Notion d’utilisateur averti : 26 mai 1992 Cour de cassation Pourvoi n° 90-12.003

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Monarch, ayant son siège social est … (Haut-Rhin), prise en la personne de ses représentants légaux actuellement en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

en cassation d’un arrêt rendu le 6 décembre 1989 par la cour d’appel de Bordeaux (2ème chambre), au profit de la société à responsabilité limitée Distillerie de Saint-Onger, ayant son siège social … (Dordogne), prise en la personne de ses représentants légaux actuellement en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 31 mars 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Le Dauphin, conseiller référendaire rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Le Dauphin, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Monarch, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Distillerie de Saint-Onger, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 décembre 1989), que la société Monarch, ayant installé un brûleur au fioul lourd en remplacement du brûleur au fioul léger existant sur une chaudière utilisée par la société Distillerie de Saint-Onger, celle-ci l’a assignée en réparation du préjudice résultant, selon elle, du fonctionnement défectueux de ce matériel ;

Attendu que la société Monarch fait grief à l’arrêt d’avoir décidé qu’elle avait engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Distillerie de Saint-Onger alors, selon le pourvoi, d’une part, que l’obligation de renseignements qui pèse sur tout cocontractant est une obligation de moyens et non de résultat qui s’apprécie en fonction des circonstances de la cause, de la volonté, des connaissances et de la situation des parties ; que la société Monarch, qui avait installé un brûleur fonctionnant au fioul lourd sur une chaudière ancienne à la place d’un brûleur qui fonctionnait au fioul léger, n’était pas tenue de l’obligation de résultat d’obtenir la même puissance qu’antérieurement ; qu’elle n’était tenue de signaler la perte de puissance pouvant résulter de la substitution du fioul lourd au fioul léger qu’à la condition que sa contractante eût effectivement ignoré une telle circonstance ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y avait été invitée, si la cocontractante, qui exploitait trois distilleries dont deux fonctionnaient au fioul lourd et une au fioul léger, ne devait pas être considérée comme

un utilisateur averti de chaudières à vapeur insusceptible d’ignorer qu’en faisant fonctionner son installation avec un combustible à propriétés énergétiques inférieures, cette installation serait moins

puissante, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1137 et 1142 du Code civil ; et alors, d’autre part, que les premiers juges, en des motifs que la société Monarch avait fait siens en concluant à la confirmation du jugement, avaient précisément retenu de tels faits pour écarter toute responsabilité de l’installateur ; qu’en s’abstenant d’examiner ces motifs, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, méconnaissant ainsi l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé qu’il résultait du rapport d’expertise que la société Monarch n’avait pas su prévoir que l’installation du brûleur au fioul lourd sur l’ancienne chaudière entraînerait une perte de puissance de 20 %, l’arrêt retient que, faute de précision donnée par ce professionnel et en l’absence de toute réserve lors de l’établissement du devis quant à cette diminution de puissance, la société Distillerie de Saint-Onger était en droit d’espérer une puissance au moins équivalente à celle existant avant transformation ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, qui répondent aux conclusions invoquées, la cour d’appel a légalement justifié sa décision du chef critiqué ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

 

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