Non-respect des procédures internes : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02889
Non-respect des procédures internes : 5 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02889
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5 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/02889

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÉT DU 5 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02889 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZ72

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section commerce chambre 1 – RG n° F19/03650

APPELANT

Monsieur [H] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Joseph KENGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1681

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2020/050219 du 29/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE (ESPS)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Rodolphe LOCTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0283

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 9 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant avenant à contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2016, avec reprise d’ancienneté au 29 septembre 2014, M. [H] [M] a été engagé par la société Elior Services Propreté et Santé en qualité de gouvernant, l’intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de site (classification conventionnelle MP1). La société Elior Services Propreté et Santé emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

Suivant courrier recommandé du 9 janvier 2019, M. [M] a fait l’objet d’un avertissement.

Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 15 février 2019, à un entretien préalable fixé au 5 mars 2019, M. [M] a été licencié pour faute simple suivant courrier recommandé du 1er avril 2019.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [M] a saisi la juridiction prud’homale le 30 avril 2019.

Par jugement du 20 février 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Elior Services Propreté et Santé de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [M] aux entiers dépens.

Par déclaration du 30 mars 2020, M. [M] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 29 février 2020.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 décembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– rejeter l’exception d’irrecevabilité de la demande d’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2019 et annuler cet avertissement,

– dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– condamner la société Elior Services Propreté et Santé au paiement des sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil :

– 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée et préjudice moral en conséquence de l’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2019,

– 16 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, en ce compris les frais d’huissier en cas de recours à l’exécution forcée de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 décembre 2022, la société Elior Services Propreté et Santé demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

– dire la demande de nullité de l’avertissement irrecevable et infondée,

– dire le licenciement fondé,

– débouter, en conséquence, M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

en tout état de cause,

– condamner M. [M] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

L’instruction a été clôturée le 13 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 9 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2019

Sur la recevabilité de la demande

L’intimée conclut à l’irrecevabilité de la demande en ce qu’il s’agit d’une demande nouvelle formulée en cause d’appel et en ce qu’elle est prescrite sur le fondement de l’article L. 1471-1 du code du travail.

L’appelant réplique que la demande tendant à voir annuler l’avertissement présente un lien suffisant avec ses prétentions originaires, en ce que l’employeur l’a lui-même versé aux débats dès la première instance et en ce que dès lors que cet avertissement vient par les conclusions adverses au soutien du bien-fondé du licenciement, il devient un élément du débat judiciaire, de sorte qu’en contestant son licenciement, il est légitime à le contester et à en demander l’annulation, sans que cette prétention puisse être regardée comme nouvelle puisqu’elle n’a été présentée qu’en réplique aux conclusions adverses et n’a été provoquée que par la communication des pièces adverses. Il ajoute que sa demande n’est pas prescrite en ce qu’il n’est pas justifié de la date de la notification de l’avertissement, en ce que la saisine initiale de la juridiction prud’homale a interrompu la prescription et en ce que les moyens de défense sont imprescriptibles.

Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Aux termes de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la mise en oeuvre de l’avertissement litigieux et l’existence, par voie de conséquence, d’antécédents disciplinaires étant invoquées par l’employeur au soutien de ses prétentions au titre de la caractérisation d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’avertissement litigieux étant expressément rappelé dans la lettre de licenciement et ayant été versé aux débats par l’intimée elle-même dans le cadre de la procédure devant les premiers juges, il apparaît que la demande d’annulation y afférente formée par l’appelant s’analyse dès lors comme l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de ses prétentions relatives à l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, ladite demande étant par ailleurs destinée à faire écarter les prétentions adverses de ce même chef, le moyen tiré de l’irrecevabilité dans ce cadre devant en conséquence être rejeté.

Aux termes de l’article L. 1471-1 du contrat de travail, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Etant rappelé qu’en application de l’article 2241 du code civil, si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution de la même relation contractuelle, la cour relève en l’espèce que si le salarié n’a présenté qu’en cause d’appel la demande litigieuse d’annulation de l’avertissement, ce dernier avait saisi le conseil de prud’hommes dès le 30 avril 2019 de demandes relatives à la même relation contractuelle, ce dont il résulte l’existence d’un acte interruptif de prescription, l’interruption résultant de la demande en justice produisant ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance et ne cessant qu’à compter du jour où le litige trouve sa solution.

Dès lors, il convient de déclarer recevables les demandes de l’appelant afférentes à l’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2019.

Sur le bien-fondé de l’avertissement

L’appelant fait valoir que la fiche de poste de responsable de site lui est inopposable et que la réalité du grief n’est autrement alléguée que par la lettre de notification de la sanction contestée.

L’intimée réplique que la sanction était justifiée et que le salarié ne l’a pas contestée lorsqu’elle lui a été notifiée.

Aux termes de l’article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application de l’article L. 1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Outre le fait que l’employeur ne justifie pas que la fiche de poste de responsable de site versée aux débats est effectivement opposable à l’appelant, ladite fiche n’étant pas intégrée ou annexée à l’avenant au contrat de travail du 1er juillet 2018 et aucune autre pièce produite ne permettant d’établir qu’elle aurait effectivement été notifiée ou portée à la connaissance de l’intéressé, la cour relève en toute hypothèse que l’intimée ne justifie pas, mises à part ses propres affirmations et au vu des seuls éléments justificatifs versés aux débats, de la matérialité et des circonstances précises des faits allégués ainsi que de leur imputabilité au salarié s’agissant du manque de suivi administratif des salariés de son périmètre, l’employeur s’abstenant notamment de produire la moindre pièce de nature à justifier du fait que des salariées auraient effectivement été payées en double durant 2 mois ou de manière injustifiée au titre d’une autre période et que ces paiements seraient la conséquence de la propre carence de l’appelant.

Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour annule l’avertissement du 9 janvier 2019 et accorde à l’appelant, en réparation du préjudice moral subi du fait de cette sanction disciplinaire injustifiée, une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail

L’appelant fait valoir que la « fiche de poste d’un responsable site » lui est inopposable et qu’en l’absence de fiche de poste, il n’est produit aucun élément définissant le volet administratif de ses fonctions à l’a une duquel le comportement reproché pourrait être objectivement apprécié, que nombre de griefs ne pouvaient être sanctionnés deux fois, puisque le pouvoir disciplinaire de l’employeur relativement à l’avertissement du 9 janvier 2019 avait été épuisé en ce qui les concerne, certains griefs ne reposant ni sur des éléments probants, ni sur des témoignages corroborés par d’autres éléments, ni sur des moyens de preuve obtenus licitement.

L’intimée réplique que le licenciement pour faute simple est fondé compte tenu des manquements imputés à l’appelant concernant une mauvaise réalisation de sa prestation de travail, l’irrespect des instructions délivrées par sa hiérarchie, l’irrespect des protocoles au sein d’un établissement hospitalier ainsi qu’un comportement inadmissible adopté vis-à-vis de ses collaborateurs et de représentants syndicaux, sur son lieu de travail.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :

« [‘] Vous êtes affecté sur le site de l’Institut [5] à [Localité 4]. A ce titre, conformément à vos obligations contractuelles, vous devez notamment respecter strictement le règlement intérieur.

Or, nous avons été contraints de constater les faits suivants :

– Manque de suivi administratif

– Non-respect des procédures mise en place concernant le contrôle des heures effectuées par vos collaborateurs

– Attitude agressive envers vos collaborateurs et envers les représentants syndicaux de l’entreprise

– Mécontentement du client

1/ Manque de suivi administratif

Vous ne réalisez pas les contrôles qualité avec la tablette mise à votre disposition, malgré la formation dispensée par nos équipes Elior le 21 septembre 2018 et l’engagement contractuel pris avec notre client de faire 35 contrôles par mois.

En effet, sur les 5 derniers mois, vous avez réalisé, en octobre 2018 : 16 contrôles sur 35 soit 46 % des contrôles attendus, en novembre 2018, décembre 2018 en janvier 2019 : 0 contrôle et enfin en février 2019 : 13 contrôles, soit 37 % des contrôles visés.

Ces résultats sont inadmissibles, durant trois mois consécutifs vous n’avez réalisé aucun contrôle, et lorsque vous effectuez le travail demandé, vous ne faites même pas la moitié des contrôles attendus. En agissant de la sorte vous nous mettez dans une situation très délicate vis-à-vis de notre client avec qui nous nous sommes engagés contractuellement à fournir des contrôles qui ont pour vocation de démontrer notre respect de l’hygiène et de la propreté nécessaire dans un établissement de santé.

Ce manque de professionnalisme et de laxisme entraînent des réclamations régulières de la part de notre client par des appels réguliers auprès de [G] [A], Chef d’agence.

De plus cela démontre que vous ne réalisez pas une des principales missions de votre poste de responsable de site en ne contrôlant pas le travail des agents qui sont sous votre responsabilité.

2/ Non-respect des procédures internes liées au contrôle des heures

Vous ne respectez pas les procédures mises en place par l’entreprise concernant le contrôle des heures effectives. En effet, les feuilles de présence ne sont pas mises à disposition des salariés du site l’Institut [5], afin qu’ils puissent les compléter et les signer en début et fin de service. Ce qui met notre société en infraction vis-à-vis de la législation en vigueur, en cas de contrôle de l’inspection du travail ou autre.

Cette absence de rigueur a également des conséquences financières pour notre société. Encore une fois nous ne pouvons que constater que vous ne respectez pas les consignes de votre hiérarchie et ne remplissez pas votre fonction de responsable de site.

3/ Attitude agressive envers vos collaborateurs et les représentants syndicaux de l’entreprise

Nous avons reçu plusieurs réclamations qui relatent votre comportement agressif sur votre lieu de travail.

Le 17 janvier 2019, Mesdames [S] et [F] [W], déléguées syndicales FO ont écrit au Directeur Régional afin de lui communiquer une déclaration de main courante déposée contre vous, suite à un incident survenu le 17 octobre 2018 sur l’Institut [5]. Ce jour-là, vous vous êtes montré particulièrement agressif, en haussant le ton sur les délégués et en brandissant votre main devant Madame [S] et en prenant Madame [F] [W] par le bras. Les agents de sécurité ont du intervenir à plusieurs reprises.

Les 5 décembre et 22 janvier 2019, nous avons reçu deux courriers de réclamation de la part d’une autre organisation syndicale, la CNT, qui indiquent que vous abusez de votre pouvoir et que vous ‘uvrez pour déstabiliser Madame [I], chef d’équipe sur l’Institut [5], en annulant une commande de matériel qu’elle avait effectuée ou en ne lui donnant plus accès au bureau Elior…

Enfin, le 5 février 2019, Monsieur [D], délégué syndical central FO, a envoyé un mail à M [A] pour lui faire part de votre comportement agressif vis-à-vis d’un agent de service, autant dans votre vocabulaire que dans votre gestuelle.

A deux reprises les 2 février et 4 mars, l’Inspecteur du travail du site [5] nous a écrit pour nous demander des explications sur le comportement de notre encadrement sur le site.

Par vos agissements, vous dégradez fortement le climat social sur le site et créez des tensions dans l’équipe de travail ELIOR. Cette situation contribue à ternir l’image de notre entreprise auprès de notre client qui perd confiance en nous et enfin, cette attitude entame définitivement la confiance que nous avions en vous.

4/ Mécontentement du client

En date du 20 février 2019, le Chef du département technique et logistique de l’Institution [5], Monsieur [C] [U], notre client écrit à Monsieur [A], chef d’agence :

« J’ai reçu de nombreuses fiches d’évènements indésirables concernant des prestations non faites, des prestations réalisées aléatoirement ou encore des retours de certains patients qui ont l’impression que des personnels de chez vous se vengent en ne faisant pas le ménage dans leur chambres.

Je pense que nous ne sommes pas loin d’un point de non-retour… et j’ai beau temporisé, j’espère qu’un électrochoc va rapidement arriver.

J’attends beaucoup de notre prochain rendez-vous du 6 mars compte tenu de ces nouveaux retours… »

Le mauvais climat social du site engendré par votre attitude, votre manque de contrôle récurrent ont pour répercussion une prestation de mauvaise qualité qui met en péril la poursuite de notre marché de prestations.

Nous vous rappelons que nous intervenons dans le milieu de la Santé et les postes de travail ne peuvent souffrir d’aucun manquement. Notre activité impose un personnel rigoureux et professionnel, ainsi que des personnes motivées et qui ont un comportement professionnel.

Les faits qui vous sont reprochés caractérisent un manquement manifeste à vos obligation contractuelles et réglementaires.

Article 6.1 discipline et comportement :

– Vous devez exécuter votre travail dans son intégralité en respectant les consignes de votre hiérarchie. « Le personnel est tenu de respecter les instructions de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que l’ensemble des instructions diffusées par note de service et d’affichages et/ou de fiche de poste, le cas échéant ».

– Vous devez respecter votre fiche de poste : « Les missions ou tâches contenues dans les supports précités (note de service et d’affichages et/ou de fiche de poste) peuvent être évolutives et sont non exhaustives. Tout acte contraire est passible de sanction.»

– Vous devez : « faire preuve de correction dans votre langage et dans votre comportement et faire preuve d’attitude de service, vis-à-vis des clients, de la clientèle, du personnel client, de vos collègues et de la hiérarchie, sous peine de sanction »

– « Au sein de l’entreprise cliente, le personnel de l’établissement devra impérativement respecter les règles de comportement et d’attitude suivante : – Le personnel devra respecter les règles de comportement et de sécurité en vigueur chez le client »

Nous vous rappelons également qu’en aucun cas, vous ne devez perturber la bonne marche du service et de l’entreprise, que ce soit par vos comportements ou vos négligences.

Vous conviendrez que de tels manquements sont inacceptables, votre comportement nuit gravement à l’image de la société et par son caractère intolérable altère la relation de confiance et nos relations commerciales avec notre client et constituent une faute contractuelle, justifiant notre décision disciplinaire à votre encontre.

D’autant plus, que ce n’est pas la première fois que nous vous sanctionnons pour non-respect des consignes de votre hiérarchie et non-exécution de vos missions de responsable de site, pour lesquelles nous vous avions adressé un avertissement le 9 janvier 2019.

Compte tenu de votre incapacité à faire face aux exigences de votre emploi, nous sommes contraints de prononcer à votre égard un licenciement pour faute simple reposant sur les griefs précédemment évoqués. […] »

A titre liminaire, s’agissant du grief relatif au non-respect des procédures internes liées au contrôle des heures, au vu des seuls éléments justificatifs produits par l’employeur, les documents versés aux débats n’étant pas des feuilles de présence destinées à contrôler le temps de travail des agents de propreté mais de simple feuilles de passage destinées à être affichées dans les locaux de l’établissement client pour informer les usagers de l’heure de passage et de l’identité de l’agent ayant effectué la prestation de nettoyage, la cour retient que ce grief n’est pas établi.

S’agissant des autres griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, il sera relevé à titre liminaire que s’il n’est pas établi par l’employeur, ainsi que cela a déjà été indiqué, que la fiche de poste de responsable de site était effectivement opposable au salarié, il n’en demeure pas moins qu’il résulte des dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés qu’il entre dans les responsabilités d’un agent de maîtrise exploitation (MP) de niveau 1 (MP1) d’organiser et de contrôler les travaux d’exécution sur un ou plusieurs sites, d’encadrer et d’animer les équipes de travail et d’assurer le respect des consignes de sécurité, l’appelant ne pouvant ainsi sérieusement contester qu’il lui revenait de réaliser des contrôles qualité ainsi que de s’assurer, de manière générale, de la qualité des prestations de nettoyage fournies par les équipes de travail pour le compte du client.

Par ailleurs, s’il résulte effectivement des dispositions précitées des articles L. 1333-1 et suivants du code du travail que l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction, l’employeur, au sens de ce texte, s’entendant non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir, la cour rappelle cependant que le pouvoir disciplinaire de l’employeur qui s’épuise par son premier usage peut renaître en présence d’une nouvelle faute ou d’une faute nouvellement découverte et que lorsque des faits fautifs, même non identiques aux faits précédemment sanctionnés, surviennent, se reproduisent ou se poursuivent, l’employeur peut faire état des précédents, même s’ils ont été sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée telle qu’un licenciement reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

Au vu du tableau récapitulatif des contrôles réalisés sur le site « Institution [5] » versé aux débats par l’employeur au titre des mois d’octobre 2018 à février 2019 (dont aucun élément produit par le salarié ne permet de remettre en cause le caractère probant ou régulier), il sera noté qu’indépendamment de la question de la fixation d’objectifs chiffrés à ce titre, l’appelant n’a effectué aucun contrôle qualité avec la tablette mise à sa disposition de novembre 2018 à janvier 2019 inclus et n’en a effectué qu’un nombre très restreint en février 2019, et ce alors que l’employeur établit qu’il avait bénéficié d’une formation « contrôle tablette et paramétrage » le 21 septembre 2018, étant observé que les faits fautifs se sont poursuivis et renouvelés postérieurement à la date de l’avertissement litigieux du 9 janvier 2019.

Au surplus, concernant le contrôle de la qualité des prestations de nettoyage effectuées par les équipes de travail affectées sur le site de l’Institution [5] dont l’appelant avait la responsabilité, il résulte des mails d’alerte et de signalement de salariés de l’établissement client que les prestations de nettoyage des chambres et des salles de bains ainsi que des vestiaires hommes et femmes n’étaient pas correctement réalisées, le caractère généralisé et récurrent de ces manquements permettant de retenir l’existence manifeste d’une abstention volontaire de l’appelant s’agissant de l’exercice effectif de ses fonctions d’organisation et de contrôle des travaux d’exécution sur le site ainsi que d’encadrement et d’animation des équipes de travail, lesdits dysfonctionnements ayant entraîné un important mécontentement de l’établissement client ainsi que cela résulte du mail du responsable de secteur de la société intimée (M. [J]) qui indique que « le constat est sans appel, le site est sale, les usagers sont mécontents, le client me dit que seul le fait que le marché soit compliqué à comprendre pour lui fait que pour l’instant il ne nous applique pas de pénalités, les salariés me remontent des faits de discrimination, voire de harcèlement à leur encontre et seul mon sourire a réussi à temporiser tout ça jusqu’à début janvier, du moins pour les délégués… [H] n’est, et ne sera pas à la hauteur du site et il va falloir rapidement trouver une solution avant que la coupe soit pleine et que tout ça ne nous éclate à la figure », le chef du département technique et logistique de l’Institution [5] (M. [U]) ayant pour sa part précisé dans un mail adressé à la société intimée le 20 février 2019 que « De notre côté, nous n’avons pas l’impression qu’il y ait de grandes évolutions concernant les prestations de nettoyage’ bien au contraire. Je vous laisse lire le courrier en PJ que la direction a reçu récemment et les conséquences que ce type de retour peut avoir dans un futur proche. Par ailleurs, j’ai récemment reçu de nombreuses fiches d’évènements indésirables concernant des prestations non faites, des prestations réalisées aléatoirement ou encore des retours de certains patients qui ont l’impression que des personnels de chez vous se vengent en ne faisant pas le ménage dans leurs chambres. Je pense que nous ne sommes pas loin d’un point de non-retour’et j’ai beau temporiser, j’espère qu’un électrochoc va rapidement arriver », étant ainsi à nouveau observé que les faits fautifs se sont poursuivis et renouvelés postérieurement à la date de l’avertissement précité du 9 janvier 2019.

Concernant enfin le grief relatif au comportement et à l’attitude de l’appelant, il résulte des pièces versées aux débats par l’employeur (déclaration de main courante d’une déléguée syndicale FO Propreté portée à la connaissance de l’intimée le 17 janvier 2019, courriers du syndicat CNT SO du Nettoyage du 22 janvier 2019 et échanges de mails avec l’inspection du travail concernant la situation de Mme [I] travaillant en qualité de chef d’équipe sous la subordination de l’appelant) que l’intéressé avait adopté un comportement agressif et inadapté à l’égard de plusieurs autres salariés en fonction sur le site ainsi qu’à l’encontre de délégués syndicaux s’y étant présentés, se manifestant notamment par l’emploi d’un niveau verbal élevé ainsi que par une attitude et des gestes physiques menaçants, outre la mise en oeuvre d’un comportement volontairement déstabilisant à l’encontre de l’une de ses subordonnées occupant les fonctions de chef d’équipe (mise à l’écart ainsi que retrait de tâches et du badge d’accès aux locaux de l’entreprise), étant également observé que les faits fautifs se sont produits et/ou poursuivis postérieurement à l’avertissement du 9 janvier 2019.

Au vu de ces différents éléments précis, circonstanciés et concordants, dont aucune pièce versée aux débats en réplique ne permet de remettre en cause la valeur probante, il apparaît qu’à l’exception du grief relatif au non-respect des procédures internes liées au contrôle des heures, l’employeur justifie de la réalité et de la matérialité des manquements et agissement fautifs reprochés à l’appelant, ce dernier, mises à part ses seules affirmations de principe selon lesquelles la qualité de la prestation relevait d’un problème général d’organisation et d’exécution du marché ou que sa part de responsabilité ne serait pas déterminée, s’abstenant de produire en réplique des éléments de nature à remettre en cause les éléments précités concernant le déroulement des faits litigieux ou à établir les diligences accomplies ainsi que les éventuelles mesures prises en sa qualité de responsable de site pour remédier à la situation dégradée, améliorer l’organisation des travaux d’exécution sur le site, perfectionner l’encadrement et l’animation des équipes de travail ou assurer le respect des consignes.

Au regard de l’ensemble des développements précédents, la cour estime, eu égard à la réitération et à l’accumulation des faits fautifs ainsi qu’à la désorganisation de l’activité et à l’atteinte portée à la bonne marche ainsi qu’à l’image de l’entreprise auprès des clients, que les agissements du salarié rendaient effectivement impossible son maintien dans l’entreprise, et ce nonobstant son ancienneté ou l’absence d’antécédents disciplinaires (en conséquence de l’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2019), ceux-ci ne pouvant aucunement être retenus en l’espèce comme des circonstances permettant au salarié de s’exonérer des conséquences de son comportement.

Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement du salarié pour faute simple était fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté l’intéressé de l’ensemble de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail.

Sur les autres demandes

En application de l’article 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur, qui succombe partiellement en cause d’appel, sera condamné à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens.

L’employeur, qui succombe partiellement, supportera également les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare recevables les demandes de M. [M] afférentes à l’annulation de l’avertissement du 9 janvier 2019 ;

Annule l’avertissement du 9 janvier 2019 ;

Condamne la société Elior Services Propreté et Santé à payer à M. [M] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Condamne la société Elior Services Propreté et Santé à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Elior Services Propreté et Santé aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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