Non-respect des procédures internes : 23 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02480
Non-respect des procédures internes : 23 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02480
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23 mars 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02480

N° RG 21/02480 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K44L

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES

Me Jean Francois COPPERE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023

Appel d’une décision (N° RG 2020J122)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 07 avril 2021

suivant déclaration d’appel du 02 juin 2021

APPELANTE :

S.A.S. SONEPAR SUD-EST exerçant sous l’enseigne commerciale CLE au capital de 2 931 465 euros inscrite au RCS de LYON sous le n° 956 500 367, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Franck BENHAMOU de la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Nagi MENIRI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

M. [P] [C]

né le 08 Octobre 1985 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Jean Francois COPPERE, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 décembre 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me MENIRI en sa plaidoirie, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

Exposé du litige

Monsieur [P] [C] a été embauché le 28 mai 2018 en qualité de directeur de l’agence CLE par la société Sonepar Sud Est.

Par courriers des 27 décembre 2019 et 15 décembre 2020, la société Sonepar Sud Est a mis en demeure Monsieur [P] [C] de lui régler la somme de 15.532,56 euros au titre de commandes de matériel.

Par lettre du 24 octobre 2019, la société Sonepar Sud Est a licencié Monsieur [P] [C] pour faute grave.

Par ordonnance du 10 juin 2020, le président du tribunal de commerce de Romans sur Isère a enjoint Monsieur [P] [C] de payer la somme de 15.532,56 euros ttc outre celle de 1.280 euros au titre des frais de recouvrement à la société Sonepar Sud Est.

Le 2 juillet 2020, Monsieur [P] [C] a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

– accueilli l’opposition formée par Monsieur [P] [C],

– réduit à néant l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 10 juin 2020,

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [P] [C],

– débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement à l’encontre de Monsieur [P] [C],

– dit qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres demandes,

– mis les dépens à la charge de la société Sonepar Sud Est.

Par déclaration du 2 juin 2021, la société Sonepar Sud Est a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– réduit à néant l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 10 juin 2020,

– débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement à l’encontre de Monsieur [P] [C].

Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [P] [C] devant le conseiller de la mise en état.

Prétentions et moyens de la société Sonepar Sud Est

Dans ses conclusions remises le 6 juillet 2022, la société Sonepar Sud Est demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 7 avril 2021 en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [P] [C],

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 7 avril 2021 en ce qu’il a réduit à néant l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 10 juin 2020, et débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement à l’encontre de Monsieur [P] [C],

Statuant à nouveau sur ce point,

– condamner Monsieur [P] [C] à payer à la société Sonepar Sud Est exerçant sous l’enseigne commerciale CLE les sommes suivantes :

* 15.532,56 euros en principal, outre intérêts de retard égaux à 3 fois le taux d’intérêt légal à compter du 27 décembre 2019, date de la mise en demeure,

* 1 280 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,

En tout état de cause,

– débouter Monsieur [P] [C] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Monsieur [P] [C] à payer à la société Sonepar Sud Est exerçant sous l’enseigne commerciale CLE la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [P] [C] aux dépens de première instance et d’appel.

Elle relève que le tribunal de commerce est bien compétent pour statuer sur la demande en paiement qu’elle a formée à l’encontre de Monsieur [P] [C], que celui-ci a acheté du matériel électrique en grande quantité pour un montant très important en vue de les revendre ce qui constitue des actes de commerce, que la créance de la société Sonepar Sud Est résultant de ces achats est sans lien direct avec les fonctions managériales et les activités de Monsieur [P] [C] au sein de l’entreprise et ne peut être considérée comme née à l’occasion du contrat de travail, qu’en tout état de cause son appel est limité aux chefs ayant réduit à néant l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 10 juin 2020 et débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement et que Monsieur [P] [C] n’a pas formé d’appel incident sur la compétence du tribunal.

Elle fait valoir qu’en matière commerciale, tous les moyens de preuve sont admis aux termes de l’article L110-3 du code du commerce, que la facture est un mode de preuve du contrat commercial, que les relevés de compte et les différentes factures produites établissent que Monsieur [P] [C] est redevable de la somme de 15.532,56 euros, que dans un courriel Monsieur [P] [C] a reconnu avoir passé des commandes personnelles et ne pas les avoir honorées en raison d’une situation financière tendue, que ses collaborateurs attestent avoir saisi des commandes de Monsieur [P] [C] à sa demande, que ces témoignages sont valables même s’ils émanent de salariés de la société Sonepar Sud Est, qu’ elle produit la lettre de voiture des acquisitions effectuées par Monsieur [P] [C] et livrées à son domicile, que Monsieur [P] [C] n’a ni contesté son licenciement, ni remis en cause les reproches effectués dans la lettre de licenciement concernant les matériels commandés et non réglés, que le licenciement de Monsieur [P] [C] ne repose pas uniquement sur le non règlement des factures mais sur plusieurs manquements graves et répétées caractérisant le non respect des procédures internes à l’entreprise, que dès lors, le jugement doit être infirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement.

Prétentions et moyens de Monsieur [P] [C]

Dans ses conclusions remise le 2 mai 2022, il demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a réduit à néant l’ordonnance d’injonction de payer du 10 juin 2020 et en ce qu’il a débouté la société Sonepar Sud Est de toutes ses demandes pécuniaires dirigées à tort contre Monsieur [P] [C],

– condamner la société Sonepar Sud Est à verser à Monsieur [P] [C] la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.

Il expose :

– qu’au moment des faits reprochés, il était salarié de la société Sonepar Sud Est et n’avait pas la qualité de commerçant,

– que la société Sonepar Sud Est n’est pas fondée à invoquer la règle commerciale selon laquelle le preuve est libre dans les rapports entre commerçants,

– qu’elle ne produit ni bons de commande, ni bons de livraison,

– que les attestations versées aux débat ont été établies par les salariés de l’appelante,

– qu’en outre, le salarié n’engage sa responsabilité personnelle à l’égard de l’employeur qu’en cas de faute lourde pour des faits non étrangers à l’exécution du contrat de travail,

– que la demande pécuniaire est fondée sur des faits non distincts de ceux visés dans la lettre de licenciement,

– qu’en visant ces faits dans la lettre de licenciement, la société Sonepar Sud Est en a établi le lien indéfectible entre l’exécution du contrat de travail et la créance dont elle se prévaut,

– qu’ayant fait le choix de licencier pour faute grave et non pas pour faute lourde, elle s’est privée de la possibilité de demander la condamnation du salarié pour des faits rattachés au contrat de travail.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction est intervenue le 10 novembre 2022.

Motifs de la décision

La cour relève que l’appel ne porte que sur les chefs de jugement ayant réduit à néant l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 10 juin 2020 et débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement à l’encontre de Monsieur [P] [C] et que l’intimé n’a pas formé d’appel incident.

Dès lors, la cour n’est pas saisie du chef de jugement ayant rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [P] [C] et les développements de la société Sonepar Sud Est sur ce point sont sans objet.

Aux termes de l’article L110-3 du code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

La cour relève que pour se déclarer compétent, le tribunal a considéré que les acquisitions de matériels effectuées par Monsieur [P] [C] s’apparentent en des actes de commerce.

Néanmoins, en application de l’article L 121-1 du code de commerce, ne sont commerçants que ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle.

En l’espèce, il n’est pas établi que Monsieur [P] [C], salarié de la société Sonepar Sud Est, a fait des actes de commerce sa profession habituelle.

Les règles de preuve à mettre en oeuvre ne sont donc pas celles de l’article L 110-3 du code de commerce mais celles résultant des articles 1359 et suivants du code de procédure civile.

Monsieur [P] [C] a reconnu par écrit dans un mail du 19 octobre 2019 des ‘commandes comptants personnels non réglées à ce jour’ en raison de difficulté financières et la validation des commandes par ses collaborateurs.

Cet écrit est corroboré pour 21 factures d’un montant total de 11.844,72 euros par les copies écran des enregistrements des commandes dans le logiciel de l’entreprise. Cinq d’entre elles sont aussi confirmées par des attestations de collaborateurs qui indiquent que Monsieur [P] [C] leur a demandé de saisir des commandes pour du matériel destiné à son usage personnel,

matériel récupéré directement à l’entrepôt de l’agence ou livré à son domicile, étant relevé que ces attestations ne peuvent être écartées au seul motif qu’elles émanent de salariés de la société Sonepar. Il est également produit une lettre de voiture attestant de la livraison de marchandises au domicile de Monsieur [P] [C].

S’agissant des autres factures dont le montant est réclamé, l’écrit n’est corroboré par aucun autre élément.

En conséquence, la cour considère que la société Sonepar rapporte la preuve de sa créance à hauteur de la somme de 11.844,72 euros.

Pour s’opposer au paiement, Monsieur [P] [C] fait valoir que seule la faute lourde permet d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié à l’égard de l’employeur pour des faits non étrangers à l’exécution du contrat de travail alors qu’il a été licencié pour faute grave.

Néanmoins, la société Sonepar n’engage pas la responsabilité délictuelle ou contractuelle de son ancien salarié pour des fautes qu’il aurait commises dans l’exécution de son travail.

Elle réclame le paiement de factures dans le cadre de commandes effectuées par Monsieur [P] [C] à la société Sonepar.

En conséquence, Monsieur [P] [C] ne peut faire valoir utilement cette jurisprudence.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement. Monsieur [P] [C] sera condamné à payer à la société Sonepar Sud Est la somme de 11.844,72 euros au titre de 21 factures.

Il sera aussi condamné à payer la somme de 840 euros (21 x 40) à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer, une opposition recevable mettant effectivement à néant l’ordonnance d’injonction de payer.

Monsieur [P] [C] qui succombe sera condamné aux dépens de l’instance d’appel, étant observé que la société Sonepar Sud Est n’a pas interjeté appel du chef de jugement la condamnant aux dépens de 1ère instance.

Monsieur [P] [C] sera condamné à payer la somme de 3.000 euros à la société Sonepar Sud Est en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du 7 avril 2021 en ce qu’il a débouté la société Sonepar Sud Est de ses demandes en paiement à l’encontre de Monsieur [P] [C].

Le confirme dans son autre chef de jugement soumis à la cour.

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [P] [C] à payer à la société Sonepar Sud Est la somme de 11.844,72 euros au titre de 21 factures outre intérêts de retard égaux à 3 fois le taux d’intérêt légal à compter du 27 décembre 2019 et celle de 840 euros à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement.

Déboute la société Sonepar Sud Est de ses demandes au titre des autres factures.

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [P] [C] aux dépens d’appel.

Condamne Monsieur [P] [C] à payer la somme de 3.000 euros à la société Sonepar Sud Est en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute Monsieur [P] [C] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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