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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 16 NOVEMBRE 2023
N° RG 20/02570 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTWO
[J] [Z]
[C] [D]
c/
[Y] [G]
[B] [L]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 février 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 19/01404) suivant déclaration d’appel du 21 juillet 2020
APPELANTS :
[J] [Z]
né le 01 Juillet 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
Profession : Chargé d’affaires,
demeurant [Adresse 3]
[C] [D]
née le 07 Février 1980 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Maxime ROUGET substituant Me Sébastien BACH, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[Y] [G]
né le 18 Juin 1983 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
[B] [L]
née le 07 Août 1983 à [Localité 6]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me LANDRIEAU substituant Me Charlotte GUESPIN de la SCP INTERBARREAUX D’AVOCATS GUESPIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 octobre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Jacques BOUDY
Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES
Conseiller : Monsieur Rémi FIGEROU
Greffier : Madame Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte notarié de vente du 14 juin 2018, Monsieur [Y] [G] et Madame [B] [L] ont acquis de Monsieur [J] [Z] et de Madame [C] [D], pour la somme de 370 000 euros, un immeuble d’habitation situé au numéro [Adresse 4].
Considérant qu’il existait un chenil clandestin à proximité de leur immeuble dont l’existence leur avait été dissimulée avant la vente et que sa présence générait des nuisances olfactives et auditives, Mme [L] et M. [G] ont, par acte du 25 janvier 2019, saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 1137 du Code civil, le prononcé de la nullité de la vente ainsi que le versement de diverses indemnités.
Par jugement du 18 février 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré recevables les demandes Mme [L] et de M. [G],
– déclaré Mme [D] et M. [Z], en leur qualité de vendeurs, responsables du préjudice subi par Mme [L] et M. [G], acquéreurs, en raison de la non-révélation d’un vice caché affectant le bien vendu,
– condamné solidairement Mme [D] et M. [Z] à payer à Mme [L] et M. [G] la somme de 25 000 euros au titre de l’action estimatoire et 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,
– débouté Mme [L] et M. [G] de leur demande en réparation du préjudice moral,
– condamné solidairement Mme [D] et M. [Z] à payer à Mme [L] et M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement Mme [D] et M. [Z] à payer les dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
M. [Z] et Mme [D] ont relevé appel de l’intégralité de cette décision le 21 juillet 2020.
Aux termes de leurs conclusions n°3 notifiées le 22 septembre 2023, M. [Z] et Mme [D] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, 16 du code de procédure civile :
à titre liminaire,
– d’écarter des débats les conclusions n°3 communiquées par Mme [L] et M. [G] ainsi que les pièces n°52 à 59 produites à 22h54 le 25 septembre 2023, veille de l’ordonnance de clôture au visa de l’article 16 du code de procédure civile,
sur le fond,
– de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 07 février 2020 en ce qu’il :
– a déclaré recevables les demandes de Mme [L] et de M. [G],
– les a déclarés en leur qualité de vendeurs, responsables du préjudice subi par Mme [L] et M. [G], acquéreurs, en raison de la non révélation d’un vice caché affectant le bien vendu,
– les a condamnés solidairement à payer à Mme [L] et M. [G] la somme de 25 000 euros au titre de l’action estimatoire et 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,
– les a condamnés solidairement à payer à Mme [L] et M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les a condamnés solidairement à payer les dépens,
en conséquence :
à titre principal :
– de juger que l’action introduite par Mme [L] et M. [G] est irrecevable en application des dispositions contractuelles,
– de rejeter l’ensemble des demandes formulées par Mme [L] et M. [G],
à titre subsidiaire :
– de constater le caractère apparent du vice allégué par Mme [L] et M. [G],
– de débouter Mme [L] et M. [G] de l’ensemble de leurs demandes,
à titre infiniment subsidiaire :
– de constater la régularisation de la situation par M. [N],
– de constater que la présence de ses chiens n’excède pas les sujétions normales de voisinage,
– de constater l’absence de trouble anormal de voisinage,
– de constater l’absence de préjudice,
en conséquence :
– de rejeter la demande d’indemnisation au titre de l’action estimatoire,
– de débouter Mme [L] et M. [G] de l’ensemble de leurs demandes,
en tout état de cause :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté Mme [L] et M. [G] de leur demande en réparation du préjudice moral,
– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
– de condamner solidairement M. [G] et Mme [L] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement M. [G] et Mme [L] aux entiers dépens dont distraction sera prononcée au bénéfice du cabinet ARCC conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Ils font notamment valoir que :
– sur l’irrecevabilité de la demande formée par les consorts [L]-[G], le compromis de vente prévoit en page 10 s’agissant des nuisances que ‘l’acquéreur fera son affaire personnelle, sans recours contre le vendeur, de toutes nuisances d’environnement (risques de pollution, risques technologiques ou agricoles, etc) pouvant affecter l’immeuble présentement vendu’. En jugeant que cette clause d’exclusion de responsabilité ne visait que les activités industrielles ou agricoles, le tribunal a ajouté des conditions à cette clause et l’a dénaturée. La liste n’est pas limitative comme le démontre l’emploi du ‘etc’. – les nuisances reprochées par les consorts [L]-[G] sont des nuisances d’environnement, de sorte que leur demande est irrecevable. La référence à la gravité de la nuisance effectuée par ceux-ci n’a aucune conséquence. La clause écarte toute responsabilité, que la nuisance soit faible ou insoutenable.
– les acquéreurs ont acquis le bien en connaissance de cause. Ils reconnaissent même avoir été informés des aboiements.
– les informations dont ils étaient en possession ont bien été communiquées aux acquéreurs, s’agissant de la présence d’un élevage de chiens dans le voisinage.
– les aboiements n’étaient pas de nature à constituer une nuisance, et ce d’autant que les consorts [L]-[G] n’ont jamais indiqué souhaiter acquérir un bien exempt de tout bruit de la sorte.
– à titre subsidiaire, sur l’absence de vices cachés, l’article 1642 du code civil prévoit que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même. C’est à tort que le tribunal a considéré que la présence d’un chenil a été cachée aux vendeurs car cette situation était visible depuis la route comme en atteste le procès-verbal dressé par l’huissier de justice.
– de plus, les consorts [L]-[G] ont visité la maison à six reprises et les ont, à l’occasion d’une de leurs visites, questionnés sur les aboiements entendus de sorte que l’information relative à la présence d’un chenil à proximité leur a été donnée. La cour constatera en conséquence le caractère apparent des nuisances.
– si Mme [D] a effectivement été présidente de l’association syndicale libre, elle n’a pour autant été destinataire d’aucune information particulière concernant les chiens de M. [N]. Le fonds de ce dernier n’appartient pas au lotissement. La question de la présence de chiens sur le fonds de M. [N] n’a donc jamais été traitée par l’ASL. – M. [Z] a certes signé le document de M. [I] le 22 mai 2018, soit postérieurement au compromis du 10 avril 2018, mais celui-ci était relatif aux conditions d’accueil des chiens et non aux éventuelles nuisances.
– à ce jour, il n’existe plus le moindre chien sur le terrain de M. [N]. Selon le constat de maître [W], il n’y a plus la moindre prétendue nuisance. Or un vice caché ne peut avoir de caractère temporaire, sinon il n’affecte pas la chose cédée.
– sur l’absence de violation de l’obligation générale de loyauté, rien n’indiquait que ladite information concernant les chiens était déterminante pour les acquéreurs. Si la question avait été importante, ils auraient sollicité un complément d’information aux vendeurs.
– sur le dol, il faut que l’information ait été déterminante et surtout qu’il y ait eu une volonté délibérée de cacher l’information. Or ce n’est pas le cas. Au surplus, les consorts [Z]-[D] n’ont jamais participé à une action en justice ou autre contre M. [N].
– à titre infiniment subsidiaire, sur le caractère déraisonnable des sommes allouées, l’évaluation de la moins-value n’est pas basée sur des considérations objectives. Le rapport de l’expert foncier a été établi de manière non contradictoire sur la base des seules déclarations des acquéreurs qui ne subissent aucune perte locative, leur location étant conforme à la réalité du marché. D’autre part, la propriété de M. [N] n’accueille actuellement plus un seul animal, de sorte qu’il ne peut y avoir la moindre dévalorisation. – les locataires n’ont jamais exprimé la moindre difficulté de jouissance des lieux alors même qu’ils ont résidé plus longtemps sur place que les nouveau propriétaires.
– la demande d’indemnisation en raison de la moins-value de la maison sera donc rejetée car celle-ci, à supposer établie, ne peut désormais être imputée à des nuisances.
Suivant leurs conclusions n°3 notifiées le 25 septembre 2023, M. [G] et Mme [L] demandent à la cour, sur le fondement des articles 16, 802, 803 du code de procédure civile, 6, 1101, 1104, 1112, 1112-1, 1602, 1170, 1641 et suivants, de :
à titre liminaire,
– déclarer irrecevables les conclusions n°4 des appelants sollicitant après la clôture d’écarter des débats les conclusions n°3 et pièces 52 à 59 des concluants (qui viennent répondre in extremis aux conclusions n°3 et pièces 20 à 22 tardives des appelants),
subsidiairement,
– révoquer la clôture et la reporter au jour des plaidoiries le 10 octobre 2023 afin d’examiner les demandes d’irrecevabilité soulevées par conclusions n°4 de chacune des parties (postérieures à la clôture),
– débouter les consorts [D]-[Z] de leur demande de voir écarter les conclusions n°3 et pièces 52 à 59 des consorts [L]-[G] (qui viennent répondre in extremis aux conclusions n°3 et pièces 20 à 22 tardives des appelants),
à défaut, si les conclusions n°3 et pièces n°52 à 59 des concluants étaient écartées,
– écarter des débats les conclusions n°3 et pièces 20 à 22 tardives des consorts [D]-[Z],
sur la recevabilité des demandes,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables leurs demandes,
sur la responsabilité des consorts [D]-[Z],
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il retient la responsabilité des consorts [D] et [Z] sur le fondement de la garantie des vices cachés,
à titre subsidiaire,
– juger que les consorts [D] et [Z] ont manqué à leur obligation générale de loyauté, et partant engagent leur responsabilité à ce titre,
à titre infiniment subsidiaire,
– juger que leur consentement a été vicié par dol,
sur la réduction du prix de vente, préjudice de moins-value de l’immeuble,
– confirmer le jugement en ce qu’il retient l’existence de principe d’une moins-value du bien (réduction du prix de vente),
– réformer le jugement en ce qu’il limite leur indemnisation à la somme de 25 000 euros au titre de la moins-value (action estimatoire / réduction du prix de vente),
et statuant de nouveau,
– condamner les consorts [D] et [Z] à les indemniser à hauteur de 29 350 euros au titre de la moins-value du bien immobilier,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il fixe la moins-value à la somme de 25 000 euros,
– débouter les consorts [Z] -[D] de leur demande injustifiée de réduction du prix en deçà,
sur le préjudice de perte locative,
– condamner les consorts [D] et [Z] à les indemniser à hauteur de 450 euros par mois minimum, à compter du 5 février 2020 jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir, au titre de leur préjudice de perte locative,
sur le préjudice de jouissance,
– confirmer le jugement en ce qu’il retient l’existence d’un préjudice de jouissance sur 18 mois à hauteur de 5 000 euros,
sur le préjudice moral,
– réformer le jugement en ce qu’il les déboute de leur demande au titre de leur préjudice moral,
et statuant de nouveau,
– condamner les consorts [D] et [Z] à les indemniser à hauteur de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral,
sur les frais irrépétibles et dépens de première instance,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il condamne les consorts [D] et [Z] succombants aux frais irrépétibles exposés en première instance,
– réformer toutefois le jugement en ce qu’il limite les frais irrépétibles à la somme de 2 000 euros alors qu’il était justifié de frais irrépétibles plus élevés,
et statuant de nouveau,
– condamner les consorts [D] et [Z] succombants, à leur verser les sommes suivantes exposées en première instance au titre des frais irrépétibles :
*4 620 euros au titre des honoraires de leur conseil,
*773,76 euros au titre de l’établissement du rapport foncier produit en pièce n°2,
*264,09 euros au titre de l’établissement du constat d’huissier produit en pièce n°30,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il condamne les consorts [D] et [Z] succombants aux dépens de première instance (en ce compris 147,35 euros de signification de l’assignation, 13 euros de droits de plaidoirie et 182,74 de signification du jugement),
sur les frais irrépétibles et dépens d’appel,
– condamner les consorts [D] et [Z], succombants, à leur verser la somme forfaitaire de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
– condamner les consorts [D] et [Z], succombants, aux dépens d’appel en ce compris les 225 euros de timbre fiscal.
Ils font notamment valoir que :
– à titre liminaire, si leurs conclusions n°3 et pièces 52 à 59 produites en veille de clôture étaient écartées des débats, les conclusions n°3 et pièces 20 à 22 des consorts [Z]-[D] le seraient alors également. En effet, ces derniers ont conclu le vendredi 22 septembre 2023 à 18h03 avec de nouvelles pièces dont un constat d’huissier alors même que les dernières conclusions dataient du 05 novembre 2021. Le conseil des consorts [L]-[G] n’a pu y répondre que par conclusions responsives n°3 dans la soirée du 25 septembre 2023, in extremis, tout en sollicitant de bonne foi le report de la clôture au jour des plaidoiries.
– c’est à bon droit que le tribunal a retenu une interprétation restrictive de la clause litigieuse et par conséquent la recevabilité de l’action introduite par les consorts [G]-[L]. La notion de ‘nuisances d’environnement’ s’entend au sens de la protection de l’environnement, non au sens de troubles causés par le voisinage tels qu’en l’espèce avec des nuisances sonores et olfactives résultant de l’implantation d’un chenil clandestin à proximité.
– subsidiairement, si la cour estime que l’interprétation de la clause n’est pas claire et est sujette à interprétation, il conviendra de faire application de l’article 1602 du code civil qui dispose qu’en matière de droit spécial de la vente ‘tout l’acte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur.
– si par extraordinaire la cour estimait que la situation relève de l’exclusion contractuelle, il conviendra de faire application de l’exception prévue ‘sous réserve des dispositions d’ordre public’. Or l’article 1104 qui exige que les contrats soient négociés, formés et exécutés de bonne foi, est une disposition d’ordre public. En l’espèce, les vendeurs ont adopté un comportement malhonnête en dissimulant délibérément l’existence de nuisances. Mme [D] connaissait nécessairement les problèmes liés à l’exploitation du chenil clandestin du fait de sa qualité de président de l’ASL.
– les pièces démontrent que les vendeurs ne pouvaient ignorer le problème du chenil ni son ampleur. En outre, les aboiements sont plus intenses en soirée et la nuit, alors que le visites se sont déroulées en journée.
– sur l’information de la présence de chiens au cours d’une visite, il y a une réelle différence entre être informé de l’existence de chiens dans le voisinage, laissant penser à des animaux de compagnie des voisins, et celle portant sur l’existence d’un chenil clandestin avec un nombre conséquent d’animaux. Ce manquement des consorts [Z]-[D] à leur obligation de loyauté précontractuelle, d’ordre public justifie que la clause ‘Nuisances’ du contrat soit écartée. Cette clause est par ailleurs abusive et illicite, de sorte qu’elle sera réputée non écrite.
– sur la responsabilité des vendeurs sur le fondement des vices cachés, le débat se focalise en appel sur le caractère caché ou non du vice, dès lors que les appelants ne contestent les autres conditions de la garantie des vices cachés. Contrairement à ce qui est allégué, le chenil clandestin n’était absolument pas visible depuis la route, pas davantage que depuis la parcelle acquise. Il n’est donc pas rapporté la preuve qu’ils étaient en capacité d’apercevoir les animaux lors de leur visite et de constater les nuisances sonores et olfactives à cette occasion. En conséquence, les appelants ne rapportent pas la preuve d’un vice apparent et connu par les acquéreurs.
– Sur le vice notoire, la réalité et l’ampleur des nuisances altèrent l’habitabilité du bien quant à l’utilisation des extérieurs et de l’ouverture des fenêtres.
– s’ils avaient eu connaissances des troubles suffisants pour empêcher l’ouverture des fenêtres et limiter l’usage du jardin et de la piscine, ils n’auraient pas acquis le bien.
– de plus, le trouble n’a rien de normal, même en milieu rural.
– sur la persistance du vice, les appelants soutiennent désormais que le vice a cessé de sorte que cela démontre qu’ils admettent que celui-ci a existé, s’agissant d’un aveu judiciaire dont la cour prendra acte.
– par ailleurs, s’il existe effectivement une condition de persistance du vice, celle-ci s’analyse pour un immeuble sur le temps d’occupation de celui-ci depuis la vente litigieuse. L’absence de cessation des troubles pendant la période d’occupation des lieux par leurs soins est bien établie.
– d’autre part, même si le trouble avait cessé, la jurisprudence considère que la réparation du vice ne fait pas obstacle à l’indemnisation des préjudices subis du fait de ce vice. La cour confirmera le jugement en ce qu’il mobilise la garantie des vices cachés.
– a titre subsidiaire, ils sont bien fondés à solliciter de leurs vendeurs la réparation de leurs préjudices pour manquement de ceux-ci à leurs obligations précontractuelles d’information loyale et de renseignement exhaustif.
– à titre infiniment subsidiaire, ils sont bien fondés à solliciter la réparation de leurs préjudices sur le fondement du dol de leur cocontractants en vertu de l’article 1137 du Code civil, la réticence dolosive existant chaque fois que l’une des parties est tenue d’une obligation d’information déterminante pour l’acquéreur potentiel. En l’espèce, ils aspiraient à offrir un cadre paisible à leur famille car un couple avec enfants souhaitant s’installer dans un lotissement en zone rurale recherche la tranquillité paisible du bien. Or, à ce titre, la Cour de cassation a récemment jugé que la tranquillité d’un logement était acquise comme étant un élément déterminant pour tout achat immobilier et que la délivrance d’une information sur les nuisances dénoncées devait être loyale et complète. – les vendeurs avaient nécessairement connaissance des nuisances, depuis au moins l’année 2012, puisque de nombreuses démarches avaient été engagée à cette période par les voisins mitoyens.
– sur les préjudices, le quantum devra être rapporté à de plus justes proportions. Le rapport réalisé par Mme [T] est établi sur des critères objectifs et habituels d’appréciation de la valeur vénale du bien. L’avis de l’agence immobilière corrobore le rapport de l’expert foncier en fixant la moins-value à hauteur de 30 000 euros, de sorte qu’il y a lieu de réformer le jugement qui l’a limité à 25 000 euros.
– ils sont alors bien fondés à se prévaloir d’une perte locative de 450 euros par mois.
– Sur le préjudice moral, Mme [L] souffre d’une aggravation de son trouble anxieux depuis son emménagement dans le bien. Aussi c’est toute la famille qui a pâti moralement de la situation, justifiant une réparation à hauteur de 10 000 euros.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2023.
Aux termes de leurs conclusions n°4 notifiées le 26 septembre 2023, M. [Z] et Mme [D] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, 16 du code de procédure civile :
à titre liminaire,
– d’écarter des débats les conclusions n°3 communiquées par Mme [L] et M. [G] ainsi que les pièces n°52 à 59 produites à 22h54 le 25 septembre 2023, veille de l’ordonnance de clôture au visa de l’article 16 du code de procédure civile,
sur le fond,
– de réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 07 février 2020 en ce qu’il :
– a déclaré recevables les demandes de Mme [L] et de M. [G],
– les a déclarés en leur qualité de vendeurs, responsables du préjudice subi par Mme [L] et M. [G], acquéreurs, en raison de la non révélation d’un vice caché affectant le bien vendu,
– les a condamnés solidairement à payer à Mme [L] et M. [G] la somme de 25 000 euros au titre de l’action estimatoire et 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,
– les a condamnés solidairement à payer à Mme [L] et M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les a condamnés solidairement à payer les dépens,
en conséquence :
à titre principal :
– de juger que l’action introduite par Mme [L] et M. [G] est irrecevable en application des dispositions contractuelles,
– de rejeter l’ensemble des demandes formulées par Mme [L] et M. [G],
à titre subsidiaire :
– de constater le caractère apparent du vice allégué par Mme [L] et M. [G],
– de débouter Mme [L] et M. [G] de l’ensemble de leurs demandes,
à titre infiniment subsidiaire :
– de constater la régularisation de la situation par M. [N],
– de constater que la présence de ses chiens n’excède pas les sujétions normales de voisinage,
– de constater l’absence de trouble anormal de voisinage,
– de constater l’absence de préjudice,
en conséquence :
– de rejeter la demande d’indemnisation au titre de l’action estimatoire,
– de débouter Mme [L] et M. [G] de l’ensemble de leurs demandes,
en tout état de cause :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté Mme [L] et M. [G] de leur demande en réparation du préjudice moral,
– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
– de condamner solidairement M. [G] et Mme [L] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement M. [G] et Mme [L] aux entiers dépens dont distraction sera prononcée au bénéfice du cabinet ARCC conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Suivant de nouvelles écritures n°4 en date du 26 septembre 2023, M. [G] et Mme [L] demandent à la cour de :
à titre liminaire :
– déclarer irrecevables les conclusions n°4 des appelants sollicitant après la clôture d’écarter des débats les conclusions n°3 et pièces 52 à 59 des concluants (qui viennent répondre in extremis aux conclusions n°3 et pièces 20 à 22 tardives des appelants),
subsidiairement,
– révoquer la clôture et la reporter au jour des plaidoiries le 10 octobre 2023 afin d’examiner les demandes d’irrecevabilité soulevées par conclusions n°4 de chacune des parties (postérieures à la clôture),
– débouter les consorts [D]-[Z] de leur demande de voir écarter les conclusions n°3 et pièces 52 à 59 des consorts [L]-[G] (qui viennent répondre in extremis aux conclusions n°3 et pièces 20 à 22 tardives des appelants),
à défaut, si les conclusions n°3 et pièces n°52 à 59 des concluants étaient écartées,
– écarter des débats les conclusions n°3 et pièces 20 à 22 tardives des consorts [D]-[Z],
sur la recevabilité des demandes,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables leurs demandes,
sur la responsabilité des consorts [D]-[Z],
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il retient la responsabilité des consorts [D] et [Z] sur le fondement de la garantie des vices cachés,
à titre subsidiaire,
– juger que les consorts [D] et [Z] ont manqué à leur obligation générale de loyauté, et partant engagent leur responsabilité à ce titre,
à titre infiniment subsidiaire,
– juger que leur consentement a été vicié par dol,
sur la réduction du prix de vente, préjudice de moins-value de l’immeuble,
– confirmer le jugement en ce qu’il retient l’existence de principe d’une moins-value du bien (réduction du prix de vente),
– réformer le jugement en ce qu’il limite leur indemnisation à la somme de 25 000 euros au titre de la moins-value (action estimatoire / réduction du prix de vente),
et statuant de nouveau,
– condamner les consorts [D] et [Z] à les indemniser à hauteur de 29 350 euros au titre de la moins-value du bien immobilier,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il fixe la moins-value à la somme de 25 000 euros,
– débouter les consorts [Z] -[D] de leur demande injustifiée de réduction du prix en deçà,
sur le préjudice de perte locative,
– condamner les consorts [D] et [Z] à les indemniser à hauteur de 450 euros par mois minimum, à compter du 5 février 2020 jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir, au titre de leur préjudice de perte locative,
sur le préjudice de jouissance,
– confirmer le jugement en ce qu’il retient l’existence d’un préjudice de jouissance sur 18 mois à hauteur de 5 000 euros,
sur le préjudice moral,
– réformer le jugement en ce qu’il les déboute de leur demande au titre de leur préjudice moral,
et statuant de nouveau,
– condamner les consorts [D] et [Z] à les indemniser à hauteur de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral,
sur les frais irrépétibles et dépens de première instance,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il condamne les consorts [D] et [Z] succombants aux frais irrépétibles exposés en première instance,
– réformer toutefois le jugement en ce qu’il limite les frais irrépétibles à la somme de 2 000 euros alors qu’il était justifié de frais irrépétibles plus élevés,
et statuant de nouveau,
– condamner les consorts [D] et [Z] succombants, à leur verser les sommes suivantes exposées en première instance au titre des frais irrépétibles :
*4 620 euros au titre des honoraires de leur conseil,
*773,76 euros au titre de l’établissement du rapport foncier produit en pièce n°2,
*264,09 euros au titre de l’établissement du constat d’huissier produit en pièce n°30,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il condamne les consorts [D] et [Z] succombants aux dépens de première instance (en ce compris 147,35 euros de signification de l’assignation, 13 euros de droits de plaidoirie et 182,74 de signification du jugement),
sur les frais irrépétibles et dépens d’appel,
– condamner les consorts [D] et [Z], succombants, à leur verser la somme forfaitaire de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
– condamner les consorts [D] et [Z], succombants, aux dépens d’appel en ce compris les 225 euros de timbre fiscal.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il doit être liminairement observé que les intimés ne soulèvent pas dans leurs différentes écritures l’erreur figurant dans le dispositif des conclusions des appelants relative à la date du jugement déféré.
Sur la recevabilité de conclusions et pièces
Dès le 16 mars 2023, les parties ont été avisées de la fixation de la date de l’ordonnance de clôture au 23 septembre 2023.
Les conclusions déposées antérieurement à la date de la clôture des débats sont par principe recevables sauf pour la partie qui soulève leur irrecevabilité à démontrer les circonstances particulières qui l’ont empêchée d’y répondre et donc l’absence de respect des droits de la défense ainsi que du principe de la contradiction (2ème Civ, 27 mai 2004, n°02-16.601).
Il convient de constater que M. [Z] et Mme [D] ont été en mesure de répondre le jour du prononcé de l’ordonnance de clôture aux conclusions de M. [G] et Mme [L] déposées la veille.
En conséquence, les appelants seront déboutés en ce qu’ils sollicitent que soient écartées des débats les conclusions n°3 communiquées par Mme [L] et M. [G] ainsi que les pièces n°52 à 59.
Au regard de l’existence d’un motif grave, en l’occurrence la nécessité de respecter la contradiction, il y a lieu de faire droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture présentée par les intimés.
En conséquence, l’ensemble des conclusions déposées par les parties ainsi que les pièces communiquées tant le jour de l’ordonnance de clôture que postérieurement seront déclarées recevables.
Sur le vice caché
Sur la recevabilité de l’action
En page 10 de la promesse de vente du 10 avril 2018 a été insérée la clause aux termes de laquelle ‘sous réserve des dispositions d’ordre public, l’acquéreur fera son affaire personnelle, sans recours contre le vendeur, de toutes nuisances d’environnement (risque de pollution, risques technologiques ou agricoles etc…) pouvant affecter l’immeuble présentement vendu’.
Aucune référence à un critère de gravité ne figure dans cette clause.
Cette stipulation contractuelle n’a pas été reprise dans l’acte authentique de vente du 14 juin 2018.
Si la nomenclature 2120 relative à l’élevage, la vente, le transit, la garde, la détention, le refuge, la fourrière de chiens indique effectivement que cette activité constitue une installation classée, cela signifie simplement que l’exploitant doit respecter un certain nombre de normes environnementales dans le cadre de l’exercice de son activité.
L’action intentée par M. [G] et Mme [L] est totalement étrangère au respect par le responsable du chenil des obligations prévues tant par le Code rural que celui de l’environnement.
Ainsi, ni la question d’un éventuel trouble anormal de voisinage ni celle relative à l’existence d’un vice caché, qui fait d’ailleurs l’objet d’une stipulation contractuelle distincte dans l’acte de vente, ne sont concernés par la clause susvisée.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris ayant déclaré recevable l’action intentée par M. [G] et Mme [L].
Sur son existence
Il résulte des dispositions de l’article 1641 du Code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
L’article 1642 du même code dispose que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
Mme [Z] a été présidente de l’association syndicale libre (ASL) ‘[Adresse 7]’ dont dépend le bien immobilier vendu à M. [G] et Mme [L].
Dès le mois de février 2012, l’existence de troubles du voisinage résultant du bruit et des odeurs provenant de l’exploitation animale de M. [N] a été clairement évoquée par les adhérents de l’association comme le démontre la lecture du courrier de l’organisme Francelot du 03 février 2012.
A plusieurs reprises, les membres de l’ASL ont effectué diverses démarches afin de faire cesser les nuisances auditives et olfactives provenant du chenil qui est implanté sur une parcelle voisine.
Ainsi, une lettre de plusieurs riverains, signés par M. et Mme [Z], a été adressé le 12 août 2014 au Maire de la commune de [Localité 8] et au préfet de la Gironde afin de ‘faire cesser les atteintes permanentes (du chenil) à la tranquillité et à l’ordre public’. Y sont dénoncés la perturbation du voisinage liée à la présence de nombreux chiens qualifiés de bruyants et également le désagrément occasionné par des odeurs incommodantes.
Cette correspondance fait également référence à un précédent courrier adressé aux mêmes autorités au cours de l’année 2013.
Les membres de l’ASL ont confirmé la situation dénoncée dans les attestations que M. [G] et Mme [L] versent aux débats ([I], Kilt) mais également celles d’un voisin immédiat de l’exploitant.
Selon notamment Mme [K], voisine de Mme [Z], cette dernière lui aurait clairement fait part, avant la vente de sa propriété, des nuisances provoquées par le chenil.
Les services de gendarmerie mais également de la protection des animaux (SPA) se sont déplacés sur les lieux de l’exploitation animale le 27 juillet 2018. Seule une vérification des conditions de vie des chiens et de régularité de l’élevage sur le plan administratif a été opérée.
Depuis leur acquisition du bien immobilier, M. [G] et Mme [L] ont enregistré un nombre significatifs d’aboiements intempestifs consignés dans le procès-verbal de constat dressé par Me [M] le 16 octobre 2019.
Dans un courriel du 05 février 2021, une responsable de la direction départementale de la protection des populaires indique que, lors d’un contrôle du chenil effectué le 06 novembre 2018, ont été constatés :
– une présence de 19 chiens ;
– l’existence d’aboiements intempestifs tout au long de la visite de ses services ;
– l’installation de l’activité à moins de 100 mètres des habitations ;
– l’absence de ramassage des déjections des animaux mais également de nettoyage et d’entretien de l’exploitation.
Ainsi, les nuisances sonores et olfactives liées à la présence du chenil étaient bien présentes à la date de la transaction.
L’attestation de M. [S] fait apparaître que M. [N] ne tient pas réellement compte des avertissements reçus par les services préfectoraux, municipaux et les démarches initiées par ses voisins. Les désagréments pour le voisinage sont donc réguliers et anciens.
Les appelants considèrent que la présence du chenil et les inconvénients de cette situation étaient nécessairement connus des acquéreurs à la date où ils ont signé tant la promesse que l’acte authentique de vente de sorte qu’ils ne peuvent alléguer l’existence d’un vice caché qui leur aurait été dissimulé pour faire échec à la clause d’exonération insérée à l’acte authentique du 14 juin 2018 et obtenir une diminution du montant du prix de l’immeuble.
Il est acquis que M. [G] et Mme [L] ont visité le bien immobilier de M. [Z] et Mme [D] à plusieurs reprises.
La lecture du courriel adressé le 09 juillet 2018 à M. [Y] [G] par M. [Z] fait apparaître que ce dernier n’a pas informé les acquéreurs de l’existence même de l’élevage et de l’ampleur des désagréments occasionnés par celui-ci.
En effet, l’appelant précise de manière inexacte à son destinataire, certes postérieurement à la date de la vente, qu’il ‘n’avait pas connaissance des actions menées contre l’élevage’. Cette affirmation apparaît en contradiction avec les éléments relevés ci-dessus.
De plus, aucune information de M. [G] et Mme [L] relative à la présence du chenil et les incidences de cette situation n’a été apportée par les vendeurs tant dans la promesse que dans l’acte de vente.
La localisation précise de l’élevage de chiens sur la propriété de M. [N] et donc la possibilité pour les acquéreurs d’appréhender leur existence lors de leurs diverses visites du bien immobilier appartenant à M. [Z] et Mme [D] fait l’objet d’un débats entre les parties.
Si la présence d’une partie des animaux est visible sur la gauche du grand portail de la propriété de l’éleveur comme l’indique le compte-rendu des opérations de vérification effectuées par les gendarmes et la SPA, une autre partie des chiens se trouvait au fond d’un grand enclos de sorte qu’il n’est pas établi que des personnes extérieures puissent les apercevoir. De même, le maire de la commune de [Localité 8] atteste que l’activité d’élevage des chiens, qu’elle qualifie de clandestine, n’est pas visible depuis :
– la route qui se trouve devant le domicile de M. [N].
– et la propriété anciennement détenue par les appelants.
L’absence de toute constatation d’aboiements intempestifs dans le procès-verbal dressé les 13 et 22 septembre 2023 par l’huissier de justice mandaté par M. [Z] et Mme [D] n’apparaît pas significative au regard de la courte période au cours de laquelle l’officier ministériel est demeuré sur la propriété de ses mandants (40 minutes au total lors de deux matinées).
En conséquence, les nuisances auditives et olfactives liées à la présence des chiens constituent un vice caché affectant la maison dans son habitabilité au point d’en diminuer notablement l’usage.
Ces vices étaient connus de M. [Z] et Mme [D] à la date de conclusion de la vente de sorte qu’ils ne peuvent se prévaloir de la clause d’exclusion prévue à l’acte du 14 juin 2018.
Il est ainsi démontré que M. [G] et Mme [L] n’auraient pas acquis le bien immobilier appartenant à M. [Z] et Mme [D] ou en auraient offert qu’un moindre prix s’ils avaient connu l’existence de ce vice. Le jugement de première instance sera donc confirmé sur ce point.
Sur l’action estimatoire
Aux termes des dispositions de l’article 1644 du Code civil, les acquéreurs ont le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
M. [G] et Mme [L] ont sollicité le cabinet [T], expert immobilier près la présente cour, pour apprécier la moins-value de leur propriété en raison des nuisances réitérées provoquées par le chenil de M. [N].
Mme [T] a visité les lieux et établi un rapport le 10 octobre 2018 aux termes duquel la perte financière subie par les acquéreurs, qualifiée improprement de préjudice de jouissance, est évaluée à la somme de 29 350 euros. Elle précisera dans une correspondance du 27 novembre 2019 que le chiffre retenu était bien une moins-value.
Certes, cette expertise amiable, régulièrement versée aux débats, n’a pas été réalisée contradictoirement. Elle ne constitue cependant pas le seul élément de preuve produit par M. [G] et Mme [L].
En effet, le cabinet Safti a estimé en octobre 2019 que la moins-value représente la somme de 30 000 euros après avoir versé un comparatif des biens immobiliers vendus sur le secteur et constaté que, si la propriété anciennement détenue par M. [Z] et Mme [D] présentait certains atouts, le critère relatif au bruit était qualifié de mauvais. Ce document vient donc corroborer l’expertise amiable de Mme [T].
En conséquence, et au regard de la persistance des nuisances comme l’atteste le maire de la commune, il convient de chiffrer à la somme de 29 350 euros la partie du prix dont sont redevables M. [Z] et Mme [D]. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes de M. [G] et Mme [L]
Aux termes des dispositions de l’article 1645 du Code civil, le vendeur non professionnel est tenu, outre la restitution du prix de vente, de tous les dommages et intérêts envers les acquéreurs à la condition de démontrer sa connaissance du vice affectant la chose vendue.
Sur le préjudice de jouissance
Contrairement à ce qu’affirment les appelants, la présence de chiens à proximité immédiate de la propriété de M. [G] et Mme [L] n’a pas disparu comme l’atteste le maire de la commune concernée.
Le tribunal, par des motifs clairs et pertinents que la cour adopte et en raison de la persistance des nuisances durant la période d’occupation du bien, a chiffré le préjudice de jouissance de M. [G] et Mme [L] à la somme de 5 000 euros.
Sur la perte locative
M. [G] et Mme [L] ont quitté la propriété acquise auprès de M. [Z] et Mme [D] à compter du début de l’année 2020. Ils estiment que la présence du chenil et les nuisances qu’il génèrent entraînent la diminution du montant du loyer de leur bien immobilier.
Les documents remis par l’agence Morpan Immobilier établissent que le revenu locatif pouvant être attendu par les propriétaires des biens immobiliers situés dans le périmètre de l’ASL est de 1 500 euros. Ils contredisent ceux bien plus succins établis par l’agence Evolution Immobilier.
Le bail souscrit par M. [G] et Mme [L] le 05 février 2020 a mis à la charge du locataire le paiement d’un loyer mensuel de 1 500 euros.
En l’état et compte-tenu également des aléas inhérents au marché locatif, ce préjudice n’apparaît pas suffisamment établi.
Sur le préjudice moral
Le certificat médical établi le 03 octobre 2019 par le médecin psychiatre qui suit Mme [L] depuis l’année 2015 fait apparaître que le trouble ancien vécu par la patiente a été réactivé par les désagréments causés par la présence du chenil et le retentissement sur ses conditions de vie.
Le couple a déménagé au début de l’année 2020 de sorte que les perturbations liées à cette situation ont cessé.
En l’absence d’autres éléments, il convient de chiffrer le préjudice moral de Mme [L] à la somme de 2 000 euros et de rejeter la demande présentée à ce titre par M. [G] qui n’est étayée par aucune pièce versée aux débats.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Outre la somme mise à la charge de M. [J] [Z] et Mme [C] [D] en première instance, il y a lieu en cause d’appel de les condamner au versement à M. [Y] [G] et Mme [B] [L], ensemble, d’une indemnité complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
– Rejette la demande présentée par M. [J] [Z] et Mme [C] [D] tendant à obtenir le rejet des conclusions n°3 ainsi que les pièces numérotées 52 à 59 communiquées par M. [Y] [G] et Mme [B] [L] ;
– Rejette la demande présentée par M. [Y] [G] et Mme [B] [L] tendant à déclarer irrecevables les conclusions numéro 4 communiquées par M. [J] [Z] et Mme [C] [D] ;
– Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture ;
– Infirme le jugement rendu le 18 février 2020 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’il a :
– condamné solidairement M. [J] [Z] et Mme [C] [D] à verser à M. [Y] [G] et Mme [B] [L] la somme de 25 000 euros au titre de l’action estimatoire ;
– rejeté la demande présentée par Mme [B] [L] au titre de l’indemnisation de son préjudice moral ;
et, statuant à nouveau dans cette limite :
– Condamne M. [J] [Z] et Mme [C] [D] à verser à M. [Y] [G] et Mme [B] [L], ensemble, la somme de 29 350 euros au titre de la réduction du prix de vente du bien immobilier ;
– Condamne M. [J] [Z] et Mme [C] [D] à verser à Mme [B] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice moral ;
– Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant ;
– Rejette la demande présentée par M. [Y] [G] et Mme [B] [L] au titre de l’indemnisation d’un préjudice locatif ;
– Condamne M. [J] [Z] et Mme [C] [D] à verser à M. [Y] [G] et Mme [B] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
– Condamne M. [J] [Z] et Mme [C] [D] au paiement des dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,