire ;
– condamner la société David à lui verser la somme 76 000 euros au titre de l’astreinte à raison de l’absence de fermeture du restaurant pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 ;
– condamner la société David à lui verser la somme de 38 000 euros au titre de l’astreinte à raison de l’absence de retrait de l’enseigne pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 ;
– condamner la société David au paiement d’une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance ;
– condamner la société David au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner la société David aux entiers dépens.
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Lors de l’audience du 28 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] a sollicité oralement la révocation de l’ordonnance de clôture et le renvoi de l’affaire à une prochaine audience de plaidoiries afin de pouvoir répliquer aux dernières écritures notifiées par RPVA par la société David le 25 septembre 2023 à 16h13, demandant à la cour, à défaut, d’écarter ces conclusions ainsi que la pièce n°18 produite à cette occasion.
La société David a indiqué ne pas s’opposer à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et au renvoi à une prochaine audience.
***
MOTIFS
Liminairemment, sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et sur la demande subsidiaire tendant à voir écarter des débats les conclusions de la société David du 25 septembre 2026 et sa pièce n°18 :
En application de l’article 778 auquel renvoie l’article 905 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, le président de la chambre saisie de la présente affaire a déclaré l’instruction close par ordonnance du 27 septembre 2023 à 9H, sans faire droit à la demande de report de clôture sollicité par conclusions dites de procédure que lui avait adressées le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] le 26 septembre 2023.
La demande de révocation de l’ordonnance de clôture et la demande subsidiaire tendant à voir écarter des débats les conclusions de la société David et sa pièce n°18 (arrêté de fermeture administrative du 10 août 2018 déjà communiqué sous le n°7 le 30 novembre 2021), formulées oralement à l’audience de plaidoiries et non par des conclusions écrites, n’ont pas saisi valablement la cour, étant rappelé le caractère écrit de la procédure.
– Sur la nullité de l’acte d’appel et l’absence d’effet dévolutif :
Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] soulève au visa de l’article 901 du code de procédure civile la nullité de la déclaration d’appel, laquelle mentionne au titre de l’objet ‘appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués suivant acte d’appel joint’, alors que les chefs de la décision déférée sont énoncés dans une annexe dont il n’a jamais été destinataire, celle-ci n’ayant pas été signifiée dans l’acte d’huissier du 8 septembre 2021. Il en conclut que l’appel n’a pas produit son effet dévolutif.
La société David s’oppose à ces prétentions, se prévalant des dispositions de l’arrêté du 20 mai 2020 selon lequel l’annexe à l’acte d’appel fait corps avec celui-ci et de la notification de l’acte d’appel complet avec annexe au syndicat de copropriétaires, lequel, informé de ses droits et des chefs de l’ordonnance critiquée, ne peut valablement opposer un quelconque grief.
*
Par arrêt du 22 novembre 2022, la présente cour a déjà statué sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] aux fins de voir juger l’appel de la société David nul et irrecevable et, subsidiairement, que l’acte d’appel n’emportait pas d’effet dévolutif et que la cour d’appel n’était saisie d’aucun chef de jugement.
Elle a ainsi ‘déclaré la déclaration d’appel de la société David du 10 juin 2021, enregistrée le 16 juin 2021, conforme aux dispositions de l’article 901 du code de procédure civile, et débouté le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] de toutes ses demandes’.
Dès lors, il n’y a plus lieu de statuer sur ces demandes réitérées par le syndicat de copropriétaires dans le dispositif de ses dernières conclusions.
– Sur la liquidation de l’astreinte :
Aux termes de l’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.
– Sur la cessation de l’exploitation du restaurant :
La société David assure qu’à la suite d’un arrêté de fermeture administrative du 10 août 2018 signifié le 17 août suivant, elle n’a plus exploité le dit commerce à compter du 18 août 2018.
Elle considère alors que la demande de liquidation d’astreinte n’est pas fondée dans la mesure où l’ouverture et l’exploitation du restaurant sous l’enseigne ‘Rôtisserie Trouvillaise Cocoriko’ pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020 n’est nullement démontrée. Elle ajoute que l’unique constat d’huissier du 28 août 2018 ne définit pas la nature des travaux accomplis par le seul homme présent sur site, ce alors qu’elle devait nettoyer et sécuriser le local et le vider de ses denrées périssables, et que le syndicat de copropriétaires ne verse pas aux débats la moindre preuve démontrant que pour la période du 29 août 2018 au 16 mars 2020, elle aurait repris son activité. Elle souligne que tout au plus, la seule infraction du 28 août 2018, à la retenir, justifierait la liquidation de l’astreinte mais ce, au titre de cette seule journée.
Enfin, si elle admet avoir sous-loué le local à M. [N] pour la période du 15 juillet au 15 septembre 2020, l’activité de ce dernier se limitait à la vente de plats déjà cuisinés à emporter et à réchauffer à l’exclusion de toute activité de friterie, étant observé que la réalité de nuisances olfactives et/ou sonores n’est pas établie.
Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] affirme établir l’ouverture du restaurant litigieux et la poursuite de son exploitation ainsi que l’a constaté l’huissier de justice le 28 août 2018. Il ajoute qu’en tout état de cause, la société David ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du respect de son obligation de fermeture et de l’absence de toute nuisance olfactive liée à l’activité de M. [N] exerçant sous l’enseigne Amenzo. Il relève que la société David ne justifie pas davantage avoir pris les mesures propres à faire cesser les nuisances liées à son activité ni avoir reçu un avis favorable de la commission de sécurité.
En définitive, le syndicat de copropriétaires prétend que le comportement de la société David témoigne d’une volonté délibérée de se soustraire aux décisions de justice de sorte que sa demande de liquidation d’astreinte provisoire est parfaitement justifiée.
*
Par ordonnance du 27 juillet 2018, le juge des référés a condamné la société David à cesser l’exploitation du restaurant ‘Cocoriko Rôtisserie Trouvillaise et frites’ sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance, autorisant la dite société à reprendre l’exploitation du restaurant sous les conditions de justifier de la mise en ‘uvre de toutes les mesures propres à faire cesser les nuisances sonores et olfactives et après avoir reçu un avis favorable de la commission de sécurité.
Le caractère exécutoire de l’obligation en cause est acquis, s’agissant d’une ordonnance de référé revêtue de l’exécution provisoire de plein droit, à compter de la signification de la décision dont il est justifié qu’elle est intervenue le 1er août 2018. L’arrêt de la cour d’appel de Caen du 30 avril 2019 signifié le 9 mai 2019 qui a confirmé sur ce point l’ordonnance ne remet pas en cause le caractère exécutoire de l’obligation mise à la charge de l’appelante.
Lorsque l’obligation en cause est une obligation de faire, il appartient au débiteur de l’obligation, assigné en liquidation, de prouver qu’il a exécuté l’obligation, tandis que lorsque l’obligation est une obligation de ne pas faire, c’est au créancier, demandeur à l’action en liquidation, de rapporter la preuve d’une inexécution.
A la lecture de l’ordonnance rendue le 27 juillet 2018 confirmée par l’arrêt du 30 avril 2019, il doit être considéré qu’il revient à la société David de rapporter la preuve qu’elle a cessé l’exploitation du restaurant ‘Cocoriko Rôtisserie Trouvillaise et frites’, autrement dit dans les motifs de chacune de ces décisions, qu’elle a fermé son restaurant le cas échéant provisoirement pour reprendre son activité sous réserve de justifier de la mise en ‘uvre de toutes les mesures propres à faire cesser les nuisances sonores et olfactives et après avoir reçu un avis favorable de la commission de sécurité.
La société David ne conteste pas avoir poursuivi l’exploitation du restaurant litigieux entre le 1er et le 17 août 2018, date de la notification de l’arrêté de sa fermeture administrative.
Il est constant que par arrêté du 10 août 2018, le maire de la commune de [Localité 6] a décidé la fermeture au public de cet établissement à compter de sa notification ce, en considération de ‘l’analyse du risque démontrant le caractère dangereux de l’établissement au regard de la sécurité incendie’ et que cet arrêté a été notifié à la société David le 17 août 2018.
Pour autant, cette décision ne saurait suffire à établir son respect par la société David et ce d’autant moins que le constat d’huissier réalisé le 28 août 2018 et produit par le syndicat de copropriétaires mentionne qu’à cette date ‘un commerce est ouvert dont l’enseigne indique : ‘COCORIKO RÔTISSERIE TROUVILLAISE SOUS LE CONTRÔLE DE RAV PEWZNER, TOUT SUR LE POULET ENTIER OU CUISSE OU ESCALOPE OU BLANC ROTI OU BRAISE S/DEMANDE, A EMPORTER ET LIVRAISON’, un homme y travaille et le menu est affiché.’
La société David n’établit nullement que l’ouverture du commerce et la présence de l’homme y travaillant étaient justifiées par l’unique nécessité de procéder à diverses tâches pour sécuriser le local, le nettoyer et se départir des denrées périssables avant la fermeture, laquelle aurait dû être effective depuis le 1er août précédant.
Enfin, l’attestation de M. [Y] [O], expert-comptable, versée par la société David révèle un chiffre d’affaires ‘au titre de son établissement situé au [Adresse 2]’ s’élevant pour les mois de juillet et août 2018 à 6 000 euros.
La même attestation ne dit rien pour le reste de l’année 2018.
Elle affirme uniquement que ‘pour l’exercice clos le 31 décembre 2019, le chiffre d’affaires a été néant, et pour l’exercice clos le 31 décembre 2020, le chiffre d’affaires a été néant, à l’exception d’une sous-location à M. [N] [L] qui a réglé une redevance pour les mois de juillet et août 2020 de 2000 euros.’
Il ressort de ces éléments que la société David ne rapporte pas la preuve de la fermeture de son établissement jusqu’au 31 décembre 2018. En revanche, en présence d’un chiffre d’affaires néant attesté par l’expert comptable, la société David qui n’a donc pas réalisé de ventes sur l’année 2019, sera considérée comme ayant cessé son activité à compter du 1er janvier 2019 et ce, durant toute l’année.
S’agissant de l’année 2020, la société David établit avoir ‘donné en location saisonnière’ pour la période du 15 juillet au 15 septembre 2020 le local commercial ‘pour un commerce de friterie-fast-food à emporter’, ainsi que l’indique le contrat conclu le 15 juillet 2020 entre la société David représentée par son gérant et M. [N] [B] et l’attestation de ce dernier versés aux débats.
De surcroît, le constat d’huissier du 31 juillet 2020 réalisé à la demande du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] révèle que : ‘le local surmonté d’une enseigne ‘COCORIKO’est ouvert. La mention ‘A EMPORTER ET LIVRAISON’ est visible en bas de l’enseigne. Trois affiches de couleur bleue sont apposées sur cette enseigne et deux autres sont fixées de chaque côté de l’entrée de ce local avec, notamment, le nom ‘CHEZ AMENZO’, des noms de plat et leur prix’. On peut lire sur deux de ces affiches que les frites accompagnent chaque ‘burger’ ou ‘hot dog’ proposé avec en caractères plus importants la mention ‘ frites fraîches maison’. L’huissier relève enfin la mise à disposition des clients d’une table et d’une chaise, la présence d’un meuble présentoir avec des boissons, une armoire reliée à une prise électrique, le local étant éclairé.
L’extrait Kbis produit par la société David mentionne qu’en sus de son activité principale d’apporteur d’affaires dans le domaine de la sécurité, M. [N] [B] exerce au [Adresse 2] à [Localité 6] une activité de ‘friterie fast-food’ débutée le 15 juillet 2020.
Ces éléments mettent en évidence que l’activité de restauration ainsi exercée est identique à celle précédemment menée par la société David à l’origine de nuisances sonores nocturnes et olfactives, ces dernières étant inhérentes à l’activité de restauration à emporter exclusivement dédiée à la friterie et à la rôtisserie, telles que relevées par le juge des référés dans son ordonnance du 27 juillet 2018 et la cour d’appel dans son arrêt du 30 avril 2019.
Or, la société David ne justifie nullement avoir mis en oeuvre les mesures propres à faire cesser les nuisances olfactives ni surtout avoir reçu un avis favorable de la commission de sécurité de sorte qu’elle doit être considérée comme ayant enfreint, par l’intermédiaire de cette sous-location pour laquelle elle a perçu des ‘redevances’ au titre de l’exploitation ‘de son établissement situé au [Adresse 2], l’injonction de cesser l’exploitation du restaurant dans le local litigieux.
La localisation du siège de la société David en région parisienne et la circonstance selon laquelle son gérant ne réside pas de manière habituelle en Normandie ne sauraient suffire à justifier des difficultés rencontrées par l’appelante pour respecter son obligation de cesser l’exploitation du restaurant sans mise en oeuvre préalable des mesures propres à faire cesser les nuisances ni avis favorable de la commission de sécurité.
Enfin, il sera relevé que le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] sollicite la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a liquidé l’astreinte sur la base d’un montant réduit à 100 euros par jour de retard au lieu de 300 euros tel que décidé par le juge des référés le 27 juillet 2018 ce pour une période arrêtée au 30 août 2020.
En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de liquider l’astreinte provisoire décidée à l’encontre de la société David sur la base d’un montant réduit à 100 euros par jour mais ce, pour les seules périodes du 1er août au 31 décembre 2018 (153 jours), et du 15 juillet au 30 août 2020 (46 jours), soit durant 199 jours, ce qui permet de fixer à 19 900 euros le montant de l’astreinte liquidée.
L’ordonnance entreprise sera infirmée quant au montant de l’astreinte liquidée à ce titre.
– Sur le retrait de l’enseigne :
La société David fait valoir qu’elle a acquis par prescription acquisitive un droit de jouissance privatif et perpétuel au maintien de son enseigne sur les parties communes et qu’elle est au bénéfice depuis mars 1993 d’une autorisation formelle de disposer d’une enseigne.
Elle admet toutefois que suite à la cessation de l’exploitation du restaurant à compter du 18 août 2018, elle a omis de déposer son enseigne qui n’avait plus lieu d’être, étant relevé que des travaux de ravalement façade votés le 7 avril 2018 et déjà mis en oeuvre devaient conduire à la dépose de l’enseigne.
Enfin, elle rappelle les circonstances toutes particulières liées à la crise sanitaire du printemps 2020 ayant empêché son gérant de revenir de région parisienne pour ce faire.
En définitive, elle estime que l’inexécution de son obligation de déposer l’enseigne et panneaux en façade provient, tout au moins en partie, d’une cause étrangère justifiant la suppression de l’astreinte pour la période du 17 mars au 30 août 2020.
Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] réplique que la société David n’est plus recevable à remettre en cause l’arrêt du 30 avril 2019 quant à un droit au maintien de son enseigne.
Elle relève que la société David ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de difficultés particulières à déposer l’enseigne ni d’une autorisation du syndic pour la pose de l’enseigne de son locataire de sorte que la liquidation de l’astreinte ordonnée devra être confirmée.
Il ressort de l’arrêt du 30 avril 2019 que la société David a été condamnée à procéder au retrait de l’enseigne ‘Cocoriko Rôtisserie Trouvillaise et frites’ et des panneaux apposés sur les façades de l’immeuble sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance, celle-ci pouvant apposer de nouveau lesdites enseignes et panneaux sous conditions de justifier de l’accord préalable du syndic et de l’architecte de l’immeuble.
La société David n’est plus recevable à venir contester le bien fondé de sa condamnation sous astreinte ni à remettre en cause l’arrêt du 30 avril 2019 ce, alors que la présente cour avait constaté que la société David ne justifiait pas avoir obtenu une autorisation pour avoir apposer son enseigne modifiant l’enseigne précédente ‘Chez Ben’.
En présence d’une obligation de faire, il appartient à la société David débitrice de l’obligation, assignée en liquidation, de prouver qu’elle a exécuté l’obligation.
La société David, obligée au retrait de l’enseigne de son restaurant depuis le 1er août 2018, date de la signification de l’ordonnance de référé prononçant l’astreinte, ne s’est pas exécutée ainsi qu’elle l’admet elle-même.
De fait, les constats d’huissier des 28 août 2018 et 16 mars 2020 révèlent la présence de l’enseigne litigieuse à ces dates.
Le procès-verbal de constat du 16 juillet 2020, fait état de la même enseigne sur laquelle ont été apposées trois affichettes bleues au nom de ‘Chez Amenzo’, ainsi que de la présence d’autres affiches de chaque côté de l’entrée de ce local avec le même nom.
Il est manifeste que la société David n’a jamais procédé au retrait de son enseigne. Elle ne prétend pas même l’avoir retirée puis reposée alors munie des autorisations dûment exigées. Enfin, le juge des référés a relevé avec raison que la société David ne justifiait pas davantage d’un accord du syndic pour apposer l’enseigne de son locataire par dessus l’enseigne ‘Cocoriko’ toujours en place, et aucun élément n’est produit sur ce point en cause d’appel.
La société David n’invoque aucune difficulté particulière l’ayant empêchée de s’exécuter, sauf à retenir à titre de cause étrangère la crise sanitaire du printemps 2020 ayant interdit tout déplacement.
Le ‘confinement’ a duré du 17 mars au 11 mai 2020 et la société David n’établit pas que postérieurement, son gérant a été limité dans ses déplacements, ou dans l’incapacité de solliciter à distance un proche, son locataire ou un artisan local pour faire procéder au retrait de l’enseigne.
Enfin, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] sollicite la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a liquidé l’astreinte sur la base d’un montant réduit à 50 euros par jour de retard au lieu de 100 euros tel que décidé par le juge des référés le 27 juillet 2018 pour une période arrêtée au 30 août 2020.
Par suite, compte tenu de ces éléments et circonstances, et sur la base d’un montant déjà réduit à 50 euros par jour de retard, il conviendra de condamner la société David au paiement de la somme de 32 250 euros en liquidation de cette astreinte.
L’ordonnance déférée sera infirmée s’agissant du montant de la condamnation.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’ordonnance doit être confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] et de condamner la société David au paiement de la somme de 1 500 euros sur ce fondement.
La société David, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ;
Vu l’arrêt rendu par la présente cour le 22 novembre 2022,
Dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes présentées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] relatives à la nullité de l’acte d’appel et l’absence d’effet dévolutif ;
Infirme l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a ordonné la liquidation de l’astreinte provisoire prévue par l’arrêt confirmatif de la présente cour du 30 avril 2019 et en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Liquide l’astreinte prévue par l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Caen du 30 avril 2019 assortissant l’obligation mise à la charge de la société David au titre de la cessation de l’exploitation du restaurant, à la somme de 19 900 euros pour les périodes du 1er août au 31 décembre 2018 et du 15 juillet au 30 août 2020, et condamne la société David à payer ladite somme au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] ;
Liquide l’astreinte prévue par le même arrêt assortissant l’obligation mise à la charge de la société David au titre du retrait de l’enseigne, à la somme de 32 250 euros pour la période du 1er août 2018 au 30 août 2020, et condamne la société David à payer ladite somme au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] ;
Condamne la société David à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Rejette la demande formée par la société David sur le même fondement ;
Condamne la société David aux dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
G. GUIBERT G. GUIGUESSON