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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
11 JANVIER 2024
N° RG 23/01092 – N° Portalis DB22-W-B7H-RPQQ
Code NAC : 5BZ
AFFAIRE : S.D.C. de l’immeuble sis [Adresse 6] C/ S.A. AGEAS FRANCE, S.A.S. DSBCP exerçant sous l’enseigne PIZZA HUT
DEMANDERESSE
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 6], représenté par son syndic, la Société DAUCHEZ COPROPRIETES, SA immatriculée au RCS de PARIS sous le n°314 901 190, dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 11], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicliés en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Frédérique FARGUES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 138, avocat postulant et par Me Jérôme CHAMARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P56, avocat plaidant.
DEFENDERESSES
S.A. AGEAS FRANCE, SA immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°352 191 167, dont le siège est sis [Adresse 10], prise en la personne de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège,
Représentée par Me François PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393, avocat postulant et de Me Jean-Philippe CONFINO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K182, avocat plaidant.
S.A.S. DSBCP exerçant sous l’enseigne PIZZA HUT, SAS immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n°827 859 521, dont le siège est sis [Adresse 9], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Représentée par Me Christelle ONILLON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 679
Débats tenus à l’audience du : 23 Novembre 2023
Nous, Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, greffière lors des débats de Elodie NINEL, greffière placée lors du prononcé,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 23 Novembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
EXPOSE DU LITIGE
L’immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 13] est soumis au statut de la copropriété.
Son administration est assurée par la société DAUCHEZ COPROPRIETES ès qualités de syndic.
Il dépend d’un ensemble immobilier plus vaste comprenant les immeubles [Adresse 7]-[Adresse 9], [Adresse 4]-[Adresse 6] relevant du périmètre d’une association foncière urbaine libre (AFUL).
La société AGEAS FRANCE est propriétaire d’un local commercial situé au rez de chaussée de l’immeuble [Adresse 9]. Ce local est donné en location à la société DSBCP, exerçant sous l’enseigne PIZZA HUT, qui l’a affecté à l’usage de pizzeria.
Le local est affecté à usage de pizzéria.
Se plaignant de nuisances d’abord sonores, puis par la suite olfactives, provenant du système d’extraction des fumées depuis l’été 2022, le syndic a adressé les 17 juillet et 22 août 2022 des mises en demeure à la société DSBCP et à SOGIT, administrateur de biens d’AGEAS.
L’assemblée générale des copropriétaires réunie le 3 juillet 2023 a décidé l’engagement d’une procédure aux fins de faire cesser les nuisances.
Le 15 mai 2023, le syndic a adressé une nouvelle mise en demeure à la société SOGIT.
Le 29 juin 2023, le conseil de la société AGEAS a également mis en demeure la société DSBCP de procéder à la dépose de l’extracteur en vue de son remplacement.
Par acte de commissaire de justice en date du 31 juillet 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 13] représenté par son syndic la société DAUCHEZ COPROPRIETES (ci-après dénommé le syndic) a assigné la SA AGEAS FRANCE et la SAS DSBCP en référé aux fins de voir :
– condamner la société DSBCP à cesser son activité tant qu’il ne sera pas justifié du remplacement complet du système d’extraction des fumées et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard commençant à courir passé un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance de référé,
– dire que le juge des référés se réservera le pouvoir de liquider l’astreinte,
subsidiairement :
– ordonner une expertise,
– condamner in solidum la société DSBCP et la société AGEAS aux dépens dont distraction au profit de Maître Frédrique FARGUES ainsi qu’ à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été appelée à l’audience du 28 septembre 2023, renvoyée à celle du 23 novembre 2023 à laquelle elle a été évoquée.
En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par la société DSBCP tirée de l’irrecevabilité de l’action au regard de l’habilitation donnée en syndic d’agir uniquement contre le propriétaire, le SDC a mis en avant les dispositions de l’article 55 du dcret du 17 mars 1967 aux termes desquelles d’une part seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice et d’autre part une autorisation par décision de l’assemblée générale n’est pas nécessaire pour les demandes qui relèvent du juge des référés.
Le SDC a fait valoir que son action était fondée sur l’existence d’un trouble manifestement illicite, qu’elle ne nécessitait ni le constat de l’absence de contestation sérieuse, ni celui de l’urgence.
Il a fait valoir que le bailleur n’avait jamais remis en cause la réalité des nuisances, que de nombreuses interventions avaient eu lieu pour tenter de remédier aux nuisances et que la société AGEAS qui avait toujours considéré que l’activité exercée était source de nuisances ne pouvait désormais affirmer que la réalité de ces nuisances n’était pas démontrée.
Subsidiairement il a fait valoir qu’une mesure d’expertise s’imposait pour examiner la réalité des nuisances et les mesures propres à les faire cesser.
En défense la société AGEAS a sollicité à titre principal le rejet des demandes du SDC, sa condamnation au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. A titre subsidiaire elle a formé protestations et réserves sur la demande d’expertise et demandé que la provision soit consignée par le SDC.
Au soutien de ses prétentions elle a affirmé que le fait d’avoir interpellé la locataire ne valait pas reconnaissance du caractère anormal des nuisances justifiant de surcroît l’arrêt immédiat de l’activité de la société DSBCP.
Elle a fait valoir que des travaux avaient été effectués par la société DSBCP de nature à supprimer les nuisances allégués par le demandeur en fin d’année 2022 et qu’en conséquence le SDC échouait à démontrer le caractère illicite et anormal des troubles allégués.
Elle a soutenu que le SDC ne produisait aucune pièce justifiant des troubles allégués, ni constat d’huissier, ni rapport d’un BET acousticien permettant d’objectiver les éventuels dépassements des seuils réglementaires et que la mesure d’expertise judiciaire ne pouvait avoir pour objet de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.
La société DSBCP a soulevé in limine litis l’irrecevabilité de l’action. Subsidiairement elle a demandé qu’il soit constaté que la demande excédait les pouvoirs du juge des référés.
A défaut elle a demandé de dire que la demande de travaux sous astreinte était irrecevable faute d’identification de la demande. Elle a demandé la condamnation du SDC à lui régler la somme de 4.500 euros pour frais irrépétibles et dépens.
Subsidiairement elle a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à une mesure d’expertise dès lors que les frais en étaient supportés par la copropriété demanderesse.
Au soutien de ses prétentions elle a exposé que l’action de la copropriété n’avait pas été autorisée par l’assemblée des copropriétaires et était donc irrecevable, que le caractère anormal des nuisances constatées restait de l’appréciation exclusive du juge du fond, que le droit de propriété était loin de primer sur la liberté du commerce et de l’industrie qui avait également une valeur constitutionnelle.
La société a fait valoir que les pièces du demandeur articulaient essentiellement des revendications subjectives, d’un copropriétaire en particulier et que la preuve nécessaire était loin d’être rapportée.
Elle a soutenu que les termes de l’astreinte étaient formulés de manière sommaire et qu’elle serait bien en peine de savoir exactement ce qu’elle devait faire et comment démontrer qu’elle l’avait fait.
La décision a été mise en délibéré au 11 janvier 2024.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du SDC
L’article 55 du décret du 17 mars 1967 dispose que l’autorisation donnée au syndic d’agir en justice au nom du syndicat n’est pas nécessaire pour les demandes qui relèvent du juge des référés.
La fin de non-recevoir sera écartée.
Sur la condamnation de la société DSBCP à cesser son activité
L’article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours même en présence d’une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce au soutien de sa demande le SDC produit divers courriers et lettres de mise en demeure. Aucun document objectif tel qu’un constat d’huissier ou un relevé par un acousticien ne vient établir de manière objectif l’existence et l’ampleur du trouble.
Le SDC ne démontre donc pas en l’état des pièces produites l’existence d’un trouble manifestement illicite.
Sa demande princiale sera rejetée.
Sur la demande d’expertise
L’article 143 du code de procédure civile dispose que “Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible.”
L’article 232 du code de procédure civile ajoute que “Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien.”
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ; elle doit être pertinente et utile.
Si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir l’existence des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
En l’espèce, la mesure demandée est légalement admissible ;
Le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ;
La prétention du demandeur n’est pas manifestement vouée à l’échec ;
Le demandeur dont les allégations ne sont pas imaginaires et présentent un certain intérêt, justifie, par la production de courriers de plainte d’un copropriétaire et de démarches engagées auprès du bailleur et du locataire, du caractère légitime de sa demande ;
Il y a donc lieu d’y faire droit, dans les conditions détaillées dans le dispositif.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité et la situation économique des parties ne commandent pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront à la charge du demandeur.
PAR CES MOTIFS
Nous, Charlotte MASQUART, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort :
Vu les articles 145 et 835 du code de procédure civile,
REJETONS la demande tendant à la condamnation de la société PIZZA HUT de cesser son activité sous astreinte;
ORDONNONS une expertise,
COMMETTONS pour y procéder :
M. [S] [V]
[Adresse 8]
[Localité 12]
Tél : [XXXXXXXX01] Fax : [XXXXXXXX02]
Port. : [XXXXXXXX03] Mèl : [Courriel 14]
expert, inscrit sur la liste de la Cour d’appel, avec mission de :
* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,
* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
* se rendre sur les lieux et en faire la description,
* dire si les locaux et installations du local commercial, notamment la gaine d’extraction des fumées, sont conformes aux documents contractuels, aux règlements applicables, et aux règles de l’art,
* dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels, aux règlements applicables, et aux règles de l’art,
* examiner les nuisances sonores et olfactives alléguées par le syndicat demandeur, et notamment ceux répertoriés dans la présente assignation,
*donner son avis sur leur origine,
* décrire précisément, à l’aide de devis fournis par les parties, les travaux nécessaires à la suppression des nuisances, à la remise en état des lieux et des installations dont s’agit,
*chiffrer le coût de ces travaux et les moins-values éventuelles,
* fournir tous éléments de fait susceptibles de permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d’évaluer, s’il y a lieu, tous les préjudices subis,
* entendre les parties en leurs dires et explications, et déposer son rapport au Greffe du Tribunal dans le délai de six mois de sa saisine,
* En cas d’urgence reconnue par l’expert, autoriser le syndicat demandeur à faire effectuer, à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, tous travaux estimés indispensables par l’expert, et qui seront exécutés par le maître d’œuvre du requérant et par les entreprises qualifiées de son choix, sous contrôle de bonne fin de l’expert qui, en tel cas, déposera au Secrétariat-Greffe un pré-rapport précisant la nature et l’importance desdits travaux,
FIXONS à 3000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versé par le demandeur, au plus tard dans un délai de six semaines à compter de la présente décision, entre les mains du régisseur d’avance de recettes de cette juridiction,
IMPARTISSONS à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 6 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,
DISONS qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise
DISONS n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DISONS que les dépens seront à la charge du syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 13] représenté par son syndic la société DAUCHEZ COPROPRIETES.
Prononcé par mise à disposition au greffe le ONZE JANVIER DEUX MIL VINGT QUATRE par Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
LA GREFFIÈRE LA VICE-PRÉSIDENTE
Elodie NINEL Charlotte MASQUART