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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 7
ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2023
(n° , 68 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/04719 – N° Portalis 35L7-V-B67-BV2WE
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 18 Novembre 2014 – RG n° 11/00266, confirmé le 19 mai 2016 par la Cour d’Appel de Paris RG n° S 15/4719 cassé partiellement le 14 septembre 2017, par l’arrêt de la 3ème chambre de la Cour de Cassation, pourvoi n° 16-22113
DEMANDEURS A LA SAISINE APRÈS RENVOI :
Madame [W] [M] [F] veuve [IB]
[Adresse 21]
[Localité 28]
représentée par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
Monsieur [AI] [F]
[Adresse 35]
[Localité 24]
représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
Monsieur [G] [F]
[Adresse 37]
[Localité 19]
représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
Monsieur [E] [F]
[Adresse 14]
[Localité 28]
représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du [Adresse 8] [Localité 26]
représenté par son Syndic en exercice Monsieur [E] [F]
[Adresse 14]
[Localité 28]
représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
DÉFENDEURS A LA SAISINE APRÈS RENVOI
SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE D’AMENAGEMENT DE LA VILLE DE [Localité 40] (SEMAVIP)
[Adresse 3]
[Localité 30]
représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
LA VILLE DE [Localité 40]
représentée par Madame la Maire,
[Adresse 38]
[Adresse 38]
[Adresse 18]
[Localité 22]
représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
Madame [NO] [ZP] [SO] épouse [F]
décédée le 15 octobre 2014
[Adresse 7]
[Localité 36] (ANDORA)
Madame [HH] [U]
[Adresse 2]
[Localité 23]
représentée par Me Jean-Marie POUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0091
Monsieur [IV] [F]
[Adresse 13]
[Localité 29]
représentée par Me Jean-Marie POUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0091
Monsieur [R] [F]
[Adresse 1]
[Localité 33]
représentée par Me Jean-Marie POUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0091
Monsieur [AI]-[XX] [G] [F]
[Adresse 11]
[Localité 32]
représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 substitué par Me Bertrand DE GERANDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0937
Monsieur [L] [AU] [F]
[Adresse 15]
[Localité 16]
représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 substitué par Me Bertrand DE GERANDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0937
Monsieur [O] [DH] [F]
[Adresse 17]
[Localité 16]
représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 substitué par Me Bertrand DE GERANDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0937
Monsieur [EB] [XX] [F]
[Adresse 39]
[Adresse 10]
[Localité 4]
représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 substitué par Me Bertrand DE GERANDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0937
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
[Adresse 34]
[Adresse 34]
[Localité 31]
représentée par Monsieur [N] [KN], en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Hervé LOCU, Président
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller
Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par arrêté préfectoral du 3 novembre 1992, l’acquisition par la Société Parisienne d’économie mixte d’aménagement (Soparema), aux droits de laquelle vient la société d’économie mixte d’aménagement de la ville de [Localité 40] (Semavip), d’une partie (1 412 m²) d’un terrain de 2 003 m², sis [Adresse 8] à [Localité 26], cadastré DR [Cadastre 20], faisant partie d’un ensemble immobilier, dont les consorts [F] sont propriétaires, comprenant également un immeuble d’habitation, a été déclarée d’utilité publique dans le cadre de la réalisation de la [Adresse 42].
L’arrêté de cessibilité est intervenu le 28 février 1995.
L’ordonnance d’expropriation a été prononcée le 5 avril 1995, le juge de l’expropriation prononçant au profit de la SEMAVIP le transfert de propriété d’une partie de parcelle de 1412m², non batie, appartenant à un ensemble plus grand sur lequel se trouve un immeuble, dont les consorts [F] sont propriétaires, qui ont soumis leur bien au régime de la copropriété.
Par arrêt du 2 février 1996, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du 20 mars 1995 du juge de l’expropriation de Paris, ayant fixé le montant des sommes revenant aux consorts [F], à titre d’indemnisation, toutes causes confondues, à une somme équivalente à 4 100 000 euros. Cette somme a été versée le 4 janvier 1996.
Les fonds ont été répartis entre les membres des indivisions [F], divisées en trois branches :
– branche [GN] [F] : 435 millièmes = 1 783 500 euros, étant précisé que M. et Mme [GN] [F] sont décédés respectivement, les 29 février et 1er juin 1996, laissant pour leur succéder six enfants : [PW], [G], [JO], [AI], [FA] et [C] ;
– branche [XX] [F] : 435 millièmes = 1 783 500 euros, étant précisé que M. [XX] [F] est décédé en novembre 1987, laissant sa veuve, [RB], décédée le 30 avril 2009, et leurs cinq enfants : [HH] (actuellement épouse [U]), [E], [IV], [W] (actuellement veuve [IB]) et [R] ;
– branche [AU] [F] : 130 millièmes = 533 035 euros, étant précisé que les époux [AU] [F] sont décédés, quatre enfants venant à leurs droits, [AI]-[XX], [L], [EB] et [O].
Le 22 mars 1996, la Semavip a vendu le terrain exproprié à la ville de [Localité 40].
Par jugement du 3 mars 2000, devenu irrévocable, le tribunal administratif de Paris, saisi par les consorts [F], a annulé l’arrêté de cessibilité du 28 février 1995, faute d’étude d’impact, dossier incomplet et information insuffisante du public sur les dépenses engendrées ( Pièce N°21).
Par deux arrêts du 27 février 2001, la Cour de cassation a annulé l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 1996. (Pièce N°8).
Par courrier du 7 novembre 2001, la SEMAVIP (pièce N°28) a mis en demeure M. [E] [F] et le syndicat des copropriétaires de lui rembourser le montant de l’indemnité d’expropriation versée soit 26 896 000 F-15000 F(frais de modification du règlement de copropriété) soit la somme de 26 881 000 francs soit 4 096 664,40 euros.
Sur assignations délivrées par la SEMAVIP aux consorts [F], en mars, avril et mai 2003, en condamnation solidaire à restituer les sommes versées en application de l’arrêt annulé de la cour d’appel de Paris, le tribunal de grande instance de Paris, statuant comme juridiction de droit commun, a, par jugement du 15 mars 2007, déclaré nulles les assignations délivrées par la SEMAVIP.
Par arrêt du 3 décembre 2009, la cour d’appel de Paris, statuant dans les mêmes conditions, a infirmé ce jugement, déboutant les consorts [F] de leur exception de nullité des assignations et a ordonné la réouverture des débats.
Par arrêt du 9 juin 2011 (pièce N°7), la cour d’appel de Paris a :
– jugé que l’arrêt de cassation du 27 février 2001 constituait le titre permettant à la SEMAVIP d’obtenir la restitution des indemnités versées ;
– renvoyé les consorts [F], qui soutenaient reconventionnellement que le bien exproprié n’était pas en état d’être restitué, à mieux se pourvoir devant le juge de l’expropriation.
Par assignations des mois d’août et septembre 2011, les consorts [F] ont saisi le juge de l’expropriation de Paris, lequel, compte tenu des pourvois dirigés contre l’arrêt du 9 juin 2011, a, par jugement du 5 mars 2012, sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Cassation.
Par arrêt du 26 juin 2013, Pourvoi n° 11-25836 (pièce N°8) la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt du 9 juin 2011, au motif que seul le juge de l’expropriation était compétent pour statuer sur la demande de restitution formée par la SEMAVIP, laquelle devait le saisir, ce que celle-ci et la ville de [Localité 40] ont fait, le 5 mars 2014.
Après transport sur les lieux, le 30 avril 2014, le juge de l’expropriation du Tribunal de Grande Instance de Paris, dans une décision du 18 novembre 2014 a :
– Prononcé la jonction des procédures enrôlées sous les n° 14/00019 et 11/00266 sous le même n° 11/00266 ;
– Rejeté la demande de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] visant à écarter des débats les mémoires déposés après le 8 septembre 2014 ;
– Rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
– Rejeté l’exception d’irrecevabilité pour défaut d’habilitation du Syndic soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
– Rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par Monsieur [FA] [F], Madame [HH] [U], Monsieur [IV] [F] et Monsieur [R] [F] ;
– Rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
– Constaté la perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation en date du 5 avril 1995 ;
– Ordonné la restitution du terrain de 1.412 m² sis [Adresse 8] [Localité 26], aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6], aux consorts [F] ;
– Condamné in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F] une indemnité de 241.492,68 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
– Condamné in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2.367.838 euros qui leur a été versée, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 novembre 2001 ;
– Dit que les intérêts dûs pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil ;
– Ordonné la compensation des sommes dues ;
– Dit que la restitution aux consorts [F] de leur bien ne peut intervenir qu’après paiement par ceux-ci des sommes mises à leur charge, après compensation ;
– Débouté les parties de leurs autres demandes ;
– Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] aux dépens ;
Par arrêt du 18 juin 2015, les différentes instances d’appel ont été jointes.
Un acte de quittancement notarié a été établi le 4 janvier 1996 (pièce SEMAVIP N°3) et le terrain remis par procès verbal du 5 février 1996 (pièce N°5).
Par arrêt du 19 mai 2016, la cour d’appel de Paris a :
– déclaré recevable l’appel et les écritures des parties ;
– confirmé le jugement en ce que :
– il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] ;
– il a déclaré recevable l’action introduite par les consorts [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] ;
– il a déclaré recevable l’action de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40] ;
– il a constaté l’absence de base légale de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 ;
– il a ordonné la restitution du terrain de 1 412 m² sis [Adresse 8] à [Localité 26], aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6], aux consorts [F] ;
– avant dire droit plus amplement, sur la demande de dommages et intérêts des consorts [F], et du syndicat de copropriétaires, ordonné une mesure d’expertise et désigné pour y procéder M. [I] [AP], expert près la Cour d’appel de Paris, demeurant [Adresse 12] [Localité 25], qui pourra se faire assister de tout technicien d’une spécialité différente de la sienne, avec pour mission de :
– entendre les parties, ainsi que tous sachants, et se faire remettre tous documents utiles ;
– déterminer le préjudice subi par les appelants en lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation résultant notamment de la privation du terrain depuis l’ordonnance d’expropriation, de la nécessité de le remettre dans l’état où il se trouvait lors de sa remise, ainsi que d’une éventuelle perte de chance pour les appelants d’avoir pu disposer des droits à construire susceptibles d’avoir été attachés au terrain litigieux ;
– fournir à la cour tous éléments techniques utiles à la solution du litige ;
– dire que l’expert adressera aux parties une note de synthèse de ses opérations, leur enjoindra de lui adresser leurs dires dans un délai de trois semaines et y répondra dans son rapport définitif, lequel devra être déposé au greffe de la cour au plus tard le 28 février 2017 ;
– dit que les appelants devront ensemble consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel de Paris la somme de 2 500 euros à valoir sur les frais et honoraires de l’expert judiciaire, avant le 31 juillet 2016, faute de quoi la désignation de celui-ci sera caduque et il sera tiré toutes conséquences de cette abstention ;
– renvoyé l’affaire à l’audience du 29 septembre 2016 pour vérification du versement de la consignation, puis à l’audience du jeudi 15 juin 2017 à 9h00, salle Malesherbes, pour plaidoiries après dépôt du rapport de l’expert ;
– sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise sur le surplus des prétentions des parties en particulier l’indemnisation des appelants, la demande de remboursement de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40], les frais irrépétibles en cause d’appel et la charge des dépens d’appel.
Les consorts [F] ont adressé un DIRE N°1 le 27 décembre 2016, en faisant état des rapports de M. [J] et de M. [G] [O] [LH] et la SEMAVIP 4 DIRES, un DIRE N°4 le 20 juin 2017.
Par lettre du 15 mai 2017, l’expert M. [AP] s’est interrogé pour savoir si plusieurs chefs de préjudices invoqués par les consorts [F] entrent ou non dans sa mission, à savoir l’examen des préjudices causés par la couverture de l’ancienne voie ferrée, la construction d’un immeuble de 7 étages au [Adresse 9] et les nuisances pour perte d’ensoleillement, celles occasionnées par la crèche et par la création de vues directes.
Par ordonnance du 19 mai 2017, le président de la chambre en qualité de juge du contrôle de la mesure d’instruction a précisé que l’ensemble des préjudices invoqués par les consorts [F] entre dans la mission de l’expert.
Suite à diverses ordonnances, les consignations complémentaires ont été versées par les consorts [F].
Par décision du 14 septembre 2017, n° 16-22113, la Cour de Cassation a :
– partiellement cassé l’arrêt rendu le 19 mai 2016 en ce qu’il a :
– déclaré recevable le mémoire de Mmes [C] et [PW] [F] déposé le 24 mars 2016, valant appel provoqué ;
– donné mission à l’expert de déterminer le préjudice subi par les appelants en lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation résultant d’une éventuelle perte de chance pour eux d’avoir pu disposer des droits à construire susceptibles d’avoir été attachés au terrain litigieux ;
– remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
– condamné les consorts [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 40] aux dépens ;
– rejeté la demande des consorts [F] et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 40] et les a condamné à payer à la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] la somme globale de 3 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 05 juillet 2018, la Cour d’appel de Paris a ordonné la jonction, sous le numéro RG 18-00867, des saisines après cassation formées :
– le 11 janvier 2018 par Mme [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à [Localité 40], enregistrée sous le n° RG 18-00867 ;
– le 23 janvier 2018 par Mme [HH] [U], née [F], M. [IV] [F] et M. [R] [F], enregistrée sous le n° RG 18-01658 ;
– le 15 janvier 2018 par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], enregistrée sous le n° RG 18-01771 ;
– le 15 février 2018 par Mme [C] [F] épouse [FU] et Mme [PW] [F] épouse [P], enregistrée sous le n° RG 18-03377 ;
– le 10 avril 2018 par M. [JO] [F] et M. [FA] [F], enregistrée sous le n° RG 18-06735.
Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
– déposées au greffe, par [W] (veuve [IB]), [E] de la branche [XX] [F], [AI] et [G] [F] de la branche [GN] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8], respectivement le 15 février 2018, notifiées le 15 février 2018 (AR du 21 février 2018) puis le 1er août 2018, notifiées le 21 août 2018 (AR du 06 septembre 2018), aux termes desquelles ils demandent à la cour :
– à titre principal :
– de déclarer irrecevable l’appel formé par la SEMAVIP en ce qui concerne les points qui n’ont pas fait l’objet d’une cassation avec renvoi dans l’arrêt du 14 septembre 2017, à savoir plus précisément la légalité et l’utilité de la mesure d’expertise, les indemnités dues aux expropriés, à l’exclusion de la perte de constructibilité, et la demande de restitution de l’indemnité d’expropriation ;
– de constater qu’il entre dans la compétence et les pouvoirs du juge de l’expropriation de statuer sur la demande des expropriants en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière ;
– de constater que les consorts [F] se retrouvent propriétaires d’un bien frappé, de fait, d’inconstructibilité par la présence, sur le terrain voisin, d’un bâtiment de 7 étages, absorbant les droits à construire attachés à leur terrain ;
– de dire qu’il y a bien perte de constructibilité, dès lors que ce terrain demeure la propriété des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8], [Localité 26] aurait bénéficié de la constructibilité conférée par le PAZ (plan d’aménagement de la zone) applicable à la zone couverte par la ZAC ;
– en conséquence d’évaluer le préjudice subi au titre de la privation des droits à construire à la somme de 11 200 000 euros, sauf à parfaire ;
– à titre subsidiaire :
– de modifier la mission actuellement confiée à l’expert M. [I] [AP] suite à l’arrêt du 19 mai 2016 afin d’y intégrer l’évaluation du préjudice subi au titre de la privation des droits à construire subi par les consorts [F] ;
– de condamner la SEMAVIP et la ville de [Localité 40], in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens ;
– déposées au greffe, par [C] et [RV] [S] (épouse [P]) [F] de la branche [GN] [F], respectivement le 09 mars 2018, notifiées le 13 mars 2018 (AR des 13, 14, 16 et 17 mars 2018), puis le 11 février 2019, notifiées le 11 février 2019 (AR du 13 février 2019) aux termes desquelles elles demandent à la cour :
– de leur donner acte de leur acquiescement au désistement régularisé par la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] ;
– de leur donner acte de ce qu’elles renoncent à toutes les demandes formées à l’encontre de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40] ;
– de dire que les concluantes, la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] conserveront pour elles l’intégralité des frais liés à l’instance ;
Elles ont déposées le 17 octobre 2019 au greffe des conclusions aux fins du même objet de désistement, que celles du 11 février 2019 notifiées le 24 octobre 2019.
– adressées au greffe, par [AI]-[XX], [L], [O] et [EB] [F] de la branche [AU] [F], le 19 mars 2018, notifiées le 21 mars 2018 (AR de 26 et 27 mars 2018), puis déposées au greffe le 10 août 2018, notifiées le 16 août 2018 (AR des 06 et 07 septembre 2018), aux termes desquelles ils demandent à la cour :
– à titre principal :
– de rejeter les conclusions de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40] comme irrecevables et mal fondées ;
– de condamner in solidum la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] à payer au syndicat des copropriétaires, ou à défaut aux copropriétaires, la somme de 11 200 000 euros, avec intérêt à compter du 10 mai 2004 ;
– de réformer en cela le jugement dont appel du 18 novembre 2014 prononcé par le Tribunal de grande instance de Paris n° RG 11/00266 ;
– à titre subsidiaire :
– de modifier la mission actuelle confiée à l’expert judiciaire désigné par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 19 mai 2016 afin d’y intégrer l’évaluation du préjudice subi au titre de la perte des droits à construire du terrain ;
– de condamner in solidum la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] à leur payer la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– adressées au greffe, par [JO] et [FA] [F] de la branche [GN] [F], respectivement le 10 avril 2018, notifiées le 10 avril 2018 (AR des 16 et 17 avril 2018), puis le 11 février 2019, notifiées le 11 février 2019 (AR du 13 février 2019) aux termes desquelles ils demandent à la cour :
– de constater l’accord de Messieurs [JO] et [FA] [F] sur le désistement des demandes formulées par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à leur encontre ;
– de constater le désistement de Messieurs [JO] et [FA] [F] de leurs demandes à l’encontre de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40] ;
– de constater le désistement d’instance de Messieurs [JO] et [FA] [F] ;
– de constater que chacun gardera à sa charge ses dépens liés à l’instance ;
– adressées au greffe, par [RV] [BA] (épouse [U]), [IV] et [R] [F], de la branche [XX] [F], respectivement le 04 août 2018, notifiées le 16 août 2018 (AR des 06 et 07 septembre 2018) puis le 11 août 2018, notifiées le 17 août 2018 (AR des 06 et 07 septembre 2018), aux termes desquelles ils demandent à la cour :
– à titre principal : de faire droit à leurs conclusions initiales ;
– à titre subsidiaire :
– de compléter la mission d’expertise confiée à M. [I] [AP] par l’arrêt du 19 mai 2016 pour fournir tous éléments utiles à la détermination de la valeur de la parcelle cadastrée à [Localité 40] DR [Cadastre 6] sur la base du plan d’aménagement de la zone de la [Adresse 42] du 22 juin 1992 avant toute cession de droits à construire ;
– de fixer la date à laquelle l’expert devra avoir remis son rapport ;
– adressées au greffe, par la SEMAVIP et la ville de [Localité 40], le 05 février 2019, notifiées le 08 février 2019 (AR du 11 février 2019) aux termes desquelles elles demandent à la cour :
– avant dire-droit, sur la mesure d’expertise :
– de constater que l’expert ne peut se voir confier l’examen d’un prétendu préjudice de perte de constructibilité ;
– de rejeter l’expertise ;
– au fond, sur les indemnités :
– de constater l’annulation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 février 1996 ayant alloué aux consorts [F] une indemnité de 4 100 000 euros toutes causes de préjudices confondus ;
– de constater le désistement de la ville de [Localité 40] et de la SEMAVIP de ses demandes à l’encontre des consorts [F] suivants, parties à un protocole d’accord :
– [C] [F] (épouse [FU]) ;
– [RV] [S] [F] (épouse [P]) ;
– [JO] [F] ;
– [FA] [F] ;
– de condamner en conséquence les consorts [F] non parties au protocole, solidairement, à restituer à la SEMAVIP la somme de 3 299 944 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du 07 novembre 2011 ;
– de dire que les intérêts échus des capitaux produiront des intérêts à compter d’une année entière ;
– sur la demande des consorts [F] :
– à titre principal : de constater qu’il n’y a pas lieu d’allouer aux demandeurs des dommages et intérêts ;
– à titre subsidiaire: de constater que les demandeurs n’apportent pas la preuve des préjudices qu’ils allèguent et les rejeter ;
– sur les frais irrépétibles : de condamner solidairement les consorts [F] au paiement d’une somme de 10 000 euros ;
EXPOSÉ DES MOYENS DES PARTIES
[W] (veuve [IB]), [E], [AI] et [G] [F] de la branche [XX] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] font valoir que :
– la demande de réparation du dommage causé repose sur les articles L 223-1, L 223-2 et R 223-6 du code de l’expropriation. La cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 14 février 2008, a jugé que la perte de constructibilité était “la conséquence de la procédure d’expropriation dont ils (les copropriétaires) ont fait l’objet et non de la présence de l’ouvrage litigieux”, “que d’autre part, les préjudices résultant des dégradations ayant affectées leur propriété ainsi que la perte de constructibilité et de jouissance d’une parcelle de 1 414 m² sont la conséquence directe de la procédure d’expropriation dont les consorts [F] ont fait l’objet en 1995 et non de l’autorisation de construire litigieuse”. La cour est compétente pour indemniser les préjudices liés à l’indisponibilité du bien exproprié et à l’impossibilité d’accomplir les actes nécessaires à sa valorisation ; or le terrain bénéficie de droits à construire au titre de sa soumission au plan d’aménagement modificatif de la zone de la [Adresse 41] du 22 juin 1992, ce que ne conteste pas la SEMAVIP ;
– le terrain était constructible avant que l’opération irrégulière ne lui fasse perdre ses droits à construire ;
– la cour de renvoi est saisie de la cassation partielle et ne doit statuer que sur la demande d’indemnisation au titre de la perte des droits à construire du terrain, elle n’est pas saisie des autres demandes indemnitaires et les conclusions de rejet prises par la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] sont dès lors irrecevables ;
[C] et [RV] [S] (épouse [P]) [F] de la branche [GN] [F] font valoir que :
– elles ont conclu un protocole transactionnel le 04 octobre 2018 avec la Ville de [Localité 40] et la SEMAVIP ;
– ce protocole a été exécuté, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] se sont désistées de leurs demandes à leur encontre ;
– en conséquence, elles acquiescent à ce désistement et se désistent de toutes leurs demandes formées à l’encontre de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40], chaque partie conservant l’intégralité des frais liés à cette instance ;
[AI]-[XX], [L], [O] et [EB] [F], de la branche [AU] [F], soutiennent que :
– suite à l’arrêt de la cour de cassation du 14 septembre 2017, la cour doit statuer sur le principe du préjudice évoqué par les appelants avant de décider, le cas échéant, de confier la mission à l’expert judiciaire d’en déterminer le montant ;
– la demande de réparation du dommage causé repose sur les articles L 223-1, L 222-3 et R 223-6 du code de l’expropriation ;
– suite à quoi, la cour est compétente pour indemniser les préjudices liés à l’indisponibilité du bien exproprié et à la possibilité pour les expropriés d’accomplir les actes nécessaires à sa valorisation ;
– la cour pourra se référer au règlement du PAZ pour considérer que le terrain était constructible avant que l’opération irrégulière ne lui fasse perdre ses droits à construire ;
– la cour de renvoi ne doit statuer que sur la demande d’indemnisation au titre de la perte des droits à construire du terrain, et elle n’est pas saisie des autres demandes indemnitaires qui font l’objet, au terme de l’arrêt du 19 mai 2016 – avant dire droit, d’une mission d’expertise. En conséquence, les conclusions de rejet prises par la Semavip et la ville de [Localité 40] sont irrecevables ;
[JO] et [FA] [F] de la branche [GN] [F] font valoir que :
– ils ont conclu un protocole d’accord transactionnel le 04 octobre 2018 avec la ville de [Localité 40] et la SEMAVIP ;
– ce protocole a été exécuté, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] se sont désistées de leurs demandes à leur encontre ;
– en conséquence, ils acquiescent à ce désistement et se désistent de toutes leurs demandes formées à l’encontre de la SEMAVIP et de la ville de [Localité 40], chaque partie conservant l’intégralité des frais liés à cette instance ;
[RV] [BA] (épouse [U]), [IV] et [R] [F], de la branche [XX] [F] considèrent que :
– la cassation prononcée par l’arrêt du 17 novembre 2017, porte sur le troisième chef des missions d’expertise, à savoir l’éventuelle perte de chance de disposer des droits à construire attachés au terrain ;
– la cassation ne porte pas sur la privation de jouissance, ni sur la remise en état du terrain ;
– la cassation ne porte que sur la constructibilité, et la demande d’indemnisation à hauteur de 11 200 000 euros est maintenue, s’appuyant sur un avis d’un expert ;
– si la cour s’estimait insuffisamment informée, il conviendra d’étendre la mission de l’expert en estimation de la valeur du terrain résultant de l’application du plan d’aménagement de la zone de la [Adresse 42], approuvé par délibération du 22 juin 1992, qui comportait attribution de droits à construire ;
– ces droits à construire ont été cédés à l’OPAC, qui les a consommés pour édifier un immeuble sur un terrain voisin, la ville a ensuite rendu à nouveau le terrain constructible dans son PLU approuvé les 12 et 13 juin 2006. La restitution de la parcelle irrégulièrement expropriée par la ville portera donc sur un terrain inconstructible. Or, si la restitution du terrain était intervenue en temps utile, les expropriés auraient pu se prévaloir des règles de la ZAC ;
– la mission d’expertise ne peut porter sur l’existence d’une perte de chance, mais elle peut en revanche éclairer le débat sur les valeurs à retenir pour apprécier le préjudice au regard des droits à construire qui étaient attribués dans le PAZ. Il convient en conséquence, à titre subsidiaire, de compléter la mission donnée à l’expert ;
La Semavip et la ville de [Localité 40] répondent que :
– avant dire droit, sur l’illégalité et l’inutilité de la mesure d’expertise : ils maintiennent qu’une mesure d’expertise est en effet inutile et illégale, notamment au regard de l’article 146 du code de procédure civile. Depuis 2000, date à laquelle les consorts [F] ont fait annuler l’ordonnance d’expropriation portant sur leur terrain, ils n’ont cessé de retarder la restitution de l’indemnité d’expropriation, prétendant ainsi qu’ils ont subi un préjudice en lien avec l’expropriation et d’un montant supérieur à l’indemnité d’expropriation. Or, ce préjudice allégué est essentiellement dû à une prétendue perte de constructibilité du terrain, qui n’était pour autant pas constructible à la date de l’ordonnance d’expropriation, ni à ce jour. Par ailleurs, le fait que le terrain soit inclus dans le périmètre de la ZAC ne signifie pas que les parcelles prises individuellement bénéficient de droits à construire propres ;
– en ce qui concerne la dégradation du terrain : celle-ci ne saurait être reconnue sachant que les consorts [F] ont récupéré leur bien le 07 novembre 2001 ;
– concernant les nuisances dues au voisinage, c’est à juste titre que le juge de l’expropriation a rejeté ces demandes, car la cour administrative d’appel leur a déjà alloué des dommages et intérêts ;
– sur la jouissance des nuisances subies depuis 1995, le juge de l’expropriation a rejeté à juste titre ces demandes des consorts [F], puisqu’ils ont été indemnisés lors de la fixation des indemnités d’expropriation par le juge de l’expropriation ;
– en ce qui concerne la perte de constructibilité invoquée par les consorts [F] : le juge de l’expropriation a, à juste titre, écarté cette demande. En effet, la prétendue perte de chance n’est pas sérieuse car le terrain exproprié n’a jamais été constructible, ce qui est souligné par le commissaire du gouvernement ;
– sur la demande de restitution de l’indemnité d’expropriation : le premier juge a condamné les consorts [F] à restituer l’indemnité de 15 532 000 francs, soit 2 367 838 euros, qui leur a été versée, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 07 novembre 2007. Cette solution n’est pas satisfaisante en ce qu’il a été retenu une restitution incomplète de l’indemnité d’expropriation. Toutefois, sur le principe, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a ordonné la restitution de l’indemnité principale en première instance ;
– s’agissant de la modification du règlement de copropriété, les consorts [F] n’ont pas apporté la preuve que ce règlement de copropriété a été effectivement modifié ;
– sur la restitution de l’indemnité de remploi : les consorts [F] n’ont pas effectué une acquisition de biens de même nature, moyennant un prix égal au montant de l’indemnité principale. Dès lors que l’ordonnance d’expropriation et les décisions indemnitaires de la juridiction judiciaire ont été annulées, ladite indemnité d’expropriation doit être restituée tant en son principal que ses accessoires ;
– concernant la perte d’agrément du jardin, le premier juge a décidé à tort que celle-ci était acquise, puisque précisément le jardin leur a été restitué ; il relève ainsi de la responsabilité des consorts [F] d’avoir refusé d’en reprendre la possession dès le 07 novembre 2001 ;
– par le protocole transactionnel du 04 octobre 2018, la Ville de [Localité 40] et la SEMAVIP ont conclu un accord, qui a été exécuté, et il convient en conséquence de constater leur désistement à l’encontre de Mme [Y] [F], [RV] [S] [P] [F], M. [JO] [F] et M. [FA] [F] ;
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par courrier du 15 janvier 2019, l’expert M. [I] [AP] a demandé un report de délai au 28 juin 2019 afin de pouvoir faire intervenir le sapiteur. Une ordonnance de prorogation de délai a été rendue le 11 octobre 2019 pour un dépôt du rapport d’expertise au 29 juin 2020.
Par arrêt du 11 avril 2019, la Cour d’appel de Paris a constaté que, suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2017, l’affaire a été enrôlée sous un nouveau numéro RG 18/00867, alors qu’elle était déjà suivie sous le numéro RG 15/04719, renvoyé à l’audience du 03 octobre 2019. Par conséquent, il a été sursis à statuer et l’affaire RG 18/00867 a été renvoyée à l’audience du 03 octobre 2019.
La cour par arrêt contradictoire du 23 janvier 2020 a :
-Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016 ;
-Vu l’arrêt de la troisième chambre de la Cour de cassation du 4 septembre 2017, cassation partielle ;
-Déclaré recevables les conclusions des parties, sauf celle de Mesdames [C] [F] épouse [FU] et [PW] [F] épouse [P] du 17 octobre 2019 ;
-Ordonné la jonction du dossier RG 15/0479 avec le dossier 18/00867, l’affaire étant désormais suivie sous le numéro RG 15/04719 ;
-Constaté le désistement de la Ville de [Localité 40] et de la SEMAVIP de leurs demandes à l’encontre des consorts [F] suivants, parties à un protocole d’accord :
‘[C] [F] épouse [FU]
‘[PW] [F] épouse [P]
‘[JO] [F]
‘[FA] [F]
-Constaté pour ces parties son dessaisissement ;
-Dit que chacune de ses parties supportera ses propres dépens liés à l’instance ;
-Déclaré irrecevables les demandes de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] relatives à la dégradation du terrain et les différents travaux d’assainissement, les nuisances de voisinage, la perte de jouissance et les nuisances subies depuis 1995 ;
-Avant dire droit plus amplement, sur la demande de dommages-intérêts des consorts [F], du syndicat des copropriétaires, en raison de la constructibilité, ordonné une mesure d’expertise complémentaire à celle ordonnée par la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016, désigné également pour y procéder M. [I] [AP], expert près la cour d’appel de Paris, demeurant [Adresse 12] [Localité 25], qui pourra se faire assister de tout technicien d’une spécialité différente de la sienne, avec pour mission de :
‘entendre les parties, ainsi que tout sachant, se faire remettre tous documents utiles ;
‘fournir tous éléments utiles à la détermination de la valeur de la parcelle cadastrée à Paris DR [Cadastre 6] sur la base du plan d’aménagement de la zone de la [Adresse 42] du 22 juin 1992 avant toute cession de droits à construire
‘donner un avis sur le rapport de M. [T] [J] des 25 novembre 2003, (pièce numéro 30), 30 avril 2014 et 12 avril 2008 (pièce numéro 17), le rapport de A4A+ du 16 juillet 2014 (pièce numéro 39) d’actualisation du rapport [J] du 12 avril 2008 (pièce numéro 39) et l’expertise de M. [BU] [LH] de mai 2015 (pièce numéro 40), réalisé à la demande des consorts [F]
-fournir à la cour tous éléments techniques utiles à la solution du litige ;
-Dit que l’expert adressera aux parties une note de synthèse de ses opérations, leur enjoindra de lui adresser leurs dires dans un délai de trois semaines et répondra dans son rapport définitif, commun avec celui ordonné par la cour le 19 mai 2016, lequel devra être déposé au greffe de la cour au plus tard le 29 juin 2020 .
-Dit que les appelants restants suite aux désistements susvisés devront ensemble consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel de Paris la somme de 5000 euros à valoir sur les frais et honoraires de l’expert judiciaire, avant le 23 février 2020, faute de quoi la désignation de celui-ci sera caduque et il sera tiré toute conséquence de cette abstention ;
-Renvoyé l’affaire à l’audience du 12 mars 2020 pour vérification du versement de la consignation du 3 décembre 2020 neuf heures, salle Malesherbes pour plaidoiries après dépôt du rapport d’expertise ;
-Sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise sur le surplus des prétentions des parties, en particulier l’indemnisation des appelants, la demande de remboursement de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], les frais irrépétibles en cause d’appel et la charge des dépens d’appel ;
Après versement de la consignation, l’expert M. [I] [AP] a déposé son rapport d’expertise le 30 mars 2022.
Afin de répondre aux points de la mission confié, l’expert s’est adjoint en tant que sapiteurs M. [B] [H] expert en estimation immobilière, expert près la cour d’appel de Paris et pour l’étude de faisabilité, M. [TI] architecte DPLG, expert près la cour d’appel de Paris.
L’expert conclut :
‘fournir tous éléments utiles à la détermination de la valeur de la parcelle cadastrée à [Localité 40] DR [Cadastre 6] sur la base du plan d’aménagement de zones de la [Adresse 42] du 22 juin 1192 avant toute cession de droits construire.
Ce chapitre est traité dans le rapport de M. [H] en annexe 15
‘donner un avis sur le rapport de M. [T] [J] des 30 avril 2004 et 12 avril 2008, le rapport de A4A+ du 5 juillet 2014 (pièce 39) actualisation du rapport [J] du 12 avril 2008 (pièce 39) expertise de M. [BU] [LH] (pièce numéro 40) réalisées à la demande des consorts [F] de mai 2015.
Les rapports successifs de M. [J] déterminent des coûts de remise en état du terrain et de reconstruction du pavillon pour un montant total actualisé de 1 071’379,35 euros en 2014.
Cependant M. [J] évalue les différents nuisances en retenant des pourcentages arbitraires et des valeurs de terrains dans différents quartiers de [Localité 40] qui aboutissent à une moyenne de 9147 euros/m² sans connaissance de la surface de plancher construite.
Seule la méthode du bilan promoteur semble judicieuse à condition de faire une étude de marché sur les programmes neufs et vérifier le résultat obtenu avec l’incidence foncière observée pour les programmes immobiliers dans le secteur.
Ces rapports additionnent des travaux et des évaluations de nuisances de façon assez arbitraire.
L’expert estime que le préjudice subi par cette amputation est essentiellement concentré sur la perte de valeur de la propriété entre son état d’origine, avec ses atouts de constructibilité et la situation d’aujourd’hui où elle a perdu tout attrait pour un opérateur immobilier.
Certes il y a des travaux à faire pour jouir du terrain dans des conditions normales, mais à cet emplacement la perte financière du fait de la perte de constructibilité est énorme.
Concernant le rapport de M. [LH], l’expert estime que celui-ci est conforme à l’expertise de M. [H].
‘Déterminer le préjudice subi par les appelants en lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation résultant notamment de la privation du terrain depuis l’ordonnance d’expropriation, de la nécessité de le remettre en état où il se trouvait lors de sa remise, ainsi que d’une éventuelle perte de chance pour les appelants d’avoir pu disposer de droits à construire susceptibles d’avoir été attachés au terrain litigieux.
Ce chapitre est traité dans le rapport de M. [H] en annexe 15.
‘Fournir à la cour tous éléments permettant d’apprécier le lien de causalité entre chaque préjudice invoqué et l’expropriation irrégulière et, en toute hypothèse, quantifier lesdits préjudice.
Ce chapitre est traité dans le rapport de M. [H] produire en annexe 15.
L’expert a ensuite répondu aux dires des parties et a joint à son rapport 21 annexes.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Pour l’exposé complet des faits, la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties :
‘adressées le 10 août 2022 notifiées le 11 août 2022 (AR des 17 et 9 août 2022) par Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
vu les arrêts rendus par la cour le 19 mai 2016 23 janvier 2020
1° sur les demandes de la SEMAVIP
‘débouter la SEMAVIP de ses demandes de restitution faute de justifications des sommes qu’elle a déjà perçues ;
‘subsidiairement,
‘infirmer le jugement entrepris sur la solidarité les intérêts ;
‘statuant à nouveau, débouter la SEMAVIP de sa demande de condamnation aux intérêts légaux et de ses conclusions de capitalisation des intérêts ;
‘infirmer le jugement en tant qu’il a prononcé des condamnations à restituer l’indemnité d’expropriation à l’encontre des consorts [F] ;
‘statuant à nouveau, mettre hors de cause Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] ;
‘mettre à la charge de la copropriété la restitution de l’indemnité d’expropriation déduction faite des sommes déjà recouvrées par la SEMAVIP ;
2° sur les demandes du syndicat des copropriétaires
‘infirmer le jugement entrepris sur le montant des sommes mises à la charge de la SEMAVIP ;
‘statuant à nouveau, condamner la SEMAVIP à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] à [Localité 40] la somme de 20’521’106,82 euros avec intérêts au jour de la demande présentée par le syndicat des copropriétaires au juge de l’expropriation le 1° août 2011 ;
‘dire que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil ;
‘ordonner la compensation de cette somme avec les sommes éventuellement dues par la copropriété sur les demandes présentées par la SEMAVIP ;
3° en tout état de cause,
‘condamner in solidum la Ville de [Localité 40] et la SEMAVIP à payer à Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] chacun la somme de 4500 euros en application des articles 700 du code de procédure civile ;
‘condamner la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] aux dépens de première instance et d’appel.
‘Déposées le 30 août 2022 notifiées le 5 septembre 2022 (AR du 8 septembre 2022) par M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
vu les articles R223 -1 et suivants du code de l’expropriation nouveau (anciens articles R 12-5-1 et suivants)
vu la compétence de la juridiction d’expropriation
vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 9 juin 2011
vu l’arrêt rendu par la cour de Paris le 19 mai 2016
vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 septembre 2017
vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 janvier 2020
vu le rapport déposé par l’expert judiciaire M. [AP] du 30 mars 2022
vu le rapport actualisé des experts [J] [LH] cabinet A4A
vu les articles 221’240 du Code civil
vu l’article 1352 du Code civil
-Rejeter toutes exceptions d’incompétence, conclusions, demandes et fins de non-recevoir soulevées par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40]
-Confirmer le jugement du 18 novembre 2014 en ce qu’il a constaté la perte de base légale de l’ordonnance d’ expropriation
Pour le surplus,
-Constater que la parcelle irrégulièrement expropriée n’est pas dans l’état qu’elle présentait, tel que décrit dans les pièces figurant aux débats, lorsque la partie expropriante en a pris possession le 5 février 1996
-Juger que le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires, sont fondés à demander réparation du dommage causé par l’expropriation irrégulière
-Fixer le montant du préjudice des consorts [F] et du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé au [Adresse 8] [Localité 27] , représenté par son syndic M. [E] [F] à la somme de 20’521’106,92 euros se décomposant comme suit au titre des :
‘affouillements, remblais et modification du taux de travail au sol, de la construction des murs de clôture et du pavillon existant, des aménagements paysagers et des plantations : 1’640’016,24 euros
‘des nuisances pour manque d’ensoleillement, des vues directes , des nuisances sonores de la crèche et des logements mitoyens : 793’188 euros
‘la perte de jouissance des nuisances subies depuis 1995 : 1’046’410 euros
‘travaux d’assainissement : 41’492,68 euros
‘perte de droits à construire : 17 000 000 euros
sauf à parfaire à la date de la décision de justice à intervenir ;
-Juger que l’indemnité à verser doit se comprendre hors remploi, perte d’agrément et frais de modification du règlement de copropriété, ainsi qu’admis par la SEMAVIP dans ses lettres de mise en demeure et fixer en conséquence son montant à 15’532’000 francs ou 2’367’838 euros ;
-Juger que les consorts [F] ne sont personnellement tenus :
-d’aucune restitution vis-à-vis de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
-d’aucune solidarité ;
-Juger que la restitution ne peut concerner les indemnités accessoires ;
-Juger que la mise en demeure adressée aux consorts [F] n’a pu faire courir à l’encontre des consorts [F] les intérêts légaux ;
Après compensation légale :
-Fixer le montant l’indemnité due aux consorts [F] et du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé au [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] à la somme de 18’153’268 92 euros, sauf à parfaire ;
-Condamner la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], tenues in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 15’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel, qui comprend l’intégralité des frais d’expertise ordonnée par la cour.
‘Adressées le 13 janvier 2023 notifiées le 23 janvier 2023 (AR des 25 , 26 janvier 2023 et 27 janvier 2023) par la SEMAVIP et Madame la Maire de la Ville de [Localité 40] aux termes desquelles elles demandent à la cour de :
vu la nullité du rapport d’expertise :
l’article 175 du code de procédure civile
l’article 119 du code de procédure civile
l’article 133 du code de procédure civile
la jurisprudence de la Cour de cassation
‘prononcer la nullité de l’ expertise conduite par M. [I] [AP] ;
en conséquence,
‘écarter purement et simplement le rapport d’expertise de M. [I] [AP] déposé le 30 mars 2022, ainsi que les annexes du rapport d’expertise ;
‘sur la restitution des indemnités d’expropriation :
vu l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016
‘déclarer irrecevables les demandes des consorts [F] représentés par Me Pouilhe et des consorts [F] représentés par Me Olivier tendant à infirmer le jugement dont appel en tant qu’il a prononcé des condamnations à restituer l’indemnité d’expropriation à l’encontre des consorts [F] et non à l’égard du syndicat des copropriétaires ;
-vu les arrêts rendus par la Cour de cassation le 27 février 2000 ;
-vu les articles 1153’ et 1154 du Code civil ;
-constater l’annulation de l’arrêt la cour d’appel de Paris du 2 février 1996 ayant alloué aux consorts [F] une indemnité de 4’100’146,81 euros toutes causes de préjudice confondues ;
en conséquence,
‘réformer le jugement dont appel en ce qu’il a exclu les indemnités accessoires du montant des indemnités d’expropriation à restituer par les consorts [F] à la SEMAVIP ;
‘confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné in solidum les consorts [F] à restituer l’indemnité d’expropriation, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et avec la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
‘statuant à nouveau,
‘condamner in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP la somme de 4’100’146,81 euros qui leur a été versée, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et capitalisation des intérêts dus pour chaque année entière ;
‘dire qu’il conviendra de déduire les indemnités déjà restituées par Mesdames [C] et [PW] [F] et M. [JO] et [FA] [F] à hauteur de 686’673 euros
sur le préjudice allégué par les consorts [F] :
1° sur la remise en état :
‘infirmer le jugement en tant qu’il a accordé à ce titre une indemnité de 200’000 euros excédent dans son étendue le préjudice véritablement subi ;
statuant à nouveau,
‘fixer le montant du préjudice de remise en état du terrain à la somme de 18’000 euros correspondant aux frais strictement nécessaires à la remise en état ;
2° sur les nuisances de voisinage :
‘confirmer le jugement en tant qu’il a rejeté la demande au titre des nuisances de voisinage
3° sur la perte de jouissance :
‘infirmer le jugement en tant qu’il a rejeté la demande au titre de la privation temporaire de jouissance, sous réserve d’infirmer le jugement en tant qu’il a rejeté la demande de restitution de l’indemnité d’expropriation réparant la perte d’agrément ;
statuant à nouveau,
‘fixer le montant du préjudice de privation temporaire de jouissance à la somme de 240’674 euros correspondant à la privation de jouissance entre la prise de possession le 5 février 1996 et la restitution matérielle du terrain le 7 novembre 2001 ;
4° sur les dépenses d’assainissement :
infirmer le jugement en tant qu’il a accordé une indemnité au titre des dépenses d’assainissement ;
statuant à nouveau,
‘rejeter la demande au titre des dépenses d’ assainissement ;
5° sur la perte de constructibilité :
-confirmer le jugement en tant qu’il a rejeté la demande au titre de la prétendue perte de constructibilité ;
à titre subsidiaire,
-fixer le montant du préjudice de perte de droits à construire à la somme d’1’097’000 euros ;
6° en conséquence :
‘fixer l’indemnité due aux consorts en réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière d’expropriation, tous chefs de préjudices confondus, au montant de 258’674 euros ;
à titre subsidiaire,
‘fixer l’indemnité due aux consorts [F] en réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière d’expropriation, tous chefs de préjudices confondus, au montant de 1’355’600 114 euros ;
‘dire qu’il conviendra de déduire de l’indemnité due en réparation du préjudice subi du fait de l’ expropriation irrégulière d’expropriation, la fraction qui leur était due à Mesdames [C] et [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F] ;
‘débouter les consorts [F] de leur demande de condamnation à l’égard de la Ville de [Localité 40] et, a fortiori, de leur demande de condamnation in solidum ;
sur les frais irrépétibles et les dépens ;
‘condamner in solidum les consorts [F] au paiement d’une somme de 30’000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux dépens d’appel ou, à défaut, laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles de ses dépens ;
‘mettre à la charge de M. [I] [AP] les dépens relatifs à l’expertise, nulle par l’effet de la faute ce dernier, conformément à l’article 698 du code de procédure civile.
-Déposées le 2 mars 2023 notifiés le 6 mars 2023 (AR du 14 mars 2023) par Madame [HH] [U], M. [IV] [F] à M. [R] aux termes desquelles ils forment les mêmes demandes.
-Déposées le 27 janvier 2023 notifiées le 6 février 2023 (AR non reçus) par M. [AI]- [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] aux termes desquelles ils forment les mêmes demandes.
-Adressées le 27 janvier 2023 notifiées le 30 janvier 2023 (AR des 2, 3 et 4 février 2023) par le commissaire du gouvernement aux termes desquelles il propose à la cour d’allouer les indemnisations au titre de la procédure de restitution, selon la répartition suivante :
‘une indemnité de restitution devant revenir à la SEMAVIP et à la Ville de [Localité 40] pour la somme de 2’367’838 euros pour un montant de 686’673 euros déjà remboursée à déduire,
‘une indemnité en réparation des préjudices subis revenant aux consorts [F] pour la somme d’1’681’508,92 euros (1’640’016,24 euros+ 41’492,68 euros).
‘Déposées le 3 mars 2023 notifiées le 6 mars 2023 (AR du 10, 13 et 14 mars 2023) par Madame [MB] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
vu les articles R223-1 et suivants du code de l’ expropriation nouveau (ancien article R12-5-1 et suivants)
vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris du 9 juin 2011
vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 19 mai 2016
vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 septembre 2017
vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 janvier 2020
vu le rapport déposé par M. [I] [AP], expert judiciaire du 30 mars 2022
vu les articles 221’240 du Code civil
vu l’article 352 du Code civil
‘Constater que la parcelle irrégulièrement expropriée n’est pas en l’état qu’elle présentait, tel que décrit par les pièces figurant aux débats , lorsque la partie expropriante en a pris possession le 5 février 1996;
‘Fixer le montant du préjudice des consorts [F] et du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé au [Adresse 8] à [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] à la somme de 18’153’268,92 euros, sauf à parfaire, après compensation ;
‘Condamner la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], in solidum, au paiement de la somme de 18’153’268 92 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts depuis le 10 mai 2004, date de la demande en justice des anciens expropriés, sinon du 18 novembre 2014, date du jugement dont appel ;
‘Condamner la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 15’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, qui comprendront l’intégralité des frais d’expertise judiciaire ordonnée par la cour.
‘Déposées le 13 mars 2023 notifié le 14 mars 2023( AR non reçus ) par M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] aux termes desquelles ils formulent les mêmes demandes.
‘Adressées le 15 juin 2023 notifié le 19 juin 2023 (AR du 21 juin 2023), par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] aux termes desquelles elles forment les mêmes demandes.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] font valoir que :
A titre liminaire, sur la demande de la nullité l’expertise, et la remise en de l’autorité de chose jugée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40].
S’agissant de la demande de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] que la mesure d’expertise soit jugée inutile et illégale, cette réclamation a été déclarée irrecevable par la cour
d’appel de Paris dans son arrêt du 23 janvier 2020, le pourvoi formé à l’encontre de cet derrière décision ayant été rejeté.
Dans le cadre d’une mission d’expertise complexe dans un dossier à lourd enjeu, M. [AP] a conformément aux dispositions de l’article 233 du code de procédure civile organisé la mission qui lui a été confiée, animé toutes les réunions d’expertise, diffusé ses différentes notes aux parties et centralisé la diffusion des pièces, avant de déposer son rapport ; afin de remplir correctement la mission qui lui a été confiée, conformément aux dispositions de l’article 278 du code de procédure civile, il a dû s’adjoindre l’assistance de plusieurs sapiteurs dans des domaines ne ressortant pas de sa spécialité ; ainsi, il a fait appel à la société d’ingénierie ELVIA concernant la réalisation d’une simulation de perte d’ensoleillement suite à la construction nouvelle ; Mr [AP] s’est adjoint pour la question de l’existence d’une perte de constructibilité les services de M. [B] [H], spécialisé dans l’évaluation immobilière, qui avait besoin d’une étude de faisabilité sur les surfaces concernées, laquelle a été confiée à M. [WJ] [TI] ; l’expert a donc bien réalisé la mission qui lui a été confiée en faisant appel de façon ponctuelle et spécifique à des spécialistes.
Sur l’autorité de la chose jugée attachée aux arrêts rendus le 14 septembre 2017 par la Cour de cassation et le 23 janvier 2020 par la cour d’appel, l’autorité expropriante a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 23 janvier 2020, qui a été rejeté par la Cour de cassation et ces décisions sont dès lors définitives. Dès l’arrêt du 19 mai 2016, le principe des diverses sortes de préjudices subis par les consorts [F] a été définitivement arrêté par la cour et l’objet de l’expertise est de déterminer le quantum de ce préjudice.
A la restitution du bien
1: les caractéristiques du bien
S’agissant des caractéristiques du bien, le terrain exproprié était utilisé pour les besoins des travaux d’aménagement de la zone, a été dépouillé et arasé et le bien restitué n’est pas celui dont les consorts [F] avaient l’usage, lorsqu’ils ont été dépossédés.
2: les droits affectés par l’expropriation
Dans le mois de sa prise de possession, la SEMAVIP a vendu à la Ville de [Localité 40], sous le régime fiscal des terrains à bâtir, la parcelle expropriée par acte notarié du 22 mars 1996 (pièce numéro 6) et sur ce, interviendra entre la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] un acte résolutif des 17 et 18 février 2005 (pièce numéro 9).
La SEMAVIP n’a rien fait pour restituer le terrain en cause, puisqu’elle est restée en possession de celui-ci, ce qui a été constaté par le juge de l’expropriation lors du transport sur les lieux 30 avril 2014 (pièce numéro 48), durant l’expertise du 19 avril 2019 et cela correspond à la solution retenue par le tribunal de police qui a donné raison aux consorts [F] (pièce numéro 59).
En conséquence, le préjudice consécutif à la perte de constructibilité engendrée par l’opération pendant laquelle les droits à construire ont été utilisés par l’autorité expropriante doivent être évalués au jour de la restitution, laquelle ne pourra intervenir qu’une fois la compensation effectuée et les consorts [F] effectivement en possession du terrain.
3: l’environnement
S’agissant de l’environnement de la parcelle en cause, celle-ci offrait à ses propriétaires un espace libre, protégé à l’abri des regards ; la SEMAVIP a confié à l’OPAC des droit à construire sur le terrain voisin, avec vue direct sur la parcelle concernée, ainsi rendu inconstructible ; de plus, cette parcelle est aujourd’hui placée sous les contrats de plan local d’urbanisme qui créé un « Espace Libre à Végétaliser » (ELV) ( pièces numéros 18 et10).
Ainsi le terrain constructible n’est plus celui dont a été dépossédé le syndicat des copropriétaires.
Si les consorts [F] n’avaient pas été expropriés, ils auraient pu donner à la parcelle, alors constructible, une autre destination, par exemple édifier un bâtiment collectif, tel que réalisé par l’OPAC sur le terrain voisin.
B la réparation du préjudice causé par l’opération
Il relève de la compétence des pouvoirs du juge de l’expropriation de statuer sur la demande des consorts [F] en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière.
1: l’irrégularité de l’opération
Par jugement du 3 mars 2000, le tribunal administratif de Paris a, sur le recours du syndicat et des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 8], annulé l’arrêté du 28 février 1995 déclarant cessible une partie de l’immeuble des requérants (pièce numéro 21).
2: l’annulation de l’arrêté de cessibilité a entraîné l’annulation de tous les actes de l’expropriation (pièces numéros 4 et 22).
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] soutiennent que le fait pour les consorts [F] d’avoir poursuivi l’annulation de l’arrêté de cessibilité les rendrait illégitime à réclamer l’indemnisation des conséquences de cette annulation. La défaillance est celle de l’autorité expropriante, indirectement à l’origine des déboires subis par les consorts [F], privés d’un bien dont ils auraient été fondés à conserver la propriété.
3: les droits atteints par l’opération irrégulière
Outre l’arasement de la parcelle, réduite à l’état de sol et d’un simple espace dépouillé de sa terre et de tous ornements, les propriétaires se trouvent privés d’un droit essentiel qui concourt, pour une part importante à la valeur d’un terrain : le droit de construire.
Par la même expropriation, la SEMAVIP a acquis une parcelle de terrain situé [Adresse 9], jouxtant celle qui est ici concernée ; la SEMAVIP a conclu le 10 avril 1997 avec l’Office public d’aménagement et de construction de [Localité 40] (OPAC) une convention de bail à construction d’une durée de 65 ans, en vue de l’édification sur cette parcelle d’un bâtiment de sept étages et de deux niveaux de sous-sol, à usage d’habitation, de commerces, et de stationnement et comprenant un jardin maternel de 25 berceaux ; les permis de construire successifs ont été annulés ; les consorts [F] ont assigné le 12 janvier 2001 la Ville de [Localité 40] et l’OPAC aux fins de voir condamner l’OPAC à démolir, sous astreinte, l’immeuble litigieux ; par ordonnance du 2 décembre 2002, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a déclaré le tribunal de grande instance incompétent, relevant de la compétence du juge administratif ; la cour d’appel de Paris par arrêt du 7 janvier 2004 a confirmé cette ordonnance (pièce numéro 24) ; par arrêt du 6 juillet 2005, la Cour de cassation a considéré les juridictions judiciaires incompétentes pour la demande des consorts [F] de démolition d’immeubles voisins, qualifiés d’ouvrages publics, rejetant ainsi le pourvoi ; la cour administrative d’appel de Paris a par arrêt du 14 février 2008 débouté les consorts [F] de leur demande de démolition.
Ils se retrouvent donc propriétaires d’un bien frappé, de fait, d’inconstructibilité par la présence, sur le terrain voisin, d’un bâtiment de sept étages, absorbant les droits à construire attachés à leur terrain.
Or, afin de pouvoir bâtir un immeuble de l’OPAC, la SOPAREM (SEMAVIP) avait besoin des droits à construire de leur terrain comme cela ressort des rapports des conseils d’administration aux assemblées des 31 décembre 1992 et 31 décembre 1993 (pièce numéro 31), l’acquisition de leur parcelle étant indispensable à la mise en ‘uvre de la construction aux limites de la propriété du lot numéro neuf portant sur 60 logements.
En conférant à un tiers des droits qu’elle n’avait pas, la SEMAVIP a commis une faute au préjudice des consorts [F], copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] et du syndicat qui constitue leur collectivité.
C la compensation
1: la part de l’indemnité répétitive
Le jugement retient qu’il y a lieu à restitution de l’indemnisation correspondant à la valeur vénale du terrain uniquement, déduction faite des sommes perçues au titre du préjudice d’agrément, du remploi ou encore des frais de modification du règlement de copropriété.
Le commissaire du gouvernement conclut logiquement que ces indemnités doivent être considérées comme acquises.
En effet, l’indemnité de remploi versée le 4 janvier 1996, est un dédommagement qui a été affecté , irrépétible et qui doit être considéré comme tel, en raison du temps écoulé et cette indemnité a été réellement réemployée (Pièce 27).
Le préjudice pour perte d’agrément a été effectivement subi par les copropriétaires de l’immeuble qui ont été privés de l’usage du jardin.
L’indemnité pour modification du règlement de copropriété a été imposée par le changement intervenu dans la composition de la copropriété.
Enfin, aucune somme ne peut être due au titre d’intérêts de retard à compter du 7 novembre 2001 et encore au titre des intérêts sur intérêts ; en effet, il n’y avait à restitution des indemnités d’expropriation qu’en échange de terrain avec rétablissement des anciens propriétaires dans l’intégralité de leurs droits ; les intérêts ne peuvent courir que du jour de la décision à intervenir ; le courrier du 7 novembre 2001 qualifié de « mise en demeure » par la SEMAVIP est dépourvu d’effet, car la SEMAVIP ne pouvait remettre à la disposition des défendeurs un bien devenu la propriété de la Ville de [Localité 40] jusqu’à ce que soit constatée la résolution de la vente par les actes des 17 et 18 février 2005 (pièce numéro 9) cet acte remettant en possession, rétroactivement non pas le syndicat des copropriétaires, mais la SEMAVIP.
Cette mise en demeure est d’autant plus dépourvue d’effet que les consorts [F] ont répondu dès le 20 novembre 2001 (pièce numéro 14) en demandant à l’autorité expropriante que le terrain soit préalablement remis en état et la SEMAVIP n’y a pas donné suite et est restée en possession du terrain, tel que cela été constaté par le juge de l’ expropriation lors du transport sur les lieux du 30 avril 2014, ou lors des rendez-vous sur place du 19 avril 2019.
Le jugement sera donc réformé en ce que la somme à restituer de 2’367’838 euros est augmentée des intérêts à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001.
2: le montant du dommage
La réintégration dans leur patrimoine du terrain exproprié n’est concevable que si, avec le bien restitué, les consorts [F] reçoivent les dommages et intérêts qu’ils sont en droit de réclamer sur le fondement des articles 1221 ou 1240 du Code civil. Les frais au titre de leur préjudice notamment la remise en état du bien, ont été analysés et évalués par un architecte, M. [J], dans le rapport actualisé à la date du 12 avril 2008 et 16 juillet 2014 (pièce numéro 39) qui a été mis à jour le 30 décembre 2021 (pièce numéro 52). M. [YW] [LH] a établi un rapport le 7 mai 2015 afin d’estimer la valeur des droits à construire (pièce numéro 40) dont les consorts [F] ont été privés et mis à jour le 6 septembre 2021 (pièce numéro 53).
2.1 la remise en état de la parcelle sous emprise de 1412 m²
M. [H] a estimé le coût de la remise en état à la somme d’1 186’000 euros se fondant sur un devis détaillé de la compagnie des jardiniers du 24 septembre 2003.
Les dommages ont également été estimés dans les rapports [J] et [LH], avec une évaluation dernièrement mise à jour le 30 décembre 2021 par le cabinet A4+A (pièce numéro 54), soit un total pour la remise en état d’un montant de 1’640’016,13 euros.
2.2 les nuisances occasionnées
Les consorts [F] doivent être indemnisés pour les nuisances provoquées par le manque d’ensoleillement et de vues directes, outre les nuisances sonores provenant de la crèche, de logements mitoyens ; en se fondant sur une étude d’ensoleillement réalisée le 3 avril 2019 dans le cadre de l’expertise par la société ELVIA pour un montant de 682’000 euros, dont le rapport d’expertise a été actualisé au 31 décembre 2021 (pièce numéro 52) l’expert retient une somme de 793’188 euros.
Le lien de causalité entre l’opération annulée et les nuisances subies à la suite de l’utilisation des droits à construire confisqués par l’autorité expropriante est avéré.
2.3 : la perte de jouissance depuis 1995
Le sapiteur M. [H] valide l’évaluation réalisée par le cabinet A4+A , l’expert retenant la somme d’1’046’410 euros.
2.4 : l’assainissement du terrain
Les consorts [F] ont été mis en demeure d’assainir le terrain par injonction du préfet et sous la menace de poursuites judiciaires ; la somme de 41’492,68 euros allouée par le premier juge est acceptée.
2.5 : la perte de constructibilité
La question de l’existence du préjudice découlant de la perte de constructibilité a été définitivement tranchée par l’arrêt du 23 janvier 2020 et la Cour de cassation.
À supposer qu’il n’y a pas autorité de la chose jugée sur cette question, le professeur [UW] dans sa consultation du 18 mai 2002 complétée le 2 février 2003 (pièces numéro 25 et 26) conclut au fait que le règlement de la Zac était applicable et que la constructibilité de la parcelle était certaine.
La parcelle restituée est devenue de fait, inconstructible par la présence sur le terrain voisin du bâtiment de sept étages édifié par l’OPAC au bénéfice du bail à construire que lui a consenti la SEMAVIP en avril 1997, la distance interdisant toutes constructions sur le terrain des consorts [F]. Or la SEMAVIP anciennement SOPAREMA n’a pu consentir ce bail à construire à l’OPAC que par le report des droits permis par l’acquisition du terrain des consorts [F], indispensable à l’opération.
La perte de constructibilité est certaine et leur préjudice tient à la privation d’une chance d’avoir pu bénéficier des droits à construire attachés à la parcelle dont ils ont été dépossédés.
La Cour de cassation juge désormais que toute perte de chance ouvre droit à réparation.
En dépit de la difficulté de la situation qui résulte des multiples procédures affectant le bien à la suite de l’expropriation mise en ‘uvre, de son absence de restitution et de remise en état, les circonstances n’étaient pas favorables à l’élaboration d’un projet immobilier, les consorts [F] ont toutefois conduit des démarches et rencontré plusieurs architectes et promoteurs ; ils ont eu une réunion le 6 janvier 2006 avec M. [FA] [MV] de la société Bouygues immobilier, des contacts ont été pris avec un architecte [UC] [XI] (pièce numéro 61) qui a analysé des esquisses d’un projet immobilier (pièce numéro 62), ils ont eu une réunion le 29 mai 2006 avec M. [V] maire-adjoint, le 2 juin 2014,ils ont rencontré le maire du [Localité 26] et enfin le 4 juillet 2018 M. [L] directeur immobilier d’Eiffage immobilier.
Si le commissaire du gouvernement sans qu’il n’en tire réellement de conclusions relève « qu’il convient tout d’abord de faire remarquer l’écart considérable entre les indemnités estimées après expertise judiciaire de celles allouées par celles du juge de l’expropriation» cette déclaration est dénuée de toute portée.
S’agissant des évaluations, M. [H] y consacre de longs développements et les estime à : 28 015 000 euros (valeur vénale des biens dans l’état du deuxième trimestre 1995)-11’772 000euros (valeur vénale des biens dans l’état actuel) soit 16 243 000 euros.
M. [LH] avait établi un premier rapport (pièce numéro 40) et a produit un avis de valeur arrêtée à septembre 2021 (pièce numéro 53) et s’est notamment fondé sur l’étude de faisabilité délivrée par M. [TI],sapiteur désigné par l’expert judiciaire.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ont produit un rapport [K] estimant le préjudice consécutif à la perte de constructibilité à 4’500’000 euros, mais ce rapport est basé sur l’année 1995, année calamiteuse sur le plan du marché immobilier.
Or, la Cour de cassation a indiqué dans son arrêt du 14 septembre 2017 : « qu’en application de l’article R12-5-4 devenu R223-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le juge est tenu de préciser dans sa décision que la restitution de son bien à l’ exproprié ne pouvait intervenir qu’après paiement par celui-ci à l’expropriant des sommes mises à sa charge, le cas échéant après compensation avec les indemnités mises à la charge de l’expropriant, et qu’ainsi il ne pouvait y avoir restitution du bien sans remboursement préalable de l’indemnité d’expropriation. »
L’argument tiré de la consolidation à 1995 a d’ailleurs été écarté par l’ expert judiciaire.
À partir du rapport [K], qui indique que 25 ans plus tard le prix immobilier à [Localité 40] a été ainsi multiplié par cinq, on obtient une évaluation de la perte de droits construire de 17’650’000 euros tout à fait comparable.
3: l’indemnisation après compensation
L’indemnité à verser doit se comprendre hors remploi, perte d’agrément et frais de modification du règlement de propriété, ainsi qu’admis par la SEMAVIP dans ses deux mises en demeure et est donc de : 2’367’838 euros.
Le dommage à réparer s’élevant à 20 521 106,82 euros, par différence, il revient aux consorts [F] la somme de 18’153’268,92 euros.
M. [AI]- [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] font valoir que :
-sur la nullité du rapport d’expertise par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40]
Malgré les contestations de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], la mesure d’expertise a été validée par les arrêts définitifs de la cour du 19 mai 2016 et 23 janvier 2020 et, par l’arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2017.
En outre, l’article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond et fin de non-recevoir et en l’espèce la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ont largement fait défense au fond, avant même de soulever la prétendue irrégularité du rapport d’expertise.
En outre, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ne démontrent l’existence d’aucun grief.
Les sapiteurs auquels a eu recours l’expert n’ont jamais été remis en cause par le juge chargé du contrôle des expertises.
L’expert judiciaire a eu recours à l’avis d’autres techniciens dans des spécialités qui étaient d’un autre domaine de compétence que le sien comme le prévoit l’article 278 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 282 alinéa 3 du code de procédure civile, le rapport d’expertise rappelle bien que chaque avis émis a été annexé au rapport, que ces avis ont été débattus contradictoirement, et qu’il est fait référence à chaque avis émis pour se prononcer.
En conséquence, le moyen tiré de la nullité du rapport d’expertise pourra être rejeté.
‘Sur les préjudices causés par l’opération irrégulière
Ils se réfèrent aux détails contenus dans le mémoire déposé devant la cour dans l’intérêt du syndicat des copropriétaires et des consorts [IB]-[F], aux évaluations, actualisées des différents rapports dont celui de l’expert judiciaire M. [AP] mais aussi ceux des experts [J] et [LH] et du cabinet A4+A.
Les préjudices dans leur principe ont déjà été jugés par la cour dans ses arrêts définitifs de 19 mai 2016 et 23 janvier 2020 et par l’arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2017 définitif.
A sur le coût de remise en état la parcelle expropriée
‘les experts [J] et [LH] puis le cabinet A4+A l’ont chiffrée à la somme d’1 640’016,13 euros et l’expert judiciaire M. [AP] à la somme d’1’186’000 euros.
Il convient d’y ajouter l’exposition ,les nuisances de vue directe, la perte d’ensoleillement et les bruits que subit la parcelle pour une somme de 793’188 euros.
B sur la perte de jouissance de la parcelle expropriée
A été versée par la SOPAREMA au syndicat des copropriétaires de l’immeuble, pris en la personne de son syndic, M. [E] [F], la somme de 15’532’000 francs au titre de l’indemnité principale d’expropriation, dont il a été donné quittance par acte notarié de Me [D].
Le 5 février 1996, la SEMAVIP a pris possession du terrain qu’elle a vendu à la Ville de [Localité 40] le 22 mars 1996 sous le régime fiscal des terrains à bâtir pour le prix révisable TTC de 17’557’036,03 francs.
Suite aux arrêts de la Cour de cassation, est intervenue le 17 et 18 février 2005 la résolution de la vente devant Me [D].
L’article R223-6 du code de l’expropriation dispose que le juge détermine également les indemnités à restituer à l’expropriant. Il statue sur la demande de l’exproprié en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière. Il précise que la restitution de son bien exproprié ne peut intervenir qu’après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, après compensation.
Leur demande en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière doit être tranchée par la cour et de sorte que le terrain exproprié n’a toujours pas pu être restitué aux expropriés.
La Cour de cassation dans son arrêt du 14 septembre 2017 a expressément confirmé en jugeant que la juridiction saisie est tenue de préciser dans sa décision que la restitution du bien exproprié ne peut intervenir qu’après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, le cas échéant après compensation avec les indemnités mises à la charge de l’expropriant et qu’ainsi il ne peut y avoir restitution du bien sans remboursement préalable de l’indemnité d’expropriation.
Ceci est conforté par l’impossibilité matérielle pour les consorts [F] d’accéder à la parcelle expropriée, ce qui est confirmé lors du transport sur les lieux par le juge de l’ expropriation le 30 avril 2014 et par la réunion d’expert du 22 juillet 2019.
La Ville de [Localité 40] a dressé procès-verbal le 28 novembre 2018 contre certains membres de la famille [F] et a transmis la procédure au ministère public pour non respect du règlement sanitaire départemental et le tribunal de police de Paris a jugé qu’il revenait à la Ville de [Localité 40] ou à la SEMAVIP d’ assumer l’entretien de cette partie du terrain dont elle avait prit possession.
La durée de la privation de jouissance justifie une indemnisation d’1 046’410 euros que retient l’expert judiciaire M. [AP].
C: sur les frais d’assainissement de la parcelle expropriée
Le premier juge a admis ce poste de préjudice en son principe dans son montant de 41’492,68 euros.
D : sur la perte des droits à construire de la parcelle expropriée
Il s’agit d’un préjudice en lien avec l’opération irrégulière d’expropriation et non avec la présence de l’ouvrage public ou avec l’illégalité des actes administratifs pris dans le cadre de l’utilité publique de l’opération.
La cour administrative d’appel de Paris dans son arrêt du 14 février 2018 a indiqué que la perte de constructibilité était « la conséquence de la procédure d’expropriation dont ils ont fait l’objet et non de la présence de l’ouvrage litigieux » « que d’autre part, les préjudices résultant des dégradations ayant affecté leur propriété ainsi que la perte de constructibilité et de jouissance d’une parcelle de 1414 m² sont la conséquence directe de la procédure d’expropriation dont les consorts [F] ont fait l’objet en 1995 et non de l’autorisation de construire litigieuse ».
En l’espèce, le terrain bénéficie de droits à construire au titre de sa soumission au plan d’aménagement de la zone modificatif(PAZ) de la [Adresse 41] du 22 juin 1992, ce que rappellent expressément les rapport du conseil d’administration de l’AGO de la SOPREMA du 31 décembre 1992 et du 31 décembre 1993.
La juridiction administrative juge que des parcelles comprises à l’intérieur du périmètre couvert par un PAZ sont considérées comme constructibles.
Ainsi, le règlement du PAZ modifié du 22 juin 1992 dont les dispositions se sont immédiatement substituées à celle du POS jusque-là en vigueur, a rendu le terrain constructible, ce qui est confirmé par M. [UW] dans une consultation du 18 mai 2002.
Il ne s’agit pas de se référer à la consistance du terrain retenu dans le cadre de la procédure d’évaluation de l’indemnité d’expropriation, dont seule la date de référence est prise en compte, mais de la recherche du préjudice causé par l’opération irrégulière et de décider si les consorts [F] devaient bénéficier de la constructibilité du terrain associé au PAZ, s’ils étaient demeurés copropriétaires.
Plusieurs méthodes d’indemnisation permettent de vérifier le montant de la perte des droits à construire dans l’évaluation qui doit se faire à la date où la cour statue.
A) la date d’évaluation du préjudice lié à la perte des droits à construire.
La restitution de la parcelle n’aura lieu qu’après que la cour ait tiré toutes les conséquences de l’annulation de l’ordonnance d’ expropriation en vertu des articles L 223-1, L223-2 et R 223-6 du code de l’expropriation.
B) l’évaluation de la perte des droits à construire
L’évaluation est difficilement réalisable avec la méthode d’évaluation par comparaison.
La méthode de l’ expert judiciaire M. [AP] consiste à évaluer la valeur vénale aujourd’hui de l’ensemble immobilier (terrain + immeuble) dans son état au deuxième trimestre 1995 et la comparer à celle de son état actuel, soit une perte de valeur de 16 243’000 euros.
M. [LH] avait retenu une valeur des droits à construire de 17 millions d’euros.
Les préjudices subis par les consorts [F] du fait de l’opération irrégulière s’établissent comme suit :
– affouillements, remblais et modification du taux de travail au sol, la construction des murs de clôture et du pavillon existant, les aménagements paysagers et des plantations : 1’640’016,24 euros ;
‘nuisances pour manque d’ensoleillement, des vues directes, des nuisances sonores de la crèche et des logements mitoyens : 793’188 euros ;
‘la perte de jouissance et des nuisances subies depuis 1995:1’046’410 euros ;
‘travaux d’assainissement : 41 492,68 euros ;
‘perte des droits à construire : 17 000 000 d’euros
soit un total de 20’521’106,92 euros
‘sur le droit à restitution invoquée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40]
Les consorts [F] demandent la confirmation du jugement qui a réduit le montant de la restitution à l’indemnité d’expropriation versée à titre principal, à l’exclusion des indemnités accessoires.
Par contre, le tribunal a également prononcé à l’encontre des condamnations in solidum, sans motiver sa décision et fait courir les intérêts à compter de la mise en demeure adressée aux seuls consorts [F] le 7 novembre 2001; ils demandent la réformation sur ces points.
A les consorts [F] ne peuvent être condamné solidairement ;
ils ne sont pas tenus d’une quelconque solidarité, laquelle ne se présume pas, suivant l’article 1202 du Code civil.
Les consorts [F] ne sont pas propriétaires indivis mais copropriétaires.
B les intérêts ne peuvent être dus à compter de la mise en demeure délivrée aux seuls consorts [F]
Le reversement de l’indemnité n’est pas au regard des dispositions spécifiques de l’article R 223-6 du code l’expropriation soumis textuellement à intérêts.
La mise en demeure a été destinée aux seuls consorts [F] et non aux véritables débiteurs de la restitution qu’est nécessairement le syndicat des copropriétaires qui a perçu les indemnités. Aucune somme ne peut être due au titre d’intérêts de retard à compter du 7 novembre 2001, puisqu’il n’y avait lieu à restitution des indemnités d’expropriation qu’en échange du terrain avec rétablissement des anciens propriétaires dans l’intégralité de leurs droits.
‘L’indemnisation après compensation
L’indemnité à reverser doit se comprendre hors remploi, perte d’agrément et frais de modification du règlement de propriété, ainsi qu’admis par la SEMAVIP dans ses deux mises en demeure et elle est donc de 2’367’838 euros.
Le dommage à réparer s’élevant à 20’521’106,92 euros, il revient aux consorts [F] la somme de 18’153’268,92 euros.
Mme [RV]- [BA] [F], M. [AI] – [ZP] [F] et M. [R] [F] font valoir que :
‘sur les demandes de restitution de la SEMAVIP
Si l’indemnité principale doit être restituée, les indemnités accessoires ne peuvent l’être que si elles ont pour objet de réparer le préjudice résultant directement de la privation de propriété réalisée par l’ordonnance d’expropriation et en revanche lorsqu’elles portent sur un préjudice que la restitution du bien exproprié ne répare pas, elles restent acquise aux expropriés.
S’agissant de l’indemnité de remploi, celle-ci est dûe sans que l’exproprié n’ait à justifier la nécessité d’un remploi ; les expropriés ont procédé en outre au remploi de l’indemnité d’expropriation (pièce numéro 27 et pièce numéro 12).
Sur le règlement de copropriété, cette somme ne peut être restituée, car la modification du règlement de copropriété était la conséquence de la prise de possession réelle du bien effectué par la SEMAVIP.
‘Sur l’indemnité pour perte d’agrément
Cette indemnité ne porte pas sur la privation de jouissance du terrain exproprié mais sur la dépréciation du surplus de la propriété du fait de la perte de ce tènement immobilier, la restitution ne fait pas disparaître ce préjudice.
‘Sur les intérêts
La mise en demeure du 7 novembre 2021 ne peut être considérée comme une condamnation et les dispositions de l’article 1153-1 du Code civil doivent être écartées.
En outre, la copropriété et les consorts [F] ne peuvent être considérés comme en retard dans l’exécution d’une obligation au sens de l’article 1153 du Code civil.
L’article R223-6 , c’est-à-dire l’ancien l’article R12-5-4 du code de l’expropriation, précise que le paiement ne peut intervenir que lorsque l’autorité expropriante est en mesure de restituer le bien.
En conséquence, le montant des sommes éventuellement restituées ne peut, dans le cas de la procédure en manque de base légale de l’ordonnance d’expropriation, commencer à courir que postérieurement à la décision du juge de l’ expropriation lorsque le bien étant en état d’être remis.
Au surplus, la SEMAVIP n’était pas en état de remettre le bien. La SEMAVIP n’est devenue à nouveau propriétaire que par acte du 18 février 2005 portant la résolution de la vente passée avec la Ville de [Localité 40] et la mise en demeure du 7 novembre 2001 ne peut donc avoir aucun effet puisque à cette date, elle ne disposait pas de titre.
La demande de restitution présentée par la Ville de [Localité 40] et la SEMAVIP n’était formulée que dans le mémoire de reprise d’instance devant le juge de l’ expropriation du 5 mars 2014.
Il y a lieu également de rejeter la demande de capitalisation des intérêts, puisque les conditions de l’article 1154 du Code civil ne sont pas réunies.
‘Sur la solidarité, les consorts [F] n’étaient pas les bénéficiaires de l’indemnité d’expropriation et n’avaient pas la qualité d’anciens propriétaires et seule la copropriété avait la qualité de partie expropriée ; dès lors la condamnation à restituer les indemnités d’expropriation ne pouvait être prononcée à leur encontre, mais prononcée au nom de la copropriété et ne pouvait être fixée in solidum.
L’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 (pièce numéro 10) précise dans l’état parcellaire que l’expropriation est effectuée « au titre des seules parties communes générales dans l’emprise », et si le nom des copropriétaires est mentionné dans l’ordonnance, et qu’il s’agit bien des consorts [F], c’est uniquement pour préciser le lot dont ils sont propriétaires à l’intérieur de la copropriété et le nombre de millièmes qu’ils détiennent dans les parties communes générales ; en outre, l’ état parcellaire précise que la copropriété avait un syndic qui était à l’époque M. [GN] [F].
Au surplus, lors du paiement de l’indemnité d’expropriation, un acte notarié de quittances a été passé entre la SEMAVIP et la copropriété (pièces numéro trois) indiquant précisément la nature des anciens propriétaires sur le bien exproprié et désigné à cet effet la copropriété qui a perçu l’indemnité d’expropriation. ; Il est complété par un procès-verbal de remise de terrain du 5 février 1996 passé entre la SEMAVIP et le syndic de copropriété, M. [E] [F] (pièce numéro cinq).
Au surplus, les copropriétaires ne sont pas tenus indéfiniment des dettes du syndicat des copropriétaires, puisqu’ils répondent des charges de copropriété à proportion de leur quote-part dans les parties communes de l’immeuble sans solidarité entre eux.
‘Sur les demandes de réparation de la partie expropriée
Ils s’associent à l’appel du syndicat des copropriétaires dont ils adoptent les conclusions et demandent en conséquence de retenir un préjudice de 20 521 106,92 euros, soit après déduction par compensation du montant de 2 367’838 euros correspondants à l’indemnité d’expropriation, de retenir un solde en faveur de la copropriété de 18’153’268,92 euros.
‘Sur l’exception de nullité
En application de l’article 175 du code de procédure civile, cette demande suppose la démonstration d’un grief et doit être déposée avant toute défense au fond.
Les autorités expropriantes ne démontrent pas non plus que les régularités qu’elles allèguent seraient telles qu’elle reviendraient à l’absence de réalisation des opérations d’expertise.
La désignation des Sapiteurs rentre dans le champ d’application de l’article 278 du Code civil, monsieur [H] étant compétent en matière d’évaluation foncière et M. [TI] pour une étude de capacité foncière.
En outre, M. [AP] n’a pas délégué ses pouvoirs, il était présent à toutes les opérations d’expertise et a provoqué les observations des parties.
‘sur la portée des opérations d’expertise
En tout état de cause, le rapport, à le supposé irrégulier, ne pourrait être écarté et doit être employé à titre de simple renseignement s’il est corroboré par d’autres éléments du dossier.
Or, les conclusions du rapport sont appuyées par de nombreuses études préalables.
Sur la remise en état du terrain, les expropriant font grief au rapport d’expertise de pas se prononcer sur l’existence du préjudice, mais ce n’était pas la mission donnée par l’arrêt du 23 janvier 2020.
Sur les nuisances, les autorités expropriantes soutiennent l’irrecevabilité, qui n’a pas été soulevée in limine litis et ne peut plus l’être en application de l’article 75 du code de procédure civile ; en outre , le moyen n’est pas fondé, car les demandes ne constituent pas des préjudices de travaux publics n’ étant pas la conséquence de l’opération de construction de [Localité 40] habitat, mais sont créées par la cession des droits à construire dans le cadre de la Zac.
Sur la privation de jouissance du terrain, l’ indisponibilité du bien pendant l’exécution de l’ expropriation implique une indemnisation ; la privation de jouissance doit être évaluée jusqu’à la remise effective du terrain qui n’a pas eu lieu.
Sur les travaux d’assainissement, la demande d’infirmation des autorités expropriantes est irrecevable par application de l’article R311’26 du code de l’expropriation.
Sur la perte de droits à construire, les expropriés peuvent solliciter à la fois, l’indemnisation de la perte de jouissance du terrain en état de jardin et celle des droits à construire consommés par un tiers à la suite de l’opération d’expropriation sur un tènement voisin compris dans le périmètre de la Zac correspondant à deux préjudices distincts.
Les autorités expropriantes soutiennent que le bien serait inconstructible, mais dans une zone d’aménagement concerté, la constructibilité était globale en l’état de la réglementation applicable à l’approbation du PAZ le 22 juin 1992, la constructibilité de l’opération était fixée pour l’intégralité de la zone proportionnellement à sa superficie globale, fixée à l’article 14 ; cette constructibilité a également été retenue par la SEMAVIP dans les rapports de son conseil d’administration du 31 décembre 1992 (pièce numéro 13) et du 31 décembre 1993 (pièce numéro 14) ; elle est également attestée par la vente du terrain entre la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] où il est présenté comme constructible où les parties reconnaissent l’application de la TVA immobilière.
Sur la période d’indemnisation, la privation de constructibilité se poursuit et doit être fixée à la « valeur actuelle » telle que retenue par la Cour de cassation, c’est-à-dire à la date où le bien sera en état d’être restitué, après que la juridiction a constaté définitivement le manque de base légale de l’ordonnance d’expropriation.
Sur l’évaluation, les expropriants contestent en réalité la méthode de l’expert qui a proposé de fixer à la valeur du terrain par différence entre la valeur actualisée de la propriété dans sa configuration initiale, jardin compris et la valeur de la valeur de la propriété en l’absence de la parcelle expropriée.
Ils demandent que la compensation soit opérée sur les sommes de parts et d’autres et d’admettre qu’il y a lieu de tenir compte des sommes perçues par les copropriétaires qui se sont désistés.
La SEMAVIP et la Mairie de la ville de [Localité 40] font valoir que :
Elles soulèvent tout d’abord la nullité de l’expertise pour vice de fond et demandent à la cour d’écarter le rapport d’expertise de M. [AP].
Sur le fond, elles indiquent qu’il faut distinguer la question des restitutions résultant de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et de l’annulation de la décision de fixation des indemnités d’expropriation d’une part, de la question des préjudices allégués par les consorts [F] par suite de l’expropriation irrégulière d’autre part.
A sur la nullité de l’expertise pour vice de fond résultant de la violation de l’obligation incombant à l’expert d’accomplir personnellement sa mission.
Elles indiquent qu’il convient d’exposer la nullité entachant l’expertise avant de revenir sur les conséquences de la nullité ainsi caractérisée.
1° sur la nullité d’expertise
En application de l’article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.
Conformément à l’article 119 du code de procédure civile, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relative aux actes de procédures doivent être accueillies sans que celui qui les invoquent ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.
En application de l’article 233 du code de procédure civile, le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, a l’obligation de remplir personnellement la mission qui lui est confiée.
En vertu de l’article 278 du même code, l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne.
Par trois arrêts rendus les 27 avril 2000,10 juin 2004 et 26 novembre 2008, la Cour de cassation a jugé que la méconnaissance de l’obligation incombant à l’expert d’accomplir personnellement sa mission est une cause de nullité de l’expertise, les actes accomplis en méconnaissance de cette obligation ne pouvant valoir opérations d’expertise.
Une telle nullité est encourue même lorsque l’expert a été autorisé à s’adjoindre les services de sapiteurs par le tribunal qui l’a commis.
Par un arrêt du 27 avril 2000, la Cour de cassation a précisé qu’une telle nullité n’est pas soumise à la justification d’un grief par celui qui l’invoque.
Par un arrêt du 26 novembre 2008, la Cour de cassation a précisé qu’une telle nullité peut être soulevée en tout état de cause.
En l’espèce, l’expert M. [AP] explique dans son rapport qu’il a dû s’adjoindre en tant que sapiteur M. [H], compétent en matière d’estimations immobilières, que ce dernier s’est adjoint les services de M. [TI] pour procéder à une étude de faisabilité, ainsi que les services du bureau d’études ELVA pour procéder à une étude de la perte d’ensoleillement.
M. [AP] a délégué l’ensemble de la mission d’expertise qu’il lui incombait d’assurer personnellement, qui plus est en la déléguant à un technicien de même spécialité, M. [TI] étant comme lui architecte DLPG, alors que la cour ne l’a autorisé à n’ être assisté que d’un technicien d’une spécialité différente de la sienne.
Il n’a donc pas accompli personnellement sa mission et le rapport d’expertise le confirme amplement :
4.1: il est question d’un avis rendu par l’expert désigné par la cour, mais il s’agit d’une référence pure et simple au rapport de M. [H].
-Il en va de même de la réponse de l’expert aux différents chefs de mission (4.1.3, 4.1.4, 4.1.1).
Sur les autres rapports réalisés à la demande des consorts [F], M. [AP] se contente d’observations très succinctes et particulièrement imprécises et en ce qui concerne les réponses aux dernières observations des parties, il procède également par pure et simple référence au rapport de M. [H].
En lieu et place d’un avis donné par l’expert désigné à cette fin par la cour, le rapport d’expertise de M. [AP] se borne à des références pures et simples au rapport de M. [H].
M. [AP] n’a pas accompli personnellement la mission qui lui a été confiée, en violation des dispositions de l’article 233 du code de procédure civile, ce dont a été averti le Président de la chambre par lettre du 23 juin 2020.
La violation de l’obligation incombant à M. [AP] d’accomplir personnellement sa mission constitue une nullité pour vice de fond, il n’y a pas lieu de justifier d’un grief.
Sur la prétendue tardiveté invoquée par les consorts [F], la nullité a été invoquée dans le mémoire après dépôt du rapport d’expertise et des lettres ont été échangées avec l’expert.
Les conditions dans lesquelles cette expertise a été menée en cause causent un grief à la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] compte tenu de la défaillance de l’expert.
S’agissant de la remise en état du terrain, M.[H] s’est prononcé sur les coûts de remise en état sur la seule base des allégations des consorts [F], sans s’interroger aucunement sur l’existence des préjudices allégués.
S’agissant du prétendu préjudice de nuisances de voisinage, M. [H] s’est contenté d’entériner les allégations des consorts [F].
S’agissant du prétendu préjudice de constructibilité, M. [H] a intégré dans le calcul l’hôtel particulier alors que seul le jardin a fait l’objet d’une expropriation.
Le déroulement d’expertise a témoigné d’un effacement complet de l’expert, M. [AP] ayant délégué une partie de sa mission à un autre architecte DPLG, M. [TI] au motif qu’il ne pouvait exercer une mission de maîtrise d”uvre n’étant pas assuré pour ce faire (pièce numéro 20).
Faute de direction des opérations d’expertise, l’expert et ses sapiteurs se sont contentés pour l’essentiel de reprendre les allégations des consorts [F] sans examen critique.
En évaluant des préjudices incertains, sans lien direct avec l’opération d’expropriation et en ne proposant pas d’option de chiffrage tel que légitimement demandé par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], le rapport d’expertise présente un calcul orienté et excessif.
2° sur les conséquences de la nullité de l’expertise
La cour ne pourra qu’écarter purement et simplement le rapport d’expertise de M. [AP] et ses annexes, qui au surplus n’est pas susceptible d’éclairer la cour.
Une expertise n’apparaissant en revanche ni nécessaire ni opportune, la cour pourra évaluer le préjudice subi au vu des éléments fournis par les parties.
B sur les restitutions, conséquences de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et de l’annulation de l’arrêt fixant les indemnités d’expropriation
1° sur la restitution du bien exproprié
En application des principes habituels en matière de nullité, l’annulation de l’ordonnance d’expropriation a pour conséquence son anéantissement rétroactif, de sorte que les propriétaires expropriés sont réputés n’avoir jamais été expropriés et être restés propriétaires dans l’intervalle, ce que les consorts [F] admettent eux-mêmes, ceux-ci étant donc redevenus propriétaire à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2000.
Par lettre du 7 novembre 2001, la SEMAVIP, prenant acte de l’annulation intervenue, a informé les consorts [F] que cette annulation entraînait la restitution du terrain à ses anciens propriétaires, a pris ses dispositions pour leur restituer le terrain et que cette restitution est « d’effet immédiat » (pièce numéro 6).
Les consorts [F] disposaient donc à nouveau du droit de jouissance sur leur bien depuis le 27 avril 2000 et ont été mis en mesure, non pas à leurs demandes mais sur initiative de la SEMAVIP, de récupérer la jouissance matérielle du bien dès le 7 novembre 2001.
Nonobstant cela, les consorts [F] ont cru pouvoir soutenir pendant près de 15 ans que la restitution du bien n’était pas possible au motif que le terrain litigieux n’était pas en état d’être restitué ; cette affirmation est écartée tant par le juge de l’expropriation que par la chambre des expropriations de la cour d’appel ; par jugement du 18 novembre 2014, le juge de l’expropriation a ordonné la restitution du terrain litigieux aux consorts [F], ayant jugé qu’aucune circonstance de droit ou de fait ne s’opposait à sa restitution ; par arrêt du 19 mai 2016, la cour a confirmé le jugement en ce qu’il a ordonné la restitution du terrain litigieux, ayant relevé qui n’existait pas de contestation sur ce point.
Par acte d’huissier des 26 mars, 7 avril, 9 avril, 29 avril et 5 mai 2003, la SEMAVIP a assigné l’ensemble des consorts [F] en vue de les voir condamner à restituer la somme versée au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant fixé les indemnités d’expropriation, annulée par la Cour de cassation.
Par conséquent, les consorts [F] ne peuvent soutenir, que le terrain ne serait pas en état d’être restitué.
2° sur la restitution des indemnités d’expropriation
Par jugement du 18 novembre 2014, le juge de l’expropriation a condamné in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2’337’838 euros correspondant à l’indemnité principale et avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
a) sur la recevabilité à l’égard des consorts [F] de la demande de restitution des indemnités par suite de l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016.
Les consorts [F] ont soulevé l’irrecevabilité de la demande de restitution des indemnités à leur égard au motif que celle-ci avait été payée entre les mains du syndicat des copropriétaires avant d’être répartie entre les consorts [F] au prorata des droits de chacun ; la cour a rejeté ce moyen ayant jugé que : « considérant que la demande de remboursement des indemnités versées est également recevable à l’encontre des consorts [F], propriétaires indivis des parties communes dont fait partie le terrain, objet d’expropriation, et désigné comme bénéficiaires de l’indemnisation dans l’arrêt de la cour en ayant arrêté le montant, peu important que le syndicat des copropriétaires, lequel regroupe tous les copropriétaires déchargés de l’administration des parties communes, ait reçut l’indemnisation versée par l’expropriante. »
En conséquence les demandes des consorts [F] représentés par Me Pouilhe et Me Olivier seront déclarées irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée.
b) sur les indemnités à restituer
Le juge de l’ expropriation a ordonné la restitution de l’indemnité principale, à l’exclusion de différentes indemnités accessoires.
Ce faisant le juge n’a pas tiré les conséquences de l’annulation par la Cour de cassation de l’ordonnance d’expropriation et de l’arrêt rendu le 2 février 1996.
L’effet rétroactif de l’annulation entraîne la remise en cause de tous les effets de l’acte de la décision et les parties devant être remises dans l’état où elles étaient avant la décision fixant les indemnités d’expropriation, les indemnités versées en vertu de ces décisions doivent être restituées, et ce dans leur intégralité.
Par conséquent, l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et l’annulation de la décision fixant les indemnités d’expropriation par la voie de la cassation sans renvoi impliquent nécessairement la restitution de la totalité des indemnités d’expropriation, y compris les indemnités accessoires.
Au surplus, la non restitution d’une partie des indemnités d’ expropriation versées sur le fondement de la décision indemnitaire annulée constituerait un enrichissement sans cause, désormais dénommé enrichissement injustifié.
Le fait que ladite indemnité accessoire ait été consommée ou non est indifférent contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.
Au demeurant, la preuve de la consommation des différentes indemnités accessoires n’est pas dûment rapportée, qu’il s’agisse de l’indemnité de remploi, de l’indemnité pour modification du règlement de copropriété ou de l’indemnité pour perte d’agrément.
En ce qui concerne l’indemnité pour perte d’agrément, les consorts [F] tout en refusant sa restitution, sollicitent en même temps la réparation d’un préjudice de privation de jouissance évalué sur la base de l’indemnité d’expropriation pour perte d’agrément et il cherchent donc à être indemnisés deux fois du préjudice de privation de jouissance.
S’agissant de l’indemnité de remploi, elle visait à indemniser les consorts [F] des frais nécessaires à l’acquisition d’un bien de même nature que le bien exproprié et suite à l’annulation de l’ordonnance d’ expropriation et de celle de décision de fixation des indemnités d’ expropriation, le préjudice ainsi réparé se trouve privé de toute cause juridique. La consommation de l’indemnité de remploi au demeurant non démontré est sans incidence.
Le jugement doit donc être infirmé en tant qu’il a exclu de la restitution les différentes indemnités accessoires et la cour devra ordonner la restitution de l’ensemble des indemnités versées soit la somme de 4’100’146,81 euros.
Il conviendra de déduire suite à la transaction conclue avec Madame [C] et [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F], la somme de 686’673 euros.
c) sur les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et leur capitalisation
Les consorts [F] contestent le jugement qui a assorti la condamnation de restitution des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
En application d’une jurisprudence constante fondée sur les dispositions de l’article 1153 ancien du Code civil, aujourd’hui codifiées à l’article 1344-1 du Code civil, la mise en demeure de payer une obligation de somme d’argent fait courir les intérêts moratoires, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice.
En l’espèce, par lettre du 7 novembre 2001, les consorts [F] ont été mis en demeure de restituer les indemnités d’expropriation, ce qui constitue bien une obligation de somme d’argent, les consorts [F] ayant été avisés que la lettre valait mise en demeure et faisait courir les intérêts de retard.
d) sur la condamnation in solidum des consorts [F]
Le jugement du 18 novembre 2014 a condamné in solidum les consorts [F] à restituer l’indemnité, ce qui n’est pas contesté par les consorts [F] représentés par Me Vermot mais par les consorts [F] représentés par Me Olivier et les consorts [F] représentés par Me Pouilhe.
L’ordonnance d’expropriation et la décision fixant les indemnités ont été rendues à l’encontre de l’ensemble des indivisaires.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
e) conclusions sur la restitution des indemnités d’expropriation
Le jugement sera infirmé en tant qu’il a exclu la restitution de différentes indemnités accessoires et la cour ordonnera la restitution de l’ensemble des indemnités versées, soit la somme de 4’100’146,81 euros ; il conviendra de déduire des indemnités à restituer, les sommes versées à Madame [C] [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F], soit 686’673 euros, la somme à restituer s’élève ainsi à 3’413’473,81 euros.
Le jugement sera confirmé en tant qu’il a assorti la condamnation aux intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la condamnation in solidum des consorts [F].
C des préjudices allégués par les consorts [F]
1° sur les éléments à prendre en compte, en fait, compte tenu de la nullité d’expertise
a) sur les graves lacunes du rapport d’expertise et ses annexes
Le rapport d’expertise de M. [AP] ne contient pas de conclusions chiffrées sur les préjudices allégués par les consorts [F] ; il est donc impropre à éclairer la cour sur la solution du litige et il en est de même des annexes au rapport d’expertise et tout particulièrement du rapport du sapiteur de M. [AP], M. [H].
b) sur les conséquences à tirer des graves lacunes de l’expertise sur l’issue du litige.
En l’espèce, la cour en estimant qu’une nouvelle expertise n’est ni nécessaire, ni opportune, évaluera le préjudice subi au vu des éléments dont elle dispose.
2° sur l’absence d’autorité de la chose jugée des arrêts de la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016 et du 23 janvier 2020 quant au préjudice allégué par les consorts [F].
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne pourra être retenu que les arrêts de la cour du 19 mai 2016 du 23 janvier 2020 ont admis, dans leur principe, les préjudices allégués en l’absence d’autorité la chose jugée à ce titre ; en vertu de l’article 480 du code de procédure civile, seul le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, celui qui statue sur une exception de procédure, fin de non-recevoir ou tout autre incident, a l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche et en revanche une décision avant dire droit n’a pas au principal, l’autorité de chose jugée.
L’arrêt du 19 mai 2016 n’a nullement tranché les contestations relatives à la demande de dommages-intérêts formée par les consorts [F], tant dans leur principe que, le cas échéant, dans leur quantum ; il en va de même de l’arrêt de la cour du 23 janvier 2020, relativement au préjudice de perte de droits à construire allégué par les consorts [F].
3° sur les préjudices allégués par les consorts [F]
L’article R 12-5-4 ancien du code de l’expropriation, devenu R223-6, dispose que le juge statue sur la demande de l’exproprié en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière.
Il appartient donc aux consorts [F] d’établir le lien de causalité directe entre les préjudices qu’ils alléguent et l’opération irrégulière d’expropriation. Il leur appartient également, conformément au droit commun de la responsabilité civile extra contractuelle, d’établir le caractère certain des préjudices allégués, le préjudice simplement éventuel ne pouvant être pris en compte.
a) sur les frais de remise en état
Le jugement du 18 novembre 2014 a admis l’indemnisation de ce préjudice et a fixé son montant à la somme de 200’000 euros.
Les consorts [F] ont interjeté appel de ce chef et demandent pour la remise en état pour une somme exorbitante 1’640’016,24 euros.
M. [H] s’est contenté d’un seul devis, par ailleurs très ancien et il n’est pas expert en matière de travaux de génie civil et de bâtiment.
Le premier juge a rejeté ces demandes en indiquant :
‘qu’il résulte du transport sur les lieux, réalisé le 28 novembre 1994, que le terrain exproprié était un « jardin d’agrément jouxtant la voie ferrée de petite ceinture », précisant « qu’au fond à gauche du terrain est implanté une tour de 32 étages, à gauche de l’immeuble, il y a un passage destiné à la construction d’un immeuble en face sur l'[Adresse 8], tour de 30 étages environ » ;
‘le juge rapporte que l’ état du terrain constaté lors du transport sur les lieux, réalisé le 30 avril 2014, est couvert de végétation ;
‘puis, le juge relève qu’aucune pièce n’établit l’existence du cour de tennis, de la voie romaine, du « pavillon habitable des cabanes de jardin mitoyennes » et des plantes et arbres dispendieux que les consorts [F] prétendent faire établir sur le terrain exproprié ;
‘enfin, le juge relève que « les frais exorbitants demandés au titre d’affouillement, remblais et modification du travail du sol, ainsi que les frais relatifs aux clôtures, aux aménagements paysagers » ne sont aucunement justifiés.
De même les photographies produites ne démontrent pas les équipements remarquables dont il se prévalent.
Le seul document qui fait foi de l’état du terrain lors de l’ expropriation est le procès-verbal de transport.
Quant au quantum, le jugement sera infirmé en tant qu’il a retenu un montant forfaitaire de 200’000 euros, dès lors qu’un tel montant excède l’étendue du préjudice réellement subi à ce titre, le devis produit par les consorts [F] le 24 septembre 2003, au titre de l’aménagement paysager, évalue des frais de nettoyages et jardinage à la somme de 17’933 euros l’indemnité sera donc arrondie à la somme de 18’000 euros.
b) sur les prétendues nuisances de voisinage
Le jugement sera confirmé dès lors que cette demande est irrecevable car étant mal dirigée, à titre subsidiaire, mal fondée en l’absence de lien direct avec l’expropriation et à défaut en l’absence de dommage anormal spécial s’agissant d’un dommage de travaux publics.
I) à titre principal, la demande au titre des prétendues nuisances de voisinage sera déclarée irrecevable car étant mal dirigée
La cause de ces nuisances, alléguées par les consorts [F], est la construction d’un immeuble par l’Office public d’aménagement et de construction de [Localité 40] sur le terrain voisin ; la demande se heurte à la fin de non-recevoir tirée du défaut du droit d’agir à l’encontre des concluantes agissant d’un immeuble construit par l’OPAC de [Localité 40].
II) à titre subsidiaire, la demande au titre des prétendues nuisances de voisinage sera rejetée comme mal fondée en l’absence de lien direct avec l’expropriation et à défaut en l’absence de dommage anormal et spécial s’agissant d’un dommage de travaux publics
Il appartient aux consorts [F] de démontrer le lien de causalité direct entre le préjudice allégué et l’opération irrégulière d’expropriation ; en l’espèce, le préjudice allégué est la conséquence de la construction sur le terrain voisin d’un immeuble par l’OPAC de [Localité 40], et donc sans lien avec l’opération irrégulière d’expropriation, qui ne concerne que le terrain des consorts [F].
D’autre part la demande est infondée en l’absence de dommage anormal et spécial s’agissant d’un dommage de travaux publics ; en l’espèce, l’ouvrage construit par l’OPAC est un ouvrage public, et le préjudice allégué ne peut relever que du régime de la responsabilité pour dommage de travaux publics.
À toutes fins, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des litiges consécutifs au fonctionnement d’un ouvrage public et la cour dans cette matière peut relever d’office son incompétence sur le fondement l’article 76 alinéa deux du code de procédure civile.
c) sur la perte de jouissance
Le juge de l’ expropriation a rejeté la demande au titre de la perte de jouissance, au motif qu’il s’agit de la restitution d’un jardin d’agrément dont la perte avait d’ores et déjà été indemnisée.
Les consorts [F] prétendent que M. [H] a validé l’évaluation de la perte de jouissance d’un montant de 2’046’410 euros.
Cependant ce rapport ne comprend aucun développement relatif à la privation de jouissance.
I) sur le rejet de la demande au titre de la privation de jouissance postérieure au 7 novembre 2001
La demande au titre de la privation de jouissance postérieure à cette demande sera rejetée en l’absence de lien direct certain avec l’opération irrégulière d’expropriation.
Suite à l’annulation de l’ordonnance expropriation par la cour de cassation le 27 février 2000, les consorts [F] sont redevenus propriétaires, disposent à nouveau du droit de jouissance à compter de cette date et ont été mis en demeure de récupérer la jouissance matérielle de leur bien dès le 7 novembre 2001.
La privation temporaire de jouissance postérieure au 7 novembre 2001 est donc sans lien direct avec l’opération d’ expropriation.
S’il est prévu par l’article R12-5-4 ancien du code de l’expropriation devenu R223-6 du code de l’expropriation que le juge de l’expropriation précise que la restitution de son bien à l’exproprié ne peut intervenir qu’après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, après compensation, il ne peut en être déduit que la restitution du terrain ne pourrait avoir lieu avant que le juge de l’expropriation ne statue. Le texte précité relatif au recours en constatation de défaut de base légale n’envisage pas le cas où l’ordonnance d’expropriation a été annulée par la voie de la cassation. En effet, la création de ces dispositions visait justement à ouvrir un recours contre l’ordonnance d’expropriation lorsque celle-ci était devenue définitive en l’absence de pourvoi en cassation.
Lorsque l’ordonnance d’ expropriation est annulée par la voie de la cassation, la situation est tout autre : le juge de l’expropriation n’a pas à constater le défaut de base légale de l’ordonnance d’expropriation qui est déjà éteinte, quand bien même il le ferait, un tel constat n’aurait aucun effet. Au cas d’espèce, l’ordonnance d’expropriation est annulée par la voie de cassation, indépendamment du recours au constat de base légale, de sorte que les consorts [F] sont redevenus pleinement propriétaires à compter de l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2001. Admettre le contraire reviendrait, contrairement à l’esprit même du droit civil selon lequel nul ne peut invoquer sa propre turpitude, à faire la part belle à l’exproprié qui aurait intérêt à refuser de rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de l’expropriation afin de pouvoir se réfugier derrière une prétendue impossibilité légale de restitution, ce qui lui permettrait ainsi non seulement de conserver les indemnités d’expropriation versées mais aussi de faire gonfler le montant de son prétendu préjudice de jouissance.
II) sur la privation de jouissance pour la perte comprise entre la date de prise de possession par l’expropriant et la date du 7 novembre 2001
La privation de jouissance doit être admise pour la perte comprise entre le 5 février 1996, date de prise de possession par l’expropriant et le 7 novembre 2001, date à laquelle la SEMAVIP a proposé la restitution du bien à effet immédiat.
Les consorts [F] réclament un montant de 2’046’410 euros, prétendant que M. [H] aurait validé une telle évaluation, qui correspond en fait à la courte note du cabinet d’architecte A4+4.
En l’absence d’éléments sur la valeur locative, la privation de jouissance peut être évaluée sur la base de la méthode proposée par les consorts [F], mais en retenant une perte de privation de jouissance correspondant à cinq ans et neuf mois, soit 5,75 années, soit : 1’255’692 euros X 5,75/30= 240’674 euros.
d) sur les travaux d’assainissement
Un tel préjudice accordé par le premier juge pour un montant de 41’492,68 euros est sans lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation et résulte, selon les propres affirmations des consorts [F], d’un arrêté préfectoral de 2014 pris à la suite du plan local d’urbanisme 2006 dont la légalité n’a jamais été contestée par les consorts [F].
En outre, les consorts [F] forment déjà une demande au titre des frais de remise en état, et la demande de titre de ces paraît faire doublon.
e) sur la perte de droits à construire
i) à titre principal, sur le rejet de la demande au titre de la perte de droits à construire en raison de la contradiction des demandes des consorts [F].
La demande au titre de perte de droits à construire sera rejetée sans examen des conditions de la responsabilité en raison de la contradiction de ces demandes avec les frais de remise en état de trouble de jouissance.
ii) à titre subsidiaire, sur le rejet de la demande au titre de perte de droits à construire en l’absence de réunion des conditions de la responsabilité
‘sur l’absence de dommages
Les consorts [F] n’établissent pas l’existence d’un dommage en l’absence de constructibilité de la parcelle.
Antérieurement à l’aménagement de la [Adresse 42], il n’est pas contesté par les consorts [F] que leur terrain était inconstructible et contrairement à ce qu’ils indiquent l’ aménagement de cette Zac n’a pas rendu leur terrain constructible.
Il convient de se reporter au document graphique du PAZ, analysé à la lumière de :
‘l’article 3 du règlement du PAZ qui disposait que « le plan comporte aussi l’indication des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général »,
‘les dispositions liminaires du titre du PAZ qui précisaient que la Zac est affectée «principalement à la réalisation de logements, d’équipement public – espace verts, aires de jeux, crèche, groupe scolaire – ainsi qu’à celle de locaux commerciaux et artisanaux, conformément aux indications du document graphique du plan d’aménagement de zone» (question 17).
Prolongeant ces dispositions, le document graphique du PAZ (question 18) classait le terrain exproprié en « voies et places piétonnes » ; l’étude du document graphique permettant de constater que l’emplacement réservé pour les « voie et place piétonne » s’applique à la totalité de la parcelle DR [Cadastre 6], propriété des consorts [F] et même semble-t-il à une partie de la parcelle [Cadastre 5], appartenant également aux consorts [F].
Le plan d’aménagement de zones, approuvé par délibération du conseil de [Localité 40] du 22 juin 1992, a donc maintenu l’inconstructibilité de la parcelle litigieuse, celle-ci étant destinée à devenir un espace public.
À ce jour, la parcelle est toujours inconstructible, celle-ci ayant été classée par le PLU de [Localité 40] comme un « espace libre à végétaliser », depuis le PLU approuvé par délibération du conseil de Paris les 12 et 13 juin 2006, entré en vigueur le 1er septembre 2006 et dont la légalité n’a jamais été contestée par les consorts [F].
En réponse, les consorts [F] prétendent que la SEMAVIP aurait procédé à la cession de droits à construire qui auraient été attachés à leur terrain ; il est douteux qu’une parcelle qui est inconstructible, se voit attachée des droits à construire, alors que de tels droits ne sont conférés que par un permis de construire et qu’un permis de construire ne peut être délivré pour une parcelle inconstructible. Les documents invoqués par les consorts [F] ne caractérisent nullement la prétendue cession de droits à construire, s’agissant de simples rapports présentés à l’assemblée générale et non de décisions de la SOPAREMA. Il n’est nullement mentionné dans ce rapport que le terrain des consorts [F] serait constructible et moins encore que des droits à construire ont été cédés au terrain voisin.
-Sur l’absence de préjudice direct et certain
Un préjudice purement éventuel ne peut donner lieu à indemnisation.
En l’espèce, les consorts [F] ne justifient d’aucun projet de construction, ni qu’ils auraient été en mesure de solliciter les autorisations nécessaires pour un tel projet, ni que les conditions matérielles et techniques étaient réunies pour l’obtention du permis de construire correspondant.
Au soutien de leurs demandes d’indemnisation d’un montant de 17 millions d’euros, ils invoquent le rapport de M. [H] qui pour évaluer la prétendue perte de droits à construire, se fonde sur de pures et simples hypothèses.
Il n’est ainsi fait état d’aucun projet de construction et le préjudice allégué est purement éventuel.
Les consorts [F] ne produisent aucune pièce en ce sens ce qui corrobore le fait qu’ils n’ont jamais eu de réel projet de construction pour le terrain constituant le jardin d’agrément de l’immeuble.
‘Sur l’absence de lien de causalité directe entre la perte de droits à construire et l’opération irrégulière d’expropriation.
Le terrain litigieux étant une partie commune de la copropriété, un projet de construction va nécessiter l’accord unanime de tous les copropriétaires.
iii) à titre plus subsidiaire, si le préjudice est admis dans son principe, sur le quantum et la perte de chance
‘sur la date de consolidation des dommages
A supposer que les consorts [F] auraient été un temps, privés de fait, de la constructibilité de la parcelle, le préjudice a cessé en février 2000, date à laquelle ils sont redevenus pleinement propriétaires du terrain du fait de l’annulation de l’ordonnance d’ expropriation; à supposer que la création de la Zac ait entraîné la création de droits à construire pour la période de programme d’aménagement, dont les consorts [F] auraient été injustement privés, malgré l’inconstructibilité maintenue par le plan d’aménagement de zones approuvé par délibération du conseil de Paris du 22 juin 1992, il est certain qu’en tout état de cause, depuis 2006, plus aucun droits à construire n’est attaché à la parcelle, classée par le PLU comme parcelle à végétaliser.
Il faut bien se replacer à la date à laquelle l’expropriation est intervenue soit en avril 1995 pour estimer à cette date, l’augmentation de valeur du terrain, si celui-ci avait pu bénéficier de droits à construire dans le cadre d’une éventuelle future opération d’aménagement.
Cette évaluation faite par l’expert de la ville s’établit à 4’560’000 euros, ce qui correspond à l’évaluation faite par l’expert judiciaire quand cela ne concerne que le jardin, et non l’hôtel.
À défaut, le préjudice prétendument subi a cessé en février 2000, date à laquelle ils sont redevenus pleinement propriétaires du terrain.
Par ailleurs, l’évaluation de la prétendue perte de droits à construire ne peut être attachée qu’au terrain exproprié, à l’exclusion de l’hôtel particulier, puisque l’expropriation annulée n’a porté que sur le seul jardin, excluant l’hôtel particulier du périmètre de la déclaration d’utilité publique ; l’expert commet une erreur en incluant l’hôtel particulier dans l’assiette du terrain constructible. Ainsi, en déduisant la valeur de l’hôtel particulier de 11. 265.000 euros, en ne retenant que la seule valeur vénale du terrain soit 16’750’000 euros, l’indemnité de perte de constructibilité s’évalue, en reprenant la formule de calcul de l’expert, à 5.485.000 euros au lieu des 16.750.000 euros de privation de droits à construire.
‘Sur la réparation d’une perte de chance
La réparation d’une perte de chance ne peut être que partielle et ne saurait être supérieure à 20 % soit : 20 % X 5.485.000 euros= 1.097.000 euros ;
4 sur la déduction opérée par suite de la transaction
Suite à la transaction avec Madame [C] [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F], aboutissant à des désistements réciproques constatés par arrêt du 23 janvier 2020, les consorts [F] ne sont pas fondés à réclamer la totalité du préjudice.
5 sur la demande de condamnation de la Ville de [Localité 40]
En l’espèce, l’expropriation litigieuse a été prononcée au profit de la SEMAVIP, et la demande des consorts [F] à l’égard de la Ville de [Localité 40] ne peut prospérer ; a fortiori, il n’y a pas lieu à condamnation in solidum, la SEMAVIP étant seule bénéficiaire du transfert de propriété opérée par l’opération irrégulière.
D sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dépens relatifs à l’expertise conduite par M. [I] [AP], nulle par l’effet de la faute de ce dernier, devront être mis à la charge de l’expert .
Le commissaire du gouvernement conclut que :
S’agissant des contestations et questions de droit soulevées par les parties, la mission du commissaire du gouvernement se limite à l’appréciation du montant des indemnités à estimer dans le cadre de la présente procédure.
Le litige en cause porte sur deux aspects principaux :
‘le montant et les conditions de la restitution demandée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40]
‘les demandes en réparation des préjudices subis, formulées par les consorts [F] notamment à la suite du rapport d’expertise rendu par M. [AP].
Aussi, les questions de droit portant sur les conditions de la recevabilité des recours et la contestation de l’expertise judiciaire, sur l’application des intérêts de retard avec capitalisation ainsi que sur la condamnation in solidum des consorts [F] devant le juge de l’expropriation ne seront pas tranchés par le commissaire du gouvernement, puisqu’elles dépassent son domaine de compétence dans le cadre de l’exercice de ses missions ; il en est de même pour les demandes au titre des frais irrépétibles et dépens, ces questions relevant de l’appréciation souveraine de l’autorité judiciaire.
S’agissant des demandes indemnitaires devant être allouées au titre de la compensation, le commissaire du gouvernement en général fonde ses conclusions en vertu des dispositions légales énoncées par le code de l’expropriation et notamment l’application de l’article L321-1 qui précise que les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Au cas d’espèce, s’applique l’article L 223-2 du code de l’ expropriation dont les conditions sont définies à l’article R 223-6 du code de l’expropriation.
1° les indemnités au titre de la restitution
Le jugement d’expropriation du 20 mars 1995 avait fixé le montant des sommes revenant aux consorts [F] au titre des indemnisations toutes causes confondues à une somme totale de 4.100.268,77 euros selon la répartition :
‘valeur vénale du terrain : 2.367.838 euros
‘indemnité de remploi : 474.329,87 euros
‘indemnité pour perte d’agrément du jardin : 1.255.692,07 euros
‘indemnité au titre du règlement de copropriété : 2.286,74 euros.
Le jugement du 18 novembre 2014 a déclaré restituable l’indemnité principale de 2.367.838 euros à l’exclusion des autres indemnités qui ont été considérées comme acquises.
Il est demandé la confirmation en ce qui concerne le remploi qui peut être considéré comme une indemnité qui n’est pas répétitive, l’indemnité de règlement de copropriété qui résultait de la prise de possession réelle du bien par la SEMAVIP, et de plus ce règlement est appelé à être de nouveau modifié et l’indemnité pour perte d’agrément de jardin, le préjudice ayant été effectivement subi par les expropriés qui ont été privés d’usage de la jouissance du jardin.
Il convient de déduire de cette somme les indemnités déjà restituées par Madame [C] et Madame [PW] [F] ainsi que Messieurs [JO] et [FA] [F] à hauteur de 686.673 euros, soit une indemnité restituable arrêtée à la somme d’1.680.165,14 euros.
2° les indemnités dues aux expropriés en réparation du préjudice subi
Suite au jugement du 18 novembre 2014, à l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016, à l’arrêt de la cour du 14 septembre 2017, M. [AP] a rendu son rapport le 30 mars 2022 évaluant les différentes indemnités en réparation des préjudices subis à :
‘pour les affouillements, remblais modification du taux de travail au sol, de la construction des murs de clôture, les aménagements paysagers et des plantations : 1.640.016,24 euros
‘pour les nuisances pour manque d’ensoleillement, de vues directes, les nuisances sonores de la crèche et des logements mitoyens : 793.188 euros
‘au titre de la perte de jouissance et les nuisances subies depuis 1995 : 1’046’410 euros
‘au titre des travaux d’assainissement : 41.492,68 euros
‘ au titre de la privation des droits à construire : 17.000.000 euros.
Il convient tout d’abord de faire remarquer les écarts considérables entre les indemnités estimées après expertise judiciaire de celles allouées par le juge de l’expropriation.
1° l’indemnisation au titre des frais de remise en état
Le jugement du 18 novembre 2014 avait alloué aux consorts [F] une indemnité de 241.492,68 euros dont une somme de 200.000 euros représentant une juste contribution à la réhabilitation du terrain.
La décision avait mentionné les motifs suivants :
‘certains points évoqués dans les demandes des consorts [F] présentent un caractère excessif et sont invérifiables.
‘Aussi bien au vu du procès-verbal établi par le juge de l’ expropriation du 28 novembre 1994 que dans les mémoires des expropriés, la description du court de tennis et la voie romaine que les consorts [F] prétendent faire établir sur le terrain exproprié est absente.
‘Les photographies produites ne montrent pas les équipements particuliers dont ils demandent à présent la restitution. Il en est de même des plantes et arbres dispendieux et du pavillon habitable avec cabane de jardin mitoyenne, alors qu’il s’agissait d’une simple cabane de jardin estimée en valeur par le juge de l’expropriation.
En revanche, s’il est indéniable que le bien était dégradé depuis l’expropriation puisque le terrain était quasiment rendu à l’état sauvage, les frais exorbitants demandés au titre d’affouillement, remblais et modification du taux de travail du sol, ainsi que les frais relatifs aux clôtures, aux aménagements paysagers ne sont pas suffisamment justifiés au vu des pièces produites.
‘En considération de la dégradation du terrain depuis l’expropriation, il est alloué aux expropriés une indemnité de 200.000 euros représentant une juste contribution à la réhabilitation du terrain.
L’expertise judiciaire de M. [AP] évalue l’indemnisation au titre des frais de remise en état à la somme d’1.640.016,24 euros pour les affouillements, remblais et modification du taux de travail au sol, de la construction des murs de clôture, les aménagements paysagers des plantations.
Cette expertise se fonde à partir de rapports précédemment rendus :
‘rapport de M. [H] se basant sur un devis de la compagnie des jardiniers puis dans sa note de synthèse du 27 septembre 2021
‘rapport de Messieurs [J] et [LH] du 25 novembre 2003 et 12 avril 2008
‘rapport d’actualisation par le cabinet A4+A du 30 décembre 2021, ce dernier rapport mentionnant la présence d’un mur de clôture en pierre, d’un engagement d’ensemble, d’un court de tennis avec clôture grillagée, d’un petit pavillon habitable avec cabane de jardin, d’une fontaine adossée à un fronton en brique, d’une pergola couverte de rosiers, des arbres à hautes tiges et des arbres fruitiers ainsi qu’un espace potager avec des photographies.
Sous la réserve de la consultation des photos référencées, il sera pris en compte l’existence de ces différents aménagements décrits dans ce rapport.
Aussi, les différents travaux réalisés présentés sur devis détaillés, annexés au rapport concernent :
‘les sondages nécessaires du terrain remblayé
‘les prélèvements et analyses en recherche de toute pollution
‘le nettoyage du terrain et la suppression de toute végétation sauvage
‘la démolition de la clôture réalisée par la SEMAVIP
‘les terrassements nécessaires à la purge du terrain
‘l’apport et mise en ‘uvre de terre végétale
‘la reconstruction du mur de clôture tel qu’existant initialement
‘la reconstruction de l’allée romaine
‘la reconstitution de la pergola
‘la fondation et la reconstruction du tennis
‘les équipements, bancs et agrès disparus
‘la fontaine ornementale détruite
ainsi que les installations de chantier, évaluation et mise en décharge des rejets des gravats, soit une estimation d’un montant de frais de remise en état actualisé pour une somme totale de 1.640.007,24 euros.
Le commissaire du gouvernement ne dispose pas des compétences appropriées en la matière permettant d’évaluer un tel chiffrage ; il sera donc retenu la somme indiquée dans le rapport d’expertise.
2° l’indemnisation au titre de la perte de jouissance
Le juge de l’ expropriation a considéré que le préjudice pour perte d’agrément a été véritablement subi par les expropriés qui ont été privés d’usage et de jouissance du jardin.
À ce titre, l’indemnité pour perte d’agrément du jardin d’un montant de 1.255.692,07 euros, allouée aux consorts [F] pour privation d’usage et la jouissance du jardin, reste acquise à ce jour dans le cadre de la procédure en restitution et constitue donc un préjudice qui a d’ores et déjà été indemnisé.
La demande est donc rejetée.
3° l’indemnisation au titre des nuisances de voisinage
Les consorts [F] demandent un dédommagement pour les nuisances provoquées par le manque d’ensoleillement et vues directes, outre les nuisances sonores en provenance de la crèche des logements voisins dépendant de l’immeuble construit par l’OPAC sur le terrain mitoyen situé au 170, avenue de la porte d’Italie.
La demande de dédommagement a été rejetée par le juge de l’expropriation au motif que « lesdits voisins n’étant pas dans la cause ».
En effet, la demande à la ville de [Localité 40] est irrecevable, puisqu’elle concerne l’OPAC.
En outre, les cas de dommages causés par les ouvrages publics semblent relever de la compétence de la juridiction administrative.
La demande est donc rejetée.
4° indemnisation au titre des travaux d’assainissement
Cette indemnité semble en l’espèce justifiée .
Le classement de la parcelle en espace libre végétalisé à la suite de la modification du plan local d’urbanisme 2006 a mis à la charge des propriétaires les travaux d’assainissement de ce terrain particulièrement en application de l’arrêté préfectoral du 18 février 2014 et à la justification de la somme accordée suivant le bordereau de prix notifié par la Ville de [Localité 40], dont le montant correspondant à ces travaux a été chiffré à la somme de 41’492,68 euros.
5° indemnisation au titre de la perte de droits à construire
En application de l’article L 321-1 du code de l’expropriation, une demande d’indemnisation ne peut pas être fondée sur une projection hypothétique ou éventuelle.
Si le rapport d’expertise judiciaire évalue au titre de la privation des droits à construire une indemnité d’un montant total de 17 millions d’euros, ce document ne comporte pas de certification relative aux dispositions d’urbanisme applicables à la parcelle , seul un certificat d’urbanisme ou permis de construire pouvant faire foi.
En l’espèce, les conditions d’application ne semblent pas réunies compte tenu des éléments suivants à prendre en considération :
‘les différentes demandes formulées en réparation du préjudice subi visent en premier lieu à indemniser des frais de remise en état de ce terrain qui a toujours été considéré par les expropriés comme un jardin d’agrément.
‘Les consorts [F] n’ont jamais déposé un permis de construire prouvant la volonté de réaliser une opération de construction aussi bien avant la procédure d’expropriation que durant la période ou les différents recours ont été formés.
‘Le terrain litigieux faisant partie d’une copropriété familiale en indivision, tout projet de construction de cession aurait ainsi nécessité l’accord unanime de tous les consorts [F] divisés en plusieurs branches.
‘Quand bien même si le terrain litigieux a été, avant 2006, compris à l’intérieur du périmètre de la [Adresse 42] bénéficiant ainsi du règlement du PAZ pourrait être considéré comme constructible, rien n’indique avec certitude que cette parcelle soit totalement rendue constructible.
‘L’arrêt du 23 juin 2020 mentionne que « le règlement de la [Adresse 42], affectant la zone où est situé ce terrain, est prévue pour la réalisation de logements, d’équipements publics, espaces verts, aires de jeux, crèche du groupe scolaire, ainsi qu’à celle de locaux commerciaux et artisanaux. Le plan d’aménagement de zone comporte, outre une zone d’habitation, de commerce et d’activité et une zone de construction basse à usage principal d’activité avec indication des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général ».
Dès lors compte tenu de la diversité des affectations possibles envisagées au sein de cetteZac, seule l’ obtention d’un permis de construire aurait pu attester de manière certaine d’une perte de constructibilité de la parcelle en cause, ce qui n’est pas rapporté en l’espèce.
En conséquence, l’analyse des conditions d’indemnisation de ce préjudice purement éventuel ne sont pas réunies compte tenu de l’absence de preuves justifiant d’un préjudice direct et certain.
En outre, le principe de la réparation intégrale implique que l’indemnisation doit couvrir le dommage et uniquement le dommage, sans qu’il en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la partie expropriée. L’indemnité accordée au titre de la perte de constructibilité serait donc de nature à générer un enrichissement sans cause.
La demande au titre de la perte de droits à construire est donc rejetée.
En conclusion, il est proposé d’allouer les indemnisations suivantes au titre de la procédure de restitution, selon la répartition suivante :
‘une indemnité de restitution devant revenir à la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] pour la somme de 2’367’838 euros dont un montant de 686’673 euros déjà remboursé à déduire ;
‘une indemnité en réparation des préjudices subis revenant aux consorts [F] pour la somme d’1’680’508,92 euros (1’740’016,24 euros + 41’492,68 euros).
SUR CE, LA COUR
– sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l’article 631 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation. La juridiction de renvoi connaît donc le litige dans l’état où celui-ci se trouvait devant la juridiction dont la décision a été cassée. Il en résulte que les parties et le commissaire du gouvernement ne sont pas assujettis au respect de délais de dépôt de leurs conclusions tels que ceux-ci sont fixés par l’article R 311-26 du code de l’expropriation, cet article n’étant pas applicable devant la cour d’appel statuant sur renvoi de cassation.
En l’espèce, suite à l’arrêt de la troisième chambre de la Cour de cassation du 4 septembre 2017, qui a partiellement cassé l’arrêt rendu le 19 mai 2016 par la cour d’appel de Paris, suite à l’arrêt de la cour du 23 janvier 2020, les conclusions adressées ou déposées le 10 août 2022 par Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F], les conclusions du 30 août 2022 de M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F], les conclusions du 13 janvier 2023 de la SEMAVIP et de Madame la Maire de la ville de [Localité 40], du 2 mars 2023 de Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F], du 27 janvier 2023 de M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F], du 27 janvier 2023 du commissaire du gouvernement, du 3 mars 2023 de Madame [RV] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F], du 13 mars 2023 de M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] et du 15 juin 2023 de la SEMAVIP et de madame le maire de la Ville de Paris sont recevables.
– sur la nullité de l’expertise de M. [AP] soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40]
La cour par arrêt du 23 janvier 2020 a avant dire droit plus amplement, sur la demande de dommages-intérêts des consorts [F], du syndicat des copropriétaires, en raison de la constructibilité, ordonné une mesure d’expertise complémentaire à celle ordonnée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 19 mai 2016, désigné également pour y procéder M. [I] [AP], expert près la cour d’appel de Paris, demeurant [Adresse 12] [Localité 25], qui pourra se faire assister de tout technicien d’une spécialité différente de la sienne, avec pour mission de :
‘entendre les parties, ainsi que tout sachant, se faire remettre tous documents utiles ;
‘fournir tous éléments utiles à la détermination de la valeur de la parcelle cadastrée à Paris DR [Cadastre 6] sur la base du plan d’aménagement de la zone de la [Adresse 42] du 22 juin 1992 avant toute cession de droits à construire
‘donner un avis sur le rapport de M. [T] [J] des 25 novembre 2003, (pièce numéro 30), 30 avril 2014 et 12 avril 2008 (pièce numéro 17), le rapport de A4A+ du 16 juillet 2014 (pièce numéro 39) d’actualisation du rapport [J] du 12 avril 2008 (pièce numéro 39) et l’expertise de M. [BU] [LH] de mai 2015 (pièce numéro 40), réalisés à la demande des consorts [F] ;
-fournir à la cour tous éléments techniques utiles à la solution du litige ;
-Dit que l’expert adressera aux parties une note de synthèse de ses opérations, leur enjoindra de lui adresser leurs dires dans un délai de trois semaines et répondra dans son rapport définitif, commun avec celui ordonné par la cour le 19 mai 2016, lequel devra être déposé au greffe de la cour au plus tard le 29 juin 2020 ;
-Dit que les appelants restants suite aux désistements susvisés devront ensemble consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel de Paris la somme de 5000 euros à valoir sur les frais et honoraires de l’expert judiciaire, avant le 23 février 2020, faute de quoi la désignation de celui-ci sera caduque et il sera tiré toutes conséquences de cette abstention ;
-Renvoyé l’affaire à l’audience du 12 mars 2020 pour vérification du versement de la consignation du 3 décembre 2020 à 9 heures, salle Malesherbes pour plaidoiries après dépôt du rapport d’expertise ;
-Sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise sur le surplus des prétentions des parties, en particulier l’indemnisation des appelants, la demande de remboursement de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], les frais irrépétibles en cause d’appel et la charge des dépens d’appel ;
Après versement de la consignation, l’expert M. [I] [AP] a déposé son rapport d’expertise le 30 mars 2022.
Afin de répondre aux points de la mission confiée, l’expert s’est adjoint en tant que sapiteurs M. [B] [H] expert en estimation immobilière, expert près la cour d’appel de Paris et pour l’étude de faisabilité, M. [TI] architecte DPLG, expert près la cour d’appel de Paris.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] sur le fondement des articles 175, 119, 233 du code de procédure civile et de la jurisprudence de la Cour de cassation demandent de voir prononcer la nullité de l’expertise conduite par M. [I] [AP] et en conséquence de l’écarter purement et simplement, y compris les annexes dudit rapport; elles demandent la nullité pour vice de fond résultant de la violation de l’obligation incombant à l’expert d’accomplir personnellement sa mission.
Elles font valoir que :
‘en application de l’article 175 du code de procédure civile la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ;
‘conformément à l’article 119 du code de procédure civile, les exceptions de nullité fondées sur une inobservation de règles de fond relative aux actes de procédures doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse ;
‘en application de l’article 233 du code de procédure civile, le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, a l’obligation de remplir personnellement la mission qui lui est confiée ;
‘en vertu de l’article 278 du code de procédure civile, l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;
‘en l’espèce l’expert M. [AP] explique qu’il a dû s’adjoindre en tant que sapiteur M. [B] [H], compétent en matière d’estimation immobilière, et que ce dernier s’appuie sur les services de M. [TI], architecte DPLG, pour procéder à une étude de faisabilité, ainsi que les services du bureau d’études ELVA pour procéder à une étude de la perte d’ensoleillement ; il a donc délégué l’ensemble de la mission d’expertise qu’il lui incombait d’assurer personnellement, qui plus est en déléguant à un technicien de même spécialité, M. [TI] étant comme lui architecte DPLG ;
‘M. [AP] n’a pas rendu d’avis, mais se réfère purement et simplement au rapport de M. [H] ;
‘la cour ne pourra qu’écarter purement et simplement le rapport d’expertise de M. [AP] et ses annexes ;
‘une nouvelle expertise n’apparaît en revanche ni nécessaire ni opportune, et la cour pourra évaluer le préjudice subi au vu des éléments fournis par les parties.
Madame [HH] [U], M. [AI] [ZP] [F] et M. [R] [F] font valoir qu’une telle demande suppose la démonstration d’un grief et quelle doit être déposée avant toute défense au fond, qu’une seule exception est admise, sur le fondement l’article 233 du code de procédure civile, si le technicien n’a pas personnellement accompli sa mission ; ils concluent à l’irrecevabilité de la demande.
Cependant, conformément à l’article 119 du code de procédure civile, les exceptions de nullité fondées sur une inobservation des règles de fond relative aux actes de procédure ne nécessitent pas que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief.
M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [DH] [F] et M. [EB] [F] font valoir que la demande de nullité du rapport d’expertise relève du régime des exceptions de procédure au sens des articles 73 et suivants du code de procédure civile, et que la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ont largement fait défense au fond, avant même de soulever la prétendue irrégularité du rapport, qu’elles ne démontrent pas l’existence d’un grief et que les sapiteurs auquel a fait appel l’expert n’ont pas été remis en cause par le juge chargé du contrôle des expertises.
Cependant, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] soulèvent la nullité de l’expertise dès leurs premières conclusions après le dépôt de celui-ci, et ont contesté la désignation de M. [B] [H] auprès du juge chargé du contrôle des expertises.
Madame [RV] [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] font valoir que M. [AP] a conformément aux dispositions de l’article 233 du code de procédure civile organisé la mission qui lui a été confiée, qu’il a animé toutes les réunions d’expertise, diffusé ses différentes notes aux parties et centralisé la diffusion des pièces, avant de déposer son rapport ; qu’il a dû s’adjoindre l’assistance de plusieurs sapiteurs dans les domaines ne ressortant pas de sa spécialité ; que le rapport d’expertise est parfaitement recevable.
L’article 233 du code de procédure civile dispose que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.
L’article 278 du code de procédure civile prévoit que l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement d’une spécialité distincte de la sienne.
Il est complété par l’article 278-1 du code de procédure civile suite au décret du 28 décembre 2005 qui ajoute que l’expert peut se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité.
L’article 282 alinéa 4 du code de procédure civile prévoit que lorsque l’expert s’est fait assister dans l’accomplissement de sa mission en application de l’article 278-1, le rapport mentionne le nom et qualité des personnes qui ont prêté leur concours.
La demande de nullité d’une expertise ne constitue pas une exception de procédure mais une défense au fond ; l’article 175 du code de procédure civile, dispose que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ; l’article 175 renvoie aux articles 112 à 122 du code de procédure civile régissant la nullité des actes de procédure ; ces articles distinguent deux régimes de nullité, pour vice de forme et pour irrégularité de fond ; la nullité invoquée sur le fondement de l’article 233 du code de procédure civile, n’est pas soumise à justification d’un grief par celui qui l’invoque et constitue une irrégularité de fond.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise que l’expert désigné M. [AP] a dirigé toutes les réunions d’expertise, ce qui n’est pas contesté par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], à savoir celles du 23 septembre 2016,18 novembre 2016, 19 avril 2019 et 10 septembre 2021.
En outre, il a fait présenter aux parties leurs observations en sa présence et a provoqué les observations des parties dans le cadre des dires.
M. [AP] indique qu’il ressort de la réunion d’expertise du vendredi 19 avril 2019 que l’étude de faisabilité a 23 ans, qu’elle est obsolète et qu’il convient d’en faire établir une nouvelle ; en conséquence, afin de répondre aux points pour les missions confiées, il s’est adjoint en tant que sapiteur, M. [B] [H], d’une spécialité différente de la sienne, puisqu’il est expert en estimation immobilière et expert près la cour d’appel de Paris.
Pour l’étude de faisabilité, l’expert s’est adjoint M. [TI], certes architecte DPLG, mais d’une spécialité différente, puisqu’il s’agit d’une étude de capacité foncière.
L’expert, M. [AP] s’est donc assuré le recours à des sapiteurs dans des spécialités distinctes de la sienne, leur intervention étant réduite un périmètre d’opérations limitées et bien circonscrites dans leur objet ; il a donc assuré la direction, le contrôle et la surveillance des sapiteurs ; M. [AP] a supervisé l’ensemble des opérations à l’occasion des réunions contradictoires, et a répondu aux dires des parties.
S’agissant du sapiteur M. [H], M. [AP] s’il indique qu’il produit en annexe 15 le rapport de M. [H] qui répond aux différents points ci-dessous (4.1, 4.1.1), il y répond personnellement au 4.1.2 en page 14 de son rapport.
En outre, M. [AP] répond aux dernières observations des parties en page 15, 16, 17, 18 de son rapport, notamment en ce qui concerne les observations des parties sur le rapport de M. [H].
En conséquence, M. [AP] n’a pas délégué l’accomplissement de sa mission en se faisant assister par des sapiteurs et il a rempli personnellement la mission qui lui a été confiée au sens de l’article 233 du code de procédure civile, comme il l’indique enfin son rapport (page 18).
En conséquence, il convient de débouter la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] de leurs demandes de voir prononcer la nullité de l’expertise conduite par M. [I] [AP] et de voir écarter son rapport déposé le 30 mars 2022, y compris les annexes dudit rapport.
AU FOND,
– sur l’application de l’article R12-5-4 du code de l’expropriation devenu l’article R 223-6 du code de l’expropriation
L’ordonnance d’expropriation a été rendue le 5 avril 1995.
Par jugement du 20 mars 1995, la chambre de l’expropriation du TGI de Paris a fixé l’indemnité due aux consorts [F] pour la dépossession foncière de 1412 m² de terrain nu et libre sis à [Localité 26], [Adresse 8] à 26”896 000 francs soit 4 100 146,81 euros s’appliquant à hauteur de 23’768’000 francs pour l’indemnité principale en valeur libre.
Par arrêt du 2 février 1996, la cour a confirmé le jugement.
Cette somme a été payée selon l’acte dressé par Maître [EG] [D] le 4 janvier 1996 (pièce numéro 3) au syndicat des copropriétaires de l’immeuble à [Localité 26], [Adresse 8] représentée par son syndic M. [E] [F].
Par jugement irrévocable du Tribunal Administratif de Paris du 3 mars 2000, l’arrêté de cessibilité du 28 février 1915, sur lequel était fondé l’ordonnance d’expropriation, a été annulé à la requête des consorts [F].
La Cour de cassation par deux arrêts en date du 27 février 2001 a annulé en toutes ses dispositions l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 ainsi que l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 2 février 1996, ayant fixé les indemnités à revenir aux consorts [F] (Pièce N°5).
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2001 de la SEMAVIP à M. [E] [F] ès qualité de syndic du syndicat des copropriétaires, celui-ci a été mis en demeure de restituer les indemnités d’expropriation, en indiquant qu’il résulte de l’arrêt de la Cour de cassation qu’il doit rembourser le montant des indemnités d’expropriation qui a été versée soit 26’896 francs -15’000 francs (frais de modification du règlement de copropriété), soit la somme de 26 881’000 francs, la lettre valant mise en demeure à chacun des propriétaires indivisaires de reprendre possession du terrain et de lui restituer cette somme.
Il est ajouté que la lettre est une mise en demeure de nature à faire courir tous délai, intérêts et autres conséquences que la loi particulièrement l’article 1153 du Code civil et les tribunaux attachent aux mises en demeure.
La SEMAVIP par actes d’huissier de justice des 26 mars, 7 avril, 9 avril, 29 avril et 5 mai 2015, a fait assigner les consorts [F] en vue de les voir condamner à restituer, solidairement, la somme versée au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant fixé les indemnités d’expropriation, annulé par l’arrêt de la Cour de cassation.
Par jugement du 15 mars 2007, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé sur le fondement de l’article 56 du code de procédure civile, la nullité de l’assignation délivrée à la demande de la SEMAVIP contre les consorts [F] et le syndicat des copropriétaires, déclaré, surabondamment, la SEMAVIP irrecevable en ses demandes, faute de justifier de sa qualité à agir, débouté les parties de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la SEMAVIP aux dépens.
Par arrêt du 3 décembre 2009, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement, et statuant à nouveau, a débouté les consorts [F] de leur exception de nullité de l’assignation introductive d’instance et droits et moyens des parties réservées, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur l’application en la cause de l’article 625 du code de procédure civile, 8 du décret du 31 juillet 1992, L213-6 du code de la médiation judiciaire, sur l’éventuelle compétence exclusive du juge de l’exécution pour connaître des difficultés d’exécution du titre exécutoire constitué par l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2001, ainsi que l’application de la règle selon laquelle titre sur titre ne vaut.
Par arrêt du 9 juin 2011, la cour a déclaré irrecevable la demande principale en restitution de cette indemnité formée par la SEMAVIP et sur demande reconventionnelle a renvoyé le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] à [Localité 26], représenté par son syndic, M. [E] [F], Madame [W] [M] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [JO] [F], M. [AI] [F] et M. [AI] [F], Madame [C] [F] épouse [FU] et Madame [PW] [F] épouse [P], Madame [HH] [F] épouse [U], M. [IV] [F], M. [R] [XD] [F], M. [FA] [F], Madame [NO] [SO] veuvze [F], M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] à se pourvoir devant le juge de l’expropriation.
Par arrêt du 26 juin 2013, la 3e chambre de la Cour de cassation pourvoi numéro 11-25’136 a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable la demande de restitution formée par la SEMAVIP , dit n’y avoir lieu à renvoi et dit qu’il appartient à la SEMAVIP de présenter sa demande de restitution devant le juge de l’expropriation.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ont selon mémoire du 3 mars 2014, demandé la reprise d’instance devant le juge de l’ expropriation, laquelle a donné lieu à ordonnance de transport pour le 31 mars 2014 et au jugement du 18 novembre 2014 qui a :
-Prononcé la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 14/00019 et 11/00266 sous le seul numéro 11/00266 ;
-Rejeté la demande de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] visant à écarter des débats les mémoires déposées après le 8 septembre 2014 ;
-Rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
-Rejeté l’exception d’irrecevabilité pour défaut d’habitation du syndic soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
-Rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par M. [FA] [F], Madame [HH] [U], M. [IV] [F] à M. [R] [F] ;
-Rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
-Constaté la perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 ;
-Ordonné la restitution du terrain de 1412 m² sis [Adresse 8] [Localité 26], cadastré DR [Cadastre 6], aux consorts [F] ;
-Condamné in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F] l’indemnité de 241 492,68 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière ; et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
-Condamné in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2’367’838 euros qui leur a été versée, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 novembre 2001 ;
-Dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil ;
-Ordonné la compensation des sommes dues ;
-Dit que la restitution aux consorts [F] de leur bien ne peut intervenir qu’après paiement par ceux-ci des sommes mises à leur charge, après compensation ;
-Débouté les parties de leurs autres demandes ;
‘Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’ article 700 du code de procédure civile ;
‘Condamné la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] aux dépens.
Par arrêt du 19 mai 2016, la cour a :
‘
Déclaré recevable l’appel et les écritures des parties ;
‘Confirmé le jugement en ce que :
‘il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
‘déclaré recevable l’action introduite par les consorts [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] ;
‘déclaré recevable l’action de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ;
‘ constaté l’absence de base légale de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 ;
‘ ordonné la restitution du terrain de 1412 m² sis [Adresse 8] à [Localité 26], aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6], aux consorts [F] ;
‘Avant dire droit plus amplement, sur la demande de dommages-intérêts des consorts [F], du syndicat des copropriétaires, ordonné une mesure d’expertise et désigné pour y procéder M. [I] [AP], expert près de la cour d’appel de Paris ;
‘Sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise sur le surplus des prétentions des parties en particulier l’indemnisation des appelants, la demande de remboursement de la SEMAVIP et de la Ville de [Localité 40], les frais irrépétibles en cause d’appel et la charge des dépens d’appel.
La 3e chambre de la Cour de cassation par arrêt du 14 septembre 2017 numéro 16-22 113 a cassé l’arrêt mais seulement en ce qu’il :
‘a déclaré recevable le mémoire de Mesdames [C] [KI] [F] déposée le 24 mars 2016, valant appel provoqué,
‘donné mission à l’expert de déterminer le préjudice subi par les appelants en lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation résultant d’une éventuelle perte de chance pour eux d’avoir pu disposé des droits à construire susceptibles d’avoir été attachés au terrain litigieux.
Par arrêt du 11 avril 2019, la cour a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience du 3 octobre 2019, sursis à statuer sur les prétentions et moyens des parties et réservé les dépens.
Par arrêt du 23 janvier 2020, la cour a :
‘Déclaré recevables les conclusions des parties, sauf celle de Mesdames [C] [F] épouse [FU] et [PW] [F] épouse [P] le 17 octobre 2019 ;
‘Ordonné la jonction du dossier RG 15/04719 avec le dossier 18/00867, l’appel étant désormais suivi sous le numéro RG 15/04719 ;
‘Constaté le désistement de la Ville de [Localité 40] et de la SEMAVIP de leurs demandes à l’encontre des consorts [F] suivant parties à un protocole d’accord :
‘[C] [F] épouse [FU]
‘[PW] [F] épouse [P]
‘[JO] [F]
‘[FA] [F]
Constaté pour ces parties son dessaisissement ;
‘Dit que chacune de ses parties supportera ses propres dépens liés à l’ instance ;
‘Déclaré irrecevables les demandes de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] relative à la dégradation du terrain et les différents travaux d’assainissement, les nuisances de voisinage, la perte de jouissance et les nuisances subies depuis 1995 ;
‘Avant dire droit plus amplement, sur la demande de dommages-intérêts des consorts [F], du syndicat des copropriétaires, en raison de la constructibilité, ordonné une mesure d’expertise complémentaire à celle ordonnée par la cour d’appel de Paris du 19 mai 2016, désigné également pour y procéder M. [I] [AP], expert près de la cour d’appel de Paris, demeurant [Adresse 12] [Localité 25], qui pourra se faire assister de tout technicien d’une spécialité différente de la sienne ;
‘Sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport d’expertise sur le surplus des prétentions des parties, en particulier l’indemnisation des appelants, demande de remboursement de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], les frais irrépétibles en cause d’appel et la charge des dépens d’appel.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] se sont pourvus en cassation contre cet arrêt et leur pourvoi a été rejeté, sans examen au fond, par décision du 27 mai 2021 n° U 20-14 633.
L’expert a déposé son rapport le 30 mars 2022.
Suite à ces décisions, les parties conviennent que la discussion concerne l’application de l’article R 12-5-4 du code de l’expropriation devenu l’article R 223-6 dudit code qui dispose que le juge constate, par jugement, l’absence de base légale du transfert de propriété et en précise les conséquences de droit.
I si le bien exproprié n’est pas en état d’être restitué, l’action de l’exproprié se résout en dommages-intérêts.
II s’il peut l’être, le juge désigne chaque immeuble ou fraction d’immeubles dont la propriété est restituée.Il détermine également les indemnités à restituer à l’expropriant. Il statue sur la demande de l’exproprié en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière. Il précise que la restitution de son bien à l’exproprié ne peut intervenir qu’après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, après compensation.
A sur la restitution
1° sur le principe de la restitution du terrain
Le premier juge indique après avoir constaté la perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 sur le fondement de l’article L12-5 du code de l’expropriation que celle- ci a pour conséquence logique la restitution des biens expropriés irrégulièrement, sauf à vouloir redonner ses effets à la décision administrative annulée ; que le principe étant la restitution, seules les circonstances de fait ou de droit, propres à l’espèce, sont susceptibles d’empêcher la restitution du bien exproprié à tort.
Il ajoute qu’en l’espèce, le bien est un terrain de 1412 m² [Adresse 8] [Localité 26], aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6], que ce terrain faisait à l’origine partie d’une seule parcelle de 2003 m², partiellement construite pour 1230 m² de SHON, l’existence de la construction, qui appartient toujours aux consorts [F], a été constatée lors du transport sur les lieux le 30 avril 2014 ; que le terrain n’a fait l’objet d’aucune construction d’ouvrages publics ou destiné au public et que l’état matériel du terrain, même si les arbres ont pu sauvagement pousser depuis le début de la procédure, ne s’oppose pas à la restitution et qu’il n’est caractérisé aucune impossibilité juridique, à la restitution ; que Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [JO] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] précisent d’ailleurs dans leur mémoire que la restitution du bien est physiquement et juridiquement possible.
Le premier juge a en conséquence ordonné la restitution du terrain de 1412 m² [Adresse 8] [Localité 26], aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6], aux consorts [F], sans qu’il y ait lieu de fixer une astreinte.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] représentés par Me Pouilhe indiquent qu’ils ne formulent pas d’observations sur le principe de la restitution du bien exproprié.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] représentés par la SCP Lafourgue Olivier demandent dans le dispositif de leurs conclusions de confirmer le jugement du 18 novembre 2014 qui a constaté la perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation, et pour le surplus constaté que la parcelle irrégulièrement expropriée n’est pas en état qu’elle présentait, tel que décrit dans les pièces figurant aux débat, lorsque la partie expropriante en a pris possession, le 5 février 1996 ; ils ne s’opposent pas la restitution, faisant état dans leurs conclusions après la demande de nullité du rapport d’expertise, uniquement des préjudices causés par l’opération irrégulière.
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] demandent de constater que la parcelle irrégulièrement expropriée n’est pas en l’état qu’elle présentait, tel que décrit dans les pièces figurant aux débats, lorsque la partie expropriante en a pris possession le 5 février 1996; ils ne s’opposent pas dans leurs conclusions à la restitution du terrain, faisant état uniquement du fait que le bien en cause n’est pas dans l’ état qui était le sien lorsque les expropriés en ont été dépossédés et demandant en conséquence réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] après leur demande de prononcer la nullité de l’expertise de M. [AP], sollicitent de statuer sur la restitution des indemnités d’expropriation, et sur les préjudices allégués par les consorts [F] et indiquent dans leurs conclusions que la question de la restitution du bien exproprié a déjà été tranchée, qu’en application des principes habituels en matière de nullité, l’annulation de l’ordonnance d’expropriation a pour conséquence son anéantissement rétroactif, de sorte que les propriétaires expropriés sont réputés n’avoir jamais été expropriés et être restés propriétaires dans l’intervalle.
Par arrêt du 19 mai 2016, la cour a notamment confirmé le jugement en ce qu’il a constaté l’absence de base légale de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 et ordonné la restitution du terrain de 1412 m² [Adresse 8] à [Localité 26], aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6] aux consorts [F].
La Cour de cassation dans son arrêt du 14 septembre 2017 numéro 16-22113, sur le 3e moyen du pourvoi principal a indiqué : « attendu que la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] font grief à l’arrêt d’ordonner la restitution du bien exproprié et de surseoir à statuer sur la restitution de l’indemnité d’expropriation ;
‘mais attendu qu’ayant retenu qu’en application de l’article R 12’5’4, devenu R223-6, du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le juge est tenu de préciser dans sa décision que la restitution de son bien exproprié ne pouvait intervenir qu’après paiement par celui-ci à l’expropriant des sommes mises à sa charge, le cas échéant après compensation avec les indemnités mises à la charge de l’expropriant, et qu’ainsi il ne pouvait y avoir restitution du bien sans remboursement préalable de l’indemnité d’expropriation, c’est par suite d’une omission matérielle que la cour d’appel a confirmé le jugement ordonnant la restitution du terrain et a sursis à statuer sur la demande d’indemnisation des consorts [F] et du syndicat des copropriétaires et sur la demande de remboursement de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40], sans préciser que la restitution ne pourra intervenir qu’après paiement par les consorts [F] des sommes mises à leur charge ; que cette omission, pouvant être rectifiée suivant la procédure de l’article 462 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ; d’où il suit que le moyen tiré est irrecevable ».
En conséquence, l’arrêt du 19 mai 2016 est définitif en ce qu’il a confirmé le jugement qui a constaté l’absence de base légale de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 et ordonné la restitution du terrain de 1412 m² [Adresse 8] [Localité 26] aujourd’hui cadastré DR [Cadastre 6], aux consorts [F].
2° sur la restitution des indemnités d’expropriation
Le premier juge a condamné in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F] une indemnité de 241.492,68 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, a condamné in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2.367.838 euros qui leur a été versée, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 novembre 2001, dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil, ordonné la compensation des sommes dues, et dit que la restitution aux consorts [F] de leur bien ne peut intervenir qu’après paiement par ceux-ci des sommes mises à leur charge, après compensation.
En application de l’article R 12-5-4 devenu l’article R 223-6 du code de l’expropriation la restitution à l’exproprié de son bien ne peut intervenir qu’après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, après compensation.
a/- sur la recevabilité à l’égard des consorts [F] de la demande de restitution des indemnités suite à l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] à M. [R] [F] représentés par Me Pouilhe demandent d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé les condamnations à restituer l’indemnité d’expropriation à l’encontre des consorts [F] en indiquant que les consorts [F], collectivement, n’étaient pas les bénéficiaires de l’indemnité d’expropriation, n’avaient pas la qualité d’anciens propriétaires, que la copropriété du [Adresse 8] a seule la qualité de partie expropriée ; que dès lors la condamnation à restituer l’indemnité d’expropriation ne peut être prononcée à leur encontre, mais devait être prononcée au nom de la copropriété ; que la cour n’a pas statué dans son dispositif sur cette question.
La cour dans son arrêt du 19 mai 2016 a rejeté ce moyen ayant jugé que : « considérant que la demande de remboursement des indemnités versées est également recevable à l’encontre des consorts [F], propriétaires indivis des parties communes dont fait partie le terrain, objet de l’expropriation, et désignés comme bénéficiaires de l’indemnisation dans l’arrêt la cour en ayant arrêté le montant, peu important que le syndicat des copropriétaires, lequel regroupe tous les copropriétaires et est chargé de l’administration des parties communes, ait reçut l’indemnisation versée par l’expropriante. »
Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation principal de la Ville de [Localité 40] et la SEMAVIP ; Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] ont formé un pourvoi incident correspondant au premier moyen première branche du pourvoi incident faisant grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable l’action de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à l’encontre des consorts [F] ; la Cour de cassation dans son arrêt du 14 septembre 2017 numéro 16-22113 a rejeté ce moyen, en indiquant qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
En conséquence, l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016 est définitif en ce qu’il a jugé que la demande de remboursement des indemnités versées est également recevable à l’encontre des consorts [F], propriétaires indivis des parties communes, dont fait partie le terrain, au jour de l’expropriation, et désigné comme bénéficiaires de l’indemnisation dans l’arrêt, la cour en ayant arrêté le montant.
b/- sur les indemnités à restituer
Le premier juge a condamné in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2.367.838 euros qui leur a été versée.
Il indique que l’indemnité principale de 2.367.838 euros est restituable ce qui n’est pas contesté ; qu’en revanche l’indemnité de 2.286 euros pour modification du règlement de copropriété est acquise, que l’indemnité de remploi versée au titre de l’article R 13-46 du code de l’expropriation n’est pas répétible et que l’indemnité pour perte d’agrément du jardin est acquise.
A sur l’indemnité principale
Madame [MB] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F], et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] ne contestent pas la restitution de l’indemnité principale.
La SEMAVIP et la ville de [Localité 40] demandent la confirmation du jugement sur la restitution de l’indemnité principale.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] ne contestent pas la restitution de l’indemnité principale.
Enfin, Mme [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] ne contestent pas la restitution de l’indemnité principale.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement en application de l’article R 12-5-4 devenu l’article R223-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dit que les consorts [F] doivent restituer l’indemnité de 2’367’838,14 euros qui leur a été versée au titre de l’indemnité principale.
B sur les indemnités accessoires
Aux termes de l’article R 12- 5-4 devenu l’article R223-6 du code de l’expropriation le juge détermine également les indemnités à restituer à l’expropriant.
a) l’indemnité de remploi
Le premier juge indique que l’indemnité de remploi n’est pas répétible ; que celle-ci versée au titre de l’article R13-46 du code de l’expropriation dans le but de racheter un patrimoine équivalent est réputée avoir été utilisée ; que de plus, ont été acquittés des droits de succession et impôt sur plus-value ; qu’à titre d’exemple, il est produit l’extrait d’acte notarié du 30 mai 1996 par lequel M. [E] [F] a acquis un immobilier avec cette indication que partie du bien provient du remploi de l’indemnité d’expropriation, en application de l’article 150 E du code général des impôts.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent l’infirmation en indiquant que l’annulation d’un acte, d’une décision ou d’un contrat entraîne l’anéantissement rétroactif de celui-ci, que l’effet rétroactif de l’annulation entraîne la remise en cause de tous les effets de l’acte ou de la décision, que tous les faits et actes juridiques qui ont suivi le contrat deviennent sans cause juridique, qu’il s’agisse d’actes d’exécution directe comme un paiement ou d’actes juridiques consécutifs ; que l’annulation de l’expropriation a pour conséquence son anéantissement rétroactif, de sorte que les propriétaires expropriés sont réputés n’avoir jamais été expropriés et être restés propriétaires dans l’intervalle ; que les parties devant être mises dans l’état où elles étaient avant la décision fixant les indemnités d’expropriation, les indemnités versées en vertu de ces décisions doivent être restituées, et ce dans leur intégralité ; que l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et l’annulation de la décision fixant les expropriations par la voie de la cassation sans renvoi impliquent nécessairement la restitution de la totalité des indemnités d’expropriation, y compris les indemnités accessoires ; que la restitution d’une partie des indemnités d’expropriation versée sur le fondement de la décision annulée constituerait un enrichissement sans cause, désormais dénommé enrichissement injustifié ; que le fait que les indemnités aient été consommées ou non est indifférent à cet égard et qu’au demeurant la preuve de la consommation des différentes indemnités accessoires n’est nullement rapportée.
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] demandent la confirmation en indiquant que l’indemnité de remploi versée le 4 janvier 1996, est un dédommagement affecté, irrépétible et doit être considéré comme tel, en raison du temps écoulé et qu’elle a été réellement réemployée, et que de plus ont été acquittés des droits de successions de 35% et impôt sur plus-value ; à titre d’exemple, ils produisent l’extrait d’un acte du 30 mai 1996 par lequel M. [E] [F] a acquis un bien immobilier avec cette indication que partie du prix provient du remploi de l’indemnité d’expropriation, en application de l’article 150 du code général des impôts (pièce numéro 27).
M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent la confirmation en indiquant que l’indemnité à reverser doit se comprendre hors remploi, ainsi qu’admis par la SEMAVIP dans sa lettre de mise en demeure.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] demandent la confirmation en indiquant que l’indemnité de remploi est due sans que l’exproprié ait à justifier de la nécessité d’un remploi et qu’au surplus ils ont procédé au remploi de l’indemnité d’expropriation.
L’article R13-46 devenu l’article R 322-5 du code de l’expropriation dispose que l’indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition de biens de même nature, moyennant un prix égal au montant de l’indemnité principale.
En conséquence, suite à l’expropriation, l’indemnité de remploi est due sans que les consorts [F] n’aient à justifier de la nécessité d’un remploi ; en outre, il est produit l’extrait de l’acte notarié du 30 mai 1996 par lequel M. [E] [F] a acquis un bien immobilier avec cette indication que partie du prix provient du remploi de l’indemnité de l’expropriation en application de l’article 150 E du code général des impôts ; M. [IV] [F] a procédé au remploi des fonds par actes des 18 juin et 25 septembre 1996 publiés au 8e bureau des hypothèques de Paris, volume 1996 P numéro 3135 (pièce numéro 12) ; M. [R] [F] a également employé l’indemnité par acte du 2 juillet 1996 publié au 3e bureau des hypothèques de Nanterre le 29 août 1996, volume P 1996 numéros 3737.
En conséquence, le premier juge a exactement dit que l’indemnité de remploi versée aux consorts [F] n’est pas répétible.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
b) indemnité pour perte d’agrément
Le premier juge a dit que l’indemnité pour perte d’éléments du jardin est acquise dans la mesure où les consorts [F] ont été privés de l’usage du jardin depuis 1996, alors que la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] ont eu l’usage et la jouissance du terrain exproprié.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent l’infirmation en indiquant que les consorts [F] confondent la question de la restitution des indemnités versées par suite de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et la décision de fixation des indemnités d’expropriation et la question de la réparation du préjudice allégué du fait de l’expropriation irrégulière et qu’ils cherchent ainsi à être indemnisés deux fois du préjudice de privation de jouissance ; que l’indemnité pour perte d’agrément fixée par la juridiction d’expropriation avait pour objet de réparer le préjudice de perte d’agrément subi du fait de l’expropriation, autrement dit une perte définitive de cet agrément et que par suite de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et de celle de la décision de fixation des indemnités d’expropriation, et du fait de l’absence de perte définitive de l’agrément, le préjudice ainsi réparé se trouve privé de toute cause juridique.
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représentés par son syndic M. [E] [F] demandent la confirmation en indiquant que cette indemnité n’est pas répétible.
M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent également la confirmation.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F], M. [R] [F] demandent également la confirmation en indiquant que cette indemnité ne porte pas sur la privation de jouissance du terrain exproprié (le jardin) et sur la dépréciation du surplus de la propriété du fait de la perte de ce tènement immobilier, et qu’elle répare donc le préjudice subi par le surplus de la copropriété resté sous la dépendance du syndicat, que la restitution ne fait pas disparaître ce préjudice, que le terrain est en effet rendu en état de taille arborée et n’a en rien les caractéristiques du bien dont les consorts [F] ont été expropriés ; il n’y a pas donc une double demande d’indemnisation, la demande portant sur la remise en état du terrain ne faisant pas disparaître le préjudice subi par le surplus de la copropriété compte tenu notamment de l’état dans lequel le terrain est rendu.
L’indemnité pour perte d’agrément fixée par la juridiction de l’expropriation a pour objet de réparer le préjudice de perte d’agrément subi du fait de l’expropriation, correspondant à une perte définitive de cet agrément ; par suite de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation et de celle de la décision de fixation des indemnités d’expropriation, et du fait de l’absence de perte définitive de l’agrément, le préjudice ainsi réparé se trouve privé de toute cause juridique ; d’ailleurs, les consorts [F] suite à l’opération irrégulière, sollicitent une indemnisation au titre de la perte de jouissance en raison de l’expropriation irrégulière.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de dire que l’indemnité pour perte d’agrément du jardin d’1.255.692,07 euros doit être restituée par les consorts [F] à la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40].
C) l’indemnité au titre du règlement de copropriété
Le premier juge indique que l’indemnité de 2286 euros pour modification du règlement de copropriété est acquise.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent l’infirmation au motif que cette indemnité accessoire doit également être restituée.
Madame [W] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [F] demandent la confirmation en indiquant que l’indemnité pour modification du règlement de copropriété a été imposée par le changement intervenu dans la composition de la copropriété, qui est appelée à être à nouveau modifiée.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent la confirmation en indiquant que l’indemnité à reverser doit se comprendre hors frais de modification du règlement de copropriété, ainsi qu’admis par la SEMAVIP dans sa mise en demeure.
Madame [HH] [U], M. [IV] M. [R] [F] demandent la confirmation en indiquant que la modification du règlement de copropriété est la conséquence de la prise de possession réelle du bien effectué par SEMAVIP et qu’elle reste donc due.
La modification du règlement de copropriété est la conséquence de la prise de possession réelle du bien effectuée par la SEMAVIP et elle n’est donc pas répétible ; d’ailleurs, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] l’admettaient puisque dans leur courrier de mise en demeure du 7 novembre 2021 adressé à M. [E] [F] syndic du syndicat des copropriétaires, elles indiquent : « il résulte de la Cour de cassation que vous devez rembourser à la SEMAVIP le montant de l’indemnité d’expropriation qui a été versée, soit : 26 896’000 francs -15’000 francs (frais de modification du règlement de copropriété)= 26’881 000 francs.
Il convient donc de confirmer le jugement qui a exactement dit que l’indemnité au titre du règlement de copropriété de 2286,74 euros n’est pas répétible.
En conséquence, les indemnités à restituer par les consorts [F] à la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] sont :
‘indemnité principale : 2.367.838,14 euros
‘indemnité pour perte d’agrément du jardin : 1.255.692,07 euros
soit un total de 3.623.530,21 euros.
Il convient de déduire les indemnités déja restituées par Mmes [C] [F], Mme [RV] [S] [F], Mrs [JO] [F] et [FA] [F] à hauteur de 686 673 euros.
Les indemnités à restituer par M. [E] [F], M. [AI] [F], Mme [W] [M] [F] veuve [IB], le SDC de l’immeuble [Adresse 8] représenté par M. [E] [F], M. [AI]- [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [DH] [F], M. [EB] [F], M. [AI] [ZP] [F], M. [R] [F] et Mme [RV] [BA] [F] s’élèvent donc à la somme de :
3.623.530,21 euros – 686.673 euros= 2.936.857,21 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
3° sur les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et leur capitalisation
Le premier juge a indiqué que les consorts [F] doivent restituer l’indemnité de 2’367’838 euros qui leur a été versée, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 novembre 2001 et qu’aucun élément ne s’oppose à ce que les intérêts échus pour une année entière soient capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du Code civil.
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] demandent l’infirmation en indiquant qu’aucune somme ne peut être due au titre des intérêts de retard à compter du 7 novembre 2001 et encore au titre des intérêts sur intérêts ; qu’en effet, il n’y avait lieu à restitution des indemnités d’expropriation qu’en échange de terrain avec rétablissement des anciens propriétaires dans l’intégralité de leurs droits ; que le terrain n’est plus dans l’état dans lequel il était lorsque la partie expropriante en a pris possession ; que par voie de conséquence, les intérêts ne peuvent courir du jour de la décision à intervenir, que la lettre du 7 novembre 2001 qualifiée de « mise en demeure » par la SEMAVIP était dépourvue d’effets, puisque celle-ci ne pouvait remettre à disposition des défendeurs un bien devenu la propriété de la Ville de [Localité 40] jusqu’à ce que soit constatée la résolution de la vente par l’acte des 17 et 18 février 2005, qui a remis en possession, rétroactivement, de ce même bien, non pas au syndicat des copropriétaires, mais la SEMAVIP ; que cette mise en demeure est dépourvue d’effets puisque les consorts [F] y ont répondu dès le 20 novembre 2001 en demandant à l’autorité expropriante que le terrain soit préalablement remis en état et que la SEMAVIP n’a jamais rien fait pour restituer le terrain aux consorts [F], ce qui a été constaté contradictoirement par le juge de l’expropriation lors du transport sur les lieux du 30 avril 2014 et lors de rendez-vous sur place du 19 avril 2019 par l’expert judiciaire.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent la confirmation en indiquant qu’en application d’une jurisprudence constante fondée sur les dispositions de l’article 1153 ancien du Code civil, aujourd’hui codifiées à l’article 1344-1 du Code civil, la mise en demeure de payer une obligation de somme d’argent fait courir les intérêts moratoires, au taux légal, sans que le créancier ne soit tenu de justifier d’un préjudice ; que conformément à l’article 1154 ancien, devenu l’article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si une décision de justice le précise ; qu’en l’espèce, par lettre du 7 novembre 2001, tirant les conséquences de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation de la décision fixant les indemnités d’expropriation par la Cour de cassation, les consorts [F] ont été mis en demeure de restituer les indemnités d’expropriation, ce qui constitue bien une obligation de somme d’argent, les consorts [F] ayant été avisés que la lettre valait mise en demeure et faisait courir les intérêts de retard.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent l’infirmation en indiquant que le reversement de l’indemnité n’est pas, au regard des dispositions spécifiques de l’article R223-6 du code de l’expropriation, soumis textuellement à intérêts ; que d’autre part, cette mise en demeure a été destinée aux seuls consorts [F], et non pas aux véritables débiteurs de la restitution, qui est nécessairement le syndicat des copropriétaires qui a perçu les indemnités ; qu’il n’y avait lieu à restitution des indemnités d’expropriation qu’en échange du terrain avec rétablissement des anciens propriétaires dans l’intégralité de leurs droits ; que le terrain n’est plus en l’état dans lequel il était lorsque la partie expropriante en a pris possession.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [A] [F] demandent l’infirmation en indiquant que la mise en demeure ne peut être considérée comme une condamnation et que les dispositions de l’article 1153-1 du code civil doivent être écartées ; que par ailleurs, la copropriété et les consorts [F] ne peuvent être considérés comme « en retard dans l’exécution d’une obligation » au sens de l’article 1153 du code civil ; que les dispositions de l’article L12-5 reprises à l’article L223-2 du code de l’expropriation prévoient que la restitution de l’indemnité ne peut intervenir qu’après que le juge de l’expropriation ait constaté le manque de base légale de l’ordonnance d’expropriation et qu’il ait estimé que le bien était en état d’être restitué ; qu’en conséquence, le montant des sommes éventuellement restituées ne peut, dans le cas de la procédure en manque de base légale de l’ordonnance d’expropriation, commencer à courir postérieurement à la décision du juge de l’expropriation lorsque le bien est en état d’être remis ; au surplus, la SEMAVIP n’était pas en état de remettre le bien qu’à la date du 7 novembre 2000, le bien ayant été cédé à la Ville de [Localité 40] depuis le 22 mars 1996, et la SEMAVIP et la ville de [Localité 40] ne redeviennent copropriétaires que par acte du 18 février 2005 prononçant la résolution de la vente passée avec la Ville de [Localité 40] ; à titre subsidiaire, si une date antérieure au jugement venait à être recherchée, ce serait celle de la demande en restitution dans le mémoire de reprise d’instance du 5 mars 2014 ; qu’il y a lieu également de rejeter la demande de capitalisation des intérêts puisque les conditions de l’article 1154 du Code civil ne sont pas réunies.
Par lettre recommandée avec réception avec mention mise en demeure du 7 novembre 2001 adressée à M. [E] [F] syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] (pièce numéro 6) la SEMAVIP indique : « la 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu, le 27 février dernier, deux arrêts cassant, d’une part l’ordonnance d’ expropriation du 5 avril 1995, d’autre part l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 1996 qui a fixé les indemnités d’expropriation.
Bien que ce terrain de 1412 m², dépendant d’un ensemble immobilier sis [Adresse 8], ait été cédé par la SEMAVIP à la Ville de [Localité 40] par un acte notarié du 22 mars 1996, pour y procéder à l’extension du jardin public du Moulin de la Pointe, il apparaît que l’arrêt de cassation entraîne l’annulation de la vente et la restitution du terrain à ses anciens propriétaires.
Aussi, nous avons pris toutes dispositions pour évacuer le terrain, le clôturer et vous le restituer. Cette restitution est d’effet immédiat.
Bien entendu, il résulte de l’arrêt de Cour de cassation que vous devez rembourser à la SEMAVIP le montant de l’indemnité d’expropriation qui a été versée, soit : 26’896’000 francs -15’000 francs (frais de modification du règlement de copropriété)= 26 881 000 francs.
Cette lettre vaut donc mise en demeure à chacun des propriétaires indivisaires de reprendre le terrain et de restituer à la SEMAVIP la somme de 26′ 881’000 francs.
Vous devez considérer la présente comme une mise en demeure de nature à faire courir tous délais, intérêts et autres conséquences que la loi – particulièrement l’article 1153 du Code civil – et les tribunaux attachent aux mises en demeure. »
Les consorts [F] n’ont jamais invoqué que leur terrain ne pouvait pas leur être restitué, indiquant uniquement qu’il n’était pas dans le même état ; suite à cette mise en demeure, restée sans suite, et malgré des discussions amiables et autres mises en demeure du 22 janvier 2022, la SEMAVIP par actes d’ huissier des 26 mars, 7 avril, 9 avril, 29 avril et 5 mai 2003 a donc fait assigner les consorts [F] en vue de les voir condamner à restituer, solidairement, la somme versée au titre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant fixé l’indemnité d’expropriation, annulée par l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2001.
En outre, le courrier de la SEMAVIP du 7 novembre 2001 mentionne expressément qu’il s’agit d’une mise en demeure de nature à faire courir tous délais, et intérêts, en visant l’article 1153 du Code civil.
En conséquence, la somme à restituer par les consorts [F] encore parties à la procédure d’un montant de 2.936.857,21 euros, l’est avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001, et les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil.
Le jugement sera donc confirmé sur la condamnation aux intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001 et de la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière mais pour la somme susvisée.
4° sur la condamnation in solidum des consorts [F]
Le premier juge a condamné in solidum les consorts [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2’367’838 euros qui leur a été versée, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 novembre 2001, et dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil.
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires de [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] ne contestent pas la condamnation in solidum à restituer.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent l’infirmation en indiquant que les consorts [F] ne sont pas tenus d’une quelconque solidarité, laquelle ne se présume pas, suivant l’article 1202 du Code civil. Il faut qu’elle soit expressément stipulée. Cette règle ne cesse que dans les cas où, la solidarité a lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] demandent l’infirmation en indiquant que les consorts [F] collectivement, n’étaient pas les bénéficiaires de l’indemnité d’expropriation et n’avaient pas la qualité d’anciens propriétaires et qu’elle ne pouvait être fixée in solidum.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent la confirmation en indiquant que par arrêt du 19 mai 2016, la cour d’appel a jugé que la SEMAVIP était fondée à réclamer la restitution des indemnités aux consorts [F], peu importe que les indemnités aient été payées entre les mains du syndicat des copropriétaires.
La cour dans son arrêt du 19 mai 2016 a rejeté ce moyen ayant jugé que : « considérant que la demande de remboursement des indemnités versées est également recevable à l’encontre des consorts [F], propriétaires indivis des parties communes dont fait partie le terrain, objet de l’expropriation, et désigné comme bénéficiaires de l’indemnisation dans l’arrêt la cour en ayant arrêté le montant, peu important que le syndicat des copropriétaires, lequel regroupe tous les copropriétaires et charges de l’administration des parties communes, ait reçu l’indemnisation versée par l’expropriant.»
Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation principal de la Ville de [Localité 40] et de la SEMAVIP ; Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] ont formé un pourvoi incident correspondant au premier moyen première branche du pourvoi incident faisant grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable l’action de la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à l’encontre des consorts [F] ; la Cour de cassation dans son arrêt du 14 septembre 2017 numéro 16-22 113 a rejeté ce moyen, en indiquant qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
En conséquence, l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016 ayant autorité de chose jugée, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la condamnation in solidum des consorts [F].
5° conclusions sur la restitution des indemnités d’expropriation
Il convient de condamner in solidum les consorts [F] parties à la procédure à restituer à la SEMAVIP les indemnités de 2.936.857 euros correspondant à l’indemnité principale et l’indemnité pour perte d’agrément qui leur ont été versées, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001, en disant que les intérêts dûs pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
B- sur la réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière
Au titre des indemnités dues aux expropriés, le premier juge a condamné in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F] une indemnité de 241’492,68 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Il a en effet :
‘alloué aux expropriés une indemnité de 200’000 euros représentant une juste contribution à la réhabilitation du terrain ;
‘rejeté la demande de dédommagement pour nuisances de voisinage ;
‘rejeté la demande concernant la perte de jouissance et les nuisances subies depuis 1995, s’agissant de la restitution d’un jardin d’agrément dont la perte avait d’ores et déjà été indemnisée par le juge de l’expropriation ;
‘rejeté la demande des consorts [F] visant la perte de constructibilité de la parcelle sous emprise ;
‘alloué aux consorts [F] la somme de 41.492,68 euros au titre des travaux d’assainissement du terrain.
1° sur l’autorité de la chose jugée
Madame [W] [F] veuve [IB], [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] indiquent que l’autorité de la chose jugée s’attache aux arrêts rendus le 14 septembre 2017 par la Cour de cassation le 23 janvier 2020 par la cour d’appel, le pourvoi formé par l’autorité expropriante à l’encontre de cet arrêt ayant été rejeté ; en conséquence, la question de l’existence du préjudice subi par les consorts [F] a bien été tranchée de manière définitive en ce compris le dommage qui résulte de la perte des droits à construire.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] rétorquent que les arrêts de la cour du 19 mai 2016 et du 23 janvier 2020 quant au préjudice allégué par les consorts [F] n’ont pas autorité de la chose jugée, puisqu’une décision avant dire droit n’a pas au principal, autorité de chose jugée conformément à l’article 480 du code de procédure civile.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] indiquent que les préjudices dans leur principe ont d’ores et déjà été jugés par la cour d’appel dans ses arrêts définitifs des 19 mai 2016 et 23 janvier 2020, et l’arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2017.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] n’ont pas conclu sur ce point.
En application de l’article 480 du code de procédure civile, seul le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident, dès son prononcé a l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ; en revanche, une décision avant dire droit n’a pas au principal, autorité de chose jugée.
En conséquence, l’arrêt du 19 mai 2016 qui a ordonné avant dire droit une mesure d’expertise sur la demande de dommages-intérêts formulée par les consorts [F], et qui en outre a fait l’objet d’une cassation partielle sur ce point par la Cour de cassation par arrêt du 14 septembre 2017 n’a pas autorité de chose jugée.
L’arrêt du 23 janvier 2020, qui a ordonné avant dire droit une mesure d’expertise complémentaire, n’a pas autorité de chose jugée, et en outre suite au pourvoi de l’autorité expropriante, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi par arrêt du 27 mai 2021 sans examen au fond.
2° sur les frais de remise en état
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] demandent l’infirmation au titre de la remise en état de la parcelle sous emprise et sollicitent une somme d’1.640.005, 24 euros correspondant à l’estimation de l’expert M. [AP].
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent l’infirmation et proposent sur la base du devis produit par les consorts [F] le 24 septembre 2003, au titre des aménagements paysagers, les frais de nettoyage et de jardinage hors frais somptuaires la somme de 17’933 euros arrondis à 18’000 euros correspondant à :
‘fauchage du jardin : 5760 euros
‘évacuation et mise en décharge des déchets divers : 2995 euros
‘abattage, débitage des érables jugés communs et inintéressants : 2016 euros
‘élagage, taille de formation du marronnier : 1512 euros
soit un total de 12’283 euros, avec actualisation indice INSEE au dernier trimestre 2021: 17’933 euros arrondis à 18’000 euros.
Elles indiquent que M. [H] s’est contenté d’un seul devis, qu’il est expert en estimation immobilière mais n’a pas d’expertise en matière de travaux de génie civil et de bâtiment ; que comme en première instance, les consorts [F] croient pouvoir se dispenser d’apporter la preuve de la liste des travaux allégués, procédant par simple affirmation ; que le premier juge a relevé qu’aucune pièce n’établissait l’existence du court de tennis, de la voie romaine, du « pavillon habitable avec cabane de jardin mitoyenne » des plantes et arbres dispendieux ; que les photographies produites ne démontrent pas les équipements remarquables dont ils se targuent ; que le document qui fait foi de l’état du terrain au moment de l’expropriation est le procès-verbal de transport établi par le juge de l’expropriation lors de la fixation des indemnités, qui décrit le bien comme « jardin d’agrément », sans mentionner d’aménagement remarquable, tel qu’un terrain de tennis.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] à M. [EB] [F] demandent l’infirmation en retenant le montant retenu par l’expert M. [AP] d’1 640’016,24 euros.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] à M. [R] [F] demandent l’infirmation en retenant la somme d’1’640’016,24 euros.
Le commissaire du gouvernement indique que l’expertise de M. [AP] évalue l’indemnisation au titre des frais de remise en état à la somme d’1 640’016,24 euros
pour les affouillements, remblai et modification du taux travail au sol, la construction des murs de clôture, des aménagements paysagers des plantations. Il indique que cette expertise se fonde à partir de rapports précédemment rendus :
‘rapport de M. [H] se basant sur un devis de la compagnie des jardiniers du 24 septembre 2003 puis dans sa note de synthèse du 27 septembre 2021
‘rapport de Messieurs [J] et [LH] du 25 novembre 2003 et 12 avril 2008
‘rapport d’utilisation par le cabinet A4+A du 30 décembre 2021 qui mentionne la présence d’un mur de clôture en pierre, d’un engazonnement d’ensemble, d’un court de tennis avec clôture grillagée, d’un petit pavillon habitable avec cabane de jardin, d’une fontaine adossée à un fronton en brique, d’une pergola couverte de rosiers, des arbres à haute tige et des arbres fruitiers ainsi qu’un espace potager, avec des photographies.
Le commissaire du gouvernement indique que sous réserve de la consultation des photos référencées, il sera pris en compte l’existence de ces différents aménagements.
Il indique qu’il ne dispose pas des compétences appropriées en la matière permettant d’évaluer un tel chiffrage, mais il retient la somme indiquée dans le rapport d’expertise.
Le procès-verbal de transport sur les lieux du 30 avril 2014 indique :
« ce terrain litigieux, irrégulièrement exproprié, était une dépendance arborée de la maison.
À présent, de la terrasse, comme de l’extérieur, on ne distingue plus rien, les arbres ont pu sauvagement pousser depuis le début de la procédure, pour atteindre près de 8 m pour certains (peu de sujets intéressants semble-t-il).
La zone est quasiment rendue à l’état sauvage, même si la ville intervient régulièrement pour opérer un nettoyage.
On nous indique, à peine visible, « une voie romaine », à savoir un chemin dans l’ancien jardin, surmontée d’éléments maçonnerie destinés à recevoir des végétaux montants.
Nous ressortons de la maison et nous sommes invités à découvrir le terrain litigieux, mais de l’extérieur car aucune personne présente lors du transport, n’a la clé ou les moyens de pénétrer dans le terrain dont l’évaluation est pourtant demandée.
Nous contournons ce terrain en empruntant le jardin public aux aménagements quasi luxueux.
‘Il est prétendu que lors de travaux publics, la Ville de [Localité 40] a empiété sur le terrain litigieux des consorts [F] de quelques centimètres.
La grille enfermant le jardin est dans un état dégradé, mais elle isole le bien de tout accès public. Sont cependant présents sur le terrain litigieux diverses déjections (objets métalliques, bouteille, etc…).
Nous avons fini de faire le tour du terrain litigieux et nous nous retrouvons devant une allée qui sépare l’immeuble social de la propriété des consorts [F], qui relie l’Avenue de l’Italie au jardin du Moulin de la Pointe. »
La SEMAVIP et la ville de [Localité 40] indiquent qu’un seul devis est produit et qu’il aurait fallu deux devis ; cependant, un seul devis permet d’établir la réalité d’un préjudice.
Elles indiquent que le juge a relévé qu’aucune pièce n’établit l’existence du court de tennis, de la voie romaine et du ‘ pavillon habitable avec cabane de jardin mitoyenne’ et des plantes et arbres dispendieux.
Cependant :
– s’agissant de la voie romaine, le premier juge a constaté lors du transport sur les lieux que la zone est quasiment rendue à l’état sauvage, et il mentionne ‘ on nous indique, à peine visible’; il y avait bien une voie romaine ;
-s’agissant du pavillon, il apparait sur photographie dans le rapport de M. [J] (photos 4a et 4b
-s’agissant de la fontaine adossée à un fronton en brique avec niche cintrée décorative, elle apparaît dans le rapport de M. [J] (photo N°5)
-deux pergolas figurent dans le rapport de M. [J] (photos N°6a, 6b )
-des arbres à haute tige et des arbres fruitiers et un espace potager figurent dans le rapport de M. [J] (photos N°8a, 8b et 8c)
-des massifs de plantes ornementales, bancs et agrès figurent dans le rapport de M. [J] (photos N°9 et 1b);
-s’agissant du terrain de tennis, il apparaît dans le rapport de M. [J] (photos N°3 et 4b).
Il convient en conséquence, les autres postes du devis produit par les consorts [F] n’étant pas contestés, de retenir le chiffrage du sapiteur M. [H] correpondant à :
-Afouillement, remblai et modification du taux de travail au sol, pour un coût de 259’556,11 euros ;
‘de reconstitution de mur de clôture, des aménagements paysagers, des plantations, pour un coût d’1’217’176,76 euros ;
‘de reconstitution du pavillon existant de 36 m² pour un montant actualisé de 130’283,37 euros et d’allouer en conséquence aux consorts [F] une indemnité de 1 640 016,24 euros au titre du préjudice pour la remise en état du terrain .
Le jugement sera infirmé en ce sens.
3°sur les nuisances de voisinage
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] demandent l’infirmation et de retenir l’indemnisation au titre des nuisances validées par l’expert judiciaire soit la somme de 793’188 euros ; ils indiquent que la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] et le commissaire de gouvernement concluent au rejet de la réclamation tirée des nuisances qui résultent de la construction précitée, alors que les nuisances, notamment la perte d’ensoleillement, résultent de l’édification de l’ouvrage HLM construit en bordure de terrain, et que celui-ci a été bâti à la suite de l’opération mise en ‘uvre par la SEMAVIP anciennement SOPAREMA avec la Ville de [Localité 40].
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent la confirmation en indiquant à titre principal que la demande est irrecevable car étant mal dirigée, lesdits voisins n’étant pas dans la cause et à titre subsidiaire celle-ci est mal fondée en l’absence de lien direct avec l’expropriation et à défaut d’absence de dommage anormal spécial s’agissant d’un dommage de travaux publics.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent l’infirmation et sollicitent une indemnisation de 1’046’410 euros retenus par l’expert judiciaire M. [AP] ; ils indiquent que la durée de la privation de jouissance et son intensité au regard de la nature du bien exproprié justifient cette demande d’indemnisation.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] à M. [R] [F] demandent l’infirmation et sollicitent la somme d’1 046’410 euros au titre de la perte de jouissance des nuisances subies depuis 1995.
Par arrêt définitif du 14 février 2008, la cour administrative d’appel de Paris a condamné la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F] la somme de 25’000 euros en indiquant : « considérant que la construction litigieuse, édifiée en limites séparatives, entraîne pour les requérants perte d’ensoleillement et des nuisances de vue ; il sera fait une juste appréciation de préjudice subi de ce chef pour 25000 euros ».
En conséquence, les consorts [F] ne peuvent revendiquer au titre du trouble de jouissance le préjudice résultant de la perte d’ensoleillement chiffré par l’expert à la somme de 682 000 euros, ce préjudice ayant déjà été indemnisé.
La cour d’appel administrative de Paris ajoute : « considérant, d’une part, que les nuisances sonores qui résulteraient du fonctionnement du jardin maternel sont sans lien direct avec la légalité du permis de construire ; que, d’autre part, des préjudices résultant des dégradations ayant affecté leur propriété ainsi que la perte de constructibilité et de jouissance d’une parcelle de 1414 m² sont la conséquence directe de la procédure d’expropriation dont les consorts [F] ont fait l’objet en 1995 et non de l’autorisation de construction litigieuse ».
Il convient donc d’indemniser par contre les nuisances relevant des vues directes ainsi que du bruit de la crèche, le logement mitoyen qui sont la conséquence directe de l’expropriation, puisque celles-ci résultent de l’édification de l’ouvrage HLM construit en bordure du terrain, qui a pu être bâti à la suite de l’opération d’expropriation mise en ‘uvre par la SEMAVIP anciennement SOPAREAM avec la Ville de [Localité 40].
Il convient de retenir le chiffrage de l’expert M. [AP] et d’allouer aux consorts [F] au titre de l’indemnisation pour trouble de jouissance la somme de 111’188 euros ; le jugement sera infirmé en ce sens.
4°sur la perte de jouissance
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du 166/168 avenue Italie [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] demandent l’infirmation du jugement et sollicitent au titre de la perte de jouissance depuis 1995 la somme de 1 046’410 euros.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] proposent une indemnité au titre de la privation temporaire de jouissance uniquement pour la période antérieure au 7 novembre 2001, soit la somme de 240’674 euros, en indiquant que la privation temporaire de jouissance postérieure à cette date est sans lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] sollicitent au titre de la durée et de l’intensité la privation de jouissance une indemnisation d’1 046’410 euros.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] sollicitent également au titre de la perte de jouissance, incluant les nuisances, depuis 1995 cette somme d’1’046’410 euros.
Si le premier juge a rejeté cette demande, c’est au motif qu’il s’agit de la restitution d’un jardin d’agrément dont la perte avait d’ores et déjà été indemnisée par le juge de l’expropriation ; cependant, cette indemnisation pour perte définitive de jouissance doit être restituée par les consorts [F] et il s’agit en l’espèce d’indemniser suite à l’opération irrégulière, la perte de jouissance du terrain objet de l’opération irrégulière d’expropriation comme le reconnaissent la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40].
Suite à l’annulation de l’ordonnance d’expropriation par la Cour de cassation le 27 février 2001, les consorts [F] sont redevenus propriétaires à compter de cette date, et ils ont été mis en demeure de récupérer leur terrain ; il n’existait aucune impossibilité juridique à la restitution, les consorts [F] indiquant d’ailleurs uniquement que le terrain n’était pas dans le même état ; en conséquence, les consorts [F] ont été mis en mesure de récupérer la jouissance matérielle de leur terrain à compter du 7 novembre 2021 et ils ne peuvent donc être indemnisés pour la période postérieure.
M. [H] a validé la note du cabinet d’architecte urbaniste A4+4 et la perte de jouissance comme suit :
‘indemnité pour perte d’agrément du jardin évalué par les domaines 1994 (mémoire d’expropriation du 22 juin 1994) 20 % de la valeur vénale de la parcelle bâtie conservée soit : 41’184’000 francs X 20 %= 8 millions de 136’800 francs soit 1’255’692 euros ;
‘espérance de vie moyenne des consorts [F] 1995= 30 ans ;
‘évaluation de la perte de jouissance de 1995 à ce jour, soit pendant 30 ans de l’indemnité pour perte d’agrément fixé par les domaines : 1’255’692 euros X 25/30= 1’046’410 euros.
Il convient d’indemniser pour la période antérieure à la mise en demeure le 7 novembre 2001, correspondant à cinq ans et neuf mois, soit 5,75 soit :
1’255’692 euros X 5,75 ÷ 30 =240’674,30 euros.
Il sera donc alloué aux consorts [F] au titre de l’indemnisation de la perte de jouissance cette somme de 240’674,30 euros ; le jugement sera infirmé en ce sens.
5° sur les travaux d’assainissement
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] demandent la confirmation en indiquant que les consorts [F] ont été mis en demeure d’assainir le terrain, par l’injonction du préfet et sous la menace de poursuites judiciaires, voire pénales en application des dispositions figurant dans le code de la santé publique ; ils ont pris les mesures propres à répondre à cette injonction qui ne peut concerner que la SEMAVIP restée en possession des terrains.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent l’infirmation en indiquant que le préjudice au titre des travaux d’assainissement est sans lien direct avec l’opération irrégulière d’expropriation et résulte d’un arrêté préfectoral de 2014 à la suite du plan local d’urbanisme 2006 dont la légalité n’a jamais été contestée par les consorts [F] ; qu’en outre, les consorts [F] sont redevenus pleinement propriétaires du terrain litigieux suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2000, ont été mis en mesure de récupérer la jouissance du bien dès le 7 novembre 2001 ; qu’enfin, les consorts [F] n’établissent pas avoir effectivement supporté et payé la somme alléguée.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent la confirmation en indiquant que la somme de 41’492,68 euros correspond aux coûts de travaux d’assainissement exigés par l’autorité administrative.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] M. [A] [F] demandent la confirmation en indiquant que cette demande d’infirmation de l’autorité expropriante est irrecevable, celle-ci n’ayant pas été présentée dans le mémoire initial des expropriants ; ils ajoutent que les travaux d’assainissement sont justifiés par la demande adressée aux expropriés par les services préfectoraux.
Le commissaire du gouvernement demande la confirmation en indiquant que l’indemnisation au titre des travaux d’assainissement semble justifiée au regard de la décision rendue en première instance qui a fait droit à cette réparation, au regard du classement de la parcelle en espace libre revitalisé à la suite de la modification du plan local d’urbanisme de 2006 qui a mis à la charge des propriétaires les travaux d’assainissement de ce terrain particulièrement en application de l’injonction administrative par arrêté préfectoral du 18 février 2014 ; que la justification de la somme accordée se base suivant le bordereau de prix notifié par la Ville de [Localité 40] chiffré à la somme de 41’492,68 euros.
Suite au classement du terrain en espace libre revitalisé lors de l’institution du plan local d’urbanisme de la Ville de [Localité 40] intervenu les 12 et 13 juin 2006, des travaux d’assainissement du terrain ont été mis à la charge des consorts [F] par arrêté préfectoral du 18 février 2014 ; suivant bordereau de prix notifié par la mairie de [Localité 40], le montant correspondant à ces travaux est de 41’492,68 euros ; du fait de l’opération irrégulière,les consorts [F] doivent être indemnisés de cette somme qu’ils ont dû exposer en raison de l’arrêté préfectoral du 18 février 2014.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a exactement alloué une indemnité de 41’492,68 euros aux consorts [F] au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière, correspondant à des travaux d’assainissement.
6° sur la perte de droits à construire
Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26], représenté par son syndic M. [E] [F] demandent l’infirmation et sollicitent au titre de la perte de constructibilité la somme de 17 millions d’euros telle que chiffrée par l’expert M. [AP].
Ils indiquent que leur terrain avait été indemnisé comme inconstructible en application des règles restrictives de la matière d’expropriation, et que hors expropriation, ces règles ne sont pas applicables ; que le professeur [UW] dans sa consultation du 18 mai 2022 complétée le 2 février 2003 conclut au fait que le règlement de la Zac était applicable et que la constructibilité de la parcelle était certaine et qu’il est devenu, de fait, inconstructible par la présence sur le terrain voisin du bâtiment de sept étages édifiés par l’OPAC au bénéfice du bail à construire que lui a consenti la SEMAVIP en avril 1997, par le report des droits permis par l’acquisition du terrain des consorts [F], indispensable à l’opération ; que la perte de constructibilité est certaine comme le reconnaît l’autorité expropriant elle-même, le préjudice des consorts [F] tient à la privation d’une chance d’avoir pu bénéficier des droits à construire attachés à la parcelle dont ils ont été dépossédés ; que bien que les circonstances n’étaient pas favorables à l’élaboration d’un projet immobilier, ils ont eu une réunion avec M. [FA] [MV] le 6 janvier 2006, responsable du développement agence concernant le Grand [Localité 40] chez Bouygues immobilier, ils ont eu des contacts avec un architecte [UC] [XI] qui a réalisé en mars 2006 des esquisses concernant la réalisation d’un projet immobilier, ils ont eu des contacts en 2006 avec M. [X] [EV], directeur de la Ville de [Localité 40], afin de lui soumettre ce projet, ils ont rencontré le 2 juin 2014 le maire du [Localité 26], M. [OI] [Z] et le 4 juillet 2018 M. Olivier [L], directeur immobilier d’Eiffage immobilier ; que M. [H] a estimé la perte de constructibilité avec pour méthode d’évaluer la valeur d’un ensemble immobilier (terrain+immeuble) dans l’état du deuxième trimestre 1995 et la comparer à celle du même ensemble immobilier en l’état actuel, aboutissant à la somme de : 28’015’000 euros (valeur vénale de l’ensemble dans l’état du deuxième trimestre de 1995) – 11 772’000 euros (valeur vénale des biens de l’état actuel) soit 16 243000 euros ; que M. [LH] du cabinet ADEM dans un avis de valeur arrêtée à septembre 2021 aboutit à un montant de 17 000 000 d’euros.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent à titre principal la confirmation en raison de la contradiction des demandes des consorts [F], qui ne peuvent solliciter une indemnisation pour une perte de droits à construire, laquelle suppose qu’ils n’aient plus l’usage du terrain comme jardin et en l’absence de réunion des conditions de la responsabilité de l’absence de dommage, l’aménagement de la [Adresse 42] n’ayant pas rendu le terrain constructible, puisque le plan d’aménagement de zones, approuvé par délibération du conseil de Paris du 22 juin 1992 a maintenu l’inconstructibilité de la parcelle, celle-ci étant destinée à devenir un espace public ; elles ajoutent qu’il y a absence de préjudice direct et certain, un préjudice purement éventuel ne pouvant donner lieu à indemnisation, les consorts [F] ne justifiant d’aucun projet de construction, ni qu’ils auraient été en mesure de solliciter les autorisations nécessaires à un tel projet, ni que les conditions matérielles et techniques étaient réunies pour l’obtention du permis de construire correspondant ; elles indiquent qu’en outre, il faut se replacer à la date à laquelle l’expropriation annulée est intervenue soit en avril 1995, pour estimer à cette date, l’augmentation de valeur du terrain, si celui-ci avait pu bénéficier de droits à construire dans le cadre d’une éventuelle future opération d’aménagement, qui a été évaluée par l’expert de la ville à 4’560’000 euros ce qui correspond à l’évaluation faite par l’expert judiciaire quand cela ne concerne que le jardin, et non l’hôtel ; que la cour ne pourra donc que reconnaître que le préjudice prétendument subi par les consorts [F] a cessé en février 2001, et que l’évaluation de la prétendue perte de droits à construire ne peut être attachée qu’au seul terrain exproprié, excluant l’hôtel particulier ; ainsi, en déduisant la valeur de l’hôtel particulier de 11 265 000 euros, et en ne retenant que la seule valeur vénale du terrain soit 16’750’000 euros, l’indemnité de perte de constructibilité s’évalue, en reprenant la formule de l’expert à :
16’750’000 euros-11’265’000 euros= 5’485’000 euros.
Elles ajoutent que sur la réparation d’une perte de chance, celle-ci ne saurait être supérieure à 20 % soit : 20 % X 5’485’000 euros= 1’097’000 euros.
Elles indiquent enfin qu’il y a lieu à déduction suite à la transaction avec Mesdames [C] et [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F] constatée par arrêt du 23 janvier 2020.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [DH] [F] et M. [EB] [F] demandent l’infirmation et sollicitent au titre de la perte des droits à construire la somme de 17 000 000 euros.
Ils indiquent que le terrain bénéficie de droits à construire au titre de sa soumission au plan d’aménagement de la Zac modificatif (PAZ) de la [Adresse 41] ce que rappelle expressément les rapports du conseil d’administration de l’AGO de la SOPREMA du 31 décembre 1992 et du 31 décembre 1993, et que le terrain pouvait recevoir notamment la réalisation de logements, ce qui est confirmé par la consultation du Professeur [UW] ; que cette indemnité au titre du préjudice de la perte de droits à construire doit s’évaluer au jour où la cour statue, et M. [LH] se fondant sur l’étude de faisabilité du 30 juin par M.[TI], sapiteur désigné par expert judiciaire retient une valeur de droits à construire de 17 000 000 d’euros.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] demandent l’infirmation et sollicitent au titre de la privation de droits à construire la somme de 17 000 000 d’euros.
Ils indiquent que les droits à construire ont été transférés à une parcelle, que dans une zone d’aménagement concertée la constructibilité était globale en l’état de la réglementation applicable par approbation du PAZ le 22 juin 1992 et que le terrain exproprié a contribué en conséquence à la constructibilité de la zone, et que les terrains inclus dans un PAZ devaient être considérés comme constructibles comme l’indique le professeur [UW] dans sa consultation du 18 mai 2002, et comme indiqué dans les deux rapports du conseil d’administration de la SEMAVIP.
Le commissaire du gouvernement demande la confirmation du jugement en se fondant sur l’article L 321-1 du code de l’expropriation en indiquant que seule l’obtention d’un permis de construire aurait pu attester de manière certaine d’une perte de constructibilité de la parcelle en cause, ce qui n’est pas rapporté en l’espèce.
En raison de l’annulation de l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1195 par la Cour de cassation le 27 février 2001, à compter de cette date, les consorts [F] sont considérés comme ayant rétroactivement recouvré la pleine et entière propriété dudit bien et replacés dans l’état où ils se trouvaient avant la décision cassée et pour la période 1995-2001, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] se trouvent avoir été en situation d’emprise irrégulière, de nature à engager leur responsabilité pour les troubles divers occasionnés par cette occupation sans titre juridique.
Par la même expropriation, la SEMAVIP a acquis une parcelle de terrain situé [Adresse 9], jouxtant la parcelle objet de la présente procédure. Elle a conclu le 10 avril 1997 avec l’Office public d’aménagement et de construction de [Localité 40] une convention de bail à construction d’une durée de 65 ans, en vue de l’édification sur cette parcelle d’un bâtiment de sept étages de deux niveaux de sous-sol, à usage d’habitation, de commerces, stationnement et comprenant un jardin maternel de 25 berceaux. Les permis de construire successifs ont été annulés, mais l’immeuble a été réalisé et se trouve entièrement occupé.
Les consorts [F] ont fait assigner le 12 janvier 2000 à la Ville de [Localité 40] et l’OPAC, aux fins de voir condamner l’OPAC, à démolir, sous astreinte, l’immeuble litigieux. Par ordonnance du 2 décembre 2002, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent pour connaître du litige. La cour d’appel de Paris par arrêt du 7 janvier 2004 a confirmé cette ordonnance. Par arrêt du 6 juillet 2005, la Cour de cassation a considéré les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de la demande des consorts [F] en démolition de cet immeuble voisin, qualifié d’ouvrage public ; la cour administrative de Paris a finalement, par arrêt du 18 février 2008 (pièce numéro 32), débouté les consorts [F] de leur demande de démolition et le Conseil d’État les a enfin déboutés de leurs pourvois par décision du 17 juin 2009 (pièce numéro 33).
Les consorts [F] se retrouvent donc propriétaires d’un bien frappé, de fait, d’inconstructibilité par la présence sur le terrain voisin, d’un bâtiment de sept étages, absorbant les droits à construire sur leur terrain.
Or, pour pouvoir construire l’ immeuble de l’OPAC, la SOPAREMA (SEMAVIP) avait besoin des droits à construire du terrain [F]. Il ressort en effet des rapports des conseils d’administration de la SOPAREMA devenue SEMAVIP, aux assemblées des 31 décembre 1992 et 31 décembre 1993 (pièce numéro 31), que l’acquisition de la parcelle des consorts [F] était indispensable à la mise en oeuvre de la construction aux limites de la propriété du lot numéro neuf portant sur 60 logements.
Le rapport du conseil d’administration du 31 décembre 1992 indique page 9 : « la décision de conserver l’immeuble du [Adresse 8], a modifié de manière importante le plan d’aménagement de la partie Nord, de la Zac, et notamment le nouveau programme comprend 50 logements PLA et une mini crèche, développée sur une hauteur de 23 mètres ».
Le rapport du conseil d’administration de l’AGO du 31 décembre 1993 (pièce numéro 13) mentionne page 3 : « cette emprise est indispensable à la valorisation du programme de la Zac, car elle permet la construction de 60 logements PLA du lot numéro neuf, extension du parc et la création de la place publique reliant le parc à l'[Adresse 8] » et page 10 « sur la [Adresse 42], l’OPAC a fait étudier par le cabinet d’architecte Constantini et Regembal le permis de construire des 60 logements PLA du lot numéro 9, dont la réalisation dépend de l’acquisition de la partie arrière de la propriété du [Adresse 8], appartenant aux consorts [F]. La promesse de bail à construction sera régularisée dès le lancement de la procédure d’expropriation. »
La SEMAVIP a donc conféré à un tiers des droits à construire qu’elle n’avait pas, et ainsi a créé un préjudice aux consorts [F], copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] et du syndicat que constitue leurs collectivités.
Il y a donc eu perte de constructibilité, dès lors que ce terrain demeuré la propriété des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 8] aurait bénéficié de la constructibilité conférée par le plan d’aménagement de zones applicables à l’espace couvert par la Zac ; que si le terrain pris dans l’opération d’expropriation a été évalué par le juge de l’expropriation comme inconstructible, c’est uniquement par application des règles propres à la matière de l’expropriation qui lui imposait de prendre en compte la situation du bien au regard des règles d’urbanisme découlant du POS en vigueur à la date de référence au sens des articles L322-1 et suivants du code de l’expropriation, c’est-à-dire avant la création de la Zac. Il est d’ailleurs établi qu’un mois après avoir acquis le terrain situé dans la Zac le qualifiant d’inconstructible, la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] l’ont revendue comme terrain à bâtir (pièce numéro 16 : vente du 22 mars 1996), avec mention d’un impôt sur la mutation : « la présente acquisition a pour objet des terrains destinés à la réalisation d’ouvrages assimilés à des immeubles au regard de la doctrine énoncée au BOI sous la référence 8A. En conséquence, elle relève du champ de la TVA immobilière, au sens de l’article 257-7 du code général des impôts, celle-ci étant acquittée au taux de 20,60 % ».
Depuis 2006, le terrain, est irrémédiablement affecté dans sa constructibilité par son placement en espace libre à végétaliser (ELV) avec obligation pour le propriétaire d’entretenir et de revêtir cet espace d’éléments végétaux. En l’absence d’emprise irrégulière, après un transfert de propriété opéré par une ordonnance d’expropriation annulée, les copropriétaires auraient été en mesure de céder le terrain non constructible ou d’opérer une opération de construction. Les consorts [F], s’ils avaient librement disposé de la parcelle, auraient pu se prévaloir du règlement de la [Adresse 42], affectant la zone où est situé ce terrain, à la réalisation de logements, d’équipements publics, espaces verts, aires de jeux, crèches, groupes scolaires, ainsi qu’à celle de locaux commerciaux et artisanaux (titre deux, introduction) ; le plan d’aménagement de zone comporte, outre une zone d’habitation, de commerce et d’activité et une zone de construction basse à usage principal d’activité « l’indication des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général », en précisant que « les bâtiments publics sont soumis aux mêmes règles d’urbanisme que celles applicables aux immeubles d’habitation » (article 3 du règlement). Les parcelles comprises ainsi à l’intérieur du périmètre couvert par un Paz, alors même qu’aucune affectation n’aura été définie et aucune règle d’utilisation du sol fixé, doivent en effet être considérées comme constructibles.
Les consorts [F], bien que la procédure d’expropriation n’était pas favorable à l’élaboration d’un projet immobilier, justifient avoir effectué des démarches en ce sens ; en effet, le 6 janvier 2006, les consorts [F], représenté par M. [AI] et [IV] [F], ont eu une réunion avec M. [FA] [MV], responsable développement agence concernant le Grand Paris pour la société Bouygues immobilier ; des contacts ont été pris avec l’architecte [UC] [XI] (pièce numéro 61) qui a réalisé en mars 2006 des esquisses (pièce numéro 62) concernant la réalisation d’un projet immobilier comprenant l’emprise immobilière, afin de négocier avec le promoteur et la Ville de [Localité 40] globale ; ils ont pris des contacts en 2006 avec M. [X] [EV] , directeur des affaires juridiques de la Ville de [Localité 40], afin de soumettre ce projet et ils ont eu une réunion sur le même sujet avec Mr [V], maire-adjoint chargé d’urbanisme à la mairie du [Localité 26] ; le 2 juin 2014, ils ont rencontré le maire du [Localité 26] M. [OI] [Z] et le 4 juillet 2018 M. [PC] [L], directeur immobilier d’Eiffage immobilier.
Les expropriés ont perdu une chance d’avoir pu disposer des droits à construire attachés à leur terrain.
Afin d’évaluer ce préjudice, les consorts [F] ont versé aux débats une expertise de M. [T] [J] des 25 novembre 2003 (pièce numéro 30), 30 avril 2004 (pièces numéro 30) et 12 avril 2008 (pièce numéro 39), de A4A du 16 juillet 2014 (pièce numéro 39) d’actualisation du rapport [J] du 12 avril 2008 et de M. [BU] [LH] de mai 2015 (pièce numéro neuf) ce dernier ayant procédé à l’estimation de la valeur des droits à construire transférés, c’est-à-dire le prix auquel les consorts [F] pourraient vendre à un promoteur immobilier ce terrain s’ils bénéficiaient encore de sa constructibilité d’origine, avant utilisation par la SEMAVIP des droits à construire dans le périmètre de la [Adresse 42], ce dernier expert évaluant le préjudice à la somme de 11 200’000 euros.
M. [H], sapiteur de M. [AP], propose la méthode suivante : « nous avons déterminé la valeur de cet ensemble immobilier au troisième trimestre 2021 suivant l’état du deuxième trimestre 1995 et l’avons comparé à la valeur vénale des biens en l’état du troisième trimestre 2021 pour obtenir la perte de valeur entre l’avis d’expropriation et aujourd’hui.
Pour ce faire, nous déterminerons :
‘la valeur vénale de la maison construite sur la parcelle DR [Cadastre 5]
‘la valeur vénale de la parcelle DR [Cadastre 6] en fonction de l’étude de faisabilité par M. [TI], architecte, le 30 juillet 2021 ».
L’expert estime la perte de constructibilité à : 28’015’000 euros (valeur vénale de l’ensemble dans l’état du deuxième trimestre 1995) -11’772’000 euros (valeur vénale des biens dans l’état actuel) soit 16 243’000 euros.
M. [BU] [LH] du cabinet ADEM qui avait établi un premier rapport a produit un avis de valeur arrêtée à septembre 2021 (pièce numéro 53) en se fondant sur l’étude de faisabilité délivrée à septembre 2021 par M. [TI], sapiteur de M. [AP], en indiquant que la méthode d’évaluation par comparaison n’étant pas pertinente par les différences des prix constatés, il convient de retenir la méthode dite du bilan promoteur, ce qui aboutit un montant de 17 000 000 d’euros.
M. [AP] indique que le rapport de M. [LH] est conforme à l’expertise de M. [H].
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] versent aux débats un rapport de M. [K] faisant état d’une perte de constructibilité à 4 500 000 d’euros, mais en se fondant sur l’année 1995 ; M. [AP] indique : « l’expert et son sapiteur sont très surpris de la nature de cette mission – le préjudice court toujours – et de son exécution » .
M. [H] retient comme synthèse des calculs :
‘valeur vénale maison sur parcelle DR [Cadastre 5] : 11 265’000 euros hors droits
‘valeur vénale du terrain constructible cadastré DR [Cadastre 6] : 16’750’000 euros hors droits
‘valeur vénale de l’ensemble dans l’état du deuxième trimestre 1995 : 28 015 000 euros hors droits.
Il évalue le préjudice résultant de la privation de terrain depuis l’ordonnance d’expropriation du 5 avril 1995 correspondant à la différence entre les deux valeurs vénales déterminées avant, à savoir :
‘la valeur vénale de l’ensemble immobilier au troisième trimestre 2000 selon l’état du deuxième trimestre 1995
‘la valeur vénale de l’ensemble en l’état au troisième trimestre 2021 suivant l’état actuel
soit d’après ce qui précède :
28’015’000 euros – 11’712’000 euros= 16 143’000 euros hors droits valeur du préjudice au troisième trimestre 2021 : 16 243’000 euros hors droits environ.
Madame [W] [F] veuve [IB], Monsieur [E] [F], M. [AI] [F] et M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] indiquent que la valeur de l’habitation est neutralisée et permet d’évaluer la perte de constructibilité exclusivement attachée au terrain, objet de l’emprise.
Cependant, comme l’indique la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] la perte des droits à construire ne peut être attachée qu’au seul terrain exproprié, à l’exclusion de l’hôtel particulier, qui n’a pas fait l’objet de la procédure d’expropriation.
Il convient en conséquence, dans le cadre de la méthode du sapiteur M. [H] de déduire la valeur de l’hôtel particulier de 11 265’000 euros et de ne retenir que la valeur vénale du terrain soit 16’750’000 euros.
La perte de constructibilité est donc de :
16’750’000 euros – 11 265 000 euros= 5 485’000 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Les indemnités dues aux expropriés correspondent donc à :
1 640 016,24 euros (remise en état)+ 111 188 euros (nuisances)+ 240 674 euros (perte de jouissance)+41 492,68 euros (travaux d’assainissement)+ 5 485 000 euros (perte de droits à construire)=7 518 370,92 euros
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] indiquent qu’elles ont transigé avec Mesdames [C] et [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F] que par suite à un désistement réciproque a été effectué qui a été constaté par arrêt du 13 janvier 2020, que les consorts [F] encore partie à la procédure ne sont donc pas fondés à réclamer la totalité du préjudice subi par l’individion dans son ensemble du fait de l’opération irrégulière d’expropriation ; qu’il conviendra donc de déduire de l’indemnité due en réparation du préjudice du fait de l’expropriation irrégulière, la fraction qui aurait été due à Mesdames [C] et [PW] [F] et Messieurs [JO] et [FA] [F].
Les consorts [F], parties à la procédure et le Commissaire du Gouvernement n’ont pas conclu sur ce point.
S’il y a lieu de déduire des indemnités à restituer la fraction versée à Mesdames [C] et [PW] [F], propriétaires indivis du troisième lot de copropriété, soit la somme de 686.673 euros, il s’agirait des indemnités dues en réparation du préjudice subi du fait de l’expropriation irrégulière, au regard des règles régissant l’indivision, il n’y a pas lieu de déduire la fraction qui aurait été due aux consorts [F] qui se sont désistés.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
C indemnité après compensation
Il revient aux consorts [F] et au SDC parties à la procédure :
7 518 370,92 euros (indemnités) – 2 936 857,21 euros (sommes à restituer)=
4 581 513,71 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Conformément à l’article R 12-5-4 devenu l’article R 223-6 du code de l’expropriation la restitution aux consorts [F] de leur bien ne peut intervenir qu’après paiement par ceux-ci des sommes mises à leur charge, après compensation.
D sur la demande de condamnation de la ville de [Localité 40]
Le premier juge a condamné in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F] les indemnités au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Madame [W] [F] veuve [IB], Monsieur [E] [F] , M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] demandent la confirmation.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] demandent l’infirmation en indiquant qu’il ne peut y avoir condamnation in solidum, la SEMAVIP étant seule bénéficiaire du transfert de propriété opéré par l’opération irrégulière.
M. [AI]-[XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] demandent la confirmation.
Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] demandent la condamnation de la SEMAVIP.
Si la SEMAVIP est l’autorité expropriante, il est établi que la Ville de [Localité 40] intervient volontairement à la procédure.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a exactement condamné in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40].
– sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de confirmer le jugement qui a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de condamner in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à verser les sommes suivantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel a :
‘Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] unis d’intérêt la somme de 5000 euros
‘à M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] unis d’intérêt la somme de 5000 euros
‘à Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] unis d’intérêt la somme de 5000 euros.
– sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] aux dépens.
La SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] perdant le procès seront condamnées in solidum aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort
Vu l’arrêt de la cour d’appel du 19 mai 2016 ;
Vu l’arrêt de la 3ème Chambre de la Cour de cassation du 14 septembre 2017,
pourvoi N°16-22113 ;
Vu les arrêts de la cour d’appel du 5 juillet 2018, du 11 avril 2019 et du 23 janvier 2020 ;
Déclare recevables les conclusions des parties ;
Déboute la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] de leurs demandes de voir prononcer la nullité de l’expertise conduite par Mr [AP] et de voir écarter son rapport déposé le 30 mars 2022, y compris les annexes.
Infirme partiellement le jugement entrepris du 18 novembre 2014 ;
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer aux consorts [F], comprenant Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F], M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F], et Madame [HH] [U], M. [IV] [F], M. [R] [F] une indemnité de 7 518 370,92 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de l’opération irrégulière d’expropriation, et ce avec interêts au taux légal à compter du jugement déféré ;
Condamne in solidum les consorts [F] comprenant Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [AI] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F], M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F], et Madame [HH] [U], M. [IV] [F], M. [R] [F] à restituer à la SEMAVIP l’indemnité de 2 936 857,21 euros qui leur a été versée, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2001;
Ordonne la compensation des sommes dues ;
Dit que la restitution aux consorts [F] de leur bien ne peut intervenir qu’après paiement par ceux-ci des sommes mises à leur charge, après compensation ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] à payer les sommes suivantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à :
‘Madame [W] [F] veuve [IB], M. [E] [F], M. [AI] [F], M. [G] [F] et le syndicat des copropriétaires [Adresse 8] [Localité 26] représenté par son syndic M. [E] [F] : unis d’intérêt 5000 euros ;
‘M. [AI] [XX] [F], M. [L] [F], M. [O] [F] et M. [EB] [F] : unis d’intérêt 5000 euros ;
‘Madame [HH] [U], M. [IV] [F] et M. [R] [F] : unis d’intérêt 5000 euros ;
Condamne in solidum la SEMAVIP et la Ville de [Localité 40] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT