Non-respect des procédures internes : 29 avril 2022 Cour d’appel de Bourges RG n° 21/00886
Non-respect des procédures internes : 29 avril 2022 Cour d’appel de Bourges RG n° 21/00886
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29 avril 2022
Cour d’appel de Bourges
RG n°
21/00886

SD/AB

N° RG 21/00886

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMC6

Décision attaquée :

du 07 juillet 2021

Origine :

conseil de prud’hommes – formation paritaire de NEVERS

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M. [G] [H]

C/

S.A.S. DISTRIBUTION MATÉRIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP)

——————–

Expéd. – Grosse

Me FINOT 29.4.22

Me HUBERT 29.4.22

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

N° 86 – 10 Pages

APPELANT :

Monsieur [G] [H]

11 chemin de la Grenouillère – 58640 VARENNES – VAUZELLES

Représenté par Me Edith FINOT de la SELAS ELEXIA ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS

INTIMÉE :

S.A.S. DISTRIBUTION MATÉRIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP)

2080 avenue des Landiers – 73000 CHAMBERY

Représentée par Me François HUBERT substitué par Me SCHNEIDER de la SAS VOLTAIRE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme BOISSINOT, conseiller rapporteur

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

DÉBATS : A l’audience publique du 04 mars 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 86 – page 2

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ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

M. [G] [H], né le 29 septembre 1965, a été recruté par la société Moutarde à compter du 1er décembre 1990, en qualité de responsable de secteur bois. A la suite d’une reprise du fonds de commerce par la société Point P, son contrat de travail a été transféré à cette dernière à compter du 22 septembre 1995, avec une reprise d’ancienneté au 1er décembre 1990.

M. [H] a ensuite évolué au sein de la société Point P en devenant contremaître de cour, puis conseiller de vente à compter du 1er janvier 2002 et approvisionneur à compter du 1er décembre 2007.

Par courrier du 9 mars 2009, la société Point P a informé M. [H] du regroupement des agences Bois-Panneaux des différentes sociétés du groupe Point P dans une société nouvellement créée, la société Distribution Matériaux Bois Panneaux, ci-après dénommée DMBP, et le contrat de travail du salarié a été transféré à cette société à compter du 1er avril 2009.

La société DMBP, filiale du groupe Saint-Gobain, distribue et commercialise, sous l’enseigne «’Dispano’», tous les produits issus du bois pour la construction et la décoration (bois de structure et de menuiserie, parquet, panneaux) à destination des professionnels des métiers du bois, en leur offrant la possibilité de parachever leurs produits.

Par avenant du 16 février 2018, avec effet au 1er janvier 2018, M. [H] est devenu vendeur conseil, statut technicien-agent de maîtrise, niveau IV, échelon C, coefficient 290 de la convention collective nationale du négoce de matériaux de construction, au sein de l’agence de la société DMBP située à Nevers. Il percevait une rémunération mensuelle brute de 2’281,23 euros.

Par courrier daté du 23 octobre 2018, la société DMBP a voulu remettre en main propre à M. [H] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement que ce dernier a refusée. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 octobre 2018, elle a alors convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 novembre 2018.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 novembre 2018, la société DMBP a notifié à M. [H] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant ledit licenciement, M. [H] a, le 7 juin 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Nevers de demandes en paiement de dommages et intérêts et tendant à la communication de diverses pièces.

Par jugement avant-dire droit du 16 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a ordonné la désignation de deux conseillers prud’homaux en qualité de conseillers rapporteurs avec pour mission générale de mettre l’affaire en l’état d’être jugée et pour mission particulière de déterminer les conditions d’utilisation de la scie verticale à panneaux et les usages en matière de sortie de matériaux pour le personnel de l’entreprise.

Le rapport établi par les conseillers rapporteurs, déposé au greffe du conseil de prud’hommes le 12 mars 2021, a été notifié à chacune des parties par lettres recommandées avec accusé de réception reçues le 17 mars 2021.

Par jugement du 7 juillet 2021 dont appel, le conseil de prud’hommes a’dit que son licenciement

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pour motif réel et sérieux était fondé et a débouté M. [H] de l’ensemble de ses prétentions, a débouté les parties de toutes autres demandes et a condamné le salarié aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la présente cour le 3 août 2021, M. [H] a interjeté appel à l’encontre de cette décision, la critiquant en toutes ses dispositions.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 22 février 2022, par lesquelles Monsieur [G] [H] demande à la présente cour de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

En conséquence, de’:

– Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

– Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-Condamner la société Distribution Matériaux Bois Panneaux à lui payer les sommes suivantes :

A titre principal :

– 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

A titre subsidiaire,

– 44 321,49 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

– Ordonner le remboursement par la société Distribution Matériaux Bois Panneaux à Pôle emploi des indemnités de chômage qui lui ont été versées du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités et ce sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

– Ordonner à la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux de lui délivrer un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi rectifiés, sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux,

– Condamner la Distribution Matériaux Bois Panneaux à lui payer une somme de 3000 € au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamner la même aux dépens, en ce compris ceux de première instance,

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 28 février 2022, par lesquelles la SAS DMBP demande à la présente cour de’:

– dire et juger M. [G] [H] irrecevable et, en tout état de cause, mal fondé en son appel,

– confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [G] [H] était valable, fondé et justifié, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens,

– débouter M. [G] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [G] [H] à verser à la société DMBP la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– le condamner également aux entiers dépens,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 2 mars 2022,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse’:

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* Sur l’absence de qualité de M. [Y] [L] pour engager la procédure de licenciement

L’article L.1232-6 du code du travail dispose que, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Lorsque l’employeur est une personne morale, c’est son représentant légal qui a le droit de

licencier au nom de la société. L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cependant, le pouvoir de licencier est susceptible d’être délégué dès lors que le délégataire n’est pas étranger à l’entreprise. Cette délégation a la nature juridique d’un mandat et le licenciement auquel il est procédé dans ces conditions est valablement décidé.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 16 novembre 2018 est signée de M. [Y] [L], chef d’agence, lequel avait préalablement convoqué M. [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, par courrier recommandé du 25 octobre 2018.

Le salarié conteste que M. [L] ait pu avoir été habilité à engager la procédure de licenciement à son encontre en ce que les deux documents fournis par la SAS DMBP seraient insuffisants à établir que le chef d’agence bénéficiait d’une délégation de pouvoir régulière à cette fin. Il en déduit que son licenciement est nul avec toutes conséquences de droit.

L’employeur lui oppose que, le 1er juin 2018, M. [L], en tant que chef d’agence en charge du site de Nevers, dont relevait M. [H], s’est vu consentir par M. [R], directeur de région, deux délégations de pouvoirs l’autorisant à engager une procédure de licenciement à l’encontre du salarié. Il ajoute que la procédure de licenciement étant allée à son terme, la mesure a été ratifiée de sorte qu’en toute hypothèse, elle ne pourrait plus être remise en cause.

Il résulte des pièces produites par la SAS DMBP que M. [S] [R], directeur de région au sein de la société, a, le 1er juin 2018, délégué à «’M. [C] [L], en sa qualité de chef d’agence’», plusieurs pouvoirs et responsabilités dont ceux tendant à «’appliquer et faire appliquer les dispositions légales et réglementaires en matière de droit du travail, celles de la convention collective et les règles internes de la société dont les principes de comportement et d’action du groupe Saint-Gobain’».

Dans un courrier du même jour émanant de M. [R] et adressé à M. [C] [L], le directeur régional a délégué «’de façon permanente, tous les pouvoirs nécessaires à l’effet d’agir en [son] nom pour satisfaire à toutes les obligations en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions du travail, et pour assurer de la façon la plus efficace qui soit la sécurité des salariés placés sous [son] autorité au sein de la société ainsi que celle de toute personne ayant accès à l’établissement de la société de [son] périmètre’». Se trouve notamment délégué à M. [C] la mission de «’veiller au respect effectif des consignes de sécurité et prendre immédiatement toutes les dispositions ou sanctions nécessaires en cas de violation sous la seule réserve du respect des dispositions légales notamment en matière de droit disciplinaire’».

Comme ci-dessus indiqué, ce courrier est daté du 1er juin 2018 et signé de M. [R] comme de M. [C], le premier ayant porté la mention «’bon pour délégation de pouvoirs et de responsabilités’», le second celle rédigée comme suit’: «’bon pour acceptation de délégation de pouvoirs et de responsabilité’».

M. [H] soutient donc vainement qu’il ne serait pas possible de déterminer à partir de quelle date M. [L] aurait disposé d’une délégation de pouvoir lui permettant, comme en l’espèce, d’engager une procédure de licenciement pour non-respect des règles applicables à l’entreprise en matière de sécurité puisque, son licenciement étant postérieur au 1er juin 2018, la délégation de pouvoir au profit du chef d’agence était à cette date parfaitement valable. De même, c’est de

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manière inopérante que le salarié prétend que la preuve ne serait pas rapportée de ce que le courrier du 1er juin 2018 aurait effectivement été retourné par M. [R], le contenu-même dudit courrier, tel qu’il vient d’être rappelé, étant suffisant pour conférer délégation de pouvoir à M. [L].

Le jugement querellé sera par conséquent confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annuler le licenciement de M. [H] pour défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement.

* Sur le licenciement verbal

Un licenciement est considéré comme verbal quand l’employeur a exprimé son intention irrévocable de rompre le contrat de travail avant la notification régulière et motivée du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée au salarié au minimum

deux jours ouvrables après la tenue de l’entretien préalable, comme le prévoit l’article L. 1232-6 du code du travail voire avant même l’engagement d’une procédure de licenciement. Le licenciement verbal produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, alors qu’il n’a reçu sa lettre de licenciement que le 21 novembre 2018, M. [H] soutient avoir fait l’objet d’un licenciement verbal par M. [L] le 20 novembre 2018 lorsque ce dernier lui a indiqué, alors qu’ils se trouvaient seuls tous les deux’: «’tu ne reviens pas demain, tu vas recevoir ta lettre de licenciement’», le chef d’agence ayant par ailleurs annoncé son départ le jour-même au cours d’une réunion avec cinq collaborateurs. Le salarié ajoute que ces faits sont corroborés par le contenu d’un SMS reçu le lendemain d’un ancien salarié de la SAS DMBP, constaté par un huissier de justice.

En ce qui le concerne, l’employeur conteste fermement tout licenciement verbal et soutient que le salarié n’en rapporte pas la preuve.

Il n’est pas contesté que la lettre de licenciement est datée du 16 novembre 2018 et que M. [H] en a signé l’accusé de réception le 21 novembre 2018, de sorte que cette dernière date constitue celle à laquelle il a été informé des motifs du licenciement dont il a fait l’objet.

Il ne fournit aucune preuve de la conversation qu’il aurait eue avec son supérieur hiérarchique le 20 novembre 2018 et, partant, des propos que ce dernier lui aurait tenus.

Il verse en revanche à la procédure un procès-verbal établi par Maître [M] [N], huissier de justice, portant sur deux SMS adressés par «'[B]’», en l’espèce, [B] [W], ancien salarié de l’entreprise, lequel a écrit au salarié le 21 novembre 2018 à 19h30′: «’Bonsoir [G] j’ai appris la nouvelle hier’ Comment tu vas”’» puis le 23 novembre 2018, soit après la notification du licenciement’: «’C’est plutôt le jackpot avec le peg’». Néanmoins, ces propos sont trop imprécis pour établir qu’à la date du 21 novembre 2018, l’interlocuteur de M. [H] avait comme il le prétend eu connaissance de son licenciement.

C’est donc pertinemment que les conseillers prud’homaux ont retenu que l’existence d’un licenciement verbal n’était pas démontrée.

* Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement

Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail : ‘Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse’. La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, c’est-à-dire matériellement vérifiables.

En application des dispositions de l’article L 1235-1 alinéa 3 du code du travail, le juge, ‘à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des

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motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.

En l’espèce, dans la lettre de licenciement du 16 novembre 2018 signée de M. [Y] [L], la SAS DMBP reproche en premier lieu à M. [H] un non-respect des procédures internes en ce que, le 17 octobre 2018, il aurait «’pris un panneau de Forex’» sans autorisation. L’employeur y rappelle que la règle au sein de l’entreprise est de demander l’autorisation avant de récupérer un panneau de PVC pour une utilisation personnelle.

L’employeur fait en second lieu grief au salarié un manquement à l’obligation de sécurité en ce qu’il aurait «’utilisé la scie à panneau’» pour découper’le panneau litigieux alors que «’seules les personnes nommément désignées dans l’agence, et ce pour des raisons de sécurité, peuvent utiliser la scie à panneau et doivent par ailleurs être équipées de protection de sécurité (gants, chaussures, masque, gilet, lunettes) tel que précisé sur l’affichage près de la scie’». La SAS DMBP souligne que tel n’était pas le cas de M. [H], de sorte qu’il s’est mis en danger en utilisant un outil pour lequel il ne disposait d’aucune habilitation, ce qui était susceptible d’engager la responsabilité pénale de l’entreprise en cas d’accident.

L’employeur reproche enfin au salarié une indélicatesse commise chaque vendredi, alors qu’au moyen d’un sac à dos, il subtilisait régulièrement une dizaine de viennoiseries mises à disposition

des clients à l’accueil.

S’agissant de ce dernier manquement, la SAS DMBP admet elle-même dans ses conclusions que, chaque vendredi, les viennoiseries mises à la disposition de la clientèle et non consommées par cette dernière pouvaient l’être en fin de journée par les salariés, lesquels pouvaient également les emmener à leur domicile. L’employeur et le salarié s’opposent sur l’horaire de fin d’activité de M. [H], le premier affirmant qu’il s’agissait de la fin de la matinée, le second soutenant que ses horaires de travail se poursuivaient jusqu’en fin de journée. M. [H] conteste au demeurant qu’il ait pu prendre de manière habituelle des viennoiseries en quantité déraisonnable, ce que la SAS DMBP ne démontre au demeurant pas faute pour elle de produire le moindre élément probant. Il s’ensuit que cette faute n’est pas établie et ne pourrait en toute hypothèse constituer un motif sérieux de licenciement puisqu’elle relève plus de l’indélicatesse que d’un manquement du salarié à ses obligations contractuelles.

S’agissant de l’absence d’autorisation permettant à M. [H] de s’approprier le panneau de PVC (de forex), la SAS DMBP se prévaut d’une procédure spécifique applicable à toute vente de produits de l’entreprise au personnel, avec certaines dérogations au tarif retenu, une validation du directeur ou chef d’agence étant indispensable dans cette dernière hypothèse. Elle verse aux débats un document intitulé «’vente de produits au personnel/précisions et rappels’» du 10 février 2017, qui évoque notamment les dérogations ci-dessus évoquées pour les produits dépréciés, ceux de salle d’exposition, et les produits d’occasion.

Elle affirme dans la lettre de licenciement, sans toutefois produire aucune pièce à l’appui de cette allégation, que les magasiniers auraient «’suggéré’» à M. [H] de solliciter l’autorisation de M. [L] avant de découper le panneau de PVC, conformément à ce document.

Elle fournit en revanche un extrait de la valorisation du stock de l’agence située à Nevers, visant notamment au 16 juillet 2020 des panneaux Forex prétendument similaires à ceux découpés par M. [H] le 17 octobre 2018, sauf à admettre comme l’écrit M. [L] dans son attestation, que les panneaux désormais stockés au sein de l’entreprise sont d’un format plus petit que ceux stockés en octobre 2018 (244 x 122 en 3mm au lieu de 305 x 150 en 3 mm).

L’attestation de M. [L] émane cependant de celui-là même qui a procédé au licenciement du salarié, de sorte qu’elle ne peut suffire à démontrer que le panneau évoqué appartenait bien

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au stock de l’agence de Nevers, ce que M. [H] conteste, affirmant au contraire que les sept bandes emmenées à son domicile provenaient en réalité d’une feuille de PVC protégeant une palette, sans aucune valeur marchande et destinée à être jetée, de sorte qu’elle n’était pas soumise à la procédure afférente à la vente de produits de la société et qu’en toute hypothèse, son appropriation à des fins personnelles ne pourrait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L’employeur reconnaît ne pas être en mesure de produire des documents contemporains des faits reprochés ce qui lui permettrait d’établir que le panneau découpé par M. [H] figurait bien parmi ceux stockés au sein de l’entreprise et destinés à la vente.

La lecture du rapport des conseillers prud’homaux, dont il a pu être débattu par les parties, montre qu’ils ont effectivement observé, en se transportant sur les lieux, la présence d’une feuille de PVC de 3mm protégeant une palette de PVC de 10 mm pour laquelle il leur a été expliqué «’que cette feuille serait, selon son état, destinée à la vente ou à être jetée’».

L’ensemble des pièces fournies ne permet par conséquent pas de démontrer que le panneau de PVC découpé par le salarié avait effectivement une valeur marchande, de sorte que ce fait ne peut constituer un motif sérieux de licenciement.

En revanche, M. [H] reconnaît avoir, le 17 octobre 2018, utilisé une scie à panneau pour découper la feuille de PVC litigieuse, expliquant en outre qu’il l’avait déjà utilisée précédemment.

Sur ce point, le règlement intérieur versé à la procédure par la SAS DMBP rappelle notamment en ses dispositions générales que «’les règles légales en matière d’hygiène et de sécurité doivent être respectées, ainsi que les consignes imposées en la matière par la Direction’» (—). Il souligne que «’le respect de l’ensemble de ces règles constitue un impératif majeur’» et que «’d’une manière générale tout manquement à l’une de ces obligations de sécurité est de nature à justifier une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement’».

Ces dispositions réglementaires s’inscrivent dans le cadre des dispositions légales de l’article

L 4122-1 du code du travail, au demeurant rappelées dans le corps du document et aux termes desquelles il incombe à chaque salarié de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Comme l’explique la SAS DMBP, la scie à panneau utilisée par M. [H] est considérée comme un «’équipement dangereux’» pour lequel il est nécessaire d’être formé et habilité préalablement à tout usage, ce que le salarié ne pouvait ignorer puisque les photographies qu’il verse lui-même à la procédure et qui concernent des documents affichés à proximité le mentionnent expressément. Il résulte des constats effectués par les conseillers prud’homaux que la scie avait un «’gabarit de 2 mètres sur 3 environ’», ce que confirment lesdites photographies.

M. [H] ne conteste pas qu’il ne disposait pas de la formation et de l’habilitation requises pour s’en servir. Eu égard à son ancienneté, soit plus de 27 ans au sein de l’entreprise, il ne pouvait ignorer ni la dangerosité de cet équipement, ni la nécessité d’être formé et habilité à l’utiliser.

Ce grief est donc matériellement établi et la circonstance que le salarié ait déjà utilisé cet outil par le passé sans que son employeur ne le lui reproche ne peut enlever au manquement son caractère fautif, et ce d’autant qu’en dehors de gants de sécurité, M. [H] ne portait pas d’équipements de protection individuels ni ne démontre que comme il le prétend, ceux-ci n’étaient jamais portés par les magasiniers habilités à l’utiliser. En outre, au regard des témoignages des deux magasiniers disposant de l’habilitation nécessaire, il n’est pas établi que l’un d’eux l’ait assisté le jour des faits.

M. [H] invoque encore que l’employeur n’a pas pris en compte ses qualités professionnelles et son implication dans l’entreprise avant de décider de le licencier.

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En effet, la faute commise par M. [H] doit s’apprécier au regard de son éventuel passé disciplinaire et de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur lui-même. Or, il n’est pas contesté qu’en 28 années au sein de l’entreprise, caractérisées par une progression régulière sur le plan professionnel comme en témoignent les avenants successifs à son contrat de travail, M. [H] n’a jamais fait l’objet de sanctions ou de reproches et les compte-rendu d’entretiens professionnels et d’évaluation versés à la procédure par son employeur témoignent au contraire de son investissement et de ses qualités (rigueur, méthode, travail pour la réussite de la société’). S’il a pu avoir des désaccords avec son chef d’agence, le compte-rendu d’évaluation rédigé au mois de mars 2017 notait une amélioration de son comportement. De plus, sans que son nom ne soit prononcé, l’un des participants à la réunion ordinaire du comité d’entreprise du 23 novembre 2018 a mis en exergue la distorsion existant entre, d’une part, le licenciement d’un salarié n’ayant pas respecté les consignes de sécurité (qui «’utilise une scie verticale sans habilitation’») et, d’autre part, la sanction toute relative infligée au manager (blâme) lorsque les règles de sécurité ne sont pas respectées au sein de l’agence. Enfin, l’employeur n’établit pas qu’il ait sensibilisé son salarié aux risques encourus dans le cadre de son obligation de sécurité.

Il s’en déduit de ce qui précède que le seul grief retenu ne peut dans ce contexte fonder un licenciement, de sorte que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision querellée sera par conséquent infirmée de ce chef ainsi qu’en ce qu’elle a débouté M. [H] de sa contestation et de sa demande de dommages et intérêts afférente.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail prévoient qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à défaut de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris, pour les salariés ayant 28 années d’ancienneté et employés dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, entre 3 mois et 19,5 mois de salaire brut.

M. [H] demande en l’espèce à la cour d’écarter l’application de ce barème compte tenu de l’inconventionnalité de celui-ci et en considération de l’importance du préjudice consécutif au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dont il a fait l’objet.

La société DMBP s’y oppose et se prévaut quant à elle de la conformité de l’article L 1235-3 précité tant à l’article 10 de la convention de l’OIT qu’à l’article 24 de la charte sociale européenne, étant en outre précisé que ce dernier texte n’ayant pas lieu d’être invoqué dans les rapports entre particuliers, il ne pourrait en outre lui être opposé. Enfin, l’employeur considère

que ce barème n’a pas davantage lieu d’être écarté du fait des «’circonstances de l’espèce’», ce d’autant que M. [H] ne justifierait nullement du préjudice qu’il invoque et des montants sollicités.

Il sera rappelé à titre préliminaire que les dispositions précitées de l’article L 1235-3, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, en ce qu’elles laissent une trop importante marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales, les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne révisée ne sont pas d’applicabilité directe en droit interne.

L’article 10 de la convention N°158 de l’OIT sur le licenciement stipule en revanche que, lorsque les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et, si, compte tenu de

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la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

L’indemnité est « adéquate » lorsque son montant est suffisamment dissuasif pour éviter le licenciement injustifié. Il doit raisonnablement permettre d’atteindre le but visé, à savoir l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

En droit français, l’article L 1235-3 du code du travail permet de moduler l’indemnisation du dommage causé par le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse d’un salarié en fonction de l’ancienneté, critère objectif du préjudice subi et de l’adapter dans les limites légales, à la situation de chaque salarié selon des critères qui lui sont propres. En outre, une possibilité de voies alternatives est ouverte dès lors qu’un licenciement est considéré comme nul ou pour permettre au salarié de demander réparation de préjudices distincts de la perte d’emploi.

Le plafonnement instauré par les dispositions précitées de l’article L 1235-3 présente des garanties suffisantes pour qu’au regard de l’objectif poursuivi, l’atteinte nécessaire aux droits fondamentaux n’apparaisse pas en elle-même disproportionnée.

Le contrôle de conventionnalité, exercé de façon objective et abstraite sur l’ensemble du dispositif conduit par conséquent à conclure, peu important la situation de M. [H], à la conventionnalité de celui-ci.

En outre, M. [H] avait 28 ans d’ancienneté à la date de son licenciement. Il était âgé de 53 ans. Il justifie de ce qu’il a présenté «’un syndrome anxio-dépressif réactionnel au licenciement’» et de ce qu’il a dû bénéficier d’une psychothérapie de soutien et d’un traitement adapté (certificat de Docteur [X] [T], psychiatre au centre hospitalier Saint-Lô en date du 19 décembre 2018), et de ce qu’à la date du 9 septembre 2020, il percevait toujours l’allocation d’aide au retour à l’emploi. Il produit enfin un contrat de travail à durée indéterminée signé avec un nouvel employeur le 27 janvier 2021, lequel lui procure une rémunération mensuelle brute de 2 421,43 euros pour 164,67 heures de travail par mois.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et des dispositions précitées de l’article L 1235-3, lesquelles permettent une indemnisation s’échelonnant jusqu’à 19,5 mois pour 28 années d’ancienneté, le barème contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié et garantit l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi. Il n’a donc pas lieu d’être écarté.

En l’espèce, le salaire mensuel moyen de M. [H] s’établit à la somme de 2’272,90 euros.

Eu égard aux éléments ci-dessus rappelés, la société DMBP sera condamnée à lui payer la somme

totale de 30’000 euros de dommages et intérêts, laquelle réparera intégralement le préjudice qu’il a subi du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dont il a fait l’objet.

– Sur les autres demandes :

Le jugement querellé sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande afférente à la remise des documents de fin de contrat et au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage qui lui ont été versées.

Compte tenu de ce qui précède, il sera en effet ordonné à la SAS DMBP de remettre à M. [H] un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi rectifiés dans les quinze jours de la signification du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu toutefois de prononcer une astreinte comme demandé.

Arrêt n° 86 – page 10

29 avril 2022

En application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, la SAS DMBP sera condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités.

La décision querellée sera encore infirmée en ce qu’elle a condamné M. [H] aux dépens et l’a débouté de sa demande d’indemnité de procédure. Elle sera en revanche confirmée en ce qu’elle a débouté la SAS DMBP de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS DMBP sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

Elle sera enfin condamnée à payer à M. [H] la somme de 3’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Bourges, sauf en ce qu’il a débouté la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux de sa demande d’indemnité de procédure,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que le licenciement de M. [G] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à payer à M. [G] [H] la somme de 30’000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux de remettre à M. [G] [H] un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi rectifiés dans les quinze jours de la signification du présent arrêt et DIT n’y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [G] [H] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités,

CONDAMNE la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à payer à M. [G] [H] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux de sa demande d’indemnité de procédure’;

CONDAMNE la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux aux dépens de première instance et d’appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE

 


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