Nuisances sonores : décision du 12 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 22/10005

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Nuisances sonores : décision du 12 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 22/10005
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Claire PATRUX
Me Pierre GENON CATALOT
Me Rhita WIRTH

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/10005 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYWGF

N° MINUTE : /JCP

JUGEMENT
rendu le vendredi 12 janvier 2024

DEMANDEURS

Madame [A] [Z] épouse [D], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [Y] [D], demeurant [Adresse 2]

tous représentés par Me Claire PATRUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2420

DÉFENDEURS

[Localité 3] HABITAT-OPH, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représenté par Me Pierre GENON CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0096

Monsieur [I] [E], demeurant [Adresse 2]

Madame [T] [B], demeurant [Adresse 2]

tous représentés par Me Rhita WIRTH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0219

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Laura DEMMER, Greffier,

Décision du 12 janvier 2024
PCP JCP fond – N° RG 22/10005 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYWGF

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 29 mars 2023

JUGEMENT

contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 12 janvier 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge assisté de Laura DEMMER, Greffier

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [A] [Z] épouse [D] et Monsieur [Y] [D] (ci-après les époux [D]) sont titulaires d’un bail conclu le 8 mars 2011 avec la société [Localité 3] HABITAT-OPH pour un appartement à usage d’habitation situé au 5ème étage, porte 44, de la résidence du [Adresse 2] à [Localité 4].

Monsieur [I] [E] et Madame [T] [B] épouse [E] (ci-après les époux [E]) sont titulaires d’un bail conclu le 23 mars 2010 avec la société [Localité 3] HABITAT-OPH pour un appartement à usage d’habitation situé au 4ème étage, porte 41, de la résidence du [Adresse 2], à [Localité 4].

Par acte de commissaire de justice du 8 décembre 2022, les époux [D] ont assigné les époux [E] et la société [Localité 3] HABITAT-OPH devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de cesser leurs troubles de voisinage et d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice.

A l’audience du 29 mars 2023, les époux [D], représentés par leur conseil, demandent au juge des contentieux de la protection, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de :
– débouter les époux [E] de leurs prétentions,
– leur enjoindre de mettre un terme à tout trouble anormal du voisinage, sous astreinte de 150 euros par jour pendant 40 jours à compter du prononcé de la décision,
– enjoindre à la société [Localité 3] HABITAT-OPH de prendre toute mesure propre à faire cesser les troubles anormaux du voisinage imputés aux époux [E], sous astreinte de 150 euros par jour pendant 40 jours à compter du prononcé de la décision,
– condamner in solidum Monsieur [I] [E] et Madame [T] [B] épouse [E] à leur payer la somme de 1 500 euros en réparation de leur préjudice moral,
– condamner in solidum Monsieur [I] [E], Madame [T] [B] épouse [E] et la société [Localité 3] HABITAT-OPH à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux dépens.

A l’appui de leur demande de débouté des prétentions des époux [E], les époux [D] font valoir que les époux [E] ne produisent aucune preuve de l’existence d’un trouble anormal de voisinage qui leur serait imputable, notamment une expertise acoustique ou un constat d’huissier permettant d’établir que le bruit émanant de leur logement excède les normes admissibles. Ils affirment qu’ils n’ont été l’objet d’aucune plainte auprès du bailleur relative à des nuisances sonores et qu’ils sont favorablement connus du voisinage. S’agissant du préjudice moral invoqué par les défendeurs, ils font valoir que la seule attestation produite aux débats émane d’un membre de la famille de Madame [B] et que sa valeur probante est de ce fait limitée. Ils questionnent enfin l’existence d’un lien de causalité entre les symptômes rapportés dans les certificats médicaux versés à la procédure et le litige de voisinage qui les oppose.

A l’appui de leur demande tendant à enjoindre les époux [E] de mettre un terme à tout trouble anormal du voisinage, les époux [D] soutiennent être victimes, depuis plusieurs années, d’insultes à caractère racial, d’agressions verbales et d’une tentative de violation de domicile de la part des défendeurs, constitutives pour eux d’un trouble de jouissance.

A l’appui de leur demande tendant à enjoindre la société [Localité 3] HABITAT-OPH de faire cesser le trouble anormal de voisinage imputable aux époux [E], les époux [D] invoquent, au visa de l’article 1719 du code civil, l’obligation du bailleur d’assurer au locataire une jouissance paisible des locaux loués, obligation dont il ne saurait s’exonérer au motif que le trouble de jouissance est imputable à d’autres locataires du même immeuble. Ils soutiennent à cet égard que la société [Localité 3] HABITAT-OPH n’a pas adressé de mise en demeure aux époux [E] et qu’ils avaient pour leur part des raisons légitimes de mettre un terme aux réunions de médiation, dans la mesure où ils avaient été destinataires, pendant la première d’entre elles, de propos insultants de la part des époux [E].

Au soutien de leur demande en paiement formée au titre du préjudice moral, les époux [D] soutiennent qu’ils subissent un préjudice moral du fait du caractère discriminatoire des propos des époux [E] et de leur état de stress découlant des menaces formulées par les époux [E] à leur encontre.

Les époux [E], représentés par leur conseil, demandent au juge des contentieux de la protection :
– de débouter les époux [D] de leurs prétentions,
– de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice découlant du caractère abusif de la procédure et au paiement d’une amende civile,
– à titre reconventionnel, d’enjoindre aux époux [D] de mettre un terme à tout trouble anormal de voisinage, sous astreinte de 150 euros par jour pendant 40 jours à compter du prononcé de la décision,
– de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice lié à la dégradation de leur état de santé,
– de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral,
– de condamner les époux [D] à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec droit de recouvrement direct selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de leur demande de débouté des prétentions des époux [D], les époux [E] font valoir qu’ils ne sauraient être tenus responsables d’un trouble anormal du voisinage, soit une gêne excédant, par son intensité, sa fréquence et sa durée la mesure habituelle inhérente aux relations de voisinage, quand leur sont reprochés, par les époux [D], des propos injurieux, dont l’indemnisation ne peut être réclamée que sur le fondement de l’article 1240 du code civil. A titre subsidiaire, les époux [E] font valoir que les époux [D] ne rapportent pas la preuve du comportement injurieux qu’ils leur imputent, les attestations versées aux débats émanant, pour partie, de voisins ayant quitté la résidence, et pour d’autres de proches ne présentant pas une neutralité suffisante. Ils affirment que la plainte formée par les époux [D] en septembre 2019 n’a pas fait l’objet de suites pénales. Les époux [E] soutiennent enfin qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune autre doléance relative à des troubles anormaux du voisinage. S’agissant du préjudice moral invoqué par les demandeurs, les époux [E] considèrent qu’il n’est étayé par aucun élément probant.

A l’appui de leur demande indemnitaire formée sur le fondement du caractère abusif de la procédure et de leur demande d’amende civile, les époux [E] prétendent que les époux [D] manifestent à leur égard une intention de nuire, qui se manifeste par la distorsion des éléments de fait qu’ils produisent aux débats. Ils font valoir par ailleurs l’échec des deux tentatives de médiation, en janvier 2020 et novembre 2021, imputable aux époux [D] qui ont fait connaître aux médiateurs leur refus de poursuivre une démarche de règlement amiable.

A l’appui de leur demande d’injonction de mettre un terme à tout trouble anormal du voisinage, les époux [E] soutiennent qu’ils subissent des nuisances excédant la mesure des relations de voisinage du fait de la multiplication, depuis l’arrivée des époux [D] dans la résidence, de travaux menés sans autorisation et de nuisances sonores découlant du mode de vie des époux [D]. Ils arguent du refus persistant par les époux [D] de prendre en considération leurs doléances et de diminuer le bruit émanant de leur logement, situé juste au-dessus du leur. Ils évoquent enfin la violence verbale des différentes altercations les ayant opposés aux époux [D] et la survenance d’un épisode de vandalisme sur leur porte d’entrée dans la nuit du 17 au 18 juillet, à peu de distance d’un échange verbal houleux avec Madame [A] [Z] épouse [D].

Au soutien de leurs demandes indemnitaires, les époux [E] font valoir qu’ils subissent, du fait du conflit de voisinage, une détérioration de leur état de santé objectivée par des attestations de leur médecin.

La société [Localité 3] HABITAT-OPH, représenté par son conseil, sollicite du juge des contentieux de la protection de :
– débouter les époux [D] de leurs prétentions,
– condamner les époux [D] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux dépens.

A l’appui de sa demande de débouté des prétentions des époux [D], la société [Localité 3] HABITAT-OPH soutient qu’elle ne saurait avoir commis de manquement susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de ses locataires en ne faisant pas cesser des troubles de voisinage dont la réalité n’est pas démontrée, faute pour les époux [D] de produire des preuves objectives émanant de tiers. La société [Localité 3] HABITAT fait valoir à cet égard qu’elle n’a eu connaissance que de quatre incidents en l’espace de quatre ans, ce qui ne suffit pas à caractériser un trouble anormal de voisinage, mais traduit plutôt l’existence d’un conflit d’ordre privé pour lequel le bailleur n’a pas vocation à intervenir, et dont le caractère discriminatoire, s’il devait être démontré, devrait en réalité faire l’objet de poursuites pénales. La société [Localité 3] HABITAT-OPH affirme enfin qu’elle a rempli ses obligations contractuelles à l’égard de ses locataires en conservant un rôle de tiers neutre, en leur adressant à deux reprises la proposition de rencontrer un médiateur et en adressant aux deux parties de courriers de rappel à l’ordre.

La décision a été mise en délibéré puis a été prorogée à ce jour.

MOTIFS

Sur les demandes d’injonction de cessation des troubles du voisinage

Sur la demande formée à l’encontre des époux [E]

Par application du principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage, il incombe aux résidents d’un immeuble de ne pas causer à leurs voisins de trouble excédant, par son intensité ou sa fréquence, la mesure habituelle des contraintes inhérentes au voisinage. Il convient de rappeler qu’il s’agit là d’un régime de responsabilité autonome ne nécessitant pas le démonstration d’une faute, mais tirant son origine de la relation de voisinage elle-même.

En vertu de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, les époux [D] font grief aux époux [E] d’avoir, sur une période de onze ans courant à compter de leur emménagement au [Adresse 2] le 8 mars 2011, adopté à leur égard un comportement portant atteinte à leur droit à jouir paisiblement de leur logement, comprenant notamment des propos injurieux, pour certains à caractère raciste, et une tentative de violation de domicile.

A cet égard, il ressort des éléments versés à la procédure et des débats à l’audience que la relation de voisinage des époux [D] et [E] a été émaillée d’altercations verbales, dont trois, en date des 28 juillet 2019, 30 septembre 2021 et 11 juillet 2022, sont situées précisément, et qui ont contribué à cristalliser la mésentente des deux familles. Il ressort du témoignage de Madame [K] [W] épouse [J] que le 28 juillet 2019, une discussion animée a opposée Monsieur [I] [E] à Madame [A] [Z] épouse [D] sur le palier de son logement, et de l’attestation établie par Monsieur [U] [C] que cette altercation verbale a atteint un niveau d’intensité suffisant pour conduire à l’intervention de plusieurs voisins. De même, il apparaît, à la lecture du témoignage de Monsieur [X] [O], amis des époux [D], que le 30 septembre 2021, Monsieur [I] [E] s’est présenté à la porte du domicile des époux [D] et a tenu des propos véhéments en maintenant la porte ouverte de son pied. S’agissant de l’incident du 11 juillet 2022, il n’est pas contesté par les époux [E] qu’un échange verbal difficile a eu lieu dans l’ascendeur de la résidence à l’occasion d’une rencontre fortuite.

Pour autant, si la récurrence de ces incidents démontre l’intensité de la mésentente entre les deux ménages, il n’est pas établi, à l’examen des pièces, que les échanges verbaux entre les deux familles aient pris un tour véritablement injurieux et menaçant. En effet, si les époux [D] versent divers éléments faisant état de violences verbales et d’insultes à caractère raciste émanant des époux [E], notamment une main-courante du 6 septembre 2019, une plainte du 4 octobre 2021, une plainte du 11 juillet 2022, plusieurs courriers à leur bailleur [Localité 3] HABITAT-OPH et au maire du 19ème arrondissement, force est de constater que ces écrits ne font que reprendre les doléances des époux [D] sans les confronter aux déclarations de tiers ni à d’autres éléments probants.

En outre, la nature exacte des propos tenus par les époux [E] ne ressort pas avec certitude des témoignages versés aux débats. En effet, si les époux [D] font état de propos racistes et discriminatoires, seule la plainte du 11 juillet 2022 transcrit une insulte à caractère raciste, à savoir “sale Arabe”, qui aurait été prononcée par Madame [T] [B]. Or, il convient de souligner qu’aucun tiers n’indique avoir été témoin de ces propos, l’attestation établie par Monsieur [V] [L] ne permettant à cet égard que de confirmer le trouble ressenti par Madame [Z] épouse [D] à la suite de sa rencontre avec Madame [T] [B], laquelle conteste avoir tenu ces propos et soutient avoir répliqué qu’elle ne “parl[ait] pas arabe”. De même, si les attestations produites par les époux [D] au sujet des incidents des 28 juillet 2019 et 30 septembre 2021 révèlent la véhémence du ton adopté par Monsieur [I] [E], il n’est nullement question de propos racistes. Madame [K] [W] épouse [J] évoque en effet des reproches formulés au sujet de meubles déplacés, ainsi que des propos à l’égard de la religion dont elle ne spécifie pas la teneur ni le caractère injurieux et Monsieur [U] [C] évoque des propos insultants sans les rapporter. Madame [P] [M] fait état pour sa part de déplacements réguliers de Madame [T] [B] au domicile des époux [D] mais n’évoque plus précisément qu’un seul de ces échanges, au cours duquel Madame [T] [B] aurait adopté un ton autoritaire et peu respectueux, sans qu’il en soit spécifié davantage. Seule l’injure prononcée par Monsieur [I] [E] à l’égard de Madame [A] [Z] épouse [D], expressément reconnue à l’audience, paraît de ce point présenter une matérialité suffisante. Ainsi, s’il est patent que les relations entre les deux ménages ont été marquées par plusieurs épisodes d’altercations verbales, dont certains ont débuté à l’initiative des époux [E], il n’est pas possible en l’état de retenir l’existence d’un comportement de harcèlement et d’injures racistes susceptibles de rendre insupportable la communauté de vie dans l’immeuble et constitutifs à ce titre d’un trouble anormal du voisinage.

De même, s’il ressort de l’attestation établie par Monsieur [X] [O] que Monsieur [I] [E] a maintenu, le 30 septembre 2021, la porte du logement des époux [D] ouverte avec son pied afin d’empêcher son interlocuteur de la refermer, cet épisode ne saurait s’analyser en une violation de domicile, dans la mesure où il n’est pas soutenu que Monsieur [I] [E] ait pénétré au domicile des époux [D] malgré l’interdiction qui lui était faite. Il convient ici de noter que le sentiment de crainte rapporté par les époux [D] à l’égard de leurs voisins, pour n’être pas étayé par des éléments factuels laissant craindre la survenance d’un épisode de violence ou de nuisances, ne traduit qu’un ressenti personnel qui ne saurait suffire à matérialiser l’existence d’un trouble anormal de voisinage.

S’agissant des pressions exercées par les époux [E] en vue de faire cesser les nuisances sonores dont ils se plaignent, les époux [D] ne produisent qu’une note manuscrite émanant de Monsieur [I] [E], mais qui, ne leur étant pas adressée, ne permet pas de retenir l’existence d’injonctions pressantes, régulières ou injustifiées.

De ce fait, la réalité du trouble de voisinage imputé aux époux [E] n’étant pas démontrée, la demande d’injonction de cessation du trouble formée par les époux [D], qui présentait dans tous les cas un caractère imprécis, sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle formée à l’encontre des époux [D]

Les époux [E] font grief pour leur part aux époux [D] de leur faire subir un trouble anormal de voisinage en se rendant responsables de nuisances sonores répétées et en réagissant aux tentatives de dialogue par des propos insultants et agressifs.

A cet égard, il ressort des divers courriers adressés par les époux [E] aux époux [D] et à leur bailleur [Localité 3] HABITAT-OPH qu’ils reprochent aux époux [D] de réaliser régulièrement des travaux dans leur logement, notamment en ayant recours à une perceuse à percussion, dont les vibrations peuvent atteindre une intensité sonore de 95 décibels, d’utiliser leurs appareils électroménagers (lave-linge et sèche-linge) à des horaires nocturnes sans considération du bruit occasionné au voisinage et d’avoir disposé dans leur appartement un parquet flottant sans adopter les précautions nécessaires en vue d’assurer une isolation phonique adéquate, générant de ce fait un phénomène d’amplification des bruits de vie quotidienne (déplacements de meubles, course des enfants). Si de tels reproches ont été formulés par les époux [E] à des intervalles réguliers (main-courante du 4 août 2019, courriers à [Localité 3] HABITAT des 1er novembre et 8 décembre 2021 et du 4 août 2022, courriers aux époux [D] des 27 novembre et 8 décembre 2021), il n’est pas établi pour autant de façon certaine que le ménage [D] soit la cause de nuisances sonores excédant la mesure des contraintes habituelles du voisinage, la qualité de retraités des époux [E] étant par ailleurs indifférente à la qualification du trouble.

En effet, les époux [E] ne versent, à l’appui de leurs déclarations, qu’une attestation émanant du frère de Madame [T] [B], faisant état de travaux fréquents, dont les dates, la nature et la fréquence ne sont pas précisés, et adoptant ensuite une tonalité subjective se faisant l’écho des doléances de Madame [T] [B]. L’attestation établie par Madame [H] [R], si elle évoque le bruit comme origine du conflit opposant les deux ménages, a recours à des guillemets qui laissent entendre qu’il s’agit là d’une analyse qu’elle ne reprend pas à son compte, et elle ne fournit aucun élément précis permettant d’établir si les époux [D] sont effectivement à l’origine de nuisances sonores pour leurs voisins. Les attestations versées par les époux [D], émanant de Madame [P] [M] et Madame [S], voisins immédiats de leur logement, ainsi que de Monsieur [V] [L], gardien de l’immeuble, indiquent en revanche qu’ils n’ont jamais souffert de nuisances sonores provenant de leur logement et qu’aucune doléance n’a été formée à leur encontre au cours de la période visée par les époux [E]. S’il va de soi que l’absence de reproche formé par des tiers à la cause ne signifie pas que les époux [E] n’aient pas, pour leur part, été victimes de nuisances, il apparaît toutefois que la matérialité des troubles reprochés aux époux [D] n’est pas fermement établie.

De même, si Madame [T] [B] rapporte, dans son courrier en date du 4 août 2022 adressé au bailleur, des propos insultants qu’elle impute à Madame [A] [Z] épouse [D], elle n’en rapporte pas la preuve, pas plus qu’elle ne démontre, comme cela est soutenu dans divers courriers par les époux [E], que les époux [D] les aient menacés de leur “pourrir la vie”. Concernant l’acte de vandalisme subi par les époux [E] dans la nuit du 18 juillet 2022, il s’agit d’un fait étranger à la cause, Madame [T] [B] ayant déclaré, lors de son dépôt de plainte, ne pas connaître l’identité des auteurs de cette infraction et ne rapportant aucun fait susceptible d’établir un lien entre cette dégradation et le litige qui l’oppose aux époux [D].

Il apparaît donc que les griefs formulés par les époux [E] à l’encontre des époux [D] ne suffisent pas, faute d’éléments probants, à caractériser un trouble anormal du voisinage; la demande d’injonction de cessation des troubles, qui présentait dans tous les cas un caractère imprécis, sera donc rejetée.

Sur la demande formée à l’encontre de la société [Localité 3] HABITAT-OPH

Aux termes de l’article 1719 3° du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, d’en faire jouir le preneur paisiblement pendant la durée du bail.

Par application des articles 6, alinéa b, et 6-1 de la loi du 6 juillet 1989, les propriétaires de locaux à usage d’habitation doivent assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, après mise en demeure, dûment motivée, utiliser, sauf motif légitime, les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux.

Il en résulte une obligation, à la charge du bailleur, de garantir le titulaire d’un bail d’habitation de tout trouble anormal de voisinage qu’il aurait à subir de la part d’un autre locataire.

En l’espèce, la matérialité du trouble anormal de voisinage reproché par les époux [D] aux époux [E] n’étant pas établie, la demande d’injonction formée à l’encontre de la société [Localité 3] HABITAT-OPH, qui repose sur l’existence préalable d’un trouble subi par les demandeurs, sera rejetée.

Sur les demandes indemnitaires

Sur la demande formée par les époux [D] au titre du préjudice moral

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, aucune faute des époux [E] n’étant démontrée, la demande de dommages et intérêts formée par les époux [D] sera rejetée.

Sur les demandes formées par les époux [E] au titre de la dégradation de leur état de santé et du préjudice moral

En l’espèce, aucune faute des époux [D] n’étant démontrée, la demande de dommages et intérêts formée par les époux [E] au titre de la dégradation de leur état de santé et de leur préjudice moral sera rejetée.

Sur la demande formée par les époux [E] au titre de l’abus du droit d’agir en justice

Par application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, si les époux [D] succombent à l’instance, il ne saurait en être déduit que l’action qu’ils ont initiée à l’encontre des époux [E] était manifestement dénuée de fondement juridique ou suscitée par une intention de nuire, les époux [D] ayant pu se croire bien fondés dans leur action. Il convient par ailleurs de souligner que l’abandon, à deux reprises, du processus de conciliation ne saurait constituer à lui seul la preuve d’une intention belliqueuse, dans la mesure où une telle démarche présente un caractère volontaire et ne constitue pas un préalable obligatoire à l’introduction d’une action en justice.

En conséquence, la demande indemnitaire formée par les époux [E] au titre de l’abus du droit d’agir en justice sera rejetée.

Sur les mesures accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, les époux [D], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens.

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, il est équitable que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés.

Sur l’exécution provisoire

Conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile, la présente décision rendue est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,

DÉBOUTE Madame [A] [Z] épouse [D] et Monsieur [Y] [D] de leur demande que soit enjoint, sous astreinte de 150 euros par jour pendant 40 jours à compter du prononcé de la décision, à Monsieur [I] [E] et à Madame [T] [B] de mettre un terme à tout trouble anormal du voisinage,

DÉBOUTE Madame [A] [Z] épouse [D] et Monsieur [Y] [D] de leur demande que soit enjoint, sous astreinte de 150 euros par jour pendant 40 jours à compter du prononcé de la décision, à la société [Localité 3] HABITAT-OPH de prendre toute mesure propre à faire cesser les troubles anormaux du voisinage imputés aux époux [E],

DÉBOUTE Madame [A] [Z] épouse [D] et Monsieur [Y] [D] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

DÉBOUTE Monsieur [I] [E] et Madame [T] [B] de leur demande de dommages et intérêts formée pour dégradation de leur état de santé,

DÉBOUTE Monsieur [I] [E] et Madame [T] [B] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

DÉBOUTE Monsieur [I] [E] et Madame [T] [B] de leur demande de dommages et intérêts pour abus du droit d’agir en justice,

DÉBOUTE Madame [A] [Z] épouse [D] et Monsieur [Y] [D] de leur demande formée à l’encontre de Monsieur [I] [E], de Madame [T] [B] et de la société [Localité 3] HABITAT-OPH au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Monsieur [I] [E] et Madame [T] [B] de leur demande formée à l’encontre de Madame [A] [Z] épouse [D] et de Monsieur [Y] [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société [Localité 3] HABITAT-OPH de sa demande formée à l’encontre de Madame [A] [Z] épouse [D] et de Monsieur [Y] [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [A] [Z] épouse [D] et Monsieur [Y] [D] aux dépens de l’instance,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.

La Greffière, Le Juge des contentieux de la protection.

 


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