Notion d’utilisateur averti : 1 décembre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-14.490

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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er décembre 2021

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 839 F-D

Pourvoi n° T 19-14.490

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021

1°/ la société Pro tampons France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ M. [S] [M], domicilié [Adresse 1],

3°/ M. [Y] [P], domicilié [Adresse 3], mandataire judiciaire,

tous deux agissant en leur qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Pro tampons France,

4°/ la société Traxx Printer Emporia Eidon Grafeiou, dont le siège est [Adresse 4] (Grèce),

ont formé le pourvoi n° T 19-14.490 contre l’arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Trodat France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Trodat GmbH, dont le siège est [Adresse 6] (Autriche),

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat des sociétés Pro tampons France et Traxx Printer Emporia Eidon Grafeiou et de MM. [M] et [P], ès qualités, de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Trodat France et Trodat GmbH, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 2018), la société Trodat France, filiale de la société Trodat GmbH, a pour activité la commercialisation, en France, de tampons à encrage automatique intégrant une cassette d’encrage, commercialisés sous le nom « Printy. »

2. La société Trodat GmbH est titulaire de :
– deux modèles français de timbres manuels déposés le 16 août 1993 sous le n° 934293, sous priorité d’un modèle autrichien déposé le 17 février 1993 ;
– un modèle de tampon dateur déposé le 30 mai 1995 sous le n° 953049, sous priorité d’un modèle autrichien déposé le 1er décembre 1994 ;
– un modèle communautaire d’étuis pour tampons à main déposé le 1er avril 2003 sous le n° 19708.

3. La société Pro tampons France (la société Pro tampons) distribue, en France, des tampons produits par la société Traxx Printer Emporia Eidon Grafeiou (la société Traxx), commercialisés sous la dénomination Traxx.

4. Après la mise en redressement judiciaire de la société Pro tampons par jugement du 26 juin 2013, un plan de redressement a été adopté le 7 juillet 2014, M. [M] et la SCP [P], prise en la personne de M. [P], étant désignés en qualité respectivement de mandataire judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan.

5. Les 20 septembre 2013 et 7 août 2014, les sociétés Trodat France et Trodat GmbH (les sociétés Trodat) ont assigné la société Pro tampons, M. [M] et la SCP [P], ès qualités, ainsi que la société Traxx, en contrefaçon de modèles et réparation du préjudice en résultant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Pro tampons, M. [M] et la SCP [P], ès qualités, et la société Traxx font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à verser aux sociétés Trodat la somme de 50 000 euros au titre de la contrefaçon du modèle n° 953049, déposé à l’Institut national de la propriété intellectuelle le 30 mai 1995, et du modèle communautaire n° 19708, déposé le 1er avril 2003, par la commercialisation des modèles Traxx n° 7024, 7850, 7836, 7040, 7050, 9045, 9015 et 9050, d’interdire sous astreinte à ces sociétés d’importer et de commercialiser sur le territoire national ces tampons de la marque Traxx, de dire que le tampon Traxx n° 7140 contrefait le tampon Trodat n° 46140, que le tampon Traxx n° 9015 contrefait le modèle français n° 934293 et que les tampons Traxx n° 9130 et 9140 constituent des contrefaçons des tampons Trodat n° 46030 et 46040, d’interdire sous astreinte aux sociétés Traxx et Pro tampons d’importer et de commercialiser sur le territoire national les tampons Traxx n° 7140, 9130 et 9140 et d’ordonner la publication de la décision, alors « que le tampon Traxx commercialisé sous la référence n° 9015 dispose d’une base évidée permettant de visualiser le texte à imprimer ; qu’en retenant, pour dire que ce tampon contrefaisait le modèle français n° 934293 et interdire en conséquence aux sociétés Traxx Printer Emporia Eidon Grafeiou et Pro tampons de l’importer et de le commercialiser sur le territoire national, qu’à la différence des autres tampons Traxx argués de contrefaçon, le tampon Traxx commercialisé sous la référence n° 9015 disposait, comme le modèle déposé n° 934293, d’une base pleine ne permettant pas de visualiser le texte à imprimer, la cour d’appel a dénaturé le tampon Traxx commercialisé sous la référence n° 9015 reproduit dans le catalogue Traxx disposant clairement d’une base évidée et non pleine, et a ainsi méconnu le principe qui interdit au juge de ne pas dénaturer les documents qui lui sont soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :

7. Pour juger que le modèle de tampon Traxx n° 9015 constitue la contrefaçon du modèle français enregistré sous le n° 934293, condamner, en conséquence, les sociétés Pro tampons et Traxx à payer aux sociétés Trodat une certaine somme en réparation de leur préjudice et ordonner des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication, l’arrêt retient qu’à la différence des autres modèles de tampons Traxx argués de contrefaçon, il ne comporte pas de base évidée.

8. En statuant ainsi, alors qu’il ressort clairement du catalogue des tampons commercialisés par la société Traxx que les produits de « la ligne rouge », dont le modèle n° 9015 ne constitue qu’une déclinaison, comportent tous une base évidée, la cour d’appel a violé le principe susvisé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société Pro tampons, M. [M] et la SCP [P], ès qualités, et la société Traxx font le même grief à l’arrêt, alors « que la contrefaçon, fût-ce par imitation, d’un dessin ou modèle ne peut résulter que de la comparaison du produit prétendument contrefaisant avec le dessin ou modèle déposé auprès de l’Institut national de propriété intellectuelle ; qu’en retenant, pour juger que les tampons Traxx commercialisés sous les références 7024, 7850, 7836, 7040, 7050 et 9050 contrefaisaient le modèle déposé sous le n° 953049 par les sociétés Trodat, que les modèles ” Printy” n° 4750, 4724 et 4850 présentaient une forme, des proportions et un aspect visuel correspondant au modèle déposé n° 953049 et que les tampons Traxx commercialisés sous les références 7024, 7850, 7836, 7040, 7050 et 9050 imitaient l’ergonomie générale des tampons Trodat et la forme de leur mécanisme et produisaient ainsi la même impression visuelle d’ensemble aux yeux d’un observateur averti, la cour d’appel qui a comparé les tampons litigieux avec les modèles commercialisés par les sociétés Trodat, et non avec le modèle déposé, et partant, n’a pas constaté que les tampons litigieux produisaient une impression visuelle d’ensemble identique au modèle déposé sur un observateur averti, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 513-4, L. 513-5 et L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle. »

 

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