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4ème Chambre
ARRÊT N° 253
N° RG 22/02267
N°Portalis DBVL-V-B7G-SUQG
NM / FB
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Mme Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Rennes en date du 27 septembre 2023
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Octobre 2023
devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE et Madame Nathalie MALARDEL, magistrates tenant seules l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 16 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. STIVENT INDUSTRIE
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
Société MENUISERIE CHARPENTE BOUTIN
[Adresse 3]
[Localité 4]
S.C.P. [S] COLLET, mandataire liquidateur de la société MENUISERIE CHARPENTE BOUTIN
[Adresse 6]
[Localité 9]
Assignée à personne habilitée
S.A. ALLIANZ IARD
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Florence NATIVELLE de la SELARL NATIVELLE AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A.S. GEDIMO
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le n°315 711 028, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Florent LUCAS de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 2008, la société Menuiserie Charpente Boutin a confié à la société Gedimo, assurée auprès de la société Allianz Iard, la fourniture et l’installation d’un système d’aspiration des copeaux, sciures et poussières de bois de son atelier situé à [Adresse 10].
La société Gedimo a commandé le matériel (filtre à manche et cyclone) à la société Stivent Industrie, fabricant, et a procédé à sa mise en ‘uvre.
Se plaignant de nuisances acoustiques, M. [Z] et Mme [L], voisins de la société Menuiserie Charpente Boutin, ont par acte d’huissier en date du 1er juillet 2010, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux fins d’expertise. Il a été fait droit à leur demande par ordonnance du 30 septembre 2010.
Initialement ordonnées à l’encontre de la société Menuiserie Boutin, les opérations d’expertise ont été étendues à la société Gedimo et à la société Stivent Industrie par ordonnance du 21 juillet 2011.
L’expert judiciaire, M. [Y], a déposé son rapport le 21 octobre 2015.
Par acte d’huissier en date du 9 novembre 2015, la société Menuiserie Charpente Boutin a fait assigner la société Gedimo, son assureur Allianz Iard, et la société Stivent Industrie devant le tribunal de grande instance de Nantes en indemnisation de ses préjudices.
La société Menuiserie Charpente Boutin a été placée en procédure de liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce du 29 janvier 2020. La SCP [T] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par un jugement en date du 15 mars 2022, le tribunal judiciaire a :
– reçu la SCP [S] Collet, représentée par Me [U] [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Menuiserie Charpente Boutin, en son intervention volontaire ;
– ordonné l’inscription au passif de la société Menuiserie Charpente Boutin de la somme de 10 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi par M. [Z] et Mme [L] ;
– débouté M. [Z] et Mme [L] de leurs demandes de condamnation in solidum de la société Gedimo et de la société Stivent Industrie ;
– condamné la société Gedimo, son assureur la société Allianz Iard et la société Stivent Industrie à payer à la SCP [T] ès qualités la somme de 60 413,04 euros HT augmentée de l’indexation sur l’évolution du coût de la construction entre la date d’évaluation du coût des travaux de reprise (novembre 2012) et le mois du jugement à intervenir ;
– condamné la société Allianz Iard à garantir son assurée, la société Gedimo, des condamnations prononcées à son encontre ;
– dit que la société Allianz Iard sera autorisée à l’égard de son assuré et seulement à son égard à déduire du paiement la somme de 4 500 euros correspondant au montant de la franchise ;
– condamné la société Stivent Industrie à garantir la société Gedimo et son assureur Allianz Iard des condamnations principales prononcées à leur encontre à hauteur de 30 % de celles-ci ;
– débouté la SCP [T], ès qualités, de sa demande de condamnation in solidum de la société Gedimo, de son assureur et de la société Stivent Industrie ;
– condamné in solidum la société Gedimo, la société Allianz Iard et la société Stivent Industrie aux dépens de l’instance avec recouvrement au profit des avocats qui en ont fait la demande sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile ;
– dit que dans leurs rapports entre elles, la société Gedimo et son assureur la société Allianz Iard seront tenues dans la proportion de 70 % des dépens, la société Stivent Industrie sera tenue aux dépens dans la proportion de 15 % ;
– ordonné l’inscription au passif de la société Menuiserie Charpente Boutin de la somme correspondant à 15 % des dépens ;
– ordonné l’inscription au passif de la société Menuiserie Charpente Boutin de la somme de 4 000 euros au profit de M. [Z] et de Mme [L] au titre des frais non répétibles dont ils sont créanciers ;
– condamné in solidum la société Gedimo et son assureur la société Allianz Iard à payer à la SCP [S], ès qualités, la somme de 6 000 euros au titre des frais non répétibles ;
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
La société Stivent Industrie a interjeté appel de cette décision le 8 avril 2022, intimant la société Menuiserie Charpente Boutin, la SCP [T] ès qualités, la société Allianz Iard, ainsi que la société Gedimo.
La SCP [S] Collet, assignée à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.
L’instruction a été clôturée le 5 septembre 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2022, la société Stivent Industrie demande à la cour de :
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné la société Stivent, in solidum avec la société Gedimo et son assureur Allianz, à verser à la liquidation de la société Menuiserie Charpente Boutin la somme de 60 413,04 euros HT au titre de la réalisation d’un encoffrement ;
– condamné la société Stivent à supporter 30 % de cette somme dans ses rapports avec les coobligés ;
– condamné la société Stivent à supporter 15 % des dépens ;
Statuant de nouveau,
– débouter la liquidation de la société Menuiserie Boutin ou toute autre partie de l’ensemble des demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société Stivent ;
À titre subsidiaire,
– condamner in solidum la société Gedimo et la compagnie Allianz à relever et garantir la société Stivent de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, frais et accessoires ;
– faire application de la franchise contractuelle de 10 % du montant du dommage, avec un minimum de 500 euros et un maximum de 2 200 euros ;
À titre infiniment subsidiaire,
– condamner in solidum la société Gedimo et la compagnie Allianz à relever et garantir la société Stivent à hauteur de 80 % des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
En tout état de cause,
– condamner la société Gedimo et la compagnie Allianz à verser à la société Stivent la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la société Gedimo et la compagnie Allianz ou toute autre partie de toute demande formée à l’encontre de la société Stivent au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les condamner aux dépens de l’instance, dont distraction sera ordonnée au profit de la société Armen, Me Charles Oger, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 24 octobre 2022, la société Allianz Iard demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé le manquement de la société Stivent Industrie à son devoir de conseil l’égard de la société Gedimo caractérisé ;
– le réformer en ce qu’il a :
– condamné la société Stivent in solidum avec la société Gedimo et la société Allianz Iard à verser à la liquidation de la société Menuiserie Charpente Boutin la somme de 60 413,04 euros ;
– condamné la société Stivent à supporter 30 % de cette somme dans ses rapports avec les coobligés ;
– condamné la société Stivent à supporter 15 % des dépens ;
Statuant à nouveau,
À titre liminaire,
– déclarer irrecevable le recours exercé par la société Menuiserie Charpente Boutin et son mandataire liquidateur la SCP [T] à l’encontre de la société Allianz Iard ;
À titre principal,
– débouter les sociétés Stivent et Gedimo de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la société Allianz Iard ;
En conséquence,
– faire application de l’exclusion de garantie stipulée dans la police de la société Allianz au titre des dommages matériels subis par la fourniture livrée qui est à l’origine du sinistre, ainsi que son remplacement, son remboursement, sa réparation et sa réfection ;
– faire application de la franchise stipulée dans la police de la société Allianz à hauteur de 4 570 euros au titre des frais de dépose-repose et des dommages immatériels non consécutifs ;
À titre subsidiaire,
– condamner la société Stivent à relever et garantir la société Allianz de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
– condamner la société Stivent et Gedimo in solidum au paiement de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 27 juillet 2023, la société Gedimo demande à la cour de :
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné la société Gedimo, son assureur la société Allianz Iard et la société Stivent Industrie à payer à la SCP [T] la somme de 60 413,04 euros HT augmentée de l’indexation sur l’évolution du coût de la construction entre la date d’évaluation du coût des travaux de reprise (novembre 2012) et le mois du jugement à intervenir ;
– condamné la société Stivent Industrie à garantir la société Gedimo et son assureur Allianz Iard des condamnations principales prononcées à leur encontre à hauteur de 30% de celles-ci ;
– condamné in solidum la société Gedimo et son assureur la société Allianz Iard à payer à la SCP [S], ès qualités, la somme de 4 000 euros au titre des frais non répétibles ;
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nantes en date du 15 mars 2022 pour le surplus ;
En conséquence et statuant autant de nouveau,
– déclarer irrecevables l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la liquidation de la société Menuiserie Charpente Boutin pour défaut d’intérêt à agir ;
– débouter la société Stivent Industrie et la société Allianz de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société Gedimo ;
À titre subsidiaire,
– condamner in solidum la société Stivent et la compagnie d’assurance Allianz à relever et garantir la société Gedimo de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, frais et accessoires ;
En tout état de cause,
– condamner in solidum la société Allianz et la société Stivent Industrie à verser à la société Gedimo la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la société CVS (Me Benoît Bommelaer) par application de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité
Les sociétés Gedimo et Allianz soutiennent que le liquidateur de la société Menuiserie Charpente Boutin n’a plus d’intérêt à demander des dommages et intérêts correspondant aux travaux d’encoffrement de l’installation litigieuse au motif qu’ils ne seront jamais réalisés en raison de la liquidation de la société.
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’intérêt à agir s’apprécie à la date de l’introduction de l’instance et ne peut être remis en cause par l’effet de circonstances postérieures.
L’assignation du 9 novembre 2015 a été introduite antérieurement à l’ouverture de la procédure collective du 29 janvier 2020. La société Menuiserie Charpente Boutin disposait bien d’un intérêt à agir à l’égard de l’installateur du système d’aspiration, de la société Allianz et du fabricant la société Stivent Industrie lors de l’introduction de l’instance. La fin de non-recevoir est rejetée. Le jugement est confirmé par substitution de motifs.
Sur le fond
Après avoir fait réaliser des mesures acoustiques dans le jardin des consorts [L]/[G], l’expert a constaté une émergence de 17 dB(A) pour une émergence admissible de 6 dB(A) et a conclu que le niveau sonore de l’installation d’aspiration de copeaux n’était pas conforme au décret du 31 août 2006.
Pour réduire le bruit dans la norme admissible (6 dB (A)) dans la propriété des voisins, l’expert a préconisé d’encoffrer toute l’installation (le ventilateur, le cyclone et le stockage des copeaux) pour un coût de 60 413,04 euros HT.
La société Stivent Industrie rappelle que la société Menuiserie Charpente Boutin a cessé son activité à la fin de l’année 2019, que les nuisances sonores se sont également arrêtées à cette date de sorte que la demande de reprise des travaux est devenue sans objet.
Il est constant que le juge est tenu d’évaluer le préjudice subi à la date de sa décision.
Compte tenu de la cessation d’activité de la société Menuiserie Charpente Boutin, le trouble anormal du voisinage dû au niveau sonore de l’installation d’aspiration des copeaux n’existe plus et ainsi que l’expose à juste titre la société Stivent Industrie, la réalisation de travaux de reprise est devenue sans objet. La société Menuiserie Charpente Boutin ne peut donc plus être indemnisée à ce titre.
Dès lors, sans qu’il ne soit utile de statuer sur les responsabilités, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Gedimo, la société Allianz Iard et la société Stivent Industrie à payer au mandataire liquidateur ès qualités la somme de 60 413,04 euros HT. Les chefs du jugement relatifs aux garanties seront également infirmés.
Sur les autres demandes
Le jugement sera réformé en ce qu’il a condamné la société Gedimo et la société Allianz à payer la somme de 6 000 euros au mandataire liquidateur ès qualités et aux dispositions prononcées au titre des dépens.
Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Eu égard aux conséquences induites par la liquidation judiciaire de la société Menuiserie Charpente Boutin, chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir,
L’INFIRME pour le surplus en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant
Déboute la SCP [S] Collet en sa qualité de liquidateur de la société Menuiserie Charpente Boutin de sa demande de paiement de la somme de 60 413,04 euros HT,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, Le Président,