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31 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/15366
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 31 MARS 2023
N° 2023/121
Rôle N° RG 19/15366 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE665
SAS GUESS FRANCE
C/
[K] [SK]
Copie exécutoire délivrée le :
31 MARS 2023
à :
Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Mylène VECCHIE-PEYRON, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01173.
APPELANTE
SAS GUESS FRANCE venant aux droits de la société ONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-david GUEDJ de l’ASSOCIATION JEAN-DAVID GUEDJ & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [K] [SK], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sarah MASOTTA, avocat au barreau de MONTPELLIER, Me Mylène VECCHIE-PEYRON, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [K] [SK] a été engagée par la société YDILE, devenue ONE – aux droits de laquelle se trouve la SAS GUESS FRANCE – suivant contrat de travail ‘nouvelle embauche’ du 10 avril 2006 en qualité d’assistante de direction, comptable.
Par avenant du 3 décembre 2010, Madame [SK] a été promue au poste de district manager.
Par lettre du 10 février 2017, Madame [SK] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement et mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 6 mars 2017, Madame [SK] a été licenciée pour faute grave, pour les motifs suivants :
‘En date du 10 février 2017, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à licenciement pour faute grave fixé au Mardi 21 février 2017 à 10h15 au siège social de la société ONE -[Adresse 1].
Compte tenu de la gravité des faits reprochés, nous vous avons notifié le même jour une mise à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure et dans l’attente de la décision à intervenir.
Au cours de l’entretien qui s’est tenu en ma présence ainsi que celle de Monsieur [H] [B], Directeur Retail, et d’un conseiller salarié extérieur à l’entreprise, Monsieur [T] [ZP], qui vous assistait, nous avons écouté vos explications qui ne nous ont pas convaincus et nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour faute grave.
En effet, depuis Août 2016, nous avons constaté un enchaînement de faits qui se sont accentués au cours de ce dernier mois et avons récemment été alertés sur des agissements fautifs de votre part dans l’ exercice de vos fonctions de Responsable Régionale se traduisant notamment par :
1) Une attitude managériale et communication agressive, des réactions épidermiques générant auprès des équipes des situations de peur, voire de harcèlement moral.
2) Un non-respect des procédures et règles internes
Nous restituons ci-après, l’exposé des faits qui a été formulé lors de l’entretien du mardi 21 février 2017 :
1) Attitude managériale et communication agressive, réactions épidermiques générant auprès des équipes des situations de peur, voire de harcèlement moral
En date du 31 Janvier 2017, vous vous êtes rendue sur le magasin d'[Localité 4] dans le cadre de vos visites périodiques. Au cours de la journée, vous avez fait preuve, à plusieurs reprises, de gestes d’humeur excessifs qui ont déstabilisé l’équipe du magasin.
En effet, alors que le système de caisse montrait des signes de dysfonctionnement, vous vous êtes mise à taper sur l’écran de la caisse de façon violente devant deux clients et devant les membres de l’équipe présents sur la surface de vente.
Votre geste a eu pour conséquence de mettre définitivement hors service le système de caisse obligeant toute l’ équipe à procéder à une gestion manuelle des encaissements et de la gestion du magasin.
L’équipe déjà ébranlée et démotivée par votre attitude a été obligée de recourir à des heures supplémentaires pour remédier à cette situation pendant trois jours jusqu’à ce que le système de caisse soit rétabli.
De plus votre attitude a porté fortement préjudice à notre image vis-à-v-is des clients présents car votre attitude n’est pas digne de nos valeurs et de nos standards de service à la clientèle.
Le même jour, vous vous êtes énervée sur 1’ordinateur et avez projeté la souris sur le clavier. En agissant de la sorte, vous risquez non seulement de détériorer le matériel mais vous mettez l’équipe du magasin sous pression et ne faites pas preuve d’exemplarité.
Cet incident n’est malheureusement pas un fait isolé puisque nous avons eu à déplorer depuis septembre 2016 plusieurs situations critiques générées par votre attitude.
a) Lettre de Mme [Y] [O] ([Localité 5]) le 15 septembre 2016 qui mentionne, suite à un entretien avec vous : « je suis encore déboussolée et choquée de cet entretien car je n ‘ai pas été écoutée ni soutenue, loin de là. Pendant toute la durée de l’entretien, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer … Tous ces événements me font souffrir à tel point que le Docteur [M] m’a conseillé de me mettre en arrêt de travail lors de la visite médicale que vous avez programmée en date du lundi 12 septembre pour me reposer tellement je ne suis pas bien, du manque de soutien, du manque d’écoute de ma manager district ainsi que de toutes les choses qui me sont reprochées, du contrôle abusif des vidéos surveillances contrôlant mes moindres faits et gestes, contrôlant mon travail pour me mettre en défaut, … Mon souhait étant de me faire entendre car j’estime avoir reçu bien trop de pression morale et d’intimidation inacceptable pour tout un chacun… », (extraits)
b) En septembre 2016, vous vous acharnez sur la personne de Madame [I] [G] ([Localité 5]) alors qu’elle vient de rentrer d’un congé parental. En lieu et place d’essayer de la comprendre et de l’accompagner, vous formulez une demande d’avertissement que je refuserai de rédiger après avoir écouté Mme [I] [G] et lui avoir accordé une rupture conventionnelle car elle ne pouvait plus envisager de travailler avec vous.
c) Le lundi 24 octobre 2016, Mme [S] [A] ([Localité 5]) adresse un mail au service RH afin de se plaindre de vos agissements : “J’attends de ma Directrice Régionale un minimum de franchise si elle me reproche certaines choses et du soutien plutôt que de me descendre auprès de mon équipe Que me reproche donc [K] …Comment travailler sereinement … [K] a questionné sournoisement [N] sur l’ambiance du magasin ainsi que mes rapports avec l’équipe … j’en ai marre que mon équipe ressente le mépris que [K] a à mon égard’ (extraits). Votre attitude à l’égard de [S] [A] sera confirmée par des membres de l’équipe.
d) Le mercredi 22 novembre 2016, vous avez une altercation violente avec Mme [D] [W] au siège de la société qui déclare : ‘Mme [SK] est venue m’agresser verbalement sans même dire bonjour …. Elle a commencé à me menacer. Je lui ai donc intimé l’ordre de sortir de mon bureau à trois reprises ce qu’elle a refusé de faire, brandissant son téléphone portable en guise d’arme … Ne sachant que faire, j’ai pris mon téléphone et appelé Mme [U] [Z]. Lorsqu’elle s’est aperçue que le téléphone sonnait, elle est sortie du bureau en claquant violemment la porte. J’ai alors rapporté l’altercation à Mme [U] qui m’a aidé à me calmer. Ce n’est malheureusement pas la première fois que Mme [SK] s’en prend à moi. Au mois de juillet dernier, elle avait déjà eu le même comportement…Je ne suis malheureusement pas la seule salariée de l’entreprise à subir les comportements de Mme [SK]. Les Responsables de boutiques le vivent par à-coup, en fonction des périodes de l’année. Aucun n’osant faire d’écrits de peur de représailles. Par le passé, chaque salarié ayant relaté de tels faits a été sanctionné par l’ancien dirigeant.’. (extraits).
e) Le 30 décembre 2016, Mme [P] [F] ([Localité 4]) écrit un mail à la Direction des Ressources Humaines : « D ‘après moi, [K] a un souci car c’est une personne lunatique et elle nous communique beaucoup trop son stress qu’elle ne sait pas gérer car elle s’énerve sur les colis en leurs donnant des coups de poing et de pieds. Elle nous manage en négativité par exemple sur une journée ou la target est réalisée elle va retenir que les points négatifs ». (extraits).
f) Le même jour, 30 décembre 2016, Mme [BC] [XL] ([Localité 4]) adresse à la Direction un mail pour se plaindre également de l’attitude de Mme [SK] : « Elle a complètement changé d’attitude sans aucune raison, les vendeurs m’ont signalé qu ‘elle était très énervée, ils n’osaient pas monter en réserve à cause de son attitude car elle s’énervait toute seule contre les vêtements … Elle disait à l’équipe que le magasin n’était pas rangé et je me suis permise de féliciter mon équipe pour le CA, elle a été agressive en me disant ‘ça c’est bon, Je l’ai fait’ je lui ai rétorqué ‘en tant que responsable je me dois de les féliciter’ … La cliente est restée étonnée de l’attitude de [K] car elle m’a crié dessus et m’a rabaissé devant mes clients et mon équipe ….. Jusqu’à présent, je ne disais rien et encaissais mais maintenant avec tous ces changements plus le stress qu’elle nous met je me dois de vous faire part de mon ressenti … [K] a un management négatif, les félicitations de sa part sont très rares. Elle est agressive, lunatique à tout instant. Quand elle vient, on ne sait pas comment elle va se comporter ce qui nous angoisse. Je ne me sens pas soutenue de sa part alors que nous travaillons ensemble depuis 8 ans …’ (extraits).
g) Le 13 janvier 2017, Mme [S] [A] ([Localité 5]) nous alerte sur sa situation par mail : «je ne supporte plus le harcèlement moral que je subis par ma directrice régionale Madame [SK] [K]. En effet, malheureusement je manque de preuves ou de témoins …. Des anecdotes je n’en manque pas et malheureusement j’ai toujours eu peur de remonter les informations car elle est ma supérieure directe … C’est le c’ur lourd que je vous affirme que je ne dors plus, j’ai perdu un poids conséquent, mon médecin a voulu m’arrêter a plusieurs reprises, vous le savez mais là je pense que je vais écouter les conseils de mon médecin. Je ne perdrais pas mon travail car on cherche à me faire craquer psychologiquement, j’aime Guess et toute l’équipe au sein de mon magasin et l’équipe retail. C’est clairement du harcèlement ce qu ‘elle fait et je ne me laisserai plus faire je vais tout mettre par écrit puisqu’il faut en arriver là et porter plainte contre elle. Sachez que ma démarche n’est absolument pas pour viser Guess car je pense savoir qu’il n ‘approuve pas ce genre de pratiques». (extraits).
Suite à ce message, Mme [S] [A] nous adressera un certificat de son médecin, le Docteur [UO] [L], qui atteste : ‘j’ai été amené à voir Mme [S] [A] à plusieurs reprises pour état anxieux aigu relationnel qu’elle m’a toujours signalé comme étant secondaire à des relations conflictuelles, voire de harcèlement par une supérieure hiérarchique…’.
h) Courant janvier 2017, nous constatons plusieurs mails de votre part adressés à vos équipes comportant des propos agressifs et ne terminant jamais par une formule de politesse.
i) Le lundi 23 janvier, Mme [BC] [XL] nous adresse une attestation pour nous relater votre comportement agressif et lunatique : ‘Elle n’hésite pas à avoir des gestes d’humeur et agressifs comme donner des coups de pied dans les cartons ; s’amuse à me cacher les clefs du coffre pour me faire paniquer …. Elle me rabaisse et me critique devant les vendeuses. Son comportement me met une pression extrême, me démotive et me fait travailler avec la boule au ventre. Mon personnel ressent les tensions que Mlle [SK] me fait subir. J’estime être victime de harcèlement moral’. (extraits).
j) Le 26 janvier 2017, Mme [D] [W] nous transmet une série d’échanges de mails entre Mme [BC] [XL] et vous-même en nous indiquant : « il y a la guerre entre [K] et [BC]. J’ai essayé de calmer [BC] mais elle est à bout de nerf. Pourriez-vous intervenir pour régler ce conflit”.
k) En interrogeant Mme [W], cette dernière nous a indiqué que ces faits n’étaient pas isolés puisque dans le passé d’autres collaboratrices s’étaient plaintes de votre attitude comme par exemple Mme [R] [V] qui dans sa lettre de démission du 29 juillet 2015 indiquait : ‘Depuis plus de 6 mois, je subis une pression psychologique de la part de ma supérieure directe, Mlle [SK], Directrice Régionale, telle qu’au mois de novembre, mon médecin a pris la décision de me mettre en arrêt…’.
Ce que l’ancienne Direction semblait pouvoir tolérer à votre égard, nous ne pouvons absolument plus l’accepter.
Si au départ nous vous avons accordé le bénéfice du doute et laissé votre chance lors de la reprise de la Société ONE par GUESS France, trop de témoignages, trop d’éléments se recoupent et nous apportent aujourd’hui la preuve incontestable de votre attitude déplacée, agressive, destabilisante voire destructrice à l’égard de vos équipes ce qui est totalement contraire aux valeurs que nous communiquons et incarnons au quotidien chez GUESS France.
2) Non-respect des procédures et règles internes
Le 17 janvier 2017, nous avons constaté que vous aviez lancé un challenge auprès de votre équipe sans aucune autorisation ni de votre hiérarchie, ni de la Direction des Ressources Humaines.
L’intention louable de ce challenge était de développer le chiffre d’affaires. Néanmoins, la communication faite auprès de vos équipes était maladroite et inappropriée.
Vous ne pouviez par ailleurs en aucun cas prendre seule la décision de rétribuer des performances sans même que votre supérieur hiérarchique en soi informé, ni la Direction des Ressources Humaines.
Votre attitude en la matière dénote un comportement fautif qui de plus enlève toute crédibilité à votre management car plusieurs responsables ont appelé la Responsable RH pour obtenir des précisions, celle-ci ayant été incapable de leur répondre car elle n’avait eu aucune connaissance de votre démarche.
Par ailleurs, il nous a été communiqué que vous ne respectiez pas vos horaires de travail et arriviez fréquemment en retard au bureau. A titre d’ exemple, j’ai pu moi-même constater que vous étiez arrivée le 23 janvier 2017 à 11h 15. Vous avez tenté de vous justifier en précisant que vous passiez des appels téléphoniques ou faisiez le point avec le magasin de [Localité 6], mais en l’occurrence le 23 janvier lors de votre arrivée, vous n’étiez pas passée préalablement au magasin.
Enfin nous avons été informés que vous vous étiez rendue sur le magasin de [Localité 7] en visite accompagnée de votre chien!
Tous ces éléments dénotent de votre part une attitude autant légère qu’irresponsable et constituent un ensemble de fautes pour non-respect des procédures internes.
Au final, nous n’avons pu que constater à maintes reprises que votre comportement avait des conséquences négatives sur la région et sur les équipes que vous étiez sensée animer et motiver.
La plupart des équipes magasins au contraire redoutaient vos visites.
Mme [D] [W] et moi-même étions régulièrement en contact avec les magasins qui nous sollicitaient pour pallier votre mauvaise communication.
De tels faits sont dommageables car en tant que Responsable Régionale, vous avez un devoir d’exemplarité vis-à-vis de vos équipes et nous ne pouvons pas accepter une telle attitude qui est totalement contraire aux valeurs GUESS.
Par conséquent, au regard de tous ces motifs, nous vous confirmons que nous n’avons pas d’autre choix que de mettre fin à notre relation contractuelle et de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave ‘.
Contestant son licenciement, Madame [SK] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel, par jugement de départage du 12 septembre 2019, a :
– dit que le licenciement pour faute grave de Madame [SK] par la SAS GUESS FRANCE, venant aux droits de la société ONE, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
– condamné la SAS GUESS FRANCE, venant aux droits de la société ONE, à verser à Madame [SK] les sommes suivantes :
* 9.716 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
* 971 € au titre des congés payés afférents.
* 9.716 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
* 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
* 725,69 € de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.
* 1.190 € de remboursement de frais de déplacement.
– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement et ce jusqu’à parfait paiement.
– condamné la société GUESS FRANCE, venant aux droits de la société ONE, à verser à Madame [SK] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société GUESS FRANCE, venant aux droits de la société ONE, aux entiers dépens de la présente procédure.
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne seraient pas de plein droit exécutoires par application de l’article R.1454-28 du code du travail.
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La SAS GUESS FRANCE a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 9 avril 2020, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 12 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Marseille, dans toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
– débouter Madame [SK] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– condamner Madame [SK] à payer à la société GUESS FRANCE la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2020, Madame [SK] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 12 septembre 2019, sauf en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau :
– condamner la SARL ONE à verser à Madame [SK] les sommes suivantes, les montants indemnitaires s’entendant nets de CSG CRDS :
– 9.716 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire).
– 971 € à titre de congés payés afférents.
– 9.716 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.
– 725,69 € au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire.
– 1.190 € à titre de remboursement des frais de déplacement.
– 40.000 € à titre de dommages-intérêts.
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l’employeur.
Pour démontrer la réalité, l’imputabilité à la salariée et la gravité des faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, la SAS GUESS FRANCE verse les éléments suivants :
1/ concernant le premier grief relatif à une attitude managériale et communication agressive, des réactions épidermiques générant auprès des équipes des situations de peur,voire de harcèlement moral :
– sur les faits du 31 janvier 2017 au magasin d'[Localité 4] :
Alors que la SAS GUESS FRANCE conclut qu’elle dispose des enregistrements des caméras de vidéosurveillance, force est de constater qu’elle ne les produit pas dans la procédure (pièce qui ne figure pas dans le bordereau des pièces communiquées) et qu’elle ne verse aucune autre pièce qui établirait la matérialité des faits mentionnés dans la lettre de licenciement. Ce grief doit donc être écarté.
– sur les faits qui se sont déroulés en septembre et octobre 2016 au sein du magasin de [Localité 5] et concernant Madame [O], Madame [G] et Madame [A] :
La SAS GUESS FRANCE produit le mail du 15 septembre 2016 de Madame [O] dont le contenu est repris dans la lettre de licenciement.
Or, Madame [SK] produit un courrier du 31 août 2016 que Madame [O] a adressé à son employeur et dans lequel elle signale un conflit avec sa responsable, Madame [A], et notamment relate des faits qui se sont déroulés le 30 août 2016 : ‘9h45 : Mme [A] quitte le magasin, furieuse, me lançant : tu fais ce que tu veux, moi je me casse. 9h50, dans la foulée j’appelle Mme [SK], responsable régionale, car je ne sais plus quoi faire, je suis en pleurs et seule au magasin. Elle me rassure, [S] [A] revient et prend Mme [SK] au téléphone ‘.
L’entretien avec Madame [SK], évoqué par Madame [O] dans son mail du 15 septembre 2016, fait suite à ces faits dénoncés par Madame [O] dans son courrier du 31 octobre 2016. Madame [O] se plaint d’un manque de soutien et d’écoute de la part de Madame [SK]. Or, cette simple appréciation de Madame [O], énoncée dans un contexte très conflictuel entre elle-même et Madame [A], ne suffit pas à caractériser une faute de la part de Madame [SK] dans la gestion dudit conflit.
Concernant Madame [G], la SAS GUESS FRANCE ne produit aucune pièce mais fait état du mail produit par Madame [SK] (pièce 9) qui est un mail que Madame [SK] a adressé à Madame [G], le 9 septembre 2016, dans lequel elle formalise des manquements professionnels de la salariée (comportement, non -respect des procédures). L’employeur a félicité Madame [SK] pour son travail, dans un mail du 12 septembre 2016, en ces termes : ‘Bravo pour ton travail de formalisation et merci d’avoir passé 3 jours sur le magasin. Depuis que [I] (Madame [G]) est revenue, le magasin n’est plus sous contrôle’. Dans ces conditions, l’employeur ne serait évoquer une quelconque faute de la part de Madame [SK] dans l’exécution de ses fonctions.
Concernant Madame [A], la SAS GUESS FRANCE produit le mail de Madame [A] du 24 octobre 2016 visé dans la lettre de licenciement ainsi que deux attestations destinées à corroborer et à établir les propos de Madame [A], à savoir les attestations de Monsieur [X] et de Madame [N]. Cependant, ces pièces ne comportent aucune des mentions prévues à l’article 202 du code de procédure civile et ne sont pas jointes les photocopies des cartes d’identité de leurs prétendus auteurs lesquels, par ailleurs, sont des salariés sous lien de subordination avec l’employeur. En conséquence, ces attestations ne présentent aucune garantie probatoire et ne peuvent être retenues par la cour. Dans ces conditions, il convient de considérer que la faute reprochée à Madame [SK] n’est pas suffisamment caractérisée.
– sur l’altercation avec Madame [W], le 22 novembre 2016 :
La SAS GUESS FRANCE produit l’attestation de Madame [W] dont il ressort que l’altercation qu’elle décrit a pour origine d’une part une conversation avec Madame [AH] dont le sujet était Madame [SK], conversation que cette dernière a entendue à travers la porte, et d’autre part des refus réitérés de Madame [W] de donner à Madame [SK] diverses pièces comptables qu’elle lui a réclamées à plusieurs reprises.
Alors que Madame [SK] conteste les faits de violence qui lui sont reprochés, incrimine également l’attitude de Madame [W] et note que l’employeur a été informé des faits le jour même et n’a pris aucune sanction, la SAS GUESS FRANCE ne produit pas d’autres pièces qui corroboreraient la version de Madame [W] plutôt que celle de Madame [SK]. Dans ces conditions, la faute reprochée à Madame [SK] n’est pas suffisamment caractérisée.
– Sur les faits du 30 décembre 2016 au sein du magasin d'[Localité 4] :
La SAS GUESS FRANCE produit le courrier de Madame [F] et le mail de Madame [XL] du 30 décembre 2016, pièces mentionnées dans la lettre de licenciement.
Madame [SK], qui note à juste titre la similitude des propos employés dans les deux documents, rappelle que l’origine du mécontentement de Madame [F] était son refus de lui accorder des congés payés pendant la période des soldes. Madame [SK] produit une attestation de Madame [XL], établie en janvier 2018, dans laquelle elle précise avoir subi des pressions de sa direction afin qu’elle atteste ‘contre Madame [SK]’ et décrit des conditions de travail dégradées au sein de la SAS GUESS FRANCE ainsi que de bonnes relations professionnelles avec Madame [SK], fait confirmé par les attestations produites par Madame [SK] (de Madame [WT], Madame [J], Monsieur [C], Madame [E]) qui décrivent Madame [SK] comme une responsable professionnelle, exigeante avec ses équipes mais également attentive.
Dans ces conditions, la faute reprochée à Madame [SK] ne peut être considérée comme étant suffisamment caractérisée.
– sur le mail de Madame [A] du 13 janvier 2017 :
La SAS GUESS FRANCE produit le mail de Madame [A] du 13 janvier 2017 évoqué dans la lettre de licenciement, des mails du 13 janvier 2017 que Madame [A] a adressés à son employeur pour l’informer qu’elle se rendait chez son médecin et le certificat médical du docteur [L] du même jour.
Cependant, Madame [A], qui indique subir un harcèlement moral de la part de Madame [SK], ne précise pas les faits qui seraient constitutifs d’un harcèlement de la part de sa responsable hiérarchique et la SAS GUESS FRANCE ne produit aucune pièce complémentaire (attestations ou enquête qu’elle aurait diligentée suite à cette dénonciation de harcèlement moral notamment) et qui aurait permis d’objectiver la dénonciation de Madame [A] et de caractériser la faute reprochée à la salariée. Dans ces conditions, la faute n’est pas suffisamment caractérisée par l’employeur et sera écartée.
– sur les mails de Madame [SK] adressés en janvier 2017 comportant des propos agressifs de sa part, sur l’attestation de Madame [XL] et sur la lettre de démission de Madame [V] :
La SAS GUESS FRANCE produit des mails adressés par Madame [SK] au magasin de [Localité 5] les 12, 13 et 19 janvier 2017, l’attestation de Madame [BC] [XL] du 23 janvier 2017, des échanges de mails entre Madame [XL] (entre le 23 et 25 janvier 2017) et le courriel que Madame [W] a adressé à son employeur le 26 janvier 2017 pour l’informer qu’il ‘y a la guerre entre [K] et [BC]’.
Le premier échange de mails concerne une demande de la part de Madame [SK] de communication du chiffre d’affaires du magasin, de son constat que la ligne téléphonique du magasin est toujours occupée et que les chiffres envoyés sont faux.
Les faits de ‘guerre’ dénoncés par Madame [W] sont à relativiser au regard de l’attestation de Madame [XL], établie en janvier 2018, dans laquelle elle décrit des conditions de travail dégradées depuis la vente de la SARL ONE au profit de la SAS GUESS FRANCE, mais également de bonnes relations professionnelles et personnelles avec Madame [SK].
Enfin, la SAS GUESS FRANCE produit la lettre de démission que Madame [V] a adressée à son employeur le 29 juillet 2015 et qui fait état de ‘pressions psychologiques’ qu’elle aurait subies de la part de Madame [SK]. Cependant, outre l’ancienneté des faits, la SAS GUESS FRANCE ne produit aucune pièce complémentaire (attestations ou enquête qu’elle aurait diligentée suite à cette dénonciation notamment) et qui aurait permis d’objectiver la dénonciation de Madame [V]. Dans ces conditions, la faute n’est pas suffisamment caractérisée par l’employeur et sera écartée.
2/ Concernant le second grief relatif au non-respect des procédures et règles internes :
– sur l’organisation d’un challenge sans autorisation :
La SAS GUESS FRANCE produit un échange de mails entre Madame [W] et Madame [SK], dont le mail du 17 janvier 2017 de cette dernière qui indique : ‘c’est un challenge que j’avais mis en place à titre personnel ‘.
S’il en ressort que la direction de la SAS GUESS FRANCE n’était effectivement pas au courant de l’existence de ce challenge, il n’en ressort pas ‘une communication maladroite et inappropriée’ ou ‘un comportement fautif qui enlève toute crédibilité’ au management de la part de Madame [SK], ni le fait que le challenge impliquait une rétribution particulière des salariés.
Alors que Madame [SK] produit l’attestation de Monsieur [C] qui indique que Madame [SK] avait l’habitude de mettre en place des challenges, la SAS GUESS FRANCE ne justifie pas d’une interdiction de cette pratique sans l’autorisation de l’employeur. Dans ces conditions, le grief sera écarté.
– sur le non-respect des horaires et les retards :
La SAS GUESS FRANCE ne produit aucune pièce pour établir ce grief qui sera donc encore écarté.
– sur la visite du magasin de [Localité 7] de Madame [SK] accompagnée de son chien :
La SAS GUESS FRANCE produit un mail envoyé le 8 mars 2017 comportant deux photographies d’un chien dans un magasin. Alors que la SAS GUESS FRANCE conclut que les faits ont été commis le 8 mars 2017, il convient de relever l’incohérence de cette argumentation puisque Madame [SK] a été licenciée le 6 mars 2017.
En conséquence, la faute grave n’est pas démontrée. Il s’ensuit que non seulement le licenciement de Madame [SK] ne repose pas sur une faute grave mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d’accorder à Madame [SK] les sommes de 9.716 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de 971 € au titre des congés payés afférents, de 9.716 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et de 725,69 € au titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire.
En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (50 ans), de son ancienneté (10 ans), de sa qualification, de sa rémunération (4.858 € ), des circonstances de la rupture et de la période de chômage qui s’en est suivie et justifiée jusqu’au 26 septembre 2018, il convient d’accorder à Madame [SK] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 40.000 €.
II. Sur la demande de remboursement de frais de déplacement
Alors que Madame [SK] produit des pièces justifiant le principe, la nature et le montant des frais réclamés, la SAS GUESS FRANCE soutient avoir réglé les frais de déplacement dus par virement du 7 juin 2017. Cependant, le relevé du virement de la somme de 3.083,41 € ne mentionne pas son objet et la SAS GUESS FRANCE ne justifie pas avoir effectivement réglé la somme de 1.190 € réclamée par Madame [SK]. Il convient donc de condamner la SAS GUESS FRANCE à payer cette somme.
Sur les intérêts, sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux intérêts, aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SAS GUESS FRANCE à payer à Madame [SK] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront à la charge de la SAS GUESS FRANCE, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale, à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS GUESS FRANCE à payer à Madame [K] [SK] la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la SAS GUESS FRANCE aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction