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TP/DD
Numéro 24/169
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 18/01/2024
Dossier : N° RG 22/01056 – N°Portalis DBVV-V-B7G-IFWT
Nature affaire :
Contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[B] [X]
C/
Syndic. de copro. RESIDENCE [Adresse 2]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 18 Janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 18 Octobre 2023, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [B] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES
INTIMÉE :
Syndic. de copro. RESIDENCE [Adresse 2] représenté par SAS FONCIA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître KLEIN de l’AARPI KLEIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 21 MARS 2022
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TARBES
RG numéro : F 21/00040
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [B] [X] a été embauché à compter du 29 juin 2012, pour la copropriété Résidence [Adresse 2], en qualité de concierge.
Il disposait d’un logement de fonction sur son lieu de travail.
Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] est représenté par le syndic Foncia depuis 2017.
Après une première saisine du conseil de prud’hommes à l’encontre du cabinet Foncia, envoyée le 30 juillet 2018, qui s’est soldée par un désistement constaté par jugement du 21 mai 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Tarbes par requête reçue par le greffe le 19 février 2019 dirigée à l’encontre du syndicat des copropriétaires Résidence [Adresse 2], aux fins de voir condamner l’employeur à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des nuisances sonores diurnes et nocturnes provenant d’une canalisation se situant dans le local professionnel de M. [K], occupant de la résidence [Adresse 2].
Suivant courrier en date du 5 décembre 2019, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable puisque son employeur était amené à envisager une mesure de licenciement à son égard.
Cet entretien s’est déroulé le 17 décembre 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2019, le salarié s’est vu notifier son licenciement « pour motif personnel, à savoir la suppression de [son] poste ».
Par jugement du 14 janvier 2020, le conseil de prud’hommes, section commerce, statuant en formation paritaire sur la requête déposée le 19 février 2019, a :
– Dit que la demande est irrecevable,
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– Laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
Par arrêt du 4 mars 2021, la chambre sociale de la cour d’appel de Pau a :
– Infirmé le jugement entrepris,
Statuant à nouveau :
– Déclaré recevable l’action de M. [X],
– Rejeté la demande indemnitaire formée au titre des nuisances sonores,
Y ajoutant :
– Déclaré irrecevables les demandes indemnitaires nouvelles formées en cause d’appel,
– Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné M. [X] aux dépens.
Le 26 mars 2021, M. [X] a de nouveau saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] au paiement des sommes suivantes :
30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements aux obligations de protection dues par l’employeur concernant l’insécurité électrique de la loge, les nuisances sonores, les défauts de paiements de ses salaires, l’information de la suppression de sa loge et le silence gardé par le syndicat pendant près d’une année, l’erreur commise dans les documents suite à la rupture de son contrat de travail,
5000 euros à titre de dommages et intérêts pour une rupture prématurée, abusive et sans autre solution pour M. [X] que de perdre les droits à la retraite qui auraient été acquis le 16 juillet 2020, à l’âge de 62 ans,
5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement du 21 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Tarbes a notamment :
– Dit qu’il y a lieu aux dommages et Intérêts pour manquements de protection,
– Condamné à ce titre, le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal, à payer la somme de 4 000 euros à M. [B] [X],
– Débouté M. [B] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,
– Condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] à verser à M. [B] [X] la somme de 1000 euros au titre de l’Article 700 du code de la procédure civile,
– Dit qu’il n’y a pas lieu à dépens,
– Débouté toutes les autres demandes des parties.
Le 14 avril 2022, M. [B] [X] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [B] [X] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit y avoir lieu à dommages et intérêts pour manquements de protection, et en ce qu’il a condamné le Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] à payer à M. [B] [X], à ce titre, une somme de 4.000 euros,
– Infirmer le jugement rendu en ce qu’il a limité l’indemnité à la somme de 4.000 euros et débouté M. [B] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.
– Débouter le Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] de son appel incident et de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions,
Et, statuant à nouveau,
– Condamner Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2], Représenté par son syndic, à payer à M. [B] [X] des sommes suivantes :
o La somme totale de 30.000 euros se décomposant en :
– Une indemnité de rupture sans cause réelle et sérieuse, 8 mois, 1656.72 = 13.253.76 euros
et /ou une indemnité en réparation du harcèlement subi, minimum 6 mois sans plafond, soit les 8 mois du barème,
– à due concurrence de la somme finale de 30.000 euros, au titre de l’indemnité réparatrice des manquements à la sécurité et troubles de jouissance du logement pendant 7 ans, de la discrimination, des accusations publiques sans possibilité de se défendre ;
o la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour une rupture prématurée, abusive et sans autre solution pour M. [X] que de perdre les droits à la retraite qui auraient été acquis le 16 juillet 2020, à l’âge de 62 ans ;
o la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
o Ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, le syndicat des copropriétaires Résidence [Adresse 2], formant appel incident, demande à la cour de :
– Confirmer le jugement prud’homal en ce qu’il a jugé :
Déboute M. [B] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive
– Réformer le jugement en ce qu’il a jugé :
* Dit qu’il y a lieu aux dommages et intérêts pour manquements de protection,
* Condamne à ce titre le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal, à payer la somme de 4.000 euros à M. [B] [X]
* Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] à verser à M. [X] la somme de 1.000 euros à titre de l’article 700 du CPC
* Déboute toutes les autres demandes des parties
Statuant à nouveau
– Débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes dont celle au titre du manquement de protection et sur le fondement de l’article 700 du CPC,
– Condamner M. [X] [B] à verser au syndicat de copropriétaire de la résidence [Adresse 2] la somme de 5.000 euros pour procédure abusive et déloyauté
– le condamner à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de la procédure prud’homale,
– le condamner à 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de la procédure d’appel,
– le condamner aux entiers dépens
L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La procédure devant la cour d’appel est une procédure écrite.
Selon l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Doivent donc être examinées les prétentions listées au dispositif des écritures des parties dont la recevabilité n’est pas discutée aux termes du dispositif de ces mêmes écritures.
A la lecture du corps des conclusions de M. [X], ce dernier demande la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] à lui payer, « pour les faits de harcèlement subi à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail et de la rupture du contrat de travail, la somme de 30 000 euros se décomposant comme suit :
indemnité de rupture sans cause réelle et sérieuse : 8 mois x 1656,72 € = 13 253,76 €,
indemnité en réparation du harcèlement subi : minimum 6 mois sans plafond, soit les 8 mois du barème,
indemnité réparatrice des manquements à la sécurité et troubles personnels subis du fait de la vétusté du logement pendant 7 ans, une somme complémentaire, à concurrence du reste, pour atteindre la somme finale de 30 000 euros ».
Il sollicite également, « pour le fait d’avoir rompu prématurément son contrat de travail en portant atteinte à ses droits à la retraite, le 16 juillet 2020, à l’âge de 62 ans », une somme de 5000 euros.
Les moyens au soutien de ces prétentions sont développés au fil des écritures, dans des paragraphes dispersés. Pour plus de clarté, les demandes seront examinées successivement en distinguant les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail des demandes relatives à sa rupture.
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral
[B] [X] qui, aux termes du dispositif de sa requête initiale, n’évoquait aucun harcèlement moral mais avait développé ce moyen dans le corps de sa saisine, formule désormais expressément, de manière cumulative ou alternative à l’indemnisation de la rupture infondée de son contrat de travail, une demande présentée comme suit : « une indemnité en réparation du harcèlement subi, minimum 6 mois sans plafond, soit les 8 mois du barème », ce qui représente 13 253,76 euros.
Il convient de préciser que le conseil de prud’hommes ne s’est pas prononcé sur cette demande.
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
A la lecture de ses écritures, M. [X] fait valoir qu’il « a subi les ordres directement de la part du président du syndicat, la notification de la suppression de manière péremptoire et informelle à l’occasion de la réunion du 08/01/2019 mais laissée sans suite, notamment lors du jugement rendu le 21/05/2019 ayant prononcé l’irrecevabilité de la demande de M. [X] pour défaut de qualité de l’employeur, alors qu’il est constant que les faits de nuisances occasionnées par la plomberie de la résidence [Adresse 2] ont été continus pendant 52 jours et 52 nuits, la convocation par mail le 08/01/2019 sans délai à une réunion le 10/01/2019 à laquelle lui a été notifiée la suppression future de sa loge, convocation à laquelle il s’est présenté sans assistance, alors que du côté de l’employeur, ils étaient trois personnes.
Il a subi le défaut ou retard de paiement de salaires, les désordres subis du fait de l’indécence de son logement et à la fois la passivité des copropriétaires, ses voisins au quotidien et les ordres directs du président du syndicat ».
Il invoque un peu plus loin, dans un autre paragraphe, la « force d’inertie subie par [lui] dans le défaut de traitement de ses demandes de paiement de salaires, de réparation des désordres et de son préjudice subi ».
Il développera ces moyens dans le paragraphe de ses conclusions relatif à la réparation du préjudice subi, sans renvoyer à des pièces versées aux débats.
Dans le paragraphe relatif au harcèlement au travail, il estime que les pièces qu’il produit montrent qu’il « a subi un changement de direction depuis la nomination du syndic bénévole qui a fait de sa situation mais aussi de sa personne une présentation délétère à [son] insu », et qu’aucune explication ne lui a été demandée, de sorte que ces faits caractérisent les faits de harcèlement moral subis qui ont eu des incidences sur sa santé mentale et physique.
Il liste ainsi les pièces suivantes, qui doivent analysées chronologiquement :
* Le compte-rendu de l’assemblée générale du 5 juin 2013 dans lequel il est mentionné que M. [X] est présent « afin de faire part de ses remarques concernant divers points techniques ». La réunion a d’ailleurs commencé par l’évocation de ces points et M. [X] a quitté la salle juste après ces « question d’ordre logistique ».
Le compte-rendu mentionne que :
« M. [X] évoque les difficultés qu’il rencontre lors du changement d’ampoules d’éclairage du hall. L’assemblée enregistre sa remarque mais pour l’instant n’envisage pas de modifications »
M. [X] doit recenser les risques constatés relatifs à des chutes de crépi
«M. [X] évoque la porte restant souvent ouverte côté n°24 et les problèmes de sécurité que cela peut occasionner, Mme [Z] présente indique qu’elle ne souhaite pas que cette porte soit fermée dans la journée, cela entravant son activité professionnelle, M. [U] fait la même remarque. Il est demandé à M. [X] d’être toujours vigilant ».
Il ne ressort nullement des mentions ci-dessus concernant M. [X] que celui-ci était « sollicité pour ses explications techniques » à destination de l’assemblée générale des copropriétaires.
* Un mail du 21 octobre 2014 par lequel le syndic bénévole, M. [L], répond à un notaire chargé de la vente d’un lot de la copropriété que le carnet d’entretien ne comporte aucun historique au delà de 2013, qu’il est détenu et mis à jour par le concierge M. [X] qui habite dans la résidence et dont il propose de communiquer les coordonnées pour faire les copies correspondantes.
Aucune conséquence n’est retirée de cette pièce par M. [X].
* Le compte-rendu de l’assemblée générale du 4 février 2015 qui relève qu’une « fuite de gaz importante (a été) réparée en 2013 », sans autre précision. Il n’est nullement fait référence à M. [X] dans ce document comme ayant contribué au règlement du désordre ayant affecté la résidence du fait d’une fuite de gaz.
* Trois convocations le réquisitionnant en tant que réserviste le 23 juillet 2014, le 27 décembre 2014 et le 11 avril 2015. Ces éléments ne sont mis en lien avec aucun agissement susceptible de constituer un harcèlement moral.
* Un échange de mails des 24 et 25 novembre 2016 au sujet du remplacement de vêtements de travail pour M. [X] qui indique qu’on lui a opposé un refus.
Le mail de M. [L] ne constitue pas un refus mais seulement une demande d’explication face à cette dépense au regard de la dépense faite le 16 mai 2015 pour l’achat de chaussures de sécurité, pantalon de travail et blouson de travail.
Aucun élément ne permet d’établir qu’en réponse à l’explication de M. [X], selon laquelle ces effets étaient usés, le refus a été maintenu.
Ce fait ne saurait être retenu comme constitutif d’un quelconque harcèlement moral.
* Un mail du 11 janvier 2017 par lequel M. [L] lui demande de justifier du besoin professionnel ayant généré la dépense faite en décembre 2016 au sujet d’une cartouche d’encre.
[B] [X] produit un mail antérieur du 27 octobre 2016 par lequel ce même président du syndic bénévole lui demande d’afficher une note envoyée en pièce jointe.
Outre le fait que M. [X] n’indique pas en quoi cette demande constituerait un fait susceptible de participer à un harcèlement moral, il appert de relever qu’une dépense faite avec l’argent de la copropriété, par un concierge, pour acheter une cartouche d’encre alors que son poste n’implique pas l’usage habituel d’une imprimante, justifie la question posée. Il ne lui est pas reproché d’avoir détourné de l’argent de manière injustifiée ; M. [X] était seulement questionné sur la destination de la cartouche d’encre achetée. Il ne produit pas sa réponse. Il n’est pas plus versé aux débats de mails postérieurs remettant en cause sa probité.
* Un mail du 5 février 2014 de M. [L] lui demandant de faire établir plusieurs devis pour des travaux dans l’intérêt de la copropriété. M. [X] affirme que cela témoigne de la confiance qui lui était portée et que la situation s’est par la suite dégradée.
Il produit le compte-rendu de l’assemblée générale du 8 février 2017 lors de laquelle M. [L], syndic, a fait état de difficultés rencontrées avec M. [X] en 2016 le conduisant à proposer l’arrêt de la relation contractuelle avec M. [X], contre lequel l’assemblée générale s’est prononcée.
Lors de la réunion extraordinaire suivante du 4 mars 2017, l’assemblée générale a maintenu son refus de voter pour la fin de la relation contractuelle avec M. [X] et M. [L] n’a pas demandé le renouvellement de sa nomination en tant que syndic.
[B] [X] voit dans ces éléments une dégradation de sa situation. Or, si la rupture de son contrat de travail a été demandée par le syndic alors en exercice, elle a été refusée par l’assemblée générale des copropriétaires et le syndic n’a pas été renouvelé dans ses fonctions, de sorte que cette demande n’a pas eu de suite et ne saurait donc être constitutive d’agissement susceptible de caractériser un harcèlement moral.
* Un échange de mails entre M. [X] et Mme [R], gestionnaire de la copropriété, au sujet d’une demande d’autorisation d’absence formulée par le premier pour « honorer un pouvoir pour l’assemblée générale du jeudi 12 octobre 2017 ». Il lui est répondu par la négative puisqu’il est préposé du syndic en sa qualité d’employé d’immeuble, ce qui ne lui donne pas le droit de recevoir un mandat pour représenter un copropriétaire.
Il ne s’agit nullement d’une différence par rapport aux situations précédentes : lors de l’assemblée générale du 5 juin 2013, M. [X] a été convié uniquement pour ses remarques sur les questions techniques et non pour participer à la réunion, ce qui ne lui est pas possible puisqu’il n’a pas qualité pour ce faire.
* Le courrier du syndic Foncia à Mme [C] relatif au refus d’autorisation que M. [X] participe à l’assemblée générale car elle se tenait pendant ses horaires de travail. Cette réponse, à défaut d’éléments complémentaires, ne montre aucune hostilité envers M. [X].
* Un échange de mails des 5 et 20 février 2018 au sujet de la chasse d’eau des toilettes de son logement duquel il ressort que M. [X] avait fait état, sur le cahier d’activités, du dysfonctionnement de ce matériel mentionné à la date du 19 juillet 2017, puis de la demande d’acceptation ou de refus du devis du remplacement des toilettes par le conseil le 22 septembre 2017. Cet élément montre la tardiveté de la réponse du cabinet Foncia mais il ne peut en être retiré un quelconque élément au sujet du harcèlement moral dénoncé alors qu’aucune autre demande n’a été faite par le salarié à ce sujet pendant plusieurs mois.
* Le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire en date du 13 février 2019 en sa mention suivante : « la sécurité de l’immeuble n’exige plus la présence d’une personne qui, en toutes hypothèses est très loin d’être permanente ». Il estime que cette phrase renvoie à l’appréciation de certains copropriétaires au sujet de sa vie privée quant à l’utilisation effective de la loge, sans apporter plus d’explications à ce sujet. En tout état de cause, aucun élément ne permet de retirer de cette phrase l’existence d’un agissement de harcèlement moral.
* L’information au sujet de ses horaires de présence et la mention qu’en cas de nécessité en dehors de ces horaires, M. [X] est joignable sur son portable. Cette pièce justifie qu’il doit en effet se rendre disponible et ne vient nullement contredire la mention précédente puisque ces horaires visent à sa « présence vigilante » et n’exigent pas qu’il soit en permanence dans sa loge.
* Le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire en date du 5 juin 2019, dans lequel il est proposé la résolution suivante :
« l’assemblée générale extraordinaire :
– décide de supprimer le poste de concierge,
– mandate le syndic assisté d’un avocat pour accomplir toutes les démarches légales nécessaires tendant à l’exécution de cette décision, étant précisé que le titulaire actuel du poste, [B] [X], âgé de 60 ans, retraité de l’armée, a été informé des projets envisagés de modification du règlement intérieur, et de la suppression du poste de concierge, de l’aliénation du logement de concierge, lors d’un entretien tenu le 10 janvier 2019 à 10h15 dans les locaux du cabinet Foncia ».
[B] [X] estime que la qualification « âgé de 60 ans, retraité de l’armée » est une atteinte à sa vie privée et à minima un critère discriminatoire, sans apporter plus d’explications à ce sujet.
* Des éléments médicaux datant d’août 2017 qu’il met en lien avec des nuisances sonores mais non avec un harcèlement moral et des éléments médicaux de 2019 au sujet d’un état anxiodépressif qui ne peut être mis en lien avec son travail.
A l’examen de ces pièces, les seules expressément visées dans les écritures de M. [X], il appert de conclure que celui-ci ne présente pas des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte que sa demande indemnitaire sur ce fondement sera rejetée.
Sur l’obligation de sécurité
Par ailleurs, le jugement déféré a accordé à M. [X] la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements de protection (sic), en motivant comme suit sa décision :
« il s’avère qu’il y a eu un manquement de protection qui a commencé en 2021 pour la vétusté du tableau électrique qui n’a pas été rétabli immédiatement, problème qui a perduré jusqu’en 2018.
La lettre de licenciement précise qu’il a été nécessaire de procéder à des travaux mais qu’ils ont été différés par manque de financement.
En conséquence, le conseil confirme, au vu des pièces versées au dossier, qu’il y a bien eu manquements à la sécurité de la part du syndicat de copropriété du Floreal. Le demandeur a subi des préjudices.
Au sujet des nuisances sonores, le conseil déboute le demandeur car la chose a déjà été jugée et les travaux effectués ».
Au sujet du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité telle que définie aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et dont il importe de rappeler qu’il est désormais constant qu’elle est une obligation de moyen renforcée et non plus une obligation de résultat, M. [X] fait valoir qu’il « a subi l’indécence de son logement, les ordres imposés directement de la part du président du syndicat, un abandon de sa situation par le syndic, représentant du syndicat et seul mandataire du syndicat, le retard de paiement de salaire, et la menace de la perte de son emploi pendant de longs mois sans solution amiable ni discussion amiable possible ».
Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] conteste les demandes de M. [X] à ce titre et demande l’infirmation du jugement déféré de ce chef, en faisant valoir :
sur l’insécurité électrique, qu’elle était connue de M. [X] dès son entrée dans les lieux en 2012, de sorte que sa demande à ce titre dans sa requête déposée le 26 mars 2021 est trop tardive et de plus infondée car les travaux auxquels il est fait référence dans la lettre de licenciement ne sont pas les travaux d’électricité du logement que M. [X] avait reconnu comme réalisés dès 2018 ;
sur les nuisances sonores, qu’elles se heurtent à l’autorité de la chose jugée puisque M. [X] a été débouté de ses demandes à ce titre par l’arrêt définitif de la cour d’appel de Pau en date du 4 mars 2021 ;
sur le défaut de paiement des salaires, que le pseudo problème de 2017 est prescrit et qu’il a été remédié immédiatement au second problème, dû au changement de gestion des payes en juillet 2019 ;
sur le défaut d’information de la suppression de la loge et le silence gardé par le syndicat pendant près d’une année, qu’il a procédé à l’information de M. [X] sur ce projet dès le mois de janvier 2019 par correction envers lui, alors même qu’une longue procédure devait être initiée pour aboutir à un licenciement.
Il convient de rappeler qu’en application de l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
En premier lieu, concernant l’insécurité électrique, les pièces produites par M. [X] lui-même démontrent que les travaux ont été réalisés le 1er novembre 2018, ainsi que cela apparaît sur sa pièce n°4, une photo du tableau électrique remplacé.
C’est donc au plus tard à cette date qu’il a connu les faits qu’il invoque à ce sujet.
Il a saisi le conseil de prud’hommes en visant ce fait le 26 mars 2021, en précisant bien que les travaux avaient été faits le 1er novembre 2018 en page 2 de son acte de saisine.
Ce fait a été invoqué trop tardivement pour pouvoir être examiné.
En deuxième lieu, il résulte des éléments du dossier que les nuisances sonores auxquelles se réfèrent M. [X] ont en effet fait l’objet d’une décision définitive de la présente cour qui a débouté M. [X] de toute demande indemnitaire à ce titre par arrêt du 4 mars 2022.
Ces nuisances ne sauraient donc être à nouveau invoquées au soutien d’une demande de dommages et intérêts.
En troisième lieu, sur le défaut de paiement des salaires, il appert de relever que la demande indemnitaire présentée par M. [X] le 26 mars 2021 concerne une difficulté qui a été résolue en 2017, après plusieurs mois d’échanges entre les parties avant d’aboutir à un accord amiable aux termes duquel M. [X] a été rempli de ses droits.
La prescription s’oppose à ce que ce fait soit invoqué au soutien de la demande indemnitaire ici présentée.
Concernant la difficulté née en 2019 relative à la prise en compte de l’avantage en nature que constitue le logement, elle a été rapidement réglée et ne saurait de surcroît constituer un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Enfin, sur la menace invoquée de perdre son emploi, il convient de relever que M. [X] a été convié à une réunion le 10 janvier 2019 pour une information sur le projet de la copropriété.
Il résulte du compte-rendu de l’assemblée générale extraordinaire du 13 février 2019 puis de celui concernant la réunion du 5 juin 2019 que M. [X] a été informé, à l’occasion de l’entretien du 10 janvier 2019, des projets de modification du règlement intérieur et de la suppression du poste de concierge ainsi que de l’aliénation de la loge de concierge.
Cette information ne pouvait qu’être l’explication d’un projet puisque de nombreuses démarches devaient être engagées avant de pouvoir aboutir à la rupture du contrat de travail de M. [X].
En aucun cas celui-ci n’apporte un quelconque élément sur la menace qu’il invoque de la perte de son emploi sans solution amiable, alors même que la rupture du contrat de travail a été motivée par la suppression de son poste.
Aucun manquement ne peut être ici reproché au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2].
En conséquence de tous ces éléments, il convient de débouter M. [X] de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité et d’exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.
Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l’article R.1232-13 du même code, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Suivant l’article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
[B] [X] a été licencié par courrier en date du 27 décembre 2019 dont les termes fixent les limites du litige.
Ce courrier était rédigé comme suit :
« Monsieur,
Nous vous avons convoqué à un entretien qui s’est déroulé le 17 décembre 2019.
Lors de cette rencontre, nous vous avons expliqué pourquoi il avait été envosagé de supprimer la loge et le poste de concierge.
Ce projet, soumis aux copropriétaires, résulte d’un souci de bonne gestion de la copropriété et afin de réduire les coûts induits par sa maintenance et son entretien ‘
En effet, le poids des charges de copropriété ne cesse d’augmenter et est devenu insupportable pour de nombreux copropriétaires retraités ou vivant seuls avec peu de ressources. Des travaux indispensables du fait de la vétusté de l’immeuble doivent être différés par manque de moyens. Parmi les charges, les plus importantes concernent la conciergerie. Toutes les économies réalisables par ailleurs ayant déjà été faites, la suppression du poste de concierge a donc été envisagée.
Les observations recueillies auprès de vous lors de notre entretien n’ont pas permis de modifier cette appréciation.
C’est pourquoi nous avons décidé de vous licencier pour motif personnel, savoir la suppression de votre poste, motif constituant en l’espèce, une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Votre préavis, débutera à compter de la première présentation de la lettre de licenciement et se terminera trois mois après. »
M. [X] a retenu que son licenciement devait être qualifié de licenciement économique, puisqu’il critique, dans ses écritures, ce motif économique, estimant que la rupture du contrat de travail était en réalité motivé par des raisons personnelles le concernant.
Il soulève le fait que l’employeur ne lui a proposé aucune solution alternative à son licenciement, autrement dit n’a pas respecté son obligation de reclassement telle qu’elle est exigée par l’article L.1233-4 du code du travail.
Or, il est constant qu’un syndicat de copropriétaires n’étant pas une entreprise au sens des dispositions de l’article L.1233-1 du code du travail, le licenciement de son salarié, même s’il repose sur un motif non inhérent à sa personne, n’est pas soumis aux dispositions concernant les licenciements pour motif économique.
Par ailleurs, il importe avant tout de vérifier si le motif allégué pour le licenciement tel qu’il résulte de la lettre adressé au salarié est établi et sérieux.
Il résulte des éléments du dossier, et en particulier des différents comptes-rendus des assemblées générales des copropriétaires réunies en 2019, qu’a été votée, dans des conditions parfaitement régulières et aux fins d’effectuer des économies substantielles, la suppression du poste de concierge et la mise en vente de sa loge, de sorte que le licenciement de M. [X], qui occupait ce poste, se retrouve fondé.
[B] [X] sera en conséquence débouté de ses demandes relatives à son licenciement.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef
[B] [X] sollicite une indemnité complémentaire de 5000 euros en invoquant la rupture prématurée de son contrat de travail et l’atteinte portée en conséquence à ses droits à la retraite, sans apporter aucun élément de preuve à ce sujet, ni quant à l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé par l’octroi des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail qui réparent le dommage résultant de la rupture infondée du contrat de travail.
Il sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Le jugement déféré sera complété sur ce point puisqu’il résulte de sa motivation qu’il n’a pas été statué sur cette demande.
Sur les autres demandes
Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] sollicite la somme de 5000 euros pour procédure abusive et déloyale.
Il importe de rappeler que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
En l’espèce, aucune de ces man’uvres n’est démontrée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2] à l’encontre de M. [X].
Il convient donc de le débouter de sa demande et de compléter le jugement déféré à ce titre puisqu’il résulte de sa motivation qu’il n’a pas été statué sur cette demande.
[B] [X] succombant en toutes ses prétentions, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles et de condamner M. [X] aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes, ainsi qu’au versement, au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 2], d’une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant le conseil de prud’hommes et une somme de 1500 euros sur le même fondement pour les frais engagés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Tarbes en date du 21 mars 2022 sauf en ce qui concerne le licenciement jugé fondé ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
DEBOUTE M. [B] [X] de ses demandes au titre :
du harcèlement moral,
des manquements à l’obligation de sécurité,
de la rupture prématurée du contrat de travail portant atteinte à ses droits à la retraite ;
DEBOUTE le syndicat de copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE M. [B] [X] aux entiers dépens ;
CONDAMNE M. [B] [X] à payer au syndicat de copropriétaires de la Résidence [Adresse 2] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés devant le conseil de prud’hommes et la somme de 1 500 euros sur le même fondement pour les frais exposés en cause d’appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,