Nuisances sonores : décision du 17 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/01371

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Nuisances sonores : décision du 17 novembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/01371
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01371 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IZIS

CC

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

07 avril 2023 RG :22/00536

S.A.S. STOKHALL [Localité 7]

C/

[S]

[S]

[S]

S.A.R.L. ALEXAN

Grosse délivrée

le 17 NOVEMBRE 2023

à Me Philippe PERICCHI

Me Silvia alexandrova KOSTOVA

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AVIGNON en date du 07 Avril 2023, N°22/00536

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. STOKHALL [Localité 7] Société par actions simplifiée, au capital social de 60 000 euros inscrite au RCS d’Avignon sous le N°B 791 137 599 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me David SITRI de la SELARL SELARL SENSE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉS :

Monsieur [X] [S]

né le 28 Juillet 1947 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Silvia alexandrova KOSTOVA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Madame [E] [S]

née le 06 Octobre 1979 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Silvia alexandrova KOSTOVA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Monsieur [M] [S]

né le 04 Mai 1976 à [Localité 7] ([Localité 7])

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Silvia alexandrova KOSTOVA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

S.A.R.L. ALEXAN, Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le numéro 682 620 687, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Silvia alexandrova KOSTOVA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Octobre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 17 Novembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE

Vu l’appel interjeté le 19 avril 2023 par la S.A.S. Stokhall [Localité 7] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 7 avril 2023 par le tribunal judiciaire d’Avignon, dans l’instance n°22/00536.

Vu l’avis du 9 mai 2023 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 23 octobre 2023.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 29 août 2023 par l’appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 15 juin 2023 par la S.A.R.L. Alexan, Monsieur[X] [S], Madame [E] [S] et Monsieur [M] [S], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l’ordonnance du 9 mai 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 19 octobre 2023.

***

La société Stokhall [Localité 7] a pour activité la vente en gros et au détail de produits alimentaires à destination des professionnels de la restauration rapide et des particuliers.

Par actes sous signature privée des 13 novembre 2012, 1er janvier 2013 et 17 juillet 2017, La société Alexan, Madame [E] [S], Monsieur [X] [S] et Monsieur [M] [S] ont consenti à la S.A.S. Food Center [Localité 7] des baux commerciaux portant sur trois locaux dont ils sont propriétaires situés aux [Adresse 5] (84 000).

Au renouvellement de chaque bail, un état des lieux a été établi contradictoirement par ministère d’huissier.

Les bailleurs, arguant de manquements de la société locataire à ses obligations consistant à s’accaparer sans aucune autorisation certaines parties communes et à réaliser d’importants travaux et aménagements, ont fait établir un constat d’huissier le 2 juin 2022.

Par exploit du 18 novembre 2022, la SARL Alexan et les consorts [S] ont fait assigner en référé la société Stokhall [Localité 7], anciennement SAS Food Center, devant le tribunal judiciaire d’Avignon aux fins de désignation d’un expert judiciaire dont la mission consisterait à établir un état des lieux des locaux et, en cas de désordres ou dommages relevés, à préciser les responsabilités en cause, à décrire les travaux de reprise des désordres et à en chiffrer le coût. Ils sollicitaient également une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre la condamnation de la société locataire aux dépens.

Par ordonnance du 7 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Avignon a :

-Débouté la SAS Stokhall de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des consorts [S] et de la SARL Alexan et a déclaré recevable l’action introduite par ces dernier;

-Débouté la SAS Stokhall de sa demande de médiation judiciaire;

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

-Ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder Monsieur [Z] [R], expert près la cour d’appel de Nîmes (30), domicilié [Adresse 9], lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et aura pour mission, les parties régulièrement convoquées et connaissance prise des documents et pièces par elles produits, de :

1.entendre les parties, recueillir leurs dires et explications;

2.entendre tous sachants et se faire communiquer tous documents qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission;

3.dresser un bordereau de documents communiqués, étudier et analyser ceux en rapport avec le litige;

4.vister et décrire les lieux litigés, situés [Adresse 5] (84); dire si ces locaux sont conformes aux normes existantes (installation électrique, normes de sécurité à respecter pour l’ouverture de ces locaux et de leur parking au public…); au regard des états des lieux d’entrée établis au début de chaque bail, décrire les travaux, aménagements et installations réalisés par la SAS Stokhall dans les locaux loués depuis leur entrée dans les lieux; préciser, si possible, la date de réalisation de ces travaux; dire si ces travaux ont été réalisés dans les règles de l’art, conformément aux réglementations existantes mais également conformément aux clauses des baux commerciaux liant les parties;

5.au regard de l’assignation délivrée le 18 novembre 2022 et des pièces qui y sont jointes, dire si les locaux commerciaux donnés en bail à la SAS Stokhall sont affectés de désordres ou de dommages, qu’ils soient imputables aux bailleurs ou à la société locataire; en cas de réponse positive, les décrire; préciser leurs nature, date d’apparition et importance; en indiquer les causes et origines;

6.au regard des obligations respectives des bailleur et preneur telles que définities dans les baux liant les parties, fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction de déterminer les responsabilités dans la survenance des désordres ou dommages éventuellement constatés ou dans l’éventuelle non-conformité aux normes de ces locaux, et s’il y a lieu, les parts de responsabilité encourues (en pourcentages), ainsi que la charge des travaux de reprise desdits désordres;

7.décrire les travaux nécessaires à la reprise pérenne des désordres ou dommages constatés et évaluer leur coût, éventuellement à l’aide de devis présentés par les parties, ainsi que la durée normalement prévisible;

8.analyser les préjudices invoqués et rassembler les éléments propres à en rédiger le montant;

9.rédiger une conclusion qui reprendra, poste par poste, sans procéder par renvois, le résultat des investigations;

10.plus largement, fournir toute précision technique et de fait utile à la solution du litige;

11.s’expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dire et observations des parties qu’il aura recueillis après leur avoir fait part au moins un mois auparavant dans sa note de synthèse (pré-rapport), étant rappelé que conformément aux dispositions de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, sauf cause grave dûment justifiée, l’expert n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises par les parties au-delà du terme qu’il fixe;

-Dit que si les parties viennent à se concilier, l’expert constatera que sa mission est devenue sans objet et qu’il en fera rapport;

-Dit que l’expert se conformera, pour l’exécution de son mandat, aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, devra faire connaître aux parties qui en feront la demande lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion, le programme de ses investigations et l’évaluation aussi précise que possible du montant prévisionnel de ses frais et honoraires et communiquera directement le rapport de ses opérations à chacune des parties et en déposera deux exemplaires, dont l’un si possible sous forme numérique, au greffe du tribunal judiciaire d’Avignon;

-Dit que l’expertise aura lieu aux frais avancés de M. [X] [S], M. [M] [S], Mme [E] [S] et de la SARL Alexan, qui consigneront avant le 7 juin 2023 la somme de quatre mille euros (4 000 euros) à titre de provision à valoir sur les honoraires de l’expert;

-Dit qu’à défaut de consignation dans le délai ci-dessus fixé, la désignation de l’expert sera caduque, à moins que le juge, à la demande d’une des parties se prévalant d’un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité;

-Dit que, s’il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l’expert devra, lors de sa première ou au plus tard lors de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours;

-Dit qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaitre aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours;

-Désigné le juge chargé du contrôle des expertises pour remplacer par ordonnance l’expert empêché ou refusant, soit à la requête de la partie la plus diligente, soit d’office, d’une part, et assurer le contrôle de la mesure d’instruction, d’autre part;

-Dit que l’expert devra déposer auprès du greffe du tribunal judiciaire d’Avignon, service du dépôt des rapports, un rapport détaillé de ses opérations dans le délai de huit mois, à compter du dépôt de la consignation, sauf prolongation dûment autorisée, et que, dans le même délai, il adressera à chacune des parties ou à leurs conseils copie complète dudit rapport ainsi que la demande de fixation de rémunération, conformément aux dispositions de l’article 173 du code de procédure civile;

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

-Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

-Laissé à la charge de M. [X] [S], M. [M] [S], Mme [E] [S] et de la SARL Alexan ensemble les dépens de la présente instance;

-Rejeté toutes autres demandes.

Le 19 avril 2023, la SAS Stokhall [Localité 7] a relevé appel de cette décision aux fins de la voir annuler pour violation du principe du contradictoire et à titre subsidiaire la voir réformer en ce que :

-elle l’a déboutée de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des consorts [S] et de la SARL Alexan et a déclaré recevable l’action introduite par ces dernier;

-elle l’a déboutée de sa demande de médiation judiciaire;

-elle a ordonné une mesure d’expertise et a commis pour y procéder Monsieur [Z] [R];

-elle a rejeté toutes autres demandes.

***

Dans ses dernières conclusions, la SAS Stokhall [Localité 7], appelante demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 31, 122, 124, 145, 146, 147, 131-1, 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

-Annuler l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire d’Avignon le 7 avril 2023 pour violation du principe du contradictoire;

A titre subsidiaire,

-Infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire d’Avignon le 7 avril 2023 en ce qu’elle ordonne une expertise judiciaire;

Et statuant à nouveau,

-Juger n’y avoir lieu à une expertise judiciaire;

En toute hypothèse,

-Condamner in solidum la société Alexan, Monsieur [X] [S], Madame [E] [S] et Monsieur [M] [S] à payer à la société Stokhall [Localité 7] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner la société Alexan, Monsieur [X] [S], Madame [E] [S] et Monsieur [M] [S] aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante expose à titre liminaire que deux chefs de l’ordonnance n’ont plus lieu d’être évoqués. Il s’agit dans un premier temps de la fin de non-recevoir fondée sur la qualité à agir, les consorts [S] ayant justifié une telle qualité consécutive à une donation. Dans un second temps, il s’agit de la demande de médiation, les demandeurs en première instance ayant manifesté leur désaccord.

A titre principal, l’appelante soutient que le principe du contradictoire a été violé et que l’ordonnance déférée doit être annulée. En effet, les demandeurs en première instance n’ont pas respecté la loyauté des débats en communiquant des conclusions et pièces très tardivement, dans un délai ne permettant pas à la défense de s’organiser . De plus, ils se sont opposés à un retrait du rôle de l’affaire ou à une radiation à laquelle ils s’exposaient pourtant du seul fait de leur communication tardive dont la société Stokhall n’avait pas à supporter les conséquences. Egalement, le juge des référés n’a pas observé ledit principe du contradictoire et ne l’a pas fait respecter par les parties en retenant l’affaire alors même que les droits de la défense n’étaient pas assurés et en refusant une note en délibéré produite par l’appelante dans le délai accordé aux parties pour déposer leur dossier.

A titre subsidiaire, l’appelante soutient que l’analyse des faits démontre que les ‘éléments’ retenus par le juge des référés pour légitimer l’expertise judiciaire, à savoir la suppression d’une baie coulissante, l’entreposage sur le parking d’une benne à déchets, d’un conteneur, de palettes, l’obstruction d’un jour de souffrance par un panneau publicitaire, l’édification de dalles en béton sur le parking sur lesquelles sont installées des chambres froides et diverses dégradations, ne sont plus d’actualité et ne rendent pas vraisemblable un non-respect des clauses des baux par la société locataire ainsi que l’existence de désordres affectant les locaux commerciaux.C’est ainsi que la baie vitrée était cassée à l’entrée des lieux et que le preneur a sollicité l’autorisation des bailleurs pour la remplacer par un rideau métallique. Le preneur indique avoir retiré la benne à déchets, les palettes, avoir sollicité l’autorisation du bailleur pour placer le container à l’intérieur des locaux, sans avoir reçu de réponse. Il ajoute que le panneau publicitaire obstruant le jour de souffrance a été déplacé tout en s’étonnant que le bailleur se préoccupe de cette fenêtre qui était en mauvais état à l’entrée dans les lieux. Le preneur fait valoir l’importance des travaux accomplis pour réduire les nuisances sonores des compresseurs. Il conteste l’existence de diverses dégradations, les désordres allégués consistant en réalité en des travaux autorisés, ou étant d’ores et déjà remédiés par des travaux de réfection du sol du parking, le bailleur étant quant à lui responsable de la défectuosité du portail d’entrée et de la remise en état des murs fissurés.

Le preneur soutient ensuite que la mesure expertale est inutile puisque les bailleurs ont déjà une connaissance très précise des faits sur lesquels ils croient pouvoir agir. En effet, les griefs sur lesquels reposent la demande d’expertise ont été constatés par la SARL Alexan et les consorts [S] par voie d’huissier, selon procès-verbal dressé le 2 juin 2022. En outre, les preneurs ont toujours apporté des réponses circonstancées et étayées, sans jamais rien cacher aux bailleurs. Enfin, Monsieur [X] [S] a une connaissance exacte des locaux puisqu’il y a pénétré à de nombreuses reprises sans en avertir préalablement la société Stokhall. Le preneur estime par ailleurs que la mission de l’expert vise plus à donner un avis juridique que technique sur la situation et se prévaut du contrat de bail qui stipule un droit de visite aisé du bailleur, qui pourrait être effectuée contradictoirement.

Il n’existe aucun motif légitime à cette expertise judiciaire, les bailleurs pouvant avoir le dessein d’obtenir une sortie anticipée du preneur sans avoir à lui verser une indemnité d’éviction.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, la société Alexan, Monsieur [X] [S], Madame [E] [S] et Monsieur [M] [S] intimés demandent à la courn au visa des articles 145 et suivants du code de procédure civile, des baux commerciaux liant les parties, de l’ordonnance de référé du 7 avril 2023, de :

-Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 7 avril 2023 par le président du tribunal judiciaire d’Avignon;

-Débouter la société Sotkhall de toutes ses demandes, fins et conclusions;

-Condamner la société Stokhall au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir, en ce qui concerne le respect du principe du contradictoire qu’ils ont communiqué la pièce critiquée dans un délai suffisant, soit le 8 mars 2023 pour l’audience du 13 mars 2023, ce qui a laissé le temps à la société Stokhall d’y répliquer, d’autant que cette pièce n’était qu’un simple courrier adressé par Monsieur [S] à l’appelante et qui n’était pas déterminante pour la solution du litige. D’ailleurs, le preneur a pu faire établir une attestation en réplique dès le 10 mars 2013, soit antérieurement à l’audience.

Le bailleur rappelle que la procédure en référé est une procédure strictement orale, de sorte que la société Stokhall avait la possibilité de répondre oralement à ladite pièce lors de l’audience de plaidoirie.

S’agissant de la mesure d’expertise, ils soutiennent que le preneur a modifié les lieux donnés à bail, ce qui est établi par les pièces qu’ils versent aux débats et le constat d’huissier. Ils réfutent les objections du preneur qui ne sont étayées par aucune pièce objective. Ils font valoir un motif légitime de voir désigner un expert judiciaire préalablement à une action pour contraindre la société Stokhall à remettre en état les lieux ou, le cas échéant, à une action en résiliation pour manquements contractuels. Il est en effet indispensable qu’un homme de l’art puisse décrire toutes les modifications réalisées depuis l’entrée dans les lieux, chiffrer les coûts de remise en état et préconiser les mesures pour assurer la sécurité et la conformité aux règles en vigueur. Au contraire d’une visite contradictoire, une expertise judiciaire permettra de faire respecter le principe du contradictoire soulevé par la société appelante.

Enfin, la société Sotkhall se fonde sur l’article 146 du code de procédure civile pour soutenir l’inutilité de la mesure alors que cette disposition n’a vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse d’une mesure d’instruction sollicitée en cours d’instance ou au fond, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Le greffe de la cour a demandé la communication du dossier de première instance le 1er juin 2023, conformément à l’article 968 du code de procédure civile, en vain.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la demande d’annulation :

En l’absence de communication de dossier de première instance et de toute mention de l’incident dans l’ordonnance déférée, il sera statué sur cette prétention au vu des pièces communiquées par les parties.

Le bailleur produit l’attestation du RPVA sur la transmission de ses conclusions, de son bordereau de communication de pièces et des dernières pièces 13 à 15 le 8 mars 2023 à 12:25. L’audience de plaidoirie était fixée le lundi 13 mars 2012.

A cette audience, l’affaire a été retenue. Le juge des référés n’a demandé ni autorisé aucune note en délibéré.

Aux termes de l’article 445 du code de procédure civile, ‘Après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.’

Dès lors, la note en délibéré du 14 mars 2023, déposée spontanément par le preneur avec communication des pièces 9 à 11 était irrecevable.

S’agissant des pièces communiquées le 8 mars 2023 par le bailleur, le preneur critique la production d’un courrier du bailleur qu’il admet avoir reçu le 6 mars 2023 (second paragraphe de la page 13 de ses conclusions). Ce courrier fait état d’un nouveau passage d’un camion d’un tonnage supérieur à 17 tonnes dans le parking loué au preneur, qui aurait causé des dégradations à un autre locataire. Aucun nouveau moyen n’était développé à l’appui de ce courrier, le passage de camions d’un tonnage supérieur à la norme autorisée étant déjà allégué dans les précédentes conclusions. Le délai ‘judiciaire ‘ de 2,5 jours était donc suffisant pour que le conseil du preneur y apporte, le cas échéant, une réponse et communique de nouvelles pièces, d’autant que le preneur avait personnellement connaissance de ce courrier dès le 6 mars 2023. La procédure étant orale, il était également possible au conseil du preneur de formuler ses observations à l’audience.

En l’absence d’atteinte au principe du contradictoire par le bailleur et à défaut de violation de ce même principe ainsi que des droits de la défense par le juge des référés qui a estimé à juste titre que l’affaire était en état d’être jugée, l’annulation de l’ordonnance déférée ne sera pas prononcée.

Sur la demande d’infirmation :

Le bailleur doit justifier d’un motif légitime à la demande d’expertise, c’est-à-dire l’existence d’un litige potentiel nécessitant l’obtention d’éléments de preuve en vue d’un éventuel procès. En l’occurrence, le preneur soutient l’absence de motif légitime et l’inutilité de la mesure car le bailleur dispose d’éléments suffisants pour engager l’action au fond.

Contrairement à ce que soutient le bailleur, le preneur ne se fonde pas sur l’article 146 du code de procédure civile, effectivement inapplicable à l’espèce, mais sur les conditions d’application de l’article 145 du code de procédure civile tel qu’appliqué par la jurisprudence : le juge doit vérifier que le demandeur a un motif légitime et que la mesure est utile et pertinente.

Le litige potentiel a été parfaitement caractérisé par le premier juge, à savoir un non-respect des clauses du bail commercial par le preneur (exercice d’une activité non prévue par les baux, aménagements non autorisés, libre accès du parking non assuré, dégradations) , susceptible d’engager la responsabilité de ce dernier.

En ce qui concerne la suppression de la baie coulissante, le preneur se prévaut d’une autorisation orale du bailleur dont il ne justifie pas, étant l’auteur du courrier du 15 février 2021 (sa pièce 5). L’état des lieux d’entrée ne dit pas que la baie coulissante était cassée mais que la porte vitrée motorisée ne fonctionnait qu’en manuel. Il est établi par le constat d’huissier des 2 et 7 juin 2022 que cette baie coulissante a été supprimée. Le bailleur réfute avoir donné toute autorisation à l’enlèvement de cette baie coulissante. Il appartiendra au juge du fond de statuer sur ce point.

Par courrier du 12 août 2022 (pièce 7 et non pas 8), le preneur indique – sans en justifier – avoir retiré la benne à déchet, les palettes mais pas le container qui est indispensable à son activité. Le constat d’huissier (antérieur) indique que la benne à déchets, le container et les palettes sont entreposés sur le parking situé devant le local, obstruant une grande partie de ce parking. En vertu du contrat de bail de 2017 portant sur l’entrepôt et le parking de 108m2, le preneur ‘ne pourra rien déposer ni laisser séjourner dans les parties communes de l’immeuble et du parking, qui devront toujours rester libre d’accès et de passage de son chef’. La mesure d’expertise permettra non seulement de constater l’emplacement des équipements litigieux, sachant que les parties sont liées par 3 contrats de baux, mais aussi la nécessité pour le preneur d’avoir un container à demeure et de l’emplacement qu’il doit avoir le cas échéant.

De même, des compresseurs sont installés à l’extérieur, sur le parking. Le bailleur invoque une violation des clauses du bail tandis que le preneur fait valoir les travaux accomplis pour diminuer les nuisances sonores. Il demande au bailleur d’être autorisé à agrandir la chambre froide afin d’y intégrer les compresseurs, sans avoir obtenu aucune réponse sur ce point. L’avis technique de l’expert sur le déplacement des compresseurs à l’intérieur d’une chambre froide qui aurait été édifiée par le preneur sans autorisation du bailleur est nécessaire, y compris sur le respect des règles de sécurité en la matière.

Le preneur est en droit, en vertu du seul contrat de bail de 2017, d’apposer une enseigne publicitaire amovible. Le constat d’huissier indique que les fenêtres de type jour de souffrance, qui sont doublées par des grilles métalliques sont masquées et obstruées par un panneau publicitaire et relate l’observation du bailleur selon laquelle les fenêtres ne doivent pas être obstruées car elles permettent lors d’un incendie d’évacuer la fumée. Il convient par conséquent de vérifier si les règles de sécurité sont respectées au regard de l’activité effective exercée par le preneur, le bailleur faisant valoir que les locaux pris à bail ne sont pas prévus pour le stockage des produits surgelés.

Le constat d’huissier établit que des tuyaux d’alimentation des chambres froides passent à travers le mur de façade Est du local grâce à des trous traversants. Le preneur invoque des autorisations d’ouverture expressément notées dans les contrats de baux. Il appartiendra à l’expert de relever quelles sont les ouvertures pratiquées par le preneur correspondent aux autorisations données par le bailleur.

Il existe enfin une contestation sur les dégradations des lieux loués (sol du parking, fissures, trous sur façade…). L’avis de l’expert portera sur la réalité de ces dégradations au regard de l’état des lieux décrits dans les constats d’entrée dans les lieux.

Il résulte de ce qui précède qu’une mesure d’instruction, consistant en un simple constat , voire même une consultation sera insuffisante pour éclairer le juge. Le bailleur doit non seulement obtenir un constat précis et exhaustif des lieux, mais aussi avoir un avis technique sur les normes de sécurité applicable et une utilisation anormale des lieux par le passage de camions au fort tonnage, de nature à endommager le sol du parking, dont l’état d’usage a été constaté en zone sud dans l’état des lieux d’entrée du bail de 2012.

C’est pourquoi l’ordonnance déférée, qui a retenu que la mesure d’expertise sollicitée par le bailleur était légitime, compte tenu de l’existence d’un litige potentiel entre les parties, dont la solution était susceptible de dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, sera confirmée.

La mission ordonnée par le premier juge ne consistant pas en une analyse juridique mais en un recueil d’éléments techniques permettant d’éclairer le juge du fond, sera maintenue dans son intégralité.

Sur les frais de l’instance :

La société Stokhall, qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance et payer à chacun des intimés une somme équitablement arbitrée à 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande d’annulation de l’ordonnance déférée,

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Dit que la société Stokhall supportera les dépens d’appel et payera à la société Alexan, Mme [E] [S], Messieurs [X] et [M] [S] ne somme de 500 € chacun par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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