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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
LEL/ILAF
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 20/00328 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EULE
jugement du 15 Octobre 2019
Tribunal de Grande Instance d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance : 15/02230
ARRET DU 12 DECEMBRE 2023
APPELANTS :
Monsieur [J] [U]
né le 12 Juillet 1978 à [Localité 15] (76)
[Adresse 7]
[Localité 3]
Madame [M] [T] épouse [U]
née le 04 Juillet 1978 à [Localité 14] (72)
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentés par Me Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD – GUILLOU SELARL, avocat au barreau d’ANGERS
INTIMES :
Monsieur [V] [A]
né le 09 Janvier 1980 à [Localité 10] (49)
Restaurant [13] [Adresse 17]
[Localité 11]
Madame [E] [X] épouse [A]
née le 03 Juin 1978 à [Localité 12] (72)
Restaurant [13] [Adresse 17]
[Localité 11]
Représentés par Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 150654
S.C.I. […] agissant poursuites et diligences de ses gérants
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Flora GASTINEAU substituant Me Meriem BABA, avocat au barreau de SAUMUR – N° du dossier A20-0020
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 26 Septembre 2023 à 14’H’00, Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 12 décembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte authentique du 30 mars 2012, la SCI […] (la SCI) a acquis un ensemble immobilier, situé à [Localité 11] (49), au [Adresse 16], cadastré section YA n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 5], au sein duquel est exploité un fonds de commerce de ‘bar-jeux-restauration-hôtel’ routier (‘[13]’), ainsi que deux terrains à usage de stationnement pour accueillir la clientèle de ce fonds de commerce, situés à proximité, au [Adresse 17] à [Localité 11], cadastrés section ZH n°[Cadastre 2] et [Cadastre 6], le tout étant exploité par M. [V] [A] et Mme [E] [X] son épouse (selon bail commercial à effet au 1er avril 2012).
Suivant arrêté préfectoral du 5 juillet 1976, l’accès à l’aire de parking dont l’aménagement était également autorisé par le même acte, devait s’effectuer à partir du chemin départemental 192, l’accès par la route nationale 123 n’étant pas autorisé.
Selon acte authentique du 28 mars 2013, M. [J] [U] et Mme [M] [T] son épouse ont acquis la propriété d’un immeuble cadastré section ZH n°[Cadastre 9] à [Localité 11], au [Adresse 17].
Les époux [U]-[T], se plaignant du passage de la clientèle du restaurant exploité par les époux [A]-[X] sur leur terrain au motif de nuisances en résultant, ont, en suite du dépôt d’une déclaration préalable à laquelle la mairie de [Localité 11] n’a pas fait opposition, obtenu par arrêté municipal du 21 mai 2014, l’autorisation de se clore.
Par requête déposée le 22 juin 2015, la SCI a présenté une requête en référé-suspension.
Suivant ordonnance du 21 juillet 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de la SCI […].
Par exploit du 9 juillet 2015 et autorisée en cela par ordonnance du 26 juin 2015, la SCI a fait assigner à jour fixe M. et Mme [U]-[T] devant le tribunal de grande instance d’Angers, aux fins de voir notamment déclarer l’existence d’un droit de passage au profit du fonds dont elle est propriétaire, sur le fondement de l’article 682 du Code civil.
Suivant acte d’huissier du 15 janvier 2016 et après autorisation délivrée par ordonnance du 21 juillet 2015, la SCI a fait citer à jour fixe ses locataires devant la même juridiction.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du [Cadastre 2] février 2016.
Suivant ordonnance du 9 janvier 2017, le juge de la mise en état a confié à M.'[I] [F], une mesure d’expertise. L’expert a déposé son rapport le 30’mars 2018.
Il a notamment pu indiquer que :
– ‘L’allée d’une dizaine de mètres de largeur et d’une longueur de 34m environ réalisée sur la propriété de M. Mme [U], donne accès au parking du restaurant [13] et permet aux poids-lourds d’y accéder facilement, car la clôture du jardin et de M. Mme [U] est en arrondi à partir de la […].
L’accès à la voie publique […] est libre de toute contrainte administrative :
– L’arrêté préfectoral du 5 juillet 1976 a autorisé l’aménagement d’un parking sur les terrains ZH [Cadastre 2] et [Cadastre 6], ayant son accès par le […], relevant que le parking devra être clos en bordure de la […].
– L’aire de stationnement des poids-lourds a été réalisée en 1977 ou 1978.’
– s’agissant de la nature et de l’étendue de tous travaux nécessaires au respect de l’environnement, du voisinage… : ‘la réalisation de certains travaux permettrait de limiter les nuisances occasionnées par l’aire de stationnement poids-lourds, notamment au regard du voisinage, à savoir :
Appliquer un revêtement du type enrobé au moins sur la surface de la voie d’accès existant sur la parcelle ZH [Cadastre 9], afin que cet accès ne soit plus dégradé par les nids de poule.
– Buser le fossé qui est constaté à l’état de dépotoir (définition : Endroit où sont déversés toutes sortes de détritus et d’objet de rebut), au moins sur la longueur de la parcelle ZH [Cadastre 9].
Les eaux pluviales pouvant se déverser vers le réseau public existant en bordure de la […].
– Limiter le stationnement des poids-lourds trop près du parking privatif de M.’Mme'[U] en posant des blocs de rochers, lesquels plus efficaces que les matériaux actuels (…).
– Limiter les projections diverses (poussières…) sur le jardin de M. Mme [U] en plantant une clôture sur la longueur du terrain le long de la parcelle ZH [Cadastre 2], doublée d’une haie.
– Afin de limiter les nuisances sonores, l’installation d’un merlon de 1m de hauteur sur la longueur du terrain de M. Mme [U] (le long de la limite de propriété et par exemple à la place ou en sus des blocs de rochers ci-dessus évoqués, comme ayant également le même résultat d’éloigner la zone de stationnement des bâtiments) permettrait de réduire le bruit du parking de quelques décibels’,
Plus généralement, l’expert a observé que :
– ‘à mon avis, les nuisances de bruit existent dans l’environnement général par la circulation constatée importante sur la RD 23 (sic), tant en journée que la nuit. Par ailleurs, des nuisances de bruit résultent de la circulation sur le […] :
– du fait des véhicules accédant à la propriété de la SEMAC (…)
– du fait des poids-lourds accédant à l’aire de stationnement (…). Or ces nuisances sont plus ressenties la nuit, et donc moins acceptées, que le jour.
Enfin, des nuisances de bruit résultent également des manoeuvres des poids-lourds pour stationner, ainsi que du bruit occasionné par les réfrigérateurs à compression de certains poids-lourds (…). Or il a été établi que l’intensité sonore dans un espace libre décroit, s’il n’y a pas absorption (obstacle) proportionnellement au carré de la distance. Il apparaît difficile d’imposer le stationnement des poids-lourds bruyants au plus loin de la propriété de M.’Mme'[U], c’est-à-dire au nord-est de l’aire de stationnement’
Au regard des préjudices subis par M. Mme [U] :
1/ immobilisation de l’emprise du passage au travers de leur propriété
La longueur de la voie d’accès (laquelle de 10m de largeur environ) est de 34m environ, toutefois cette voie sert également d’accès à leur parking privatif, mais sa dégradation résulte du passage de poids-lourds, alors que son revêtement n’est pas satisfaisant.
La remise en état (…) de la voie d’accès traversant la propriété de M.’Mme'[U] par la SCI […] ou M. Mme [A] permettrait de compenser l’immobilisation du passage au travers de leur propriété.
Sachant que cette voie dessert également le parking privatif de M.’Mme'[U], et que sa largeur (10m) résulte en fait de l’aménagement du terrain voisin (ZH [Cadastre 2] et [Cadastre 6]) en aire de stationnement de poids lourds, alors qu’une largeur de 4m est suffisante pour desservir un terrain à usage d’habitation ou rendre constructible un terrain.
2/ incidence sur la valeur de la propriété cadastrée section ZH n°[Cadastre 9]
M. Mme [U] ont acquis l’immeuble le 28 mars 2013 pour le prix principal de 173 000 euros (dont 100 000 euros pour la maison d’habitation et 73 000 euros pour les locaux commerciaux)
A mon avis, l’incidence sur la valeur de la propriété est limitée du fait que :
– les poids-lourds ne circulent pas le samedi et le dimanche
– M. Mme [U] sont plus susceptibles de profiter de leur jardin le samedi et le dimanche qu’en semaine, alors que les locataires professionnels (coiffeur et architecte) exercent à l’intérieur de leurs locaux, peut-être le samedi, mais pas le dimanche et sont donc moins concernés
– les nuisances relatives au jardin sont la conséquence des poussières venant du parking, situation qui pourraient être sinon éliminée, mais au moins limitée par l’installation d’un (sic) clôture.
– la façade de la maison de M. Mme [U] est orientée au sud-ouest, face au […], et les nuisances de bruit et de poussières sont donc très limitées, sinon inexistantes, sauf le passage des camions sur le […], notamment et surtout de nuit, alors que tout bruit peut être considéré comme perturbateur dès l’instant que son apparition ou sa disparition modifie le bruit ambiant d’une manière sensible.’
– ‘(…) à mon avis, les préjudices subis par M. Mme [U], qui ont acquis l’immeuble le 28 mars 2013, alors que la situation n’a pas été modifiée et existe en l’état depuis fort longtemps, ne me semblent pas pouvoir être appréciés, sauf à nécessiter l’exécution impérative des travaux ci-dessus énumérés (…) dont le coût serait à la charge de M. Mme [A] (locataires) ou de la SCI […] (bailleresse), selon les conditions du bail commercial (…) et la nature juridique ou technique des travaux.’
En l’état de ses dernières conclusions de première instance, la SCI demandait notamment au tribunal de constater l’existence d’un droit de passage sur le fonds des époux [U]-[T] à son profit permettant ainsi l’accès au fonds enclavé et de condamner ces derniers à indemniser le préjudice moral qu’elle a subi en raison de leur attitude.
Les époux [A]-[X] ont sollicité du tribunal, qu’il relève que M. et Mme'[U]-[T] ne contestaient plus le caractère enclavé du parking, qu’il les juge bien fondés à revendiquer une servitude de passage sur le fonds de ces derniers et non redevables de travaux en leur qualité de preneurs.
De leur côté, les époux [U]-[T] ont demandé au tribunal de grande instance de leur donner acte de ce qu’ils s’en rapportent sur un passage d’accès à la parcelle ZH n°[Cadastre 2] par l’intermédiaire de la […] et la parcelle ZH n°[Cadastre 9] leur appartenant le long de la parcelle cadastrée section ZH n°[Cadastre 1], mais d’enjoindre à la SCI et à ses locataires de respecter certaines conditions et notamment la réalisation de travaux. Ils ont également sollicité la condamnation de leurs contradicteurs à leur payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Suivant jugement du 15 octobre 2019, le tribunal de grande instance d’Angers a :
– dit que la SCI […] justifie de l’existence d’un état d’enclave et de son droit de passage, dans son assiette et ses modalités d’exercice déterminées par trente ans d’usage continu sur la parcelle cadastrée ZH n°[Cadastre 9],
– enjoint en premier lieu la SCI […] de faire procéder à la réalisation d’un revêtement de type enrobé au moins sur la surface de voie d’accès existant sur la parcelle ZH n°[Cadastre 9] afin d’éviter toute dégradation et nids de poule, de réaliser un busage du fossé situé le long de ce chemin, busage devant recueillir toutes eaux pluviales pour déverser dans le réseau public en bordure de la […] et enfin de procéder à la pose de blocs de rocher sur la parcelle ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6], ce à proximité de la limite séparative avec la propriété cadastrée section ZH n°[Cadastre 9],
– enjoint en second lieu la SCI […] in solidum avec les époux [A] de poser ou faire poser des réceptacles et bacs à ordures adéquats sur le parking cadastré section ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6] pour recueillir tous déchets et ordures des utilisateurs du parking,
– dit que les travaux seront à réaliser dans le délai de six mois à compter de la signification du jugement,
– dit que chacune des deux obligations sera assortie d’une astreinte provisoire d’un montant de 500 euros par jour de retard pendant quatre mois qui commencera à courir, six mois à compter de la signification du jugement,
– dit que la présente juridiction conservera le contentieux de l’astreinte,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– dit que les dépens seront partagés par moitié entre la SCI […] et les époux [U] qui comprendront le partage des frais d’expertise conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 20 février 2020, les époux [U] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs autres demandes, à savoir de réaliser pour limiter toute nuisance sonore l’installation d’un merlon d’au minimum 1m de hauteur derrière les blocs de pierre le long de la limite de propriété de la parcelle ZH n°[Cadastre 9], de réaliser une clôture doublée d’une haie sur les parcelles ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6] le long de la limite séparative de la propriété ZH n°[Cadastre 9], d’enjoindre à la SCI […] et aux époux [A] d’installer une fermeture de parking par barrière pendant les périodes de fins de semaines ainsi que pendant la durée des vacances des époux [A], ce afin qu’il n’y ait pas de passage ou stationnement intempestif de poids lourds pendant ces périodes, et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, d’enjoindre à la SCI […] de porter dans tout bail commercial des exploitants du restaurant [13] une clause de fermeture par barrière pendant les fins de semaines et périodes de congés des exploitants du restaurant [13] ou tout autre restaurant avec obligation également pour les gérants dudit restaurant de maintenir les réceptacles bacs à ordures sur ledit parking outre de nettoyer régulièrement le parking ainsi que le chemin d’accès et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, de condamner in solidum la SCI […] et les époux [A] à leur payer pour les causes sus énoncées la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ; et en ses dispositions portant sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile, intimant dans ce cadre la SCI […] ainsi que M. et Mme [A]-[X].
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2023 et le dossier retenu à l’audience du 26 septembre de la même année, conformément aux prévisions d’un avis du 25 mai 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 11 décembre 2020, M.'[U] et Mme [T] son épouse se fondant sur les dispositions des articles 682 et suivants, outre l’article 1240 (1382 ancien) du Code civil, demandent à la présente juridiction de :
– les dire et juger autant recevables que bien fondés en leur appel limité,
– infirmer le jugement prononcé par le tribunal de grande instance d’Angers le 15 octobre 2019 en ce qu’il les avait déboutés de leurs autres demandes,
– enjoindre à la SCI […] de réaliser, pour limiter toutes nuisances sonores, l’installation d’un merlon d’au minimum un mètre de hauteur derrière les blocs de pierre le long de la limite de propriété de la parcelle ZH n°[Cadastre 9], de réaliser une clôture doublée d’une haie sur les parcelles ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6] le long de la limite séparative de la propriété ZH n°[Cadastre 9], le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt,
– enjoindre à la SCI […] et aux époux [A], d’installer une fermeture de parking par barrière pendant les périodes de fins de semaine ainsi que pendant la durée des vacances des époux [A], ce afin qu’il n’y ait pas de passage ou stationnement intempestif de poids lourds pendant ces périodes, et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,
– enjoindre à la SCI […] de porter dans tout bail commercial des exploitants du restaurant [13] une clause de fermeture par barrière pendant les fins de semaine et périodes de congés des exploitants du restaurant ou de tout autre restaurant avec obligation également pour les gérants dudit restaurant de maintenir les réceptacles et bacs à ordures sur ledit parking outre de nettoyer régulièrement le parking ainsi que le chemin d’accès, et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,
– confirmer le jugement du 15 octobre 2019 en ce qu’il a enjoint à la SCI'[…] de faire procéder à la réalisation d’un revêtement de type enrobé au moins sur la surface de voie d’accès existant sur la parcelle ZH n°[Cadastre 9] afin d’éviter toute dégradation et nid de poule, de réaliser un busage du fossé situé le long de ce chemin, busage devant recueillir toutes eaux pluviales pour déverser dans le réseau public en bordure de la […] et enfin de procéder à la pose de blocs de rocher sur la parcelle ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6], ce à proximité de la limite séparative avec la propriété cadastrée section ZH n°[Cadastre 9],
– confirmer le jugement prononcé le 15 octobre 2019 en ce qu’il a enjoint à la SCI […] in solidum avec les époux [A] de poser ou faire poser des réceptacles et bacs à ordures adéquats sur le parking cadastré section ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6] pour recueillir tous déchets et ordures des utilisateurs du parking,
– confirmer le jugement prononcé le 15 octobre 2019 en ce qu’il a dit que lesdits travaux devaient être réalisés dans les six mois à compter de la signification du jugement,
– confirmer ledit jugement en ce que chacune des obligations sera assortie d’une astreinte provisoire d’un montant de 500 euros par jour de retard pendant quatre mois qui commencera à courir, six mois à compter de la signification du jugement, et en ce qu’il a précisé que le tribunal judiciaire conserverait le contentieux de l’astreinte,
– infirmer le jugement du 15 octobre 2019 en ce qu’il les a déboutés de leur demande formulée au titre des dommages intérêts,
– condamner in solidum la SCI […] et les époux [A] à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts,
– infirmer le jugement du 15 octobre 2019 en ce qu’il les a déboutés de leur demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner in solidum la SCI […] et les époux [A] à leur payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance,
– condamner in solidum la SCI […] et les époux [A] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile devant la cour d’appel,
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a partagé les dépens de la procédure par moitié entre la SCI […] et eux-mêmes,
– condamner in solidum la SCI […] et les époux [A] en tous les dépens de la procédure de première instance incluant les frais d’expertise judiciaire de M. [F], ainsi qu’aux dépens de la procédure d’appel, l’ensemble des dépens étant recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses uniques écritures déposées le 4 septembre 2020, la SCI'[…] demande à la présente juridiction de :
vu l’article 701 du Code civil,
vu les articles 682 et 685 du Code civil,
– débouter M. et Mme [U] irrecevables de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, (sic)
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Angers le 15 octobre 2019 en l’ensemble de ses dispositions,
En tout état de cause :
– condamner M. et Mme [U] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner M. et Mme [U] aux entiers dépens.
Aux termes de leurs uniques écritures déposées le 3 septembre 2020, M. [A] et Mme [X] son épouse demandent à la cour de :
vu les articles 682, 1720 et 1754 du Code civil,
vu l’article 700 du Code de procédure civile,
– déclarer M. et Mme [U] mal fondés en leur appel,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance en l’ensemble de ses dispositions,
– débouter M. et Mme [U] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– condamner M. et Mme [U] à leur verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Liminairement, il doit être souligné que les appelants sollicitent la confirmation de la décision du tribunal en ce :
– qu’il a enjoint à la SCI […] de faire procéder à la réalisation d’un revêtement de type enrobé au moins sur la surface de voie d’accès existant sur la parcelle ZH n°[Cadastre 9] afin d’éviter toute dégradation et nid de poule, de réaliser un busage du fossé situé le long de ce chemin, busage devant recueillir toutes eaux pluviales pour déverser dans le réseau public en bordure de la […] et enfin de procéder à la pose de blocs de rocher sur la parcelle ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6], ce à proximité de la limite séparative avec la propriété cadastrée section ZH n°[Cadastre 9],
– qu’il a enjoint à la SCI […] in solidum avec les époux [A] de poser ou faire poser des réceptacles et bacs à ordures adéquats sur le parking cadastré section ZH n°[Cadastre 2] et ZH n°[Cadastre 6] pour recueillir tous déchets et ordures des utilisateurs du parking,
– qu’il a dit que lesdits travaux devaient être réalisés dans les six mois à compter de la signification du jugement,
– que chacune des obligations sera assortie d’une astreinte provisoire d’un montant de 500 euros par jour de retard pendant quatre mois qui commencera à courir, six mois à compter de la signification du jugement, et en ce qu’il a précisé que le tribunal judiciaire conserverait le contentieux de l’astreinte.
Cependant, il n’a pas été formé appel principal voire même incident de ces dispositions dont la cour n’est pas saisie et qui n’ont donc pas lieu à être confirmées.
Sur les demandes de travaux :
Le premier juge, sur le fondement des articles 682 et 685-1 du Code civil a considéré que la SCI se devait ‘de procéder à la réalisation de travaux d’entretien de la voie d’accès par d’une part la pose d’un revêtement de type enrobé (…) afin d’éviter toute dégradation et nids de poule, d’autre part la réalisation d’un busage du fossé situé le long de ce chemin’. Par ailleurs le propriétaire du fonds dominant et ses locataires ont été condamnés à mettre en oeuvre un système visant à recueillir les ordures des usagers du parking. Les plus amples demandes des propriétaires du fonds servant ont été rejetées comme étant de nature à restreindre l’exercice du droit de passage outre qu’il était établi qu’au cours des fins de semaine aucun poids-lourd ne stationnait sur les parcelles litigieuses.
Aux termes de leurs dernières écritures les appelants indiquent que leurs contradicteurs ‘ne disposaient d’aucun titre et autorisation régulière d’exploitation de la parcelle litigieuse en parking’, l’expertise établissant notamment que l’arrêté du 5 juillet 1976 était devenu caduc faute pour ses requérants d’avoir entrepris les travaux qu’il impliquait. Ils soulignent au demeurant que les prévisions de cet arrêté n’ont pas été respectées, dès lors qu’il ne prévoyait pas d’emplacement de stationnement le long de la limite séparative de propriété. Au surplus ils soutiennent que les propriétaire et exploitants du fonds voisin ne justifient aucunement du respect des prévisions du plan d’occupation des sols s’agissant du nombre d’emplacements de parking disponibles et de la présence de plantations sur les parkings. En tout état de cause et s’agissant des nuisances qu’ils subissent, elles ont été établies tant par les services de l’ARS ou par procès-verbal d’huissier que par l’expert désigné. Ils soulignent que pour prévenir ces difficultés le professionnel judiciairement désigné a préconisé des travaux qui n’ont pas été ordonnés par le premier juge sans même les évoquer. Ainsi, concernant le merlon d’un mètre de hauteur, l’expert a précisé qu’il permettrait de diminuer les nuisances sonores notamment en éloignant la zone de stationnement. Ils en déduisent que cette installation permettant la diminution du bruit de quelques décibels doit être ordonnée quand bien même elle n’a aucune incidence sur la perception sonore des camions frigorifiques. S’agissant de la clôture doublée d’une haie, ils indiquent qu’elle a pour objet de réduire les projections de poussière. Concernant la mise en place d’une barrière, ils rappellent que l’existence d’une servitude de passage ne fait pas obstacle à leur droit de se clore, et soutiennent que leurs prétentions en ce qu’elles visent à empêcher l’accès lors des périodes de fermeture de l’établissement ne constituent pas une restriction à l’usage de la servitude. Ils indiquent en outre que les ‘exploitants bénéficient d’autre lieu de stationnement qui pourrait être utilisé par les routiers en dehors des horaires d’ouverture du restaurant’ (sic). Ils précisent disposer depuis un arrêté du 21 mai 2014, des autorisations administratives nécessaires à la mise en oeuvre de leur droit de se clore. Ils en déduisent qu’il ‘ne peut dès lors être possible de [les] contraindre à laisser leur propriété accessible en dehors des heures d’ouverture du restaurant’. En réponse aux arguments qui leurs sont opposés, ils soulignent ne jamais avoir sollicité l’électrification de cette barrière et qu’en tout état de cause les poids-lourds font déjà des demi-tours lorsque le parking est complet de sorte que la fermeture de la barrière n’implique pas de réel changement, sauf pour l’exploitant à signaler les jours d’ouverture de l’espace de stationnement. A ce titre, ils soulignent que les parcelles litigieuses doivent avoir pour objet le stationnement de la clientèle du restaurant et non une aire de repos, ce qui correspond à la situation actuelle et qui crée des nuisances supplémentaires (bruit et déchets abandonnés). Ils en concluent qu”il est bien évident que la mise en place de cette barrière à charge du restaurant serait plus simple que si cette barrière se trouvait être mise à [leur] charge, étant rappelé que cette barrière peut parfaitement être posée sur le parking litigieux et non pas sur l’emplacement de la servitude de passage’. Enfin, concernant les mentions devant figurer aux baux successifs, les appelants soulignent que les divers constats intervenus établissent l’absence de respect du voisinage par les intimés (absence de proposition d’indemnisation proportionnelle conforme à l’article 682 du Code civil, d’entretien du parking et de mise en place de bacs de ramassage des ordures), ce qui justifie de leurs demandes.
Aux termes de ses uniques écritures la SCI précise s’agissant du merlon, que l’expert avait évoqué cette possibilité à défaut de mise en place de blocs de pierre. Or le premier juge a valablement considéré que cette seconde solution permettait de supprimer les nuisances invoquées par ses contradicteurs. Ainsi, au regard de la mise en place de blocs pierreux elle estime non justifiée la demande en pose d’un merlon. Concernant la clôture doublée de haie, elle observe que cette solution avait été envisagée par l’expert aux fins de mettre un terme aux diverses projections et notamment de poussières constatées dans le jardin des appelants. Or elle affirme que la mise en place des blocs éloigne les camions du fonds de ces derniers de sorte qu’il n’existe plus de certitude quant à la présence de poussières. Enfin s’agissant de la barrière, la SCI rappelle que l’article 701 du Code civil prohibe les faits de nature à rendre l’usage de la servitude plus incommode. A ce titre, elle affirme que ‘la mise en place d’une clôture engendrerait outre une incommodité, un danger pour les usagers car de nature à créer des accidents en ce que les poids lourds n’auraient pas la possibilité d’effectuer des man’uvres lorsque la barrière est close’. Elle conclut donc au rejet de l’ensemble des demandes des appelants.
Aux termes de leurs dernières écritures les intimés s’agissant du merlon et de la clôture doublée d’une haie, soulignent que ces travaux portent sur le respect de règles administratives et en tout état de cause ne dépendent pas des réparations locatives ou de menu entretien dont ils sont tenus en leur qualité de preneurs à bail. Concernant la barrière et la mention aux baux successifs, ils observent que la mise en oeuvre du dispositif de clôture sollicité est dangereux dès lors qu’il imposerait à tout poids-lourd engagé de se réinsérer sur la route en marche arrière et sans visibilité. A ce titre ils rappellent que l’expertise a mentionné le fait qu’un semi-remorque nécessite une largeur de 32m pour effectuer un demi-tour, alors même que l’emprise de la servitude est de 10m. Au surplus, ils soulignent que l’expert avait établi la particularité de l’aire de stationnement pour poids-lourd, dès lors que ‘le parking peut être utilisé par les conducteurs comme une aire de repos pendant les heures de fermeture du restaurant, ce qui est le cas pour l’ensemble des restaurants routiers. En conséquence, la fermeture par une barrière du parking remettrait en cause l’activité du restaurant routier et présenterait un risque de sécurité si des véhicules venaient à être stationnés sur l’aire alors que la barrière serait fermée’ (sécurité incendie notamment). De plus, ils soulignent que la pose d’une barrière ne limite en aucun cas les nuisances invoquées dès lors que l’expert a souligné que l’immeuble des appelants se trouve en bordure de route nationale de sorte que les bruits de circulation sont notamment liés à l’environnement. Au surplus ils soulignent que les transporteurs présents la nuit se trouvent normalement en position de temps de repos d’au moins 10 heures de sorte qu’ils ne circulent pas.
– Sur le merlon :
En l’espèce l’expert, s’agissant des travaux nécessaires au respect notamment du voisinage, indique qu”afin de limiter les nuisances sonores l’installation d’un merlon de 1m de hauteur sur la longueur du terrain de M. Mme [U] (le long de la limite de propriété et par exemple à la place ou en sus des blocs de rochers ci-dessus évoqués, comme ayant également le même résultat d’éloigner la zone de stationnement des bâtiments) permettrait de réduire le bruit du parking de quelques décibels’.
Le professionnel désigné indique également : ‘il conviendrait d’aménager l’aire de stationnement longeant la propriété de M. Mme [U], tel que représenté au croquis ‘aménagement de l’accès par la parcelle ZH [Cadastre 9]”, (…) afin d’éloigner des bâtiments et de quelques mètres la zone de stationnement, par exemple par la pose d’une clôture et la pose de blocs de rochers ou d’un merlon’.
Il en résulte que la proposition de mise en oeuvre d’un merlon vise uniquement à créer de la distance entre la zone de stationnement et l’immeuble des appelants mais également que cette solution est présentée comme une alternative aux rochers.
Or la décision de première instance, en ses dispositions non critiquées, ordonne la mise en oeuvre de blocs rocheux sur les parcelles ZH [Cadastre 2] et [Cadastre 6] à proximité de la limite séparative avec la parcelle n°[Cadastre 9]. Il en résulte que l’objectif d’éloignement de la zone de stationnement est déjà obtenu par cette mesure.
Au demeurant le croquis établi par l’expert dit ‘aménagement de l’accès par la parcelle ZH [Cadastre 9]” représente des blocs de pierre le long de la limite séparative ainsi qu’à l’extrémité de l’emprise du passage, sans faire figurer de merlon.
Il en résulte que la réduction du bruit liée à la présence d’un merlon serait uniquement la résultante de l’éloignement des véhicules bruyants, or ce bénéfice est déjà assuré par la mise en oeuvre de blocs de pierre ordonnée par le premier juge.
La décision de première instance doit donc être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de mise en oeuvre d’un merlon d’une hauteur minimale de 1 mètre.
– Sur les clôture et haie :
Le professionnel désigné mentionne au rang des travaux préconisés que ‘la pose d’une clôture doublée d’une haie le long de cette zone permettrait de limiter les nuisances de poussières du parking vers la propriété de M. Mme [U]. (…)
Limiter les projections diverses (poussières…) sur le jardin de M. Mme [U] en plantant une clôture sur la longueur du terrain le long de la parcelle ZH [Cadastre 2], doublée d’une haie’.
Ainsi, la haie et la clôture telles qu’envisagées par l’expert ne se trouvent pas sur la parcelle ZH [Cadastre 2] puisqu’elles la bordent, mais sur le fonds des appelants.
A ce titre, le croquis représentant les préconisations de l’expert établit que la haie ainsi envisagée se trouve à l’intérieur de la parcelle ZH [Cadastre 9].
Or aux termes de leurs écritures, les appelants demandent à la présente juridiction ‘d’imposer’ à leurs contradicteurs la réalisation des travaux ‘tels que préconisés par M. [F], à savoir la pose d’une clôture doublée d’une haie permettant tout à la fois de séparer les propriétés, créer un mur de verdure réduisant la poussière sur les propriétés voisines’ (sic).
Il en résulte que les appelants, aux termes de leur discussion, sollicitent la condamnation des intimés mettre en place un ‘mur de verdure’ sur leur propre héritage.
S’agissant de travaux à réaliser sur le fonds d’autrui les intimés ne peuvent être condamnés les entreprendre.
Par ailleurs, s’agissant de la mise en place d’une clôture, ne correspondant pas exactement aux préconisations expertales et telle que sollicitée aux termes du dispositif des appelants (sur l’emprise de la parcelle ZH [Cadastre 2]), il doit être rappelé que l’article 647 du Code civil pose le droit pour chaque propriétaire de se clore, de sorte que sauf exception un propriétaire ne peut être contraint de le faire. A ce titre, les appelants n’évoquent aucunement à quel titre ils entendent contraindre leur voisine à se clore sauf à invoquer une réduction des émanations de poussières.
Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté cette demande.
– Sur la fermeture par une barrière :
En l’espèce, il doit être souligné que le droit de passage reconnu par le premier juge a pour objet de desservir une parcelle à usage de parking de restaurant servant une clientèle de transporteurs routiers.
A ce titre l’expert a pu exposer : ‘la fréquentation d’une aire de stationnement pour poids-lourds est variable selon le moment de la journée, voire la nuit, ayant une fonction d’arrêt pour pause ou repas en autonomie plus marquée la nuit qu’en journée, l’arrêt débutant vers 18h30 pour culminer vers 23h30.
La majorité des conducteurs s’arrêtent (sic) sur une aire de stationnement parce que c’est l’heure de l’arrêt réglementaire, certains pour y passer la nuit, d’autres pour y faire une pause de trois ou quatre heures avant de reprendre la route et donc de conduire de nuit.
La pause est variable et une majorité de conducteurs s’arrêtent (sic) entre une demi-heure et deux heures, les arrêts se faisant en moyenne vers 19h30 et les départs vers 20h45.
Certains conducteurs profitent de l’arrêt pour manger, de préférence au restaurant, sinon dans la cabine du camion.
La pause se fait aussi pour cause de fatigue et certains conducteurs prévoient de dormir à cette occasion pendant trois ou quatre heures.
L’arrêt de nuit dure pour une majorité de conducteurs entre 10 et 13 heures, car étant l’occasion d’un repas, de dormir, d’utiliser les sanitaires du lieu de l’arrêt ou enfin pour le contrôle technique du chargement.
(…) Les poids-lourds ne circulent pas le samedi et le dimanche’.
En outre, il doit être rappelé que la servitude de passage dont l’existence a été déterminée par le premier juge a pour objet de permettre l’exploitation commerciale, au sens de l’article 682 du Code civil, du fonds voisin et plus particulièrement dessert une parcelle correspondant au parking attaché à un fonds de commerce de restauration routière.
Or les éléments ci-avant rappelés par l’expert établissent que cette destination spécifique implique un usage particulier de cet espace de stationnement.
En effet, les réglementations applicables à la circulation des transporteurs routiers et notamment leurs horaires de travail, impliquent que les usagers de ce parking peuvent non seulement se trouver présents aux horaires d’ouverture de l’établissement de restauration, mais également en dehors de ces périodes, les personnels routiers pouvant anticiper des trajets avec horaires d’arrêt en tenant compte de l’existence de cet espace de stationnement et cela sans être avisés des éventuelles fermetures du restaurant notamment en période de congés.
Dans ces conditions, la mise en place d’une barrière ne peut qu’être analysée comme une entrave à l’usage de la servitude.
La décision de première instance doit donc être confirmée en ce qu’elle a rejeté cette demande.
– Sur les mentions aux baux successifs :
En l’espèce, dès lors que la demande de mise en place d’une barrière est rejetée, il n’y a pas lieu d’enjoindre à la propriétaire du fonds dominant de mentionner, aux baux à venir, l’obligation de fermer cet équipement lors des fins de semaine et autres périodes de fermeture de l’établissement.
Par ailleurs, s’agissant du nettoyage ‘régulier’ des parking et voie d’accès, il ne peut qu’être constaté que cette demande formulée dans des termes particulièrement vagues ne permet aucunement de l’ordonner, dès lors que cette notion de nettoyage n’est aucunement définie ou précisée et alors même qu’il est sollicité le prononcé d’une astreinte ‘par infraction constatée’. Or ces infractions ne sont pas plus définies par les appelants.
Enfin, s’agissant de la mention du maintien de réceptacles destinés à recevoir les ordures des usagers du parking, il doit être souligné que le premier juge a d’ores et déjà, définitivement, mis à la charge de la SCI l’obligation d’installer des bacs à ordures adéquats. Ainsi l’obligation de mentionner une telle charge aux éventuels baux successifs n’apparaît pas nécessaire, dès lors que le débiteur de l’obligation d’installation d’un dispositif de collecte des ordures demeure libre des conditions dans lesquelles il va assurer l’exécution de cette même obligation (directement ou par l’intermédiaire de ses éventuels locataires).
La décision de première instance doit donc être confirmée en ce qu’elle a rejeté ces demandes.
Sur les demandes en réparation :
En droit, l’article 1240 du Code civil dispose que : ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.
Le premier juge retenant une acquisition d’assiette de servitude par prescription trentenaire a considéré que les propriétaires du fonds servant n’étaient pas fondés à solliciter l’allocation d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Aux termes de leurs dernières écritures les appelants observent que le premier juge a retenu l’existence des nuisances qu’ils invoquent, ‘bruits, poussière, dégradations de l’allée, stationnement anarchique des poids lourds’. Ils soulignent qu’au-delà de la reconnaissance de l’existence d’une servitude il n’en demeurait pas moins que les exploitants du restaurant n’ont pris aucune disposition pour mettre un terme à ces nuisances. Ainsi, ils soulignent que ‘les nuisances occasionnées vont bien au-delà du simple passage puisqu’il s’agit là d’abus d’utilisation de la servitude par la projection d’ordures, le soulèvement de poussière, de stationnement anarchique de véhicules, ce le long des limites séparatives sans respect du voisinage, ce compris le stationnement de véhicules particuliers sur les propres parties privatives de [leur] immeuble’. Ils indiquent donc avoir été contraints de procéder au ramassage d’ordures et avoir au surplus été insultés. De plus, ils soulignent que la SCI n’a aucunement respecté les prescriptions du PLU pourtant destinées au respect du voisinage. Enfin, ils observent qu’alors même que la décision de première instance a été signifiée le 29 janvier 2020, aucun des travaux prévus n’a été réalisé.
Aux termes de ses uniques écritures, la SCI indique que ses contradicteurs qui ne résident pas sur les lieux ne justifient d’aucun préjudice.
Aux termes de leurs uniques écritures, les intimés rappellent qu’ils exploitent le restaurant depuis 2012 et que le parking existe depuis la fin des années 70, soit antérieurement à l’installation des appelants, qui ont donc acquis au vu d’une situation qui n’a pas été modifiée. Ils soulignent au demeurant que leurs contradicteurs invoquent un préjudice qu’ils ne subissent pas puisqu’ils ne résident pas au sein de l’immeuble objet du présent contentieux. Ils concluent donc à la confirmation de la décision de première instance.
Sur ce :
En l’espèce, il résulte des attestations produites par les appelants que ces derniers, s’ils ne contestent aucunement ne plus être occupants du logement litigieux, y ont cependant, à tout le moins un temps, établi leur résidence familiale.
Au-delà du procès-verbal de constat du 17 avril 2014, établissant la présence notamment de détritus dans le fossé longeant la voie d’accès dont des bouteilles et papiers, les appelants communiquent aux débats diverses attestations mentionnant courant 2015 :
– s’agissant de M. et Mme [R] : ‘nous (…) confirmons avoir constaté à plusieurs reprises les nuisances suivantes : (…)
– l’état des abords du chemin régulièrement envahit de bouteilles plastiques remplient d’urine, de détritus en tous genres laissés par les routiers’ (sic)
– pour M. [W] : ‘j’ai pu constater, au court de mes fréquentes visites chez M. et Mme [U], (…) de nombreuses nuisances, dû au passage intensif de poids lourds sur leur propriété. Les nuisances dont j’ai été témoin sont les suivantes :
– l’entrée de leur chemin plein de trous, ce qui rend l’accès à leur domicile difficile. (…)
– des bouteilles d’urines, jetées dans les fossés bordant leur propriété.
– certains camions qui se gare, le long de la route, bouchant la vue et empêchant d’accéder chez eux.
– l’affaissement de la buse d’évacuation, provoquant des inondations sur leur parking,
– par beau temps, il est impossible de profiter de leur jardin à cause des nuages de poussière dégagé par les poids lourds’ (sic)
– s’agissant de Mme [O] : ‘au court de mes fréquentes visites chez M. et Mme [U] (…) ; j’ai pu constaté de nombreuses nuisances dû au passage intensif de poids lourds sur leur propriété. Les nuisances dont je peux témoigner sont les suivantes :
-dégradation importante de leur chemin qui rend l’accès à leur domicile difficile.
– stationnement ‘anarchique’ de poids lourds sur leur propriété et de véhicules malgré le panneau propriété privé. (…)
– inondation de leur parking dû à l’affaissement de la buse d’évacuation.
– déchets divers, comme par exemple bouteilles d’urines jetées sur leur propriété.
– dégagement énorme de poussière par temps sec qui empêche (…) leurs enfants de profiter des extérieurs et qui les obligent à fermer les fenêtres’ (sic)
– pour Mme [L] : ‘j’ai pu constaté la nuisance sonore et aussi la poussière constente aux passage des véhicules. (…) Je peux aussi constaté que lors de mes visites régulière chez eux, nous voyons énormément de bouteille d’urine jeté dans le fossé’ (sic)
– s’agissant du père de l’appelant : ‘les nuisances sonores et la poussière dus au passage des camions pour accéder sur le terrain voisin (servant de parking) les frigorifiques qui stationnent le week-end en borure de maison quand ce parking (terrain) est désert ces jours là (…). Certains conducteurs routiers qui ne se gênent (sic) pas d’uriner le long de la clôture, ce, même notre présence sur la terrasse du jardin (sic). Lors de l’entretien de la tonte de la haie où l’on retrouve divers détritus, papiers, emballages de cigarettes, canettes alu et le top, les bouteilles d’eau une fois vide qui servent d’urinoir aux conducteurs routiers et jetées le long de cette haie’.
De plus, la persistance de ces difficultés est également mise en évidence par le rapport d’expertise faisant état du bruit mais également mentionnant que des travaux devraient permettre de limiter les nuisances ‘au regard des détritus laissés par les chauffeurs des poids-lourds en l’absence de bacs pour les entreposer et du fait de l’état du fossé non entretenu’.
Il résulte de ce qui précède que la SCI et ses locataires ont pu faire usage, pendant un temps sans titre, du fonds d’autrui pour accéder à la parcelle ZH [Cadastre 2], sans pour autant limiter les gênes que cela pouvait engendrer pour leur voisinage et plus particulièrement pour les propriétaires de l’héritage sur lequel les conducteurs routiers pouvaient abandonner leurs déchets ou même se stationner dans des conditions pouvant même condamner l’accès à leur propre parcelle. Ces nuisances sont de nature à causer un préjudice notamment de jouissance aux propriétaires du fonds ainsi dégradé et encombré voire occupé.
De plus, et alors même que les intimés ne contestent aucunement les obligations mises à leur charge par le jugement du mois d’octobre 2019 et qui sont désormais définitives et notamment la nécessité de mettre en oeuvre un système de collecte des déchets, ils ne produisent aucune pièce démontrant qu’ils aient même procédé à l’acquisition d’un bac à ordures.
Ainsi, l’usage du fonds d’autrui en permettant le maintien sur cet héritage d’ordures déversées au cours de cette même utilisation voire l’occupation de cet héritage sans aucune réaction, constituent des comportements fautifs engageant la responsabilité des intimés et, au regard de la durée de ces troubles justifient de l’allocation aux appelants d’une somme de 8.500 euros en réparation de leur préjudice.
La décision de première instance doit donc être infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en indemnisation formée par les propriétaires du fonds servant, les intimés, qui par leurs inerties conjuguées ont participé de ce préjudice, doivent être in solidum condamnés au paiement de la somme ci-dessus mentionnée.
Sur les demandes accessoires :
Au regard de l’issue du présent litige les dispositions de la décision de première instance s’agissant des frais de procédure doivent être confirmées, cependant, les intimés qui succombent en leurs prétentions d’appel, doivent être condamnés aux dépens d’appel.
Enfin, l’équité commande de les condamner au paiement aux appelants de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME, dans les limites de sa saisine, le jugement du tribunal de grande instance d’Angers du 15 octobre 2019, sauf en celle de ses dispositions ayant rejeté la demande en réparation formée par les époux [U]-[T] ;
Statuant de nouveau de ce seul chef et y ajoutant :
CONDAMNE in solidum la SCI […] ainsi que M. [V] [A] et Mme [E] [X] épouse [A] au paiement à M. [J] [U] et Mme [M] [T] épouse [U] de la somme de 8.500 euros (huit mille cinq cents euros) en réparation du préjudice de jouissance résultant des nuisances subies ;
CONDAMNE in solidum la SCI […] ainsi que M. [V] [A] et Mme [E] [X] épouse [A] au paiement à M. [J] [U] et Mme [M] [T] épouse [U] de la somme de 3.000 euros (trois mille euros) par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la SCI […] ainsi que M. [V] [A] et Mme [E] [X] épouse [A] aux dépens ;
ACCORDE au conseil de M. [J] [U] et Mme [M] [T] épouse [U] le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER