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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 02 NOVEMBRE 2023
N° 2023/ 338
Rôle N° RG 22/15327 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKK4L
[I] [N]
C/
E.P.I.C. 13 HABITAT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Bernard KUCHUKIAN
Me Dahlia MONTERROSO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de MARSEILLE en date du 26 Octobre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 22/00230.
APPELANT
Monsieur [I] [N]
né le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 7] ([Localité 2]), demeurant [Adresse 1]. [Adresse 6]
représenté par Me Bernard KUCHUKIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
E.P.I.C. 13 HABITAT Pris en la personne de son Président, y domicilié, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Dahlia MONTERROSO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 06 Septembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Novembre 2023,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par avenant prenant effet le 14 juillet 2007 au bail initialement consenti à Mme [E] [N] le 1er octobre 1950, l’OPAC SUD a donné à bail à M. [I] [N] un logement de type 3 situé [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 225,36 euros, sans les charges.
Par lettre du 14 décembre 2020, l’EPIC 13 HABITAT venant aux droits de l’OPAC SUD indiquait à M. [N] qu’il occasionnait régulièrement des nuisances sonores, notamment du tapage nocturne, et que son comportement et ses propos à l’encontre de ses voisins étaient incompatibles avec les règles de vie en habitat collectif.
Il lui était demandé de faire cesser ces troubles.
Par lettre recommandée du 4 novembre 2021 avec accusé de réception, le bailleur a demandé à M. [N] de se conformer aux règles de vie dans un habitat collectif et l’a mis en demeure de cesser sans délais les menaces et insultes à l’encontre du voisinage ainsi que les nuisances sonores.
Il lui était précisé qu’à défaut, EPIC 13 HABITAT serait contrainte d’engager une procédure en résiliation de bail et expulsion à son encontre.
Par acte du 14 février 2022, l’EPIC 13 HABITAT a fait citer M. [N] aux fins de voir principalement obtenir le prononcé de la résiliation du bail, son expulsion immédiate, sa condamnation au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au dernier montant du loyer majoré des charges à compter du prononcé du jugement jusqu’à la libération complète des lieux et sa condamnation à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 20 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille a statué ainsi :
– DECLARE l’action de L’Etablissement public 13 HABITAT, pris en la personne de son représentant légal, recevable ;
– PRONONCE la résolution du contrat judiciaire du bail liant les parties ;
– ORDONNE l’expulsion de Monsieur [I] [N] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de six mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, [Adresse 5], conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivints, R. 412-1 el suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
– dit qu’il sera procédé, conformément à l’article L 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais des personnes expulsées, en un lieu désigné par celles-ci, et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation aux personnes expulsées d’avoir à les retirer ;
– Fixe l’indemnité mensuelle d’occupation à compter du prononcé de la résiliation du bail à une somme égale au montant du loyer révisé, charges incluses qui auraient été dus, si le bail s’était poursuivi soit 308,57 euros et CONDAMNE [R] [I] [N] à son paiement jusqu’à son départ définitif des lieux matérialisés par la remise des clefs ;
– DIT qu’elle sera indexée comme si le bail avait continué et les loyers avaient été payés ;
– DEBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
– LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens ;
– RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.
Le jugement déféré retient principalement que la preuve est libre en droit civil et que le rapport de la société SRC sera admis et ne peut être rejeté qu’au seul motif que l’enquêteur serait payé par le bailleur pour évaluer la situation ; qu’il résulte que les voisins se plaignent de tapages diurnes et nocturnes ; qu’ils décrivent que le locataire tape sur des tuyaux, des chaises du logement contre le sol et contre les volets métalliques ; que sont fournies également des attestations circonstanciées de plusieurs habitants de l’immeuble ; que M. [N] n’a jamais donné suite aux démarches de médiation mise en oeuvre par le bailleur.
Par déclaration du 18 novembre 2022, M. [N] a relevé appel de ladite décision en indiquant:
‘appel en cas d’objet du litige indivisible, demande d’infirmation totale du jugement rendu par le débouté des réclamations de l’EPIC 13 HABITAT venant aux droits de l’OPAC SUD tendant à obtenir la résiliation et l’expulsion de M. [N]’.
Par décision du 5 décembre 2022, l’affaire a été fixée à bref délai.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2023, auxquelles il convient de se référer, M. [N] demande de voir :
– Annuler et mettre à néant ou infirmer le jugement du Tribunal de proximité de Marseille du 26 octobre 2022,
– Statuant à nouveau,
Débouter l’E.PI.C. 13 HABITAT de l’ensemble de ses réclamations,
– La condamner au paiement de 3000 euros au titre de dommages-intérêts et aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 2500 euros au titre de participation aux frais irrépétibles de l’article 700 du Code de procédure civile.
M. [N] fait essentiellement valoir qu’il est âgé de 80 ans et est à la retraite ; qu’il n’est pas en capacité de commettre les faits qui lui sont reprochés par le bailleur ; que le contrat de bail ne prévoit pas la résiliation pour mauvais comportement envers les voisins ; que le rapport d’enquête est contraire aux règles de preuve et à la lettre de l’article 202 du code de procédure civile ; que l’enquêteur n’est pas indépendant du bailleur ; que la preuve du défaut d’hygiène n’est pas rapportée et n’est pas pas une cause de résiliation ; qu’il existe un contentieux ancien entre lui et la famille [O].
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2023, auxquelles il convient de se référer, l’EPIC 13 HABITAT demande de voir :
– CONFIRMER dans toutes ses dispositions la décision du 20 octobre 2022,
– CONDAMNER Monsieur [N] [I] à payer à 13 HABITAT la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– LE CONDAMNER en outre aux entiers dépens de l’instance, y compris ceux exposés pour la procédure d’une éventuelle expulsion, faute de départ volontaire des lieux.
L’EPIC 13 HABITAT soutient essentiellement que le locataire ne jouit pas paisiblement des lieux comme le prévoit l’article 21 du contrat de bail ; qu’il existe une unanimité des témoignages reçus concernant les nuissances sonores continuelles de M. [N] ; que le bailleur a fait de multiples tentatives de résolution amiable du litige sans succès ; que les pièces médicales produites par l’appelant sont anciennes ou sans rapport avec un prétendu préjudice.
La procédure a été clôturée à l’audience.
MOTIVATION :
Sur la résiliation du bail et ses conséquences :
L’article 1728 du code civil dispose que le preneur est tenu d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances à défaut de convention, et de payer le prix du bail aux termes convenus.
L’article 1729 du code civil prévoit que si le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter d’un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
En vertu de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et charges aux termes convenus, d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location et de prendre à sa charge l’entretien courant du logement.
En l’espèce, par avenant prenant effet le 14 juillet 2007 au bail initialement consenti à Mme [E] [N] le 1er octobre 1950, l’OPAC SUD a donné à bail à M. [I] [N] un logement de type 3 situé [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 225,36 euros, sans les charges.
L’article 21 des conditions générales du bail prévoient notamment que ‘ d’une façon générale, le locataire devra user paisiblement de la chose louée en veillant à ce qu’aucun abus de jouissance ne soit jamais commis par aucun des siens’.
Au soutien de sa demande de résiliation du bail et d’expulsion, EPIC 13 HABITAT produit de nombreux documents mettant en cause le comportement de M. [N].
Si le bailleur verse aux débats un rapport établi par une agence de recherches privées le 2 novembre 2021, dont la validité est contestée par M. [N], il produit également :
– une pétition de 9 locataires du bâtiment 11 de la résidence [Adresse 5] en date du 9 octobre 2021, rédigée et signée à l’encontre de M. [N] auquel il est reproché des tapages sonores,
– trois attestations émanant de voisins de M. [N] respectivement en date du 9 novembre 2021, 1er janvier 2022 et 10 mai 2022,
– une attestation datée du 2 mars 2022 de M. [S] [C], responsable territorial de l’agence Coeur de vie au sein d’EPIC HABITAT 13.
Concernant le rapport d’enquête privée précité, il convient de souligner qu’il a été établi par un enquêteur de droit privé agréé par l’Etat, titulaire d’un agrément préfectoral et d’une autorisation délivrée par le Préfet des Bouches du Rhône ainsi que d’une autorisation d’exercer délivrée par le CNAPS.
Si l’enquêtrice a effectivement été mandatée par le bailleur, son rapport n’est pas une attestation au sens de l’article 202 du code de procédure civile et il n’a donc pas à en respecter les exigences.
Son rapport constituant un élément de preuve au même titre que des attestations ou toute autre pièce, il n’y a pas lieu de l’écarter des débats, étant précisé que la preuve des faits en matière civile est libre.
Or, tous les élements de preuve versés aux débats par l’EPIC 13 HABITAT sont concordants sur le fait que M. [N] est responsable de tapages diurnes et nocturnes notamment en tapant sur des tuyaux, des chaises de son logement contre le sol et en mettant des coups sur les murs ou les radiateurs, ou contre des volets métalliques.
Il est également reprochée, de manière concordante par différents occupants du bâtiment 11, que M. [N] est à l’origine d’insultes à caractère antisémite et raciste.
Si un conflit ancien oppose M. [N] et la famille [O], les troubles du voisinage reprochés à M. [N] ne reposent pas que sur les seules déclarations de cette famille.
Il résulte, en outre, des débats, que le bailleur a adressé, à de nombreuses reprises, des courriers à M. [N] suite à ses plaintes formées à l’encontre de M et Mme [O] et qu’il ressort que l’intimé a écrit à ces derniers au cours de l’année 2018 aux fins qu’ils mettent fin aux troubles dénoncés par l’appelant.
Cependant, par lettre du 9 octobre 2019, l’EPIC 13 HABITAT a écrit à celui-ci qu’à ce jour aucune plainte particulière n’a été émise à l’encontre de la famille [O].
De même, par lettre du 4 mars 2020, le bailleur a écrit au conseil de M. [N] pour lui indiquer que suite à une enquête de voisinage, ‘il apparaît que les résidents de la résidence [Adresse 5] ne font pas état de perturbation particulière et qu’à ce stade et dans ces conditions, une procédure contentieuse ne saurait être engagée’.
Le bailleur a réitéré sa position par lettre du 23 novembre 2020 tout en regrettant son refus de participer à la tentative de médiation qui lui était proposée et son refus de rencontrer l’agent de proximité.
EPIC HABITAT 13 a, de nouveau, écrit en ce sens à M. [N] les 3 mai 2021 et 19 juillet 2021 en lui rappelant également que c’est la commission d’attribution qui est seule souveraine en matière de décision d’attribution des appartements, selon la règlementation en vigueur.
S’il est incontestable qu’il existe un conflit ancien entre les époux [O] et M. [N], il n’en demeure pas moins que d’autres voisins se plaignent du comportement de ce dernier alors que tel n’est pas le cas pour les premiers.
Par lettre du 14 décembre 2020, l’EPIC 13 HABITAT a demandé à M. [N] de faire cesser les troubles qu’il occasionnait et par lettre recommandée du 4 novembre 2021 avec accusé de réception, il l’a mis en demeure de cesser sans délais les menaces et insultes à l’encontre du voisinage ainsi que les nuisances sonores, sous peine d’engager une procédure de résiliation de bail et d’expulsion à son encontre.
M. [N] produit de nombreux éléments médicaux attestant de ses problèmes de santé, notamment de problèmes cardiaques.
Cependant, ces documents ne suffisent pas à démontrer que, comme il le prétend, il n’est pas en capacité physique de commettre les troubles invoqués.
En outre, s’il a pu être diagnostiqué un syndrome dépressif, les documents produits ne permettent pas d’établir quelles en sont les causes exactes et sont, pour la plupart, anciens.
De même, il est à noter qu’il ressort de ces éléments que M. [N] a pu refuser certains soins ou examens proposés par les médecins.
Quant au certificat médical du 10 janvier 2023 émanant du Docteur [F] [B], cardiologue, selon lequel M. [N], âgé de 78 ans, ‘présente une pathologie qui le rend vulnérable aux stress et contrariétés de tous ordres’, il est très général et il ne peut en être déduit aucune conséquence quant au présent litige.
Ainsi, il résulte des éléments susvisés que l’établissement EPIC 13 HABITAT justifie suffisamment que M. [N] a manqué gravement à son obligation d’user paisiblement de l’appartement loué.
Même si le manquement à l’obligation d’entretien n’est pas suffisamment établi en l’espèce, les troubles de voisinage imputables à M. [N] sont répétés, persistants et en eux-même suffisamment graves pour prononcer la résiliation du bail consenti à celui-ci, qui refuse par ailleurs toute solution amiable.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point et en ce qu’il a ordonné l’expulsion de M. [N], et de tous occupants de son chef, des lieux loués, avec au besoin le concours de la force publique, passé le délai de six mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux.
En outre, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité mensuelle d’occupation, à compter du prononcé de la résiliation du bail, au montant égal à celui du loyer révisé et indexé, charges incluses et qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, soit la somme de 308,57 euros et en ce qu’il l’a condamné à son paiement jusqu’à son départ définitif de lieux.
Sur la demande de dommages-intérêts de l’appelant :
En vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En l’espèce, M. [N] demande la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts sans expliciter son préjudice.
Alors qu’il succombe en appel, il ne saurait être fait droit à sa demande et le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner M. [N], qui succombe, aux dépens d’appel.
Le jugement déféré sera confirmé sur les dépens de première instance.
L’équité commande de faire droit à la demande de l’EPIC 13 HABITAT fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. L’appelant, qui sera débouté de sa demande faite à ce titre, sera condamné à lui verser la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles, en cause d’appel.
En outre, le jugement déféré sera confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu le 20 octobre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE M. [I] [N] à payer à l’Etablissement Public 13 HABITAT, venant aux droits de l’OPAC SUD, la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
CONDAMNE M. [I] [N] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,