Non-respect des procédures internes : 26 mars 2015 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/06399
Non-respect des procédures internes : 26 mars 2015 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/06399
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26 mars 2015
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
14/06399

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 26 MARS 2015

N°2015/173

JPM

Rôle N° 14/06399

[S] [K]

C/

SA HOTEL NEGRESCO

Grosse délivrée le :

à :

Me Sarah GHASEM, avocat au barreau de GRASSE

Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE – section ENC – en date du 20 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/00844.

APPELANT

Monsieur [S] [K], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Sarah GHASEM, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SA HOTEL NEGRESCO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 10 Février 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2015

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [S] [K] a été embauché par la société Hôtel Negresco, le 6 mai 1996, dans le cadre d’in contrat de travail à durée indéterminée en qualité de réceptionniste. Sa carrière ayant évolué dans l’entreprise, il a exercé dans le dernier état des relations, les fonctions de chef de réception, statut cadre, pour un salaire brut mensuel moyen de 3257 € .

Par lettre du 22 février 2012, l’employeur l’ a convoqué à un entretien préalable fixé au 7 mars 2012, en vue d’une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Par lettre du 9 mars 2012, l’employeur a fait connaître au salarié qu’une ‘défaillance dans la gestion de la caisse apparaissant comme compromettante’ ayant été révélée lors de l’entretien du 7 mars 2012, il était conduit à mener des investigations et à convoquer le salarié pour un nouvel entretien préalable, fixé au 20 mars 201, en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Par lettre du 5 avril 2012, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants:

‘La direction a été alertée par le personnel d’étages d’une pratique manifestement irrégulière vous mettant en cause ainsi que la gouvernante générale, ces faits étant par ailleurs rapportés à l’occasion d’un entretien préalable à une sanction disciplinaire à votre encontre qui s’est déroulé le 07 mars 2012.

Nous vous avons alors convoqué à un entretien préalable le 20 mars 2012 à 10 heures dans le bureau de la direction générale par M. [H], Directeur Général et Mme [J], Directrice d’Hébergement pour entendre vos explications à ce sujet. Lors de cet entretien, vous avez souhaité vous faire assister par M. [V] [Q], représentant du personnel.

Lors de cet entretien nous vous avons évoqué les faits qui vous étaient reprochés:

Depuis le mois de juillet 2011, l’intégralité du chiffre d’affaires généré par la facturation du repassage clients non sous-traité et accompli par des salariés de l’hôtel a été passé pour ‘TIPS’ ou pourboires et sorti de la caisse, caisse étant sous votre autorité.

Cette opération de requalification des prestations de repassage clients en ‘TIPS’ est une anomalie.

L’accomplissement de ces prestations, pendant les heures de travail, par des salariés dûment rémunérés, ne justifiait d’aucune manière que soit soustrait, sous couvert de prétendus pourboires, l’intégralité du montant de la facturation. En votre qualité de chef de réception, vous étiez garant des mouvements de caisse ainsi accomplis. De surcroît, vous avez manqué expressément aux consignes de votre direction. Le 15 juillet 2011, je vous indiquais à titre de rappel, qu’aucun débours de caisse ne pouvait être remboursé sans la signature de Monsieur [B], ou de la mienne, ou, bien entendu, de celle de Madame [P]. Ces détournements de fonds, accomplis par votre intermédiaire, ne sauraient être tolérés.

Une enquête interne a permis de déceler que les sommes ainsi détournées étaient en majeure partie conservées par la gouvernante générale sans motif légitime.

Le préjudice financier pour l’entreprise s’élève à plusieurs milliers d’euros.

Sur la requalification, à votre initiative, de ces sommes facturées à titre de prestations en simples pourboires, vous nous avez expliqué que vous vous étiez contenté d’appliquer les instructions de M. [N], contrôleur de gestion.

Nous vous avons alors rappelé que, non seulement M. [N] a clairement nié les faits, mais il n’est pas cadre et encore moins membre de la direction, et n’a aucune autorité pour vous donner de pareilles instructions.

Par contre, vous en tant que cadre, membre à l’époque du comité opérationnel et responsable de la caisse, il vous appartenait de respecter la consigne de la direction qui stipulait que tous débours de caisse devait être signé par M. [H], M. [B] ou Mme [P].

A aucun moment, vous n’avez jugé utile de voir la direction à ce sujet et ne semblait pas choqué par de telles pratiques de détournement de fonds.

De plus, vous ne nous avez pas fourni la moindre explication sur la qualification des « TIPS }} alors qu’il ne s’agissait aucunement de pourboires versés par les clients mais bien de coût de la prestation de repassage interne facturée aux clients.

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Par ailleurs, nous vous rappelons que vous avez déjà fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires et rappels à l’ordre depuis août 2011.

C’est pourquoi, après le délai légal de réflexion, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs ainsi énoncés constitutifs d’un non-respect des procédures internes de sortie de caisse et illégitimité des retraits accomplis à l’insu de l’employeur.

Votre licenciement prend effet immédiatement, dès réception de la présente, sans exécution ni indemnisation du préavis et sans indemnité de rupture…’

Contestant son licenciement, le salarié a saisi, le 12 juin 2013, le conseil de prud’hommes de Nice lequel, par jugement du 20 février 2014, a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, non constitutive d’une faute grave, et a condamné l’employeur à lui payer les sommes de:

-13026,84€ au titre de l’indemnité légale de licenciement;

-9770,13€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis;

-977,03€ au titre des congés payés sur préavis;

-1000€ au titre de l’article 700 du code procédure civile;

et a débouté les parties de leurs autres demandes tant principales que reconventionnelles.

C’est le jugement dont Monsieur [S] [K] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [S] [K] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à lui payer des sommes au titre de la rupture , le réformer sur la cause du licenciement , statuer à nouveau, dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner, en conséquence, la société intimée à lui payer les sommes de 100.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3000€ au titre de l’article 700 du code procédure civile.

Il expose que, pendant quinze ans, il n’avait jamais manqué une journée de travail et que ses qualités professionnelles lui avaient permis de gravir les divers échelons de son métier pour finalement accéder, le 1er janvier 2011, au poste de chef de réception; que ses conditions de travail s’étaient immédiatement dégradées, à compter de mars 2011, à la suite de la nomination d’un nouveau directeur général; que plusieurs avertissements lui avaient alors été adressés entre le mois de mars 2011 et le mois de décembre 2011, soit plus qu’au cours des quinze premières années de travail; qu’il contestait ces avertissements; que pour la première fois, il avait bénéficié d’un arrêt de travail pour dépression du 7 octobre 2011 au 14 novembre 2011; que peu de temps après son retour, il avait été convoqué à un premier entretien préalable pour des reproches tenant à la gestion des plannings, à l’exécution de tâches et à son attitude; qu’ au cours de cet entretien, il était alors apparu un nouveau reproche, tenant à un détournement d’argent, pour lequel il avait été convoqué à un nouvel entretien préalable; que c’est dans ces conditions qu’il avait été licencié pour faute grave en raison de ces prétendus détournements ; qu’il contestait la version des faits rapportée par la lettre de licenciement; qu’il n’avait fait qu’exécuter les instructions de Monsieur [N], contrôleur de gestion, qui lui avait demandé de passer comptablement les prestations de repassage, facturées aux clients et accomplies en interne par le personnel de l’hôtel, en ‘tips’ (pourboires); que la version des faits de Monsieur [K] avait été confirmée par celle de la gouvernante en chef , Madame [D], telle qu’exposée par elle dans le compte-rendu de son entretien préalable du 20 mars 2012 et reprise dans le procès-verbal de la réunion mensuelle extraordinaire du comité d’entreprise du 28 mars 2012; qu’alors que Monsieur [K] et Madame [D] affirmaient ensemble que cette anomalie comptable avait été mise en place sur les instructions de Monsieur [N], qui l’avait certes contesté, l’employeur avait privilégié la version de ce dernier sans même procéder à une confrontation entre les trois salariés; qu’ensuite, et contrairement à ce qu’énonçait la lettre de licenciement, Monsieur [K], qui n’avait pas accès à la caisse et ne pouvait donc pas disposer des espèces contenues dans celle-ci, n’avait pas le pouvoir de rembourser un débours de caisse au personnel de l’hôtel, son travail se limitant à la facturation de la clientèle et à la tenue du journal des comptes; qu’il ne pouvait donc pas lui être reproché d’avoir méconnu les consignes de la direction telles que décrites dans la lettre de licenciement; qu’enfin, il entendait se prévaloir de son entière bonne foi puisqu’il avait transcrit comptablement la prestation ‘repassage’ sur le poste ‘tips’ en toute transparence sur le journal des comptes de sorte qu’il ne pouvait pas lui être reproché d’avoir voulu tromper son employeur; qu’il en résultait également que Monsieur [N] ou la direction aurait dû se rendre compte bien plus tôt de cette anomalie comptable laquelle apparaissait très clairement sur le journal des comptes depuis le mois de juillet 2011 de sorte qu’elle ne pouvait pas avoir été révélée qu’en mars 2012; que sa bonne foi était d’autant plus grande que Monsieur [K] n’avait retiré aucun bénéfice personnel , les pourboires étant distribués en totalité aux gouvernantes de l’hôtel; que son professionnalisme et sa manière de servir tout au long de sa carrière auraient dû être pris en compte alors que la nouvelle direction n’avait eu pour volonté que de l’évincer de l’entreprise; que répliquant aux arguments de l’intimée, il faisait valoir que la charge de la preuve incombait à l’employeur et que l’enquête de l’inspection du travail suite à la demande d’autorisation du licenciement de Madame [D], salariée protégée et elle aussi finalement licenciée, était sans incidence sur le sort de Monsieur [K].

La Sa Hôtel Negresco demande à la cour, à titre principal,constater que les faits reprochés étaient constitutifs d’une faute grave, en conséquence, réformer le jugement et débouter Monsieur [K] de l’ensemble de ses prétentions, à titre subsidiaire, confirmer le jugement déféré, condamner l’appelant à lui payer la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code procédure civile.

Elle expose que, contrairement à ce qui était soutenu par Monsieur [K], ce dernier avait fait l’objet, dès le 2 février 2009, d’une mise en garde de la part de son directeur d’exploitation pour de nombreux manquements; que de nouveaux manquements avaient été commis en 2011 donnant lieu à un second avertissement notamment pour avoir fait supporter à son employeur les frais de restauration de sa compagne; qu’ainsi, le comportement du salarié était loin d’être irréprochable; que s’agissant du motif du licenciement, l’employeur avait été informé des faits lors de leur révélation par le service d’étage à la direction de l’hôtel puis portés à sa connaissance par un courrier daté du 5 mars 2012 du syndicat CFDT; qu’ainsi, il était apparu que l’intégralité des sommes afférentes aux prestations de repassage, non sous-traitées, réalisées par le personnel durant leur temps de travail et facturées aux clients, étaient ressorties en espèces auprès de la réception sous couvert de ‘tips’ (pourboires); que l’enquête interne à laquelle l’employeur avait procédé, avait démontré que ces retraits en espèces avaient été effectués par Monsieur [K] à la demande de Madame [D], la gouvernante générale; que cette dernière, qui faisait partie du comité d’entreprise, avait été licenciée pour faute grave, en raison des mêmes faits et après autorisation de l’inspecteur du travail ; qu’elle n’avait exercé aucun recours contre l’autorisation donnée de sorte qu’il pouvait être retenu une reconnaissance expresse des faits par cette salariée; que les sommes ainsi sorties de la caisse ne constituaient pas des pourboires mais résultaient d’une requalification de la prestation de repassage en pourboires; que Madame [D] avait indiqué avoir conservé 75% de ces sommes et avoir reversé le reste au salarié ayant fait le repassage en lui faisant croire qu’il s’agissait d’un pourboire; que le carnet sur lequel Madame [D] marquait les sommes, carnet qu’elle avait ensuite remis à l’employeur, avait permis de constater que les montants détournés correspondaient aux factures émises pour la prestation de repassage; que Monsieur [K], qui avait la responsabilité de la caisse de réception, avait commis une faute en autorisant Madame [D] à procéder à cette requalifcation; que cette faute était d’autant plus grave que les agissements constatés constituaient des malversations au préjudice de l’employeur lequel avait été privé d’un chiffre d’affaire tout en ayant acquitté les divers taxes et impôts y afférents; que le comité d’entreprise lors de sa réunion du 28 mars 2012 avait désapprouvé le comportement de Madame [D] et voté à l’unanimité en faveur de son licenciement; qu’il était produit les attestations de Monsieur [N] qui contestait avoir donné des instructions visant à faire passer des éléments de la rubrique ‘prestation gouvernante’ à la rubrique ‘tips’ ainsi qu’avoir donné des instructions de récupérer la totalité des montants des ‘tips’ pour son service ou elle-même; que toute sortie de caisse aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable de la direction avec la signature soit du directeur général, soit de son adjoint soit de la propriétaire de l’hôtel, ce qui avait été rappelé par écrit, le 15 juillet 2011, à Monsieur [K] par le directeur général; que le non respect de ce formalisme attaché aux sorties de caisse était la démonstration que Monsieur [K] avait conscience de commettre des actes illicites et ce d’autant plus que ce non respect n’avait été constaté que pour les sorties litigieuses; que dans ces conditions, le salarié qui avait agi volontairement ne pouvait pas invoquer sa bonne foi; qu’enfin la réitération des faits pour lesquels il avait été déjà rappelé à l’ordre constitue une un acte d ‘insubordination manifeste constitutif d’une faute grave.

SUR CE

La faute grave est définie comme la faute qui résulte d’un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis. Elle implique donc une réaction immédiate de l’employeur qui doit engager la procédure de licenciement dès qu’il en a connaissance et si aucune vérification n’est nécessaire.

En l’espèce, le motif du licenciement, tel qu’il résulte de la lettre de licenciement, repose sur les faits suivants: des sommes se rapportant aux prestations de repassage facturées aux clients et ayant donné lieu à encaissement, avaient ensuite été sorties de la caisse dans la rubrique pourboires pour être conservées en majeure partie par la gouvernante générale. La matérialité de ces faits n’est pas contestée en tant que telle par les parties lesquelles ne s’opposent en réalité que sur le grief fait à Monsieur [K] d’avoir, en sa qualité de chef de réception, commis une anomalie comptable ayant consisté à prendre l’initiative de la requalification d’une prestation de repassage client en une opération de pourboires et d’avoir manqué aux instructions du 15 juillet 2011 qui exigeaient la signature de la direction pour tout débours de caisse

Sur le premier point, Monsieur [K] ne conteste pas que l’opération litigieuse, dite de requalification, avait constitué une anomalie comptable en ce qu’il ne pouvait pas mentionner les sommes décaissées comme étant des pourboires puisqu’elles avaient été préalablement encaissées au titre d’une prestation facturée. Toutefois, cette anomalie ne saurait pour autant constituer un motif suffisant de son licenciement.

En effet, il est constant que Monsieur [K] avait inscrit tous les décaissements litigieux dans les livres de comptes internes de l’entreprise, de manière très claire et sans aucune dissimulation ni falsification d’écritures. Ces inscriptions figuraient dans la rubrique des pourboires reversés au personnel et pour des sommes correspondant au centime près à celles encaissées au titre des prestations susvisées qui figuraient également sur les mêmes comptes internes. Ainsi, alors que les faits, d’une part, avaient débuté au plus tard en juillet 2011 et avaient été réitérés jusqu’en mars 2012, soit une période suffisamment longue, et que d’autre part, ils étaient apparents, l’employeur avait eu la faculté à tout moment, sans nécessité pour lui de se livrer à des vérifications préalables approfondies, de constater l’existence de la pratique des débours au titre des pourboires pour des montants correspondant en réalité à une partie de son chiffre d’affaire de telle sorte que l’employeur n’avait pas pu ignorer les faits aussi longtemps.

Il ne saurait être sérieusement soutenu par la société intimée, comme elle le prétend , qu’elle avait néanmoins ignoré cette pratique jusqu’au 5 mars 2012, date à laquelle le syndicat Cfdt lui avait adressé un courrier d’alerte. En effet, il existait dans l’entreprise un service de contrôle de gestion, en la personne de Monsieur [N] et, sans qu’il ne soit besoin pour la cour de rechercher si Monsieur [N] était ou non à l’origine de la pratique reprochée à Monsieur [K], il résulte suffisamment des deux attestations de Monsieur [N] , produites par l’employeur lui même, que le service de gestion avait assuré un contrôle effectif de la procédure de facturation des prestations et avait pu être amené, en fonction des constatations faites par ce service, à demander à Monsieur [K] et/ ou à Madame [D] de procéder à des rectifications ou de suivre telle ou telle procédure comptable, l’absence de lien hiérarchique entre Monsieur [N] et Monsieur [K] restant en définitive sans incidence.

Ces faits étaient d’autant plus visibles et perceptibles qu’outre l’absence de falsification d’écritures comptables, la pratique litigieuse conduisait inéluctablement à constater très vite des écarts anormaux dans le montant non seulement du chiffre d’affaires mais aussi dans le reversement de la Tva au trésor public puisque celle-ci avait été facturée au client bénéficiaire de la prestation de repassage. Le contrôle de gestion avait donc été à tout moment en mesure de constater les faits et l’employeur, qui n’avait jamais sanctionné Monsieur [N] pour ne pas lui avoir révélé les faits, ne saurait dans ces conditions soutenir aujourd’hui les avoir ignorés jusqu’au 5 mars 2012. D’ailleurs, et pour preuve de ce que l’employeur était bel et bien informé de la situation avant le courrier d’alerte du syndicat Cfdt du 5 mars 2012, il suffit de se reporter, en premier lieu, à l’exposé des motifs de la décision de l’inspecteur du travail du 27 avril 2012, ayant autorisé le licenciement de Madame [D], salariée protégée. Ces motifs énonçaient ‘qu’ à la suite d’un audit financier réalisé par un organisme extérieur à l’entreprise et dont les conclusions provisoires ont été émises le 10 et le 13 février 2012, des anomalies ont été constatées concernant des sorties d’espèces à la caisse des réception de l’hôtel .’ L’employeur, informé des faits au plus tard le 13 février 2012, l’était donc lors de l’envoi de la première convocation du 22 février 2012 pour l’entretien préalable fixé au 7 mars 2012. Or, le 22 février 2012, l’employeur en avait très curieusement fait abstraction en visant d’autre faits que les décaissements, à savoir la gestion des plannings, l’exécution de tâches et l’ attitude du salarié. En réalité, s’il avait décidé, par lettre du 9 mars 2012, d’engager la procédure de licenciement concernant les faits de décaissement, ce n’était pas en raison de leur découverte révélée lors de l’entretien préalable s’étant tenu le 7 mars, comme indiqué dans la lettre de l’employeur du 9 mars 2012, mais uniquement parce que le syndicat Cfdt l’ayant officiellement saisi, le 5 mars 2012, l’employeur ne pouvait plus rester inactif. Il convient aussi de se reporter, en second lieu, au procès-verbal du comité d’entreprise du 28 mars 2012 qui mentionnait très clairement, même si l’employeur s’en était à l’époque défendu, que certains membres du comité d’entreprise avait porté les faits à la connaissance de la direction plusieurs mois auparavant laquelle s’était contentée de répondre qu’il lui fallait des preuves.

C’est en vain que l’employeur tente par ailleurs d’invoquer à son profit la décision susvisée de l’inspecteur du travail au motif qu’elle aurait aussi mentionné que les faits avaient été commis par Madame [D] ‘de concert avec le chef de réception’ . En effet, l’instruction par l’inspection du travail n’avait visé que Madame [D] et non pas Monsieur [K] et, au demeurant, il ne pourrait pas en être tiré la moindre démonstration contre Monsieur [K] dès lors que cette décision indiquait se référer à l’enquête effectuée par l’employeur. Or, les éléments matériels de cette enquête n’avaient pas été mentionnés dans cette décision et, hormis les attestations susvisées de Monsieur [N], aucun autre témoignage ni rapport consignant les vérifications de l’employeur n’est produit par lui devant la cour.

Pour les motifs qui précèdent, il doit être retenu que l’employeur, qui était manifestement informé depuis plusieurs mois d’une situation comptable anormale et qui s’était cependant abstenu, sans motif particulier, de procéder à la moindre vérification de nature à y mettre un terme, la laissant ainsi sciemment se perpétuer, ne pouvait pas ensuite s’en emparer pour engager une procédure disciplinaire à l’encontre de Monsieur [K].

Sur le second point tiré de ce que Monsieur [K] n’avait pas respecté les instructions du 15 juillet 2011 qui exigeaient la signature de la direction pour tout débours de caisse, il sera retenu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment développés, que l’employeur avait connu les faits depuis plusieurs mois, les faits étant indissociables.

Le jugement qui a dit que le licenciement de Monsieur [K] reposait uniquement sur une cause réelle et sérieuse sera réformé. Au jour de la rupture, ce dernier avait 16 ans d’ancienneté dans une entreprise comptant plus de dix salariés et il percevait un salaire brut mensuel moyen de 3257 €. Il est né en 1961 et il justifie avoir perçu l’allocation de retour à l’emploi d’un montant moyen de 1620€ en 2012. Il produit une attestation de pôle emploi rapportant sa situation de bénéficiaire d’allocation depuis cette date jusqu’au à fin 2014. Il justifie de ses recherches d’emploi. Ces éléments amènenet la cour à condamner la société intimée à lui payer la somme de 52000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’équité commande d’allouer la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud’homale

Reçoit Monsieur [S] [K] en son appel

Réforme le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 20 février 2014 en ce qu’il a statué sur la cause du licenciement et sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau sur ces deux points, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse , en conséquence, condamne la Sa Hôtel Negresco à lui payer les sommes de:

-52000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1500€ au titre de l’article 700 du code procédure civile

Confirme le jugement pour le surplus

Condamne ladite Sa Hôtel Negresco aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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