Non-respect des procédures internes : 28 mars 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/07800
Non-respect des procédures internes : 28 mars 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/07800
Ce point juridique est utile ?

28 mars 2018
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/07800

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 28 Mars 2018

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 17/07800

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Avril 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section RG n° F 15/07903

APPELANTE

SASU FREE INFRASTRUCTURE

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 488 09 5 8 033

représentée par Me Carole BESNARD BOELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0678 substitué par Me Maryvonne TRAGUS, avocat au barreau de METZ

INTIME

Monsieur [A] [A]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Alexandre EBTEDAEI de la SCP FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0010

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller

Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2017

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [A] a été engagé par la SAS Free suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 19 mars 2012 en qualité de technicien télécom, statut employé de la convention collective des télécommunications applicable à la relation contractuelle.

La société a notifié à Monsieur [A] un avertissement le 11 juillet 2013 en raison de retards non justifiés et du non respect de procédures internes.

Monsieur [A] a été en arrêt maladie à plusieurs reprises, soit du 9 au 20 mars 2015, du 30 mars au 3 avril 2015, du 4 au 13 avril 2015 puis du 25 avril au 20 mai 2015.

Par lettre du 14 avril 2015, la SAS Free a convoqué Monsieur [A] pour le 23 avril 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel licenciement lui a été notifié, pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 avril 2015.

Contestant la validité du licenciement, Monsieur [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris dès le 25 juin 2015 afin de voir prononcer la nullité du licenciement, ordonner sa réintégration et le versement des rémunérations depuis la date d’éviction jusqu’à la date de la reprise. Il a aussi sollicité des dommages-intérêts pour licenciement nul. À titre subsidiaire il a sollicité les indemnités de rupture, la répétition d’une somme indûment prélevée sur le solde de tout compte et des dommages-intérêts pour des sanctions pécuniaires prohibées.

Par jugement du 27 janvier 2017, le conseil de prud’hommes de Paris, section commerce a condamné la SAS Free Infrastructure à verser à Monsieur [A] les sommes suivantes :

– 2370,0 8 € au titre de l’indemnité de licenciement,

– 4051,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

-12 154,26 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1000 € au titre de la répétition d’une somme indûment prélevée sur le solde de tout compte,

– 1000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes a aussi ordonné la remise des documents sociaux conformes aux termes de la présente décision est rejeté le surplus des réclamations formulées..

Appelante de ce jugement, la société Free infrastructure en sollicite la réformation, demande à la cour statuant à nouveau de débouter Monsieur [A] de l’ensemble de ses réclamations, le licenciement reposant sur une faute grave.

Elle sollicite 1000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure.

Monsieur [A] a relevé appel incident du jugement déféré en ce qu’il demande à la cour de juger que le licenciement prononcé est directement en lien avec son état de santé et par suite d’en ordonner la nullité. Il demande à être intégré et sollicite le paiement des salaires qu’il aurait dû percevoir depuis le 28 avril 2015.

À titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement déféré mais demande à voir porter à 24 308,52 euros le montant des dommages-intérêts à lui revenir.

Il demande la condamnation de la SAS Free Infrastructure à lui verser les indemnités de rupture, une somme de 1000 € en répétition d’un prélèvement indu sur le solde de tout compte ainsi que 4051,42 euros au titre des dommages-intérêts pour sanctions pécuniaires prohibées.

Il réclame à son tour une indemnité de 4000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS

Sur le licenciement ;

En application des dispositions de l’article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties…si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il incombe à l’employeur d’établir la réalité des griefs qu’il formule.

La lettre de licenciement qui circonscrit le litige est motivée de la façon suivante :

« […] nous vous informons par la présente de notre décision de procéder à votre licenciement en raison d’un constat d’inadéquation manifeste avec votre environnement de travail, sous les aspects fondamentaux de la conception opérationnelle de votre activité professionnelle. Nous regrettons profondément que nos multiples mis en garde couronnée de 2 sanctions disciplinaires n’est aucunement modifié la posture permissive et désobligeant que vous avez adoptée depuis plusieurs mois déjà. En effet, vous ne tenez aucun compte des instructions qui vous sont données et transgresser constamment les procédures applicables au sein de notre entreprise. Seul compte votre méthode votre perception votre approche bref pour conception. Pareille obstination serait à la limite compréhensible si elle se traduisait par respect de vos obligations contractuelles. En ce qui vous concerne, il n’en est strictement rien, au contraire. Pas plus tard que le 23 mars dernier, vous responsables ont été contraints de s’entretenir avec vous au sujet de vos intentions hebdomadaire de câblage et de décalage. Sans que la liste ne soit exhaustive, il sera relevé un temps de travail effectif bien inférieur aux 35 heures requises. En effet, dans le cadre du suivi de votre activité terrain, un contrôle inopiné a été réalisé sur la semaine 10. Au vu du résultat déplorable, nous avons élargi notre champ d’action sur les semaines 8, neufs et 13 énonçant surprise le constat est sans appel. Nous relevons respectivement un temps de travail hebdomadaire effectif de 19h23 (semaines 8) 4h 52 (semaine 9) 8h19 (semaine 13).

Nous considérons, confortée par la teneur des différents échanges que nous avons eu avec vous que les chances d’améliorer votre intégration de vos prestations dans l’entreprise sont inexistantes. En effet, votre insubordination, certaine manière, l’absence d’esprit d’équipe sont rédhibitoires la source d’une totale perte de confiance. Nous ne pouvons continuer à tolérer ce type d’agissements que nous jugeons néfaste pour la bonne marche de notre entreprise. Au vu des fonctions qui sont les vôtres vous propager une image du pôle qui est tout à fait déplorable, tout en générant des coûts financiers impromptus pour l’entreprise. Et la liste ne s’arrête pas là. Par votre désinvolture vous obstiner à ne pas respecté les procédures internes ainsi que vos obligations contractuelles.

Alors que l’article 12 de votre contrat de travail précise qu’en cas de suppression de contrat de travail notamment pour maladie vous devaient restituer les équipements la société. Or, durant vos absences réitérées prolongées depuis le mois de mars 2015 vous n’avez entrepris aucune démarche en ce sens. Pour les besoins urgents de service, nous serons obligés de vous adresser de courriels (le 30 mars puis le 1er avril) ou des niveaux exécutés. Malgré nos relances ou ne restituerait qu’une infime partie du matériel.

Ce comportement étrange, excentrique, non professionnel nous paraît inexcusable et inacceptable dans le cadre des relations professionnelles et de confiance qui doit exister entre un salarié et son employeur et perturbe considérablement la productivité de l’ensemble de l’équipe dans laquelle vous travaillez.

Enfin, vos absences répétées et prolongées depuis le mois de mars dernier perturbent le fonctionnement du pôle DEMonsieur En effet, en moins de 2 mois vous avez été absent 31,5 jours. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’au vu de la fréquence de vos absences entraînant un retard important dans le traitement des tâches, […] rendent votre remplacement définitif

aussi nous ne pouvons clore ce volet sans vous faire remarquer que lors de la visite de contrôle du 12 mars dernier vous avez confirmé au médecin contrôleur être absent à votre domicile.[…] »

Monsieur [A] conteste les griefs qui lui sont reprochés. Il relève qu’il assumait d’autres tâches impliquant l’utilisation d’autres applications sur son smartphone rendant nécessaire une addition des temps passés sur chacune d’elles, qu’il n’était pas informé que ces relevés étaient utilisés pour le suivi automatisé de son temps de travail, ni qu’une déclaration avait été régulièrement faite auprès de la CNIL. Il soutient avoir restitué l’essentiel du matériel lorsque l’employeur lui a demandé de le faire et conteste avoir été dépositaire de certains des matériels qui lui sont réclamés

S’agissant des griefs en lien avec le non-respect des procédures internes et de la durée de travail, l’employeur justifie avoir fait suivre une formation au salarié sur le câblage et le dé-câblage et il communique :

– un courriel de Monsieur [G] en date du 2 octobre 2014 demandant au salarié de respecter systématiquement la procédure NRO,

– un échange de courriels du 27 mars 2015 correspondant à un tableau récapitulatif des déclaratifs validés sur les heures d’entrée et de sortie enregistrées au NRO à travers le lecteur HID et le BP de sortie, montrant que les horaires quotidiens pouvaient ne pas dépasser 4 heures de travail, au cours de certaines semaines,

– un courriel du 31 mars 2015, précisant au salarié qu’il a pour obligation lors de ses temps morts entre deux rendez vous d’audit, ou, s’il lui arrive de patienter, d’ appeler la cellule CAB/DECAB afin de leur signaler sa disponibilité.

Il est admis in fine par les deux parties que l’activité du salarié pouvait connaître des périodes de ralentissement. Toutefois, la cour relève qu’aucune observation n’a été formulée à l’adresse du salarié à ce sujet avant mars 2015, que l’employeur à qui il incombe de fournir au salarié du travail pour le temps défini contractuellement et au cours duquel celui-ci se tient à sa disposition ne justifie pas de la mise en place d’une procédure d’appel systématique dont le salarié avait été dûment informé avant le 31 mars 2015 et qu’il n’aurait pas respectée.

Sur la restitution des matériels pendant son arrêt de travail, il est exact que l’article 12 du contrat de travail faisait obligation au salarié, en cas de suspension du contrat de travail, notamment pour maladie, de restituer les équipements de la société.

Dans le cas d’espèce, le salarié en arrêt maladie, d’abord pour quelques jours, a vu ses arrêts être renouvelés. La société n’a pas spécialement alerté le salarié sur le nécessaire respect des dispositions contractuelles à ce sujet avant le 30 mars et le 1er avril 2015 dates auxquelles elle lui a adressé des courriels de relance.

Au regard des obligations contractuelles qui étaient clairement définies, il est avéré que la restitution du matériel par le salarié n’a pas eu lieu dès le premier arrêt.

A défaut néanmoins pour l’employeur de communiquer la liste contresignée des matériels qui avaient été remis au salarié lors de son embauche, la cour ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires pour évaluer le caractère sérieux du grief évoqué au soutien du licenciement pour faute grave, dès lors qu’il n’est pas utilement combattu que le véhicule et une partie du matériel ont été restitués avant même l’engagement de la procédure de licenciement.

Le grief en lien avec l’absence du salarié de son domicile lors de la contre-visite organisée par l’employeur ne peut être retenu, le médecin ayant prescrit les arrêts maladie n’ayant pas limité les sorties du salarié.

Monsieur [A] soutient que le véritable motif de licenciement est en lien avec son état de santé, qu’il est donc nul.

Il est avéré que la société Free a expressément fait état dans la lettre de licenciement du fait que les absences répétées et prolongées du salarié depuis le mois de mars perturbent le fonctionnement du pôle DEM et [… ] rendent nécessaire son remplacement définitif.

Ce faisant, l’employeur a évoqué un motif en lien avec la santé du salarié observation étant faite que des absences en lien avec des arrêts maladie ne peuvent jamais caractériser une faute disciplinaire, terrain sur lequel s’est pourtant placé l’employeur qui au surplus, n’ établit en aucune façon que la perturbation qu’il allègue du fait des absences répétées et prolongées du salarié rendaient nécessaire son remplacement définitif.

Il a donc expressément invoqué un motif en lien avec l’état de santé du salarié lequel motif, constitue de surcroît, dans le cas d’espèce, le véritable motif du licenciement.

Le licenciement sera annulé et ce, conformément aux dispositions des articles L. 1132-1 et suivants du code du travail qui sanctionnent toute discrimination en lien avec l’état de santé d’un salarié.

Sur les conséquences de l’annulation du licenciement ;

Le salarié demande sa réintégration laquelle est de droit, sauf impossibilité qui n’est ni alléguée, ni justifiée.

Il est en conséquence fondé à obtenir une indemnité correspondant aux salaires qu’il aurait perçu depuis son éviction jusqu’à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement.

Sur la restitution de la somme de 1000 euros ;

Le jugement sera confirmé sur ce point, la retenue opérée d’ une somme de 1000 euros sur le solde de tout compte étant illicite.

Sur la demande de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 4051,42 euros ;

Monsieur [A] soutient avoir subi un préjudice moral avéré résultant d’une part, de l’application d’une sanction disciplinaire caractérisée par un prélèvement de 1000 € sur le solde de tout compte et d’autre part découlant de la difficulté qu’il a rencontrée pour honorer le remboursement d’un prêt de 20000 euros souscrit le 27 janvier 2014 et pour lequel il n’a pas bénéficié, ainsi qu’il en justifie, de la garantie de perte d’emploi.

Le préjudice résultant des difficultés découlant de la rupture illégale de son contrat de travail, tel qu’il est effectivement justifié par les pièces communiquées, sera exactement évalué à la somme de 800 euros.

Sur les demandes d’indemnités en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé à Monsieur [A] une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1500 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d’appel.

La SAS Free Infrastructures, qui succombe dans la présente instance, sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a alloué au salarié 1000 € en remboursement d’une somme indûment prélevée sur le solde de tout compte et 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement prononcé est nul,

Ordonne la réintégration du salarié,

Condamne la SAS Free Infrastructures à verser à Monsieur [A] une indemnité correspondant aux salaires augmentés des congés payés dont il aurait été réglé depuis son éviction jusqu’à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus au cours de cette période, une somme de 800 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi et une indemnité de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Free Infrastructures de sa demande à ce titre,

Condamne la SAS Free Infrastructures aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x