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Du 18 janvier 2024
5AZ
SCI/DC
PPP Contentieux général
N° RG 23/02439 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YCCE
[H] [N]
C/
[P] [E]
Expéditions délivrées à :
Me SALLES
Me DENIAU
FE délivrée à :
Me DENIAU
Le 18/01/2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 1] – [Localité 2]
JUGEMENT EN DATE DU 18 janvier 2024
JUGE : Madame Isabelle LAFOND, Vice-Présidente placée
GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE
DEMANDERESSE :
Madame [H] [N] née le 14 Avril 1951 à [Localité 6] (ALGERIE), demeurant [Adresse 3] – [Localité 5]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/006580 du 04/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Représentée par Me Jennifer SALLES loco Me Christian DUBARRY, avocat au barreau de Bordeaux
DEFENDERESSE :
Madame [P] [E], demeurant [Adresse 4] – [Localité 5]
Représentée par Me Kalina DENIAU, avocat au barreau de Bordeaux
DÉBATS :
Audience publique en date du 23 Novembre 2023
PROCÉDURE :
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame [H] [N] est locataire d’un appartement situé au 1er étage d’un immeuble à [Localité 5] [Adresse 3] et voisine de Madame [P] [E], propriétaire du logement situé au 2ème étage du même immeuble.
Se plaignant de nuisances sonores provenant de l’appartement de Madame [E], Madame [N] a, par acte en date du 5 juillet 2023, saisi le pôle de protection et de proximité du tribunal judiciaire de BORDEAUX, afin de voir condamner sa voisine à lui payer une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour troubles anormaux du voisinage ainsi qu’une somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens.
L’affaire a été débattue à l’audience du 23 novembre 2023.
A l’audience, Madame [N] maintient les termes de son assignation.
Dans des conclusions visées par le greffe le 23 novembre 2023 et soutenues oralement à l’audience, Madame [E] sollicite le rejet des demandes de Madame [N] ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 1.000 € pour procédure abusive et une somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec un droit de recouvrement direct au profit de Maître Kalina DENIAU.
Il sera renvoyé à l’assignation valant conclusions de Madame [N] et aux conclusions de Madame [E] visées par le greffe le 23 novembre 2023 pour l’exposé de leurs moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Par une note en délibéré autorisée par le tribunal, reçue au greffe le 16 janvier 2024, il a été confirmé par les parties que le prénom de Madame [E] était “[P]” et non [S] comme mentionné dans l’assignation délivrée par Madame [N].
-Sur la demande d’indemnisation formée par Madame [N] pour trouble anormal de voisinage :
En l’espèce, Madame [N] soutient subir un trouble anormal de voisinage provenant de l’appartement occupé par le foyer de Madame [E], consistant en des nuisances sonores qu’elle dit subir de jour comme en soirée jusqu’à des heures tardives.
Elle fonde improprement sa demande sur l’article 651 du code civil qui est relatif aux servitudes alors que les troubles anormaux de voisinage trouvent leur origine dans les dispositions de l’article 544 du code civil. En application de ce texte, il est de principe que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Par ailleurs l’article R1334- 31 du code de la santé publique, prohibe les nuisances de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme par sa durée, sa répétition ou son intensité et, enfin, la victime d’un trouble anormal de voisinage qui trouve son origine dans un immeuble donné en location, peut en demander réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à charge pour la victime de démontrer l’existence d’un trouble anormal de voisinage, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
C’est à celui qui se plaint de troubles anormaux du voisinage, en l’espèce Madame [N], d’en rapporter la preuve.
La situation doit être appréciée en fonction des circonstances de temps et de lieu.
En l’espèce, pour justifier de la réalité du trouble invoqué, Madame [N] produit aux débats des attestations émanant de ses deux filles ainsi qu’une attestation d’une occupante de l’immeuble, Madame [K] [Z], de Monsieur [L] [C] et de Madame [U] [F], psychologue recevant Madame [N] en consultations depuis le 10 octobre 2022. Elle verse également une attestation émanant de GIP médiation faisant état d’une demande de médiation formée par Madame [N] relative à un conflit de voisinage avec Madame [E].
Il convient de relever que les témoignages versés par la demanderesse ne sont pas assez circonstanciés et donc insuffisamment probants: ainsi Madame [K] [Z] évoque des bruits sans préciser leur nature ni la date exacte à laquelle elle les a constatés. De même, Mesdames [O] et [W], filles de la demanderesse ainsi que Monsieur [C] dénoncent des nuisances sonores constatées lors de leur venue au domicile de Madame [N] sans préciser la période exacte de commission des nuisances ( années et mois). L’attestation de Madame [F], psychologue, ne fait que rapporter les propos de la demanderesse et n’est donc pas probante.
En outre, les témoignages produits par Madame [N] sont contredits par ceux versés par Madame [E]: il ressort ainsi des attestations émanant de Monsieur [X] [J] et de Madame [A] [T], voisins de Madame [E] que cette dernière est une voisine discrète et qu’aucun bruit venant de son appartement n‘a jamais été constaté par ces derniers. Monsieur [J] précise que l’absence d’isolation a pour conséquence un retentissement du bruit des travaux dans tout l’immeuble via les tuyaux et l’aération donnant ainsi une impression de proximité.
Les témoignages versés par la défenderesse établissent par ailleurs l’existence de difficultés relationnelles avec Madame [N].
Il y a donc lieu de considérer que Madame [N] ne rapporte pas la preuve d’une faute ou d’un trouble anormal imputable à Madame [E].
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnisation fondée sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage.
-Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive :
En application de l’article 1241 du code civil, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
A l’appui de sa demande, Madame [E] invoque les agissements de Madame [N] qui s’apparentent à du harcèlement ainsi que les provocations de sa voisine qui ont eu un impact psychologique (état d’anxiété) sur sa fille mineure.
Ces éléments ne sont pas de nature à caractériser un abus dans l’exercice d’une action en justice au sens précité, de sorte que Madame [E] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
-Sur les dépens et les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Madame [N], partie perdante, sera condamnée aux dépens, qui seront recouvrés directement par Maître [G] [Y], en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès est condamnée à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, Madame [N], condamnée aux dépens, devra verser à Madame [E] une somme qu’il est équitable de fixer à 1000 €.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DEBOUTE Madame [H] [N] de sa demande d’indemnisation pour trouble anormal de voisinage ;
DEBOUTE Madame [P] [E] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE Madame [H] [N] à payer à Madame [P] [E] la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Madame [H] [N] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [H] [N] aux dépens, qui seront recouvrés directement par Maître Kalina DENIAU, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Ainsi jugé et mis à disposition, les jours, mois et an susdits.
LA GREFFIERE LA VICE-PRESIDENTE