Non-respect des procédures internes : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00457
Non-respect des procédures internes : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00457
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31 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00457

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 379/23

N° RG 21/00457 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TQ5X

OB/VM

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

19 Février 2021

(RG F18/00836 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

S.A.S. EFF EFF FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, et assistée de Me Jean-Christophe SCHWACH, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉ :

M. [L] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Julie BABELAERE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 14 Février 2023

Tenue par Olivier BECUWE

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Février 2023

EXPOSE DU LITIGE :

M. [J] a été engagé à durée indéterminée et à temps complet à compter du 1er juillet 2000 par la société EFF EFF France (la société) en qualité de délégué commercial.

Il était chargé d’intervenir dans un périmètre géographique comprenant onze départements.

En arrêt du travail à compter du 26 avril 2016, il a été déclaré apte à la reprise de son poste par avis du médecin du travail du 14 octobre 2016.

Il a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 3 janvier 2018.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement selon lettre du 18 janvier 2018.

Il a été licencié pour faute grave selon lettre du 16 mars 2018, sans avoir repris son travail, l’entretien préalable ayant été reporté.

L’employeur lui reproche en substance une utilisation abusive et inappropriée de la messagerie professionnelle, la méconnaissance de procédures internes, un manque de loyauté contractuelle ainsi qu’une insuffisance de résultat et de rendez-vous.

Contestant la rupture, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lille de demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’au titre d’une discrimination à raison de l’état de santé et en paiement de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence.

Par un jugement du 19 février 2021, la juridiction prud’homale a écarté la faute grave et retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse, a rejeté la demande au titre de la discrimination mais fait droit à celle au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence invoquée.

Par déclaration du 31 mars 2021, la société a fait appel.

Elle en réclame l’infirmation et le rejet de l’ensemble des prétentions, ce à quoi s’oppose l’intimé qui, par un appel incident, et réitérant ses demandes initiales, sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il ne les accueille pas en totalité.

Dans leurs conclusions respectives, les parties discutent en substance de la réalité et de la portée des faits invoqués ainsi que de l’existence ou non d’une clause de non-concurrence et s’opposent, par ailleurs, sur l’existence d’une discrimination à raison de l’état de santé, l’intimé soutenant qu’il s’agit du motif de son licenciement.

MOTIVATION :

1°/ Sur le licenciement :

A – Sur le grief tiré d’une utilisation abusive et inappropriée de la messagerie professionnelle par la réception de plusieurs dizaines de courriels à connotation pornographique à compter du mois de novembre 2017 :

C’est par des motifs circonstanciés, que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes a retenu que sur la période allant du début du mois de novembre 2017 au 3 janvier 2018, date de l’arrêt de travail, le salarié avait reçu un nombre considérable de mails à caractère pornographique.

Ces mails ont été découverts à la faveur de l’absence de M. [J] qui était en arrêt de travail, absence ayant conduit l’employeur à affecter un autre utilisateur sur l’ordinateur professionnel de l’intéressé.

La liceité des constatations n’est pas discutée.

La réception de newletters ainsi que d’un message de notification ‘suite à votre inscription’ ne laissent aucun doute sur le fait qu’en violation de la charte informatique de la société, M. [J] s’est inscrit, avec son adresse de messagerie professionnelle, sur de nombreux sites de rencontres à caractère sexuel.

Le grief est établi.

B – Sur le grief tiré d’une insuffisance de rendez-vous avec la clientèle :

Le contrat de travail faisait obligation à M. [J] ‘d’effectuer de très nombreux déplacements sur son secteur géographique (4 jours par semaine, 4 à 5 rendez-vous par jour étant le rythme normal souhaité)’.

Or, l’agenda de M. [J] fait état d’un temps de travail inférieur à la durée légale et de deux rendez-vous journaliers en moyenne.

M. [J] n’y apporte aucune véritable justification.

Le grief est établi.

C – Sur le grief tiré de l’absence de mise en place d’un message d’information des clients en cas d’absence du lieu de travail :

L’employeur n’insiste pas spécialement dans ses conclusions sur ce grief lequel n’apparaît pas véritablement démontré, sauf à retenir la pièce n° 14 relative au mécontentement d’un client dont la commande n’a pu être traitée.

D – Sur le grief tiré d’une insuffisance de résultats par la non-atteinte des objectifs en 2017 :

Il est constant que les objectifs n’ont été notifiés à l’intéressé qu’en milieu d’année, le 5 juillet 2017 selon la société elle-même.

C’est donc à juste titre que le salarié en déduit que la notification ayant ainsi été tardive, il ne saurait lui être reproché une insuffisance de résultats sur des objectifs qu’il n’a pu connaître en temps voulu.

E – Sur le grief tiré du non-respect des procédures internes :

Ce grief est assez général et concerne ce qui a trait au remboursement des frais, à l’utilisation des différents tableaux de bord et au reporting.

Il ne résulte d’aucune des pièces versées aux débats que les faits allégués soient établis.

F – Sur le grief tiré d’une déloyauté contractuelle :

Il est reproché au salarié d’avoir exercé un chantage à l’adresse de son directeur commercial : s’il continuait, pour reprendre les termes tenus par M. [J] en décembre 2017, ‘à lui chercher des poux dans la tête, il se mettrait en arrêt maladie’.

Il est exact que, dans la foulée, M. [J] a été placé en arrêt de travail mais la réalité de ce dernier, dûment justifié, n’est pas réfutée.

Ce grief ne peut donc être retenu.

G – Sur le grief tiré du mécontentement des clients :

C’est par des motifs circonstanciés, que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes a écarté l’essentiel de ce grief.

Il reste le mécontentement d’un client (pièce n° 14 de la société) imputable au salarié.

En définitive, seuls peuvent être retenus les griefs A -, B -, C – et G -.

Les griefs A – et B – doivent être appréciés de façon combinée : si un fait de la vie personnelle, telle la consultation de sites pornographiques y compris au bureau, ne peut revêtir aucun caractère fautif dès lors qu’il est extérieur au contrat de travail et ne peut justifier un licenciement disciplinaire, terrain sur lequel s’est placé la société, il en va autrement lorsqu’il revêt une incidence sur l’exécution de celui-ci.

Or, le grief B – traduit un désengagement progressif de M. [J] : ce dernier ne fait pas spécialement état d’une insuffisance de moyens l’ayant conduit à espacer ses visites à la clientèle et à travailler moins.

Il s’en déduit que cette insuffisance dans la prospection est le fruit d’une utilisation abusive de la messagerie professionnelle, ce qui confère aux griefs un caractère disciplinaire.

Les griefs C – et G – apparaissent, quant à eux, relativement véniels et n’ont pas d’incidence sur l’appréciation du bien-fondé du licenciement.

Compte tenu de l’ancienneté du salarié, élément classiquement pris en compte dans l’appréciation de la gravité de la faute, et de l’absence d’antécédents disciplinaires pour des faits similaires, c’est à juste titre que le jugement attaqué disqualifie le licenciement pour faute grave en un licenciement pour faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé.

2°/ Sur la discrimination à raison de l’état de santé :

Il résulte des développements qui précèdent que l’employeur n’a pas licencié M. [J] en raison de ses absences et de son état de santé.

L’allégation, qui n’était pas pertinente, d’un manque de loyauté contractuelle ne suffit pas pour en déduire que le licenciement serait, en réalité, fondé sur la santé de M. [J].

Par ailleurs, ce dernier n’établit aucun élément de fait laissant supposer qu’il aurait été victime, au cours de la relation contractuelle, d’une quelconque discrimination.

Le fait qu’il ait refusé une rupture conventionnelle est, en soi, neutre.

Le jugement qui rejette la demande sera confirmé.

3°/ Sur la clause de non-concurrence :

C’est à juste titre qu’analysant l’article 10 du contrat de travail dont il rappelle les termes, le jugement retient que les parties étaient liées par une clause de non-concurrence dont la violation par le salarié n’est pas démontrée de sorte qu’il a droit à la contrepartie financière.

L’employeur ne saurait, pour s’en exonérer, soutenir que le contrat de travail n’avait prévu qu’une obligation de discrétion et n’avait nullement défini les limites et contours de la prétendue clause de non-concurrence.

Le contrat de travail mettait clairement à la charge de M. [J] une obligation de non-concurrence, contractuellement qualifiée comme telle, et la carence de l’employeur dans sa délimitation ne saurait servir de prétexte au non-paiement des six mois de salaire brut fixe, contrepartie financière stipulée à l’article 10 précité.

Le jugement sera confirmé.

4°/ Sur les frais irrépétibles d’appel :

L’appel de la société n’étant pas fondé, il sera équitable de la condamner de ce chef à payer à l’intimé la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour d’appel statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi :

– confirme le jugement rendu le 19 février 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Lille ;

– y ajoutant, condamne la société EFF EFF France à payer à M. [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– rejette le surplus des prétentions ;

– la condamne également aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

Olivier BECUWE

 


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