Non-respect des procédures internes : 31 octobre 2012 Cour d’appel de Lyon RG n° 11/03580
Non-respect des procédures internes : 31 octobre 2012 Cour d’appel de Lyon RG n° 11/03580
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31 octobre 2012
Cour d’appel de Lyon
RG n°
11/03580

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/03580

[Z]

C/

SAS HELICE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 12 Mai 2011

RG : F.09/4222

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2012

APPELANT :

[L] [Z]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparant en personne,

ayant pour Conseil Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

assisté de Me Emilie COMTE-JANSEN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS HELICE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Danièle BARUCHEL-BEURDELEY de la SCP FISCHER, TANDEAU DE MARSAC, SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

PARTIES CONVOQUÉES LE : 06 Septembre 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mars 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Françoise CARRIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Octobre 2012, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 12 mai 2011 par le Conseil de Prud’hommes de LYON , dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 28 mars 2012 par [L] [Z], appelant ;

Vu les conclusions déposées le 28 mars 2012 par la S.A.S. HELICE, intimée ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l’audience du 28 mars 2012 ;

La Cour,

Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 13 novembre 2006, [L] [Z] a été embauché par la S.A.S. HELICE, entreprise de services informatiques, en qualité d’ingénieur d’affaires, statut cadre, ce pour compter du 1er décembre 2006 ;

que le 30 septembre 2009 il a été licencié pour motif personnel ;

que le 28 octobre 2009 il a saisi la juridiction du Travail en lui demandant de prononcer la nullité du licenciement, subsidiairement de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, de condamner la S.A.S. HELICE à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que par jugement du 12 mai 2011 le Conseil de Prud’hommes de LYON a dit le licenciement régulier et justifié, et a en conséquence débouté [L] [Z] de l’ensemble de ses prétentions ;

Attendu que l’intéressé a régulièrement relevé appel de cette décision le 16 mai 2011

qu’il soutient essentiellement à l’appui de sa contestation que les griefs articulés contre lui dans la lettre de licenciement sont prescrits pour certains et en tout cas injustifiés, et que ce licenciement qui ne repose sur aucun motif valable lui a causé un préjudice considérable;

qu’il demande en conséquence à la Cour d’infirmer le jugement critiqué et de condamner la S.A.S. HELICE à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la société intimée conclut à la confirmation de la décision attaquée en faisant principalement valoir à cet effet que le licenciement n’est pas intervenu pour raison disciplinaire mais pour motif personnel de sorte que la prescription ne saurait lui être opposée, qu’en tout état de cause elle n’a eu connaissance de l’un des faits qui le motivent que moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, que les attestations produites aux débats par l’appelant ne sont pas conformes aux prescriptions de l’article 202 du Code de Procédure Civile et que les griefs retenus contre le salarié sont établis et démonstratifs de son incapacité à répondre aux attentes de son employeur ;

Attendu en premier lieu qu’il convient de relever que l’appelant ne soulève plus devant la Cour la nullité du licenciement, se bornant à soutenir que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu en second lieu que la société intimée fait valoir que les attestations versées aux débats par l’appelant ne peuvent être prises en considération dès lors qu’elles ne sont pas conformes aux prescriptions de l’article 202 du Code de Procédure Civile parce qu’elles ne sont pas manuscrites ou encore parce qu’elles ne mentionnent pas qu’elles ont été rédigées en vue de leur production en justice ;

Attendu cependant que les dispositions de l’article 202 du Code de Procédure Civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ;

que la société HELICE n’établit pas ni même seulement n’allègue que les irrégularités qu’elle relève lui causent un grief quelconque et l’empêchent d’organiser sa défense ;

qu’il n’y a donc pas lieu d’écarter ces attestations des débats ;

Attendu que la lettre de licenciement du 30 septembre 2009 fixe les limites du litige ;

que cette missive expose trois griefs à l’encontre des salariés, savoir

1° la participation à des séminaires sans lien avec ses fonctions mais dont les frais ont été supportés par la société,

2° une déficience dans la gestion des collaborateurs placés sous son autorité hiérarchique ayant entraîné des démissions ou des licenciements,

3° le non-respect des procédures internes ;

Attendu qu’il ne suffit pas à l’employeur d’énoncer dans la lettre de licenciement que celui-ci est décidé pour ‘motif personnel’ pour se soustraire aux règles applicables à un licenciement qui revêt en réalité un caractère disciplinaire ;

qu’un licenciement pour motif personnel doit nécessairement reposer non pas sur des faits constitutifs d’infractions à la discipline interne de l’entreprise, mais sur l’incapacité du salarié à répondre, pour des raisons strictement inhérentes à sa personne, aux attentes de l’employeur conformes aux stipulations contractuelles ;

Attendu que le premier des trois griefs énoncés par la lettre de licenciement fait reproche à [L] [Z] d’avoir participé à des séminaires et/ou des congrès dont les frais ont été supportés par la société HELICE, sans lien avec ses fonctions d’ingénieur d’affaires, et ce durant son temps de travail ;

qu’il est ajouté que la direction a pu noter que pour une de ces participations, il a fait figurer sur son agenda professionnel un rendez-vous client ou prospect en ses lieu et place;

Attendu que les agissements ainsi dénoncés décrivent des actes de déloyauté et d’abus imputés au salarié, et non pas seulement un comportement inadéquat ou une insuffisance dans l’accomplissement des tâches dont il était chargé ;

que dès lors, ce grief revêt un caractère disciplinaire ;

qu’à cet égard, le salarié fait justement observer que ce grief est énoncé en termes généraux et sans mentionner aucun fait précis, daté et circonstancié ;

que ce grief ne peut donc qu’être écarté ;

Attendu sur le deuxième grief tiré d’une déficience dans la gestion des collaborateurs de la société placés sous l’autorité hiérarchique de [L] [Z], que l’employeur reproche à ce dernier un accroissement des démissions ou des licenciements ;

qu’aucune des pièces versées aux débats par la S.A.S. HELICE ne permet d’établir que les démissions auxquelles elle fait allusion sans fournir aucune précision puisse être imputable en quoi que ce soit à [L] [Z] ;

qu’au reste, l’appelant produit aux débats des attestations de salariés démissionnaires qui indiquent que leur décision de quitter la S.A.S. HELICE n’a aucun lien avec la façon dont [L] [Z] a géré leurs relations de travail lorsqu’ils faisaient partie du personnel de la société ;

que s’agissant des licenciements, outre que l’appelant n’en a pas décidé lui-même, les pièces produites par la société HELICE sont insuffisantes à démontrer qu’ils trouveraient leur origine dans des fautes commises par les salariés concernés elles-mêmes directement provoquées par des erreurs de gestion ou des manquements à ses obligations professionnelles imputables à [L] [Z] ;

Attendu que sous le même grief, il est reproché au salarié d’avoir, le 17 août 2009, sans validation du directeur d’agence, autorisé une collaboratrice, en mission chez un client, à rester à son domicile en la dispensant de prendre une journée de congé ;

qu’il est constant et non contesté que cette jeune femme qui débutait une grossesse difficile, devait subir un examen médical le mardi 18 août 2009 à [Localité 8] ;

qu’elle atteste de ce que le 28 juillet 2009, elle a demandé au directeur d’agence, par courrier électronique, si elle devait néanmoins regagner le siège parisien le lundi 17 août 2009, mais que n’ayant jamais obtenu de réponse de ce responsable hiérarchique, elle s’est adressée à [L] [Z] qui lui a indiqué que tant pour limiter les frais de l’entreprise que lui épargner de la fatigue, il lui paraissait préférable qu’elle ne revînt pas à [Localité 10] le 17 août 2009 ;

Attendu qu’il ne saurait ainsi être reproché à [L] [Z] d’avoir dispensé de travail cette salariée pour le jour considéré car il n’est pas établi qu’il lui ait donné des instructions quelconques sur la façon dont elle devait assurer la prise en compte de cette journée ;

qu’en outre, il est démontré que le sieur [Y], directeur d’agence auquel la salariée s’était adressée pour connaître la conduite à tenir, ne lui a jamais répondu, de sorte qu’il ne peut être sérieusement reproché à l’appelant de n’avoir pas pris les instructions de ce supérieur hiérarchique à une période où celui-ci a surtout brillé par son absence ;

qu’en tout état de cause, à supposer même que l’on puisse considérer que fût indispensable l’autorisation d’un directeur d’agence qui n’avait marqué aucun empressement à se pencher sur la requête de la salariée concernée, l’initiative prise par l’appelant dans ces circonstances particulières ne peut être considérée comme une défaillance telle de [L] [Z] dans l’exécution de ses obligation professionnelles qu’elle constitue une cause sérieuse de licenciement ;

Attendu encore que sous le second grief, il est reproché à l’appelant une réticence persistante à aplanir les difficultés qu’il rencontrait avec l’un de ses collègues, le sieur [B] [G], chef de projet ;

que s’il n’est pas douteux que les relations entre les deux hommes étaient mauvaises, aucune des pièces versées aux débats par la société intimée n’établit que l’appelant porte à cet égard une responsabilité particulière ;

Attendu qu’il ressort de ce qui précède que le deuxième grief doit aussi être écarté ;

Attendu, sur le troisième grief tiré d’un non-respect des procédures internes, qu’il est reproché à l’appelant d’avoir adressé le curriculum vitae de collaborateurs ou de candidats à des sociétés clientes ou même concurrentes sans validation du directeur d’agence ou de la direction générale de l’entreprise ;

que ce grief qui consiste à reprocher au salarié des actes déloyaux revêt comme le premier un caractère disciplinaire ;

que la Cour ne peut que constater qu’il est formulé en termes généraux et imprécis qui ne permettent pas un libre exercice des droits de la défense ;

que ce grief doit donc être également écarté comme les précédents ;

Attendu qu’aucun des motifs de licenciement ne pouvant être retenu, il échet d’infirmer la décision querellée et de déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l’appelant percevait une rémunération brute mensuelle de 6 000 €, qu’il travaillait au sein de l’entreprise depuis près de trois années, qu’il était âgé de cinquante-deux ans au jour du licenciement et que s’il est parvenu, en dépit de son âge, à retrouver un emploi, celui-ci lui procure une rémunération nettement moindre ;

Attendu, dans ces conditions, qu’il échet d’allouer à [L] [Z] la somme de 72 000 € à titre de dommages et intérêts ;

qu’il n’y a pas lieu de préciser que cette somme sera exempte de la CSG/CRDS, les dommages et intérêts qui compensent un préjudice n’étant pas fiscalement assimilables à un revenu ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour l’appelant a été contraint d’exposer des frais non inclus dans les dépens qu’il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société intimée ;

que celle-ci sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare l’appel recevable ;

Au fond, le dit justifié ;

Infirme le jugement déféré et le met à néant ;

Déclare le licenciement de [L] [Z] par la S.A.S. HELICE dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A.S. HELICE à payer à [L] [Z] la somme de 72 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de toutes autres prétentions ;

Condamne la S.A.S. HELICE à payer à [L] [Z] une indemnité de 2 000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS

 


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