Nuisances sonores : décision du 14 novembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/04192

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Nuisances sonores : décision du 14 novembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/04192
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 14 NOVEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/04192 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OWQD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 SEPTEMBRE 2020

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERPIGNAN

N° RG 18-000567

APPELANTS :

Madame [O] [B] épouse [Y]

née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Christine RESPAUT de la SCP CHRISTINE RESPAUT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Monsieur [F], [D], [X] [Y]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté par Me Christine RESPAUT de la SCP CHRISTINE RESPAUT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Madame [V] [E] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1961 à

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentée par Me Clémence BELLOT de la SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Richard DUVAL, avocat au barreau PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Monsieur [R] [I]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 12]- BELGIQUE

décédé le [Date décès 5] 2022

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représenté par Me Clémence BELLOT de la SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

assisté de Me Richard DUVAL, avocat au barreau PYRENEES-ORIENTALES,

INTERVENANTE :

Madame [V] [E] épouse [I] tant en son nom personnel qu’ès-qualités de seule héritière de M. [R] [I] décédé le [Date décès 5] 2022

née le [Date naissance 2] 1961

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représenté par Me Clémence BELLOT de la SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

assisté de Me Richard DUVAL, avocat au barreau PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 04 Septembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 SEPTEMBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

* *

FAITS et PROCÉDURE ‘ MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 1er février 2016, Mme. [O] [Y] a donné à bail aux époux [I] une villa située à [Localité 11] moyennant un loyer mensuel de 1 000 € outre 20 € de provision sur charges et un dépôt de garantie de 1 150 €.

Fin mai 2017, les époux [Y] ont obtenu le permis de construire pour la parcelle située à l’arrière du bien loué et les locataires ont demandé de repousser les travaux de construction postérieurement à la période estivale, ce qui a été fait.

Les locataires ont quitté les lieux le 15 janvier 2018 suivant courrier annonçant leur départ en date du 4 janvier 2018.

Le 9 avril 2018, les époux [I] ont assigné les époux [Y] aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à leur payer 6 984 € de dommages-intérêts en indemnisation des préjudices consécutifs aux troubles générés par le chantier de construction d’une maison que les époux [Y] ont mis en ‘uvre sur le terrain attenant au logement loué et donc ils sont aussi propriétaires, 575 € au titre d’un trop versé locatif, 1 150 € en restitution du dépôt de garantie, assortis de la majoration légale de 10 % par mois et 2 000 € en compensation des frais irrépétibles.

Les époux [Y] ont conclu au débouté des demandes et ont sollicité reconventionnellement la condamnation des époux [I] à leur payer une somme de 3 204, 83 €, correspondant au montant restant dû au titre du bail, outre 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement statuant en premier ressort et rendu contradictoirement le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan:

Condamne les époux [Y] à payer aux époux [I] la somme de 656,50 € majorée de 65,65 € pour chaque période mensuelle commencée sans paiement, à compter du 16 février 2018.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne les défendeurs principaux à payer aux demandeurs principaux la somme de 2 000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le jugement rappelle les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et des articles 1719 et suivants du code civil et expose que si le bailleur est tenu d’assurer au locataire une jouissance paisible des lieux donnés en location, les époux [Y] avaient le droit de construire sur leur terrain attenant au logement loué dès lors qu’il n’est pas prouvé qu’ils s’étaient engagés à ne pas le faire ou à le différer. Il ajoute que les époux [Y] ne seraient donc être déclarés responsables des troubles causés par le chantier qu’à la condition que celui-ci ait causé des troubles anormaux de voisinage excédant les inconvénients habituels de la construction d’une maison.

Le premier juge considère que rien ne démontre que les troubles aient été inhabituels tant dans leur intensité que leur durée et qu’au contraire, il est démontré que le chantier a été différé de l’été 2017 au mois de novembre 2017, et que les travaux les plus bruyants ont peu duré.

Le jugement expose qu’il n’est pas établi que les dispositions légales et réglementaires d’exécution matérielle des travaux applicables en la matière n’aient pas été généralement respectées.

Le premier juge déboute donc les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes en dommages et intérêts.

Le jugement relève sur les demandes reconventionnelles que la somme réclamée par les bailleurs correspond au loyer durant le préavis alors qu’en acceptant le départ des locataires, avec remise des clés et état des lieux de fin de bail, les bailleurs avaient accepté de faire cesser le bail le 15 janvier 2018.

Il retient que dès lors, les locataires sont débiteurs du loyer du mois de janvier 2018 seulement du 1er au 15 janvier soit pour 493, 50 € tandis que les bailleurs sont redevables du dépôt de garantie de 1 150 € et qu’après compensation les bailleurs restent donc devoir la somme de 656, 50 € devant être assortie de la majoration prévue par l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989.

Le jugement enfin écarte la demande de condamnation solidaire des bailleurs au motif qu’il n’est pas suffisamment établi que la solidarité des bailleurs ait été contractuellement prévue.

Les époux [Y] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 6 octobre 2020.

Le [Date décès 5] 2022, M. [R] [I] est décédé.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 4 septembre 2023.

Les dernières écritures pour les époux [Y] ont été déposées le 27 février 2023.

Les dernières écritures pour Mme. Mme. [V] [I] tant en son nom personnel qu’en qualité de seule héritière de [R] [I] ont été déposées le 28 août 2023.

Dans leurs dernières écritures les époux [Y] demandent :

Vu les articles 15 et 22 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les

rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986,

Vu les pièces produites,

Prendre acte que Mme. [V] [I] intervient seule en sa qualité d’héritière de [R] [I].

Infirmer le jugement dont appel.

Condamner Mme. [V] [I] à la somme de 3 204, 83 € au titre des loyers et charges exigibles du 1er janvier 2018 au 12 avril 2018, les époux [Y] conservant le dépôt de garantie sans pénalité.

Condamner Mme. [V] [I] au paiement de 2 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les époux [Y] contestent l’irrégularité de leur déclaration d’appel soulevée par l’intimée puisque selon eux, les chefs du jugement critiqués apparaissent clairement et sans ambiguïté dans leur déclaration d’appel.

En tout état de cause ils font valoir que les intimées ont pu conclure en réponse en formant appel incident et sans saisir le conseiller de la mise en état.

Les époux [Y] font valoir que les époux [I] ont donné un préavis d’un mois aux bailleurs, en violation de la loi puisqu’ils n’ont pas précisé le motif invoqué pour réduire le préavis et que si leur conseil indique que les travaux ne sont pas supportables pour les locataires qui ont une santé fragile, aucun document de nature à réduire le préavis n’est joint au courrier notifiant le congé.

Ils soutiennent que le certificat médical qui est produit aujourd’hui par l’intimée ne permet pas de justifier a posteriori un motif de congé réduit.

Les époux [Y] ajoutent que le point de départ du préavis court à compter du jour de la date de réception du congé, soit le 12 janvier 2018.

Ils contestent par ailleurs avoir accepté le départ des locataires pour le 15 janvier 2018, sans préavis et affirment que la seule remise des clés acceptée du bailleur ne vaut pas renonciation de celui-ci au préavis de trois mois dû par le locataire.

Ils font valoir que les échanges de SMS versés aux débats ne démontrent pas de renonciation expresse des bailleurs à se prévaloir du préavis légal et ils précisent que la photographie versée aux débats par les locataires afin de démontrer qu’ils auraient remis le bien en location dès le 9 janvier ne mentionne ni l’adresse du bien, ni la date de publication de l’annonce.

Les époux [Y] en déduisent que, faute d’avoir produit de certificat médical au moment de la délivrance du congé pour justifier d’un préavis réduit, les locataires ne pouvaient s’exonérer des loyers et charges du 12 janvier 2018 au 12 avril 2018.

En ce qui concerne le dépôt de garantie, les époux [Y] font valoir que les locataires ont une dette envers eux de 4 354, 83 €, supérieure au montant du dépôt de garantie qui se trouve donc absorbé par les loyers et charges dus par les locataires comme le prévoit l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989.

En outre, les appelants soulignent que la restitution du dépôt de garantie n’est possible que si le locataire a fait connaître l’adresse de son nouveau domicile au bailleur, ce que les époux [I] n’avaient pas fait si bien que la pénalité de 10 % ne peut en tout état de cause s’appliquer.

Les époux [Y] contestent par ailleurs l’existence d’un préjudice de jouissance pour les intimés.

Ils affirment qu’ils ont informé les locataires des travaux envisagés, correspondant à un projet de longue date et que ces derniers n’ont d’ailleurs manifesté aucun désaccord si ce n’est en indiquant qu’ils ne souhaitaient pas être gênés pendant la période estivale par les bruits et la poussière, raison pour laquelle les bailleurs ont reporté en novembre les travaux, comme l’atteste le gérant de la société en charge des travaux.

Les appelants exposent que la notion de vice caché n’est pas applicable en l’espèce puisque les locataires étaient parfaitement informés des travaux.

Les époux [Y] soulignent que dans son attestation la fille des époux [I] indique que ses parents avaient remarqué le terrain nu lors de la prise à bail et que les propriétaires s’étaient engagés à ne rien faire dessus avant leur retraite si bien que les locataires ne peuvent donc affirmer ne pas avoir su que des travaux allaient être réalisés dans le futur.

Ils ajoutent que les SMS versés aux débats par Mme. [V] [I] se contentent de reproduire les dires de celle-ci sur les prétendus propos tenus par les appelants lors de la première visite et n’ont donc pas de valeur probante.

En tout état de cause, pour les appelants il n’est pas démontré que la durée du bruit causé par les travaux aurait été disproportionnée dans le temps, ces derniers ayant débuté en novembre 2017 et les opérations de terrassement ayant duré seulement deux jours.

Ils arguent que le constat d’huissier de justice en date du 1er décembre 2017, ne fait état d’aucun bruit et ne relève pas plus de caractère disproportionné des nuisances.

Ils ajoutent que les travaux étaient effectués en journée, durant les horaires de travail habituels et que si le bruit avait été insupportable, d’autres voisins se seraient plaints et que ceux qui ont témoigné lors de cette procédure ne relèvent pas de bruit manifestement disproportionné mais des dérangements normaux liés à toute construction.

Les appelants avancent que Mme. [V] [I] ne peut pas non plus se prévaloir de la durée excessive des travaux puisque dès décembre 2017, les fondations avaient été coulées et que les locataires ont déménagé alors même que les travaux n’étaient pas achevés. En outre, ils font valoir que jamais avant la délivrance du congé, les locataires n’avaient contacté les bailleurs pour se plaindre d’une gêne due aux travaux.

Enfin les époux [Y] précisent qu’ils avaient bien obtenu un permis de construire et que le fait qu’ils ne l’aient pas affiché sur le chantier est hors sujet puisqu’en leur qualité de locataire, les époux [I] n’auraient pas pu contester le permis.

Dans ses dernières écritures Mme. [V] [I] demande:

Vu les dispositions des articles 901, 954 et 961 du CPC

Dire que la cour n’est saisie d’aucun chef de la décision attaquée du fait de l’appel interjeté par les époux [Y].

En conséquence, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté les époux [I] de leur demande en paiement formée à l’encontre des époux [Y].

Dire et juger les époux [I] recevables en leur appel incident de ces chefs,

Condamner solidairement les époux [Y] au paiement de 6 984 € en réparation du préjudice subi.

Condamner solidairement les époux [Y] au remboursement du dépôt de garantie de 1 150 € outre 115 € par mois de retard qui devra être réglée à compter du 16 février 2018 pour chaque période mensuelle commencée et jusqu’à complet paiement.

Si d’aventure la Cour s’estimait saisie de l’appel des époux [Y]

Débouter les époux [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

En toutes hypothèses

Condamner solidairement les époux [Y] à une somme complémentaire de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais en cause d’appel, outre les entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile .

Mme. [V] [I] soutient que l’appel des époux [Y] est irrecevable puisque leur déclaration d’appel n’énonce pas les chefs du jugement critiqué. Elle rappelle que la jurisprudence retient que si la déclaration se borne à solliciter la réformation ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumère et ne comporte que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge, la cour d’appel n’est saisie d’aucun chef du dispositif du jugement. Selon Mme. [V] [I], la déclaration d’appel des époux [Y] se contente de rappeler les prétentions des parties devant le premier juge.

Subsidiairement sur le fond, Mme. [V] [I] soutient qu’elle a subi, avec son défunt époux, un trouble de jouissance en raison de l’existence de travaux effectués sur le terrain appartenant aux bailleurs et situé de manière contiguë au logement qu’ils occupaient. Elle fait valoir que les travaux commençaient à 8 heures du matin avec des marteaux piqueurs et des masses.

Elle affirme que lors de la prise à bail des lieux, aucun projet de construction ne leur avait été indiqué et qu’aucune des attestations versées aux débats par les appelants n’indique que les locataires des époux [Y] auraient eu connaissance de cet élément, seuls les propos des bailleurs étant rapportés.

Mme. [V] [I] conteste l’existence d’un décalage d’intervention et ajoute qu’aucun panneau de permis de construire n’a été mis en place à proximité du chantier et que rien ne lui permettait donc de savoir que des travaux allaient être réalisés.

Mme. [V] [I] soutient avoir subi avec son époux des nuisances du fait des travaux.

Elle précise qu’outre le bruit, les ouvriers n’hésitaient pas à franchir les haies pour uriner dans les propriétés attenantes, et les camions de livraisons passaient très tôt le matin.

Elle ajoute que plusieurs voisins attestent du bruit et de la durée longue des travaux.

Mme. [V] [I] fait valoir que l’attestation de M. [N] qui indique que les locataires avaient effectués de nombreux achats pour améliorer la maison, démontre qu’ils comptaient y rester sur une longue période puisque au moment de la prise des lieux, la bailleresse leur avait soutenu qu’aucun ouvrage ne serait construit sur la parcelle voisine avant leur retraite.

Mme. [V] [I] fait valoir qu’elle n’a jamais dénié aux époux [Y] le droit de construire mais que ces derniers n’ont pas respecté leur engagement de ne pas le faire avant leur départ en retraite.

Selon Mme. [V] [I] c’est du fait de ce trouble de jouissance et du trouble porté à la santé de M. [R] [I] qu’ils ont dû quitter les lieux et il y a donc un manquement contractuel qui doit être sanctionné.

Mme. [V] [I] affirme que la situation a généré un préjudice important pour elle et son époux. Elle fait valoir que dès le début des travaux, M. [R] [I] n’a pas pu se reposer efficacement malgré sa maladie. Elle estime donc qu’elle est fondée à solliciter une indemnisation pour le trouble de jouissance ainsi que pour les frais du déménagement qu’ils ont dû organiser en catastrophe et pour le préjudice subi du fait que leur nouveau logement n’est pas à la hauteur de ce qu’ils souhaitaient.

Mme. [V] [I] sollicite par ailleurs la confirmation du jugement en ce qui concerne le préavis.

Elle fait valoir que l’absence de jouissance paisible des lieux empêche les bailleurs de se prévaloir d’un préavis de trois mois et qu’en tout état de cause, les échanges de SMS produits aux débats montrent que le départ avait été accepté par les bailleurs pour le 15 janvier sans préavis. Elle souligne que les époux [Y] ont accepté la restitution des locaux avec état des lieux le 15 janvier 2018 et ne peuvent plus par la suite prétendre à un préavis de trois mois. Mme. [V] [I] précise que c’est l’état de santé de M. [R] [I] qui a nécessité leur départ immédiat, situation totalement acceptée par les bailleurs puisqu’ils avaient, au moins dès le 9 janvier, remis le bien en location sur le site internet leboncoin.

Mme. [V] [I] sollicite donc la restitution du dépôt de garantie et conteste le quantum retenu par le premier juge à ce titre. Elle fait valoir que le premier juge a parfaitement apprécié le manquement des propriétaires à leur obligation de restitution de cette somme mais qu’il n’a pas bien appliqué la majoration de 10 % qui ne concerne pas le montant des sommes dues mais bien 10 % du montant du loyer mensuel en principal soit, 115 € par mois de retard en l’espèce.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel des époux [Y]:

En application de l’article 901-4° du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, à peine de nullité de la déclaration d’appel, la déclaration d’appel doit indiquer les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Ces dispositions sont applicables à la présente instance.

Il ressort des pièces de la procédure et en particulier de la déclaration d’appel faite par les époux [Y] le 6 octobre 2020 que l’objet/ portée de l’appel est mentionné comme il suit ( en reprenant littéralement les termes de la déclaration) :

« Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

Appel est interjeté sur les points suivants: 1°/ En ce que le tribunal a dit que c’est à tort que les bailleurs sollicitaient le règlement du loyer pendant le délai de préavis…

2°/ En ce que le tribunal a dit que le solde de dépôt de garantie s’élevait à 656,50 et qu’il était assorti de la majoration prévue à l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 ‘.et par voie de conséquence en ce qu’il a condamné les époux [O] et [F] [Y] à payer à [R] [I] et à [V] [E] la somme de 656,50 € majorée de 65,50 € pour chaque période mensuelle commencée sans paiement à compter du 16 février 2016 ».

Il ressort donc de la lecture de la déclaration d’appel qu’elle contient bien contrairement à ce que soutient Mme. [V] [I] les chefs de jugement expressément critiqués, si bien que l’effet dévolutif de l’appel peut s’opérer et que la cour est valablement saisie.

Sur le préjudice de jouissance:

Il est constant que par contrat de location en date du 1er février 2016 Mme. [O] [Y] a loué à M. et Mme. [I] une maison située [Adresse 6] à [Localité 11].

La cour relève que nonobstant la rédaction d’un bail au seul nom de Mme. [O] [Y], les parties ne contestent pas la qualité de bailleur revendiquée également par M. [F] [Y].

Il n’est pas non plus contesté qu’à partir de novembre 2017 les époux [Y] ont entrepris des travaux de construction d’une maison sur la parcelle mitoyenne du logement loué aux époux [I] cette parcelle leur appartenant également.

Les époux [I] fondent leur action en indemnisation sur une atteinte à leur jouissance paisible du fait des travaux de construction réalisés par leur bailleur.

Comme retenu par le premier juge le dommage supposé étant intervenu dans le cadre d’un contrat de bail d’habitation c’est la seule responsabilité contractuelle du bailleur qui a vocation à s’appliquer, régie par les articles 1709 à 1727 du code civil et par la loi du 6 juillet 1989, étant précisé que le contrat de bail du 1er février 2016 ne contient aucune disposition particulière relative à des travaux à venir sur la parcelle contiguë au bien loué.

Il n’est pas plus rapporté la preuve que les parties se soient accordés même verbalement à la conclusion du bail ou en cours de bail sur les dits travaux de construction et notamment sur la date de leur réalisation.

En application de l’article 1719 du code civil, et de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 le bailleur est tenu à une obligation d’assurer la jouissance paisible du logement.

Dans ce cadre-là le bailleur est tenu de garantir son locataire des troubles que lui-même ou certaines personnes dont il doit répondre pourraient lui causer et dans le cas présent le bailleur doit donc répondre des troubles que les personnes qu’il a sous ses ordres ou les entreprises qu’il a mandatées pourraient avoir causer à ses locataires.

Il appartient toutefois aux locataires de rapporter la preuve de l’existence de troubles causés à leur jouissance paisible suite à la réalisation de travaux sur la parcelle contiguë au bien loué dont leur bailleur est propriétaire.

Il ressort tout d’abord des pièces produites aux débats ( contrat de bail, état des lieux d’entrée, procès-verbal de constat d’huissier et photographies) que si les époux [I] ont loué une maison, celle-ci est une maison de 3 faces, située dans un environnement urbanisé, avec de nombreuses maisons voisines ce qui génère nécessairement une certaine proximité source potentielle de nuisances.

Les époux [I] ne justifient pas ni même ne soutiennent d’ailleurs avoir subi de la part des ouvriers en charge de la construction de la villa mitoyenne des intrusions dans leur propriété mais ils se plaignent de nuisances sonores ( bruits d’engins en particulier) et de poussière.

Le procès-verbal de constat d’huissier établi le 1er décembre 2017 ne met pas en évidence de nuisance particulière dans la mesure où l’huissier de justice constate juste la réalisation d’une construction en cours sur la parcelle voisine, la présence d’ouvriers et de matériaux sur la dite parcelle ce qui en soit ne peut suffire à caractériser l’existence de troubles.

Si les photographies jointes au procès-verbal de constat permettent de relever à proximité de fenêtres de la maison louée par les époux [I] la présence d’un engin de chantier et de matériaux force est de constater qu’il s’agit de fenêtres donnant directement sur la parcelle où la construction est érigée.

Si les époux [I] produisent aux débats des attestations établis par des voisins évoquant des nuisances en particulier sonores suite aux travaux de construction, ces attestations ne sont pas suffisamment précises et détaillées pour caractériser l’existence de nuisances d’une durée et d’une intensité dépassant les inconvénients normaux du voisinage dans une zone urbanisée et donc pour caractériser une atteinte aux droits de jouissance paisible des locataires.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les époux [I] de leur demande en indemnisation dans la mesure où il n’est pas suffisamment démontré que le bailleur ait manqué à son obligation d’assurer au locataire une jouissance paisible des lieux loués.

Sur le délai de préavis et la restitution du dépôt de garantie:

En application de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 le délai de préavis applicable au congé donné par le locataire est de trois mois sauf à être réduit à un mois dans les cas strictement énumérés par la loi:

1° sur les territoires mentionnés au premier alinéa du 1 de l’article 17,

2° en cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi,

3° pour le locataire dont l’état de santé constaté par un certificat médical justifie un changement de résidence,

3° bis pour le locataire bénéficiaire d’une ordonnance de protection ou dont le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité fait l’objet de poursuites ou d’une condamnation en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant,

4° pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l’allocation adulte handicapée,

5° pour le locataire qui s’est vu attribuer un logement défini à l’article L 831-1 du code de la construction et de l’habitation.

En outre l’article 15 prévoit également que le locataire qui souhaite bénéficier des délais réduits de préavis doit dans son congé préciser le motif invoqué et en justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé.

En l’espèce c’est par courrier recommandé avec accusé de réception envoyé le 4 janvier 2018 et distribué au bailleur le 12 janvier 2018 que les époux [I] représentés par leur conseiller ont donné congé à leur bailleur.

Ce congé ne vise pas précisément l’un des cas énumérés par l’article 15 comme ouvrant droit à un préavis réduit à un mois, et il y est seulement indiqué que « M. et Mme [I] ne pouvant vivre plus longtemps dans les lieux, entendent poser congé de ce bien qui compte tenu de leur situation personnelle sera d’une durée réduite à un mois conformément à la loi ».

Cette lettre de congé n’est accompagnée d’aucun justificatif et ne contient pas en particulier un certificat médical indiquant que l’état de santé de au moins l’un des locataires nécessite un changement de résidence.

Les époux [I] n’ont donc pas respecté les dispositions légales leur permettant de pouvoir prétendre à un délai de préavis réduit à un mois.

Ils soutiennent cependant comme l’a retenu la décision déférée que le bailleur a accepté un préavis réduit et un congé valable au 15 janvier 2018 puisque la remise des clés a eu lieu à cette date.

Toutefois il est constant que si le bailleur peut accepter même en dehors des cas visés à l’article 15 de la loi de juillet 1989 un préavis réduit, la simple remise des clés ne vaut pas renonciation du bailleur au préavis légal de trois mois et au paiement des loyers pendant la durée de ce préavis.

Les époux [I] doivent donc rapporter la preuve de l’acception certaine et non équivoque de Mme. [Y] à ne pas invoquer le non-respect du préavis légal ce qu’il ne font pas.

En effet le simple fait que la bailleresse ait accepté par SMS une remise des clés le 15 janvier 2018 sans plus de précision et alors même qu’il n’est pas justifié de l’établissement d’un état des lieux de sortie ne peut caractériser la volonté certaine et non équivoque de la bailleresse à renoncer au préavis légal.

Enfin l’extrait d’une annonce de location ne faisant apparaître ni la date de publication de la dite annonce, ni l’adresse du bien, et sans précision suffisante pour s’assurer qu’il s’agit de l’habitation en litige ne peut permettre de retenir que Mme. [Y] avait déjà mis son bien en location avant la fin du préavis légal et encore moins que celui-ci avait été loué et donc de retenir que la bailleresse aurait renoncer à se prévaloir du préavis légal de trois mois.

Par conséquent infirmant sur ce point le jugement entrepris les locataires ne pourront qu’être tenus à payer à la bailleresse les loyers et charges dus au cours du préavis, soit les loyers et charges dus du 1er janvier 2018 au 12 avril 2018 soit la somme de 4 354,83 €.

L’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 impose au bailleur de restituer le dépôt de garantie dans un délai maximal de un mois à compter de la remise des clés déduction faite le cas échéant des sommes restants dues par le locataire.

En l’espèce il n’est pas contesté que le dépôt de garantie d’un montant de 1 150 € versé par les locataires lors de l’entrée dans les lieux n’a pas été restitué par le bailleur, toutefois ce défaut de restitution ne peut être sanctionné dans la mesure où les époux [I] restent devoir au bailleur une somme de 4 354,83 € au titre des loyers et charges.

Par conséquent après déduction du dépôt de garantie il convient de condamner Mme. [V] [I] à payer à Mme. [O] [Y] et à M. [F] [Y] la somme de 3 204,83 €.

Sur les demandes accessoires:

Le jugement déféré sera également infirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Mme. [V] [I] sera condamnée à payer à Mme. [O] [Y] et à M. [F] [Y] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel ainsi qu’à supporter les dépens exposés devant le tribunal judiciaire et devant la cour d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe;

Dit que l’appel interjeté le 6 octobre 2020 par Mme. [O] [Y] et à M. [F] [Y] est recevable.

Infirme le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan sauf en ce qu’il a débouté Mme. [V] [I] et M. [R] [I] de leurs demandes indemnitaires au titre d’un préjudice de jouissance;

S’y substituant pour le reste,

Condamne Mme. [V] [I] à payer à Mme. [O] [Y] et à M. [F] [Y] la somme de 3 204,83 € au titre des loyers et charges restant dus et ce après déduction du dépôt de garantie;

Condamne Mme. [V] [I] à payer à Mme. [O] [Y] et à M. [F] [Y] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel;

Condamne Mme. [V] [I] à supporter les dépens exposés devant le tribunal judiciaire de Perpignan et devant la cour d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


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