Nuisances sonores : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04838

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Nuisances sonores : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04838
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50D

chambre 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JANVIER 2024

N° RG 21/04838

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVMU

AFFAIRE :

[V] [F]

C/

[J] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2021 par le TJ de NANTERRE

N° chambre : 2

N° RG : 18/03042

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Guillaume CADIX de l’AARPI GALLICA

Me Muriel MIE de la SELARL CENTAURE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [V] [F]

née le 04 Novembre 1933 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Guillaume CADIX de l’AARPI GALLICA, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0667

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [S]

né le 10 Avril 1967 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Muriel MIE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 194

Représentant : Me Ludovic LANDIVAUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0500

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte du 1er septembre 2015, M. [J] [S] a vendu à Mme [V] [F], au prix de 380 000 euros, un appartement situé au premier étage d’un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 6] (92).

Mme [F] a fait état de nuisances olfactives provenant du restaurant appartenant à la société Pardes Patrimoine et exploité, au rez-de-chaussée de l’immeuble, par la société In Casa.

Le 12 juillet 2017, un constat d’huissier, effectué à la demande de Mme [F], a notamment relevé que : « A 21h30, alors que je m’apprête à pénétrer de nouveau dans l’appartement de la partie requérante au premier étage, je sens une odeur de pizza dans les parties communes.

A 21h31, je constate que l’appartement de la partie requérante est imprégné d’une odeur de nourriture, notamment de pizza. Je me positionne sur son balcon, au-dessus de la pizzeria. Je constate alors la présence d’une odeur de nourriture, notamment de pizza mais aussi de viande grillée, dans l’air. Cette odeur est plus importante que lors de mes constatations à 20h40. Elle est présente dans tout l’appartement. ».

Par acte d’huissier en date du 24 août 2017, Mme [F] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nanterre M. [S], au visa de l’article 1240 du code civil, aux fins de le voir condamner, sous bénéfice de l’exécution provisoire, à lui payer, outre les dépens de la procédure des dommages et intérêts.

Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

-débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes,

-condamné Mme [F] à payer à M. [S] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [F] aux entiers dépens de l’instance,

-dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Par acte du 26 juillet 2021 Mme [F] a interjeté appel et prie la cour par dernières écritures du 6 septembre 2023 de :

-infirmer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

-condamner M. [S] à payer à Mme [F] la somme de 111 950 euros à titre de dédommagement, avec intérêts à compter de l’assignation du 24 août 2017 et capitalisation des intérêts,

-condamner M. [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec bénéfice à Me Guillaume Cadix du recouvrement direct de l’article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [F] la somme de 10 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens de première instance et d’appel.

Très subsidiairement,

-réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné Mme [F] à payer une indemnité de procédure à M. [S],

-rejeter toute demande formée à l’encontre de Mme [F].

Par dernières écritures du 11 janvier 2022, M. [S] prie la cour de :

-dire et juger que Mme [F] a pu se convaincre des nuisances olfactives alléguées avant la vente ;

-dire et juger que les nuisances et troubles allégués par Mme [F] ont aujourd’hui disparu ;

-dire et juger Mme [F] mal fondée à invoquer l’existence d’un quelconque préjudice ;

-dire et juger que Mme [F] ne justifie pas de son préjudice moral ni dans son existence ni dans son quantum,

En conséquence,

-confirmer en sa totalité le jugement attaqué ;

-débouter Mme [F] de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

-condamner Mme [F] à payer à M. [S] la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner Mme [F] aux entiers dépens ;

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023.

SUR QUOI

Le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté les demandes formulées par l’appelante formulées à l’époque sur le seul fondement des vices cachés (mais il était visé 1240 dans l’assignation, c’est bien ça ‘ Oui, elle a visé le seul fondement des vices cachés mais en invoquant 1240!) en retenant d’une part que le désordre allégué était apparent et d’autre part que Mme [F] ne prouvait pas que le vice rende son bien impropre à un usage normal.

S’agissant de la garantie des vices cachés

Mme [F] soutient, sur le fondement des articles 1641 et 1116 ancien du code civil :

– que le restaurant cause des nuisances olfactives,

– que le restaurant indique des horaires d’ouvertures de 12h00 à 14h30 et de 19h à 22h30 du lundi au samedi et donc, que les préparations culinaires commencent à 10h30 et 17h30 chaque jour,

– que le jugement méconnaît le droit et les faits en considérant le vice comme apparent. Elle affirme qu’elle « craignait de classiques nuisances sonores, nullement d’être enfumée toute la journée » .

Elle met l’accent sur l’ampleur du vice en soutenant :

– qu’un appartement “propre à sa destination” n’est pas rempli d’odeurs de cuisines et produit un courrier du vendeur au syndic en date du 21 février 2005 dans lequel il se plaint qu’il ne lui est plus « possible de jouir de [son] appartement à cause de ces odeurs qui s’y infiltrent et qui l’en imprègnent maintenant de façon permanente » ;

– que la visite de l’appartement a été organisée un dimanche, jour de fermeture de l’établissement. Elle invoque un arrêt rendu le 6 octobre 2004 par lequel la Cour de cassation casse un arrêt par lequel une cour d’appel a rejeté des demandes en retenant que “le vice caché ne saurait résulter d’un trouble ayant son origine dans un élément d’équipement de l’immeuble, extérieur à l’appartement”. Elle considère qu’il suffit de considérer que le vice inhérent de l’appartement est de n’être pas à l’abri de mauvaises odeurs.

Elle invoque le désistement de candidats acheteurs à cause du vice dénoncé.

Elle énumère ses différents préjudices :

– une atteinte à la libre disposition de son patrimoine dont elle fixe la réparation à la somme de 25.000 €,

– un trouble de jouissance subi entre décembre 2015 (à compter de son emménagement) et août 2020 (date des “derniers correctifs apportés en marge de l’expertise judiciaire de M. [Z]”) estimé à 76 950 euros,

– un préjudice moral pour 10 000 euros,

– des frais de procédure pour 5 400 euros TTC.

En défense, M. [S] répond que tant sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil que sur celui de la jurisprudence de la Cour de cassation, ne peuvent être qualifiés de vices cachés d’une part, les vices qui ne rendent pas la chose impropre à l’usage auquel elle est destinée et d’autre part, les vices apparents.

Il assure qu’en l’espèce, les lieux acquis remplissent leur fonction de local d’habitation et les troubles décrits étaient apparents lors des trois visites faites par l’appelante.

Il considère enfin que si le trouble allégué était établi, il s’agirait d’un trouble du voisinage que subissent tous les voisins et non le seul appartement de Mme [F] ce qui exclut la qualification de vice caché.

M. [S] fait valoir aussi, sur le fondement de l’ancien article 1116 du code civil, 1642, 1112, 1112-1 et 1137 du code civil que ni un dol ni un manquement à l’obligation d’information incombant au vendeur ne peut pas être caractérisé.

Il conteste avoir dissimulé les nuisances olfactives.

Sur ce,

Conformément à l’article 1641 du code civil, le défaut doit être inhérent à la chose vendue, caché, antérieur à la vente et présenter une gravité suffisante, c’est-à-dire rendre la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix.

La preuve d’un vice caché repose sur l’acquéreur.

Selon l’article 1642 du code civil et la jurisprudence, est caché le défaut que l’acheteur ne pouvait pas déceler , compte tenu de la nature du bien vendu et dont il n’a pas eu connaissance au moment de la vente.

Le caractère caché du vice s’apprécie donc au regard des qualités et compétences d’un acheteur diligent. Il est attendu de lui qu’il accomplisse des diligences minimales et raisonnables au regard de sa situation et de celle du bien vendu. Quant au vendeur, il doit renseigner de bonne foi et loyalement l’acquéreur sans avoir toutefois à dénigrer son bien ou à insister sur des défauts apparents et connus de l’acheteur.

Selon l’article 1644 du code civil, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

L’action estimatoire permettant de replacer l’acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n’avait pas été atteinte de vices, l’acquéreur d’un immeuble est fondé, dans le principe, à réclamer des dommages et intérêts.

En l’espèce, Mme [F], évoquant une action engagée le 18 mai 2017 par l’AFUL de l’Ilot 5.2 de [Localité 6] – La Seine et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 6] à l’encontre du gérant de la pizzeria exerçant au rez-de-chaussée de l’immeuble et du propriétaire des murs demande réparation d’un trouble de jouissance au cours d’une période déterminée, d’une atteinte à la libre disposition de son patrimoine dans la mesure où des personnes se seraient désistées de leur offre d’achat, d’un préjudice moral et de frais engagés pour la procédure.

La réalité des odeurs de cuisine qui s’infiltrent dans toutes les parties communes et privées de l’immeuble du [Adresse 2] à [Localité 6] chaque fois que le restaurant s’apprête au service n’est pas débattue et son caractère antérieur à la vente non plus. Non seulement ils sont admis par l’intimé mais encore attestés par de nombreuses pièces objectives telle que l’assignation précitée à l’encontre du gérant de la pizzeria et l’expertise qui s’en est ensuivie ou bien encore par le procès-verbal d’huissier du 12 juillet 2017 réalisé sur place à 20h15. Cet acte énonce : « Je constate une forte odeur de pizza dans le couloir du 1er étage (‘) En pénétrant dans l’appartement, je constate une forte odeur de cuisine laquelle est existante dans toutes les pièces notamment la chambre » (pièce n°8 de Mme [F]) ;

Deux autres constats de commissaires de justice viennent conforter le premier :

– un du 16 novembre 2018 : « En pénétrant dans l’appartement je constate une forte odeur de cuisine laquelle est existante dans toutes les pièces notamment la chambre. Sur la terrasse de la partie requérante laquelle surplombe le restaurant, il existe une forte odeur de pizza » (Pièce n°9);

– un autre du 12 avril 2019 : « En pénétrant dans l’appartement je constate une forte odeur de cuisine laquelle est existante dans toutes les pièces notamment la chambre. Sur la terrasse de la partie requérante laquelle surplombe le restaurant, il existe une forte odeur de grillage. Je constate que de la fumée s’échappe de la pizzeria et remonte jusqu’au balcon de la requérante » (Pièce n°10).

De très nombreux occupants du même immeuble ont d’ailleurs régulièrement protesté à ce même sujet en faisant état de nuisances anciennes et persistantes comme en témoignent les courriers versés aux débats par l’appelante (pièce 6 de Mme [F]) .

A la suite de l’assignation du 18 mai 2017, une ordonnance de référé a ordonné une expertise confiée à M. [Z] qui a rendu son rapport en février 2021. Celui-ci a identifié trois types de nuisances olfactives (page 31/71 du rapport) :

– celles provenant d’une gaine de l’immeuble voisin, le Sisley 2,

– celles constatées dans le couloir du premier étage de l’immeuble de l’appelante, par la gaine de désenfumage et les trous communicants,

– celles résultant des rejets de fumées par la gaine de 20 mm, débouchant sur le trottoir à l’extérieur de l’immeuble au rez-de-chaussée, près de la porte de la cuisine, laissant monter directement ces rejets en direction des occupants des étages situés à l’aplomb de la cuisine dont celui de Mme [F]. L’expert a précisé que cette gaine d’extraction posée au sol “nécessite de laisser ouverte la porte de la cuisine donnant sur l’extérieur pour que l’extrémité du conduit de refoulement débouche en dehors de la cuisine.” (Page 28/71)

Le juge doit se placer au temps de la vente pour apprécier les caractères du vice allégué et de ce point de vue, les nuisances sont avérées . Elles sont aussi connues de tous les habitants de l’immeuble qui protestent, y compris le vendeur qui s’en plaignait trois mois avant la vente en ces termes : ” Je vous passe les nuisances sonores et olfactives (à l’intérieur et à l’extérieur) m’empêchant de jouir pleinement de mon appartement depuis que les restaurateurs en dessous de chez moi (In Casa) ont décidé de faire de ce local (inadapté pour cela) un restaurant avec cuisson (‘) cela dure depuis huit ans déjà ” (pièce n°7).”

Des courriers d’occupants de l’immeuble décrivent ces odeurs comme insupportables et permanentes (pièces 6 et 27 de Mme [F]).

Pour débouter l’appelante, le tribunal a retenu que les désordres allégués par Mme [F] étaient apparents, que rien n’indiquait que M. [S] les ait cachés lors des visites et qu’en outre, ils ne rendaient pas la chose impropre à son usage.

Mme [F] conteste ce caractère apparent dans la mesure où, si l’existence du restaurant ne lui avait pas échappé, elle assure qu’elle ne pouvait deviner à quel point les odeurs émanant de l’établissement allaient l’incommoder, ce d’autant que le tuyau débouchant sur le trottoir n’aurait été installé qu’à compter de mars 2017, soit bien après la vente.

Si elle prouve la véracité de ce dernier point par les courriers envoyés par d’autres voisins, la famille [H], et par un mail écrit par elle-même en protestation devant ce nouveau débouché des odeurs et fumées de la cuisine, il n’en reste pas moins qu’elle a visité l’appartement trois fois, une première fois le dimanche 31 mai 2015, une 2e fois le lendemain lundi en plein service du soir et une 3e fois avec son entrepreneur le “mercredi 5 juillet 2015 vers 14 heures” selon le courriel de l’agent immobilier (pièce 4 du vendeur). Le 5 juillet 2015 est un dimanche de sorte qu’il doit y avoir une erreur sur la seule mention du 5 juillet, les deux professionnels que sont l’entrepreneur et l’agent immobilier ne choisissant pas le dimanche à 14 h pour exercer leur office. Les odeurs étaient donc perceptibles les deux dernières fois ce d’autant que le lundi 1er juin 2015, elle venait exprès à l’heure du dîner pour jauger les nuisances engendrées par le restaurant. Ces visites se sont déroulées à chaque fois en l’absence de M. [S] et en la seule présence de l’agent immobilier sauf le 5 juillet où il est prouvé qu’elle a choisi le moment comme cela ressort de la pièce 4 du vendeur (mail de son agent immobilier demandant la permission pour cette visite).

Et force est de constater que sa terrasse donne très exactement au dessus du restaurant sur toute sa longueur et la porte de la cuisine donne sur le trottoir juste sur le côté de la devanture de la pizzeria de sorte que la question du bruit et des odeurs était évidente et devait entraîner de la part de Mme [F] une attention particulière.

Le caractère caché du vice fait défaut en l’occurrence entraînant la confirmation du rejet de l’action.

S’agissant de l’ampleur du trouble qui doit être important au point d’empêcher un usage normal du bien ou bien le diminuer celui-ci au point que l’acheteur en aurait donné un moindre prix , la cour relève que les odeurs nauséabondes et gênantes (courriel de M. [S] de février 2015), si elles sont désagréables et diminuent ponctuellement l’agrément, ne compromettent toutefois pas l’habitation et ainsi l’usage normal de la chose vendue. Le vendeur y a vécu lui-même 12 ans, il l’a cédé pour entamer une autre vie comme il l’a prouvé dans son dossier et les autres occupants font état de ces nuisances sur des années, prouvant que, locataires ou propriétaires, ils sont toujours là. Le caractère non fondamental de ces nuisances a été encore prouvé par le fait que des travaux réalisés sur une période de dix jours les ont résolus.

En effet, la cour relève, pour étayer le contexte complet du litige, que l’expert judiciaire a exposé dans son rapport la réalisation de travaux de mise en conformité du dispositif de désenfumage en accord avec l’ensemble des parties- Mme [F] ne faisant pas partie des demandeurs à l’expertise- qui, selon lui, ont mis fin aux désordres dans le système d’extraction des odeurs et fumées provenant de la cuisine du restaurant, notamment dans le couloir du premier étage de l’immeuble Sisley I de Mme [F].

Ces travaux ont eu lieu durant le temps de l’expertise, exactement du 17 au 27 juillet 2019. L’expert judiciaire a choisi, pour améliorer la ventilation et l’extraction des gaz brûlés et assurer la mise en conformité de l’ensemble notamment au niveau du couloir du 1er étage de l’immeuble Sisley 1, une solution tenant à l’installation d’un capteur de hotte avec filtre charbon actif et d’un système de neutralisateurs de polluants de cuisson nécessitant entretien régulier, solution dont Mme [F] dit qu’elle la “laisse sceptique” .

Néanmoins, l’expert qui a calculé qu’en une seconde, le nouveau rejet d’air vicié des cuisines se retrouve à 12 mètres des fenêtres de l’appartement de Mme [F] (page 62 du rapport) écrit page 54/71 de son rapport qu’il n’a reçu aucune plainte de nuisances olfactives de la part des deux syndicats des copropriétaires des immeubles Sisley I et Sisley II (réponse à dire page 66).

S’il ne constate plus de nuisances à compter du 11 mars 2019 après avoir fait un passage inopiné sur place, l’expert a bien précisé que pesait sur le gérant du restaurant une obligation d’entretien des désodoriseurs et des filtrations de rejet et a fourni à cet égard un devis d’une société Climadane pour un contrat annuel d’entretien et de bonne marche. Enfin, M. [Z] après avoir constaté la disparition des odeurs dans le couloir d’accès du 1e étage menant à l’appartement de Mme [F], a écrit que cette dernière n’a pas donné suite à sa proposition de venir contrôler chez elle le résultat des travaux de mise en conformité.

Le 29 juin 2021, plusieurs occupants de l’immeuble litigieux, dont Mme [F], ont admis dans un écrit signé de leur part qu’ils ne souffrent plus de nuisances à ce jour (mais craignent leur renouvellement).

Le fait que ces nuisances aient disparu ne réduisent pas à néant l’action engagée par Mme [F] qui s’appuient sur des vices dont l’examen se situent au temps de la vente mais explique le contexte du litige qui a connu un développement parallèle à l’action de l’appelante et peut, en cas de condamnation de Mme [F], permettre de mesurer l’étendue de la réparation.

Le jugement déféré sera aussi confirmé sur ce point.

S’agissant du dol et de l’obligation d’information

Bien que de façon éparpillée au milieu des considérations tenant essentiellement au fondement du vice caché, Mme [F] évoque le dol qu’aurait commis M. [S] en faisant visiter son appartement un dimanche ce qui constitue la seule manifestation de mauvaise foi du vendeur aux termes de ses écritures outre le silence qu’il aurait gardé sur les nuisances en général.

Mme [F] soutient sur le fondement des articles 1112 et 1112-1 du code civil qui consacrent la jurisprudence antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 qu’une obligation d’information ou de renseignement incombe au vendeur, qu’en vertu de l’article 1642 du code civil, “le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige” et sur le fondement des anciens articles 1315 et 1353 et sur celui de l’article 1112-1 du code civil qu’il incombe au vendeur de prouver qu’il a informé l’acquéreur.

Elle rappelle que l’ ancien article 1134 du code civil dispose que : ” Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. […] Elles doivent être exécutées de bonne foi.”

L’appelante reproche en l’espèce au vendeur d’avoir volontairement gardé le silence sur une information importante sur la qualité d’habitabilité du bien, envahi d’odeurs nauséabondes.

Sur ce,

L’acquéreur lésé peut agir contre le vendeur sur le fondement du dol de l’article 1116 ancien du code civil pour obtenir seulement une réduction de prix (Cass. Civ. 3ème 6 juin 2012, n°11-15973) .

La jurisprudence antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 a retenu que le dol pouvait être le fait pour un contractant de pratiquer des manoeuvres telles que, sans elles, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Ce n’est que par la réforme introduite par le texte précité qu’a été énoncée comme un dol la réticence intentionnelle par l’un des contractants d’une information qu’il dissimule alors qu’il en connaît le caractère déterminant pour l’autre partie (actuel article 1137 alinéa 2 du code civil).

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

Il est vrai que si le devoir d’information de l’article 1112-1 du code civil est également issu de la réforme postérieure à la vente de l’espèce, un devoir général de loyauté s’imposait déjà dans les rapports du vendeur et de l’acquéreur avant la réforme du 10 février 2016.

L’obligation d’information pré-contractuelle consiste en l’obligation faite aux parties de donner à l’autre cocontractant les informations de nature à lui permettre de donner un consentement libre et éclairé dans la conclusion de leur contrat.

Sanctionnée par l’ancien article 1382 du code civil à l’époque de la vente, elle répare un préjudice consistant en une perte de chance de ne pas avoir contracté ou de ne pas avoir contracté à des conditions meilleures.

La bonne foi suppose nécessairement l’information loyale de l’autre partie par son cocontractant.

Il a été vu que les visites ont été faites par le seul agent immobilier, en l’absence du vendeur et donc que c’est en concertation avec le professionnel que la date en a été fixée. En outre, l’appelante a aussi visité un lundi soir à l’heure du service. Elle ne précise pas comment, à cette occasion, le vendeur aurait pu masquer des odeurs telles que décrites si elles étaient aussi permanentes, omniprésentes et fortes que décrites . Les manoeuvres et la mauvaise foi du vendeur ne sont pas avérées.

Quant à son silence, il porterait sur le fait que le restaurant situé juste en-dessous de la terrasse génère des odeurs (et potentiellement du bruit) ce qui, en étant prévisible et facilement vérifiable, ne peut constituer un dol, ce d’autant que la preuve du caractère déterminant de cette information manque en fait.

En l’espèce, il a été vu que le vice allégué était apparent et que les trois visites effectuées par Mme [F] avant d’acquérir un bien situé au premier étage juste au-dessus d’un restaurant qui laisse la porte de sa cuisine ouverte à une très courte distance de la terrasse de l’appartement ne pouvait qu’être à la fois parfaitement prévisible et compris de Mme [F]. M. [S] n’a pas eu de contact direct avec l’acheteuse mais d’autres personnes qui ont visité le même jour qu’elle n’ont pas fait d’offre à cause de la proximité de l’établissement de restauration comme en témoigne un courriel de l’agent immobilier.

L’obligation d’information ne va pas jusqu’à dispenser le candidat acquéreur de réflexion et de prise de renseignements élémentaires ou obliger le vendeur à dénigrer son bien.

L’appelante doit être déboutée de ses demandes fondées sur le dol et la violation du devoir d’information, fondements nouvellement développés en appel.

Eu égard au sens de la présente décision, la demande de réparation d’un préjudice moral formé par Mme [F] doit être rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance sont confirmées.

Succombant, Mme [F] sera condamnée à payer à M. [S] une indemnité de procédure d’un montant de 4 000 euros et aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette toutes les demandes de M. [S] sur le fondement du dol et de la violation de l’obligation d’information, comme celle formée au titre de la réparation d’un préjudice moral,

Condamne Mme [F] à payer à M. [S] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [F] aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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