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22 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/11137
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 22 FEVRIER 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11137 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5GC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° F18/00784
APPELANTE
SAS SMURFIT KAPPA FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Antoine GROU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1083
INTIME
Monsieur [D] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Nathalie FAUDOT, avocat au barreau D’ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Anne MENARD, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [P] a été engagé le 20 mars 2017 par la société Smurfit Kappa France en qualité de responsable commercial. Il percevait une rémunération moyenne de 4.015,59 euros.
Il a été licencié pour faute grave le 27 mars 2018, l’employeur lui reprochant un retard dans la remise du budget RFA 2018, le non respect des procédures internes, de fausses déclarations sur ses notes de frais de janvier 2018 et l’absence de reporting et de suivi des prospects.
Il a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry le 10 septembre 2018.
Par jugement du 17 septembre 2019, ce conseil a condamné l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
1.254,87 euros à titre d’indemnité de licenciement
11.934,18 euros à titre d’indemnité de préavis
1.193,42 euros au titre des congés payés afférents
4.015,59 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La société Smurfit Kappa France a interjeté appel de cette décision le 7 novembre 2019.
Par conclusions récapitulatives du 20 juillet 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour d’infirmer le jugement, de débouter monsieur [P] de ses demandes, et de le condamner au paiement de 1.500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 24 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [P] demande à la cour de confirmer le jugement sur l’indemnité de licenciement et sur l’indemnité de préavis, de l’infirmer pour le surplus et de condamner la société Smurfit à lui payer les sommes suivantes :
8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour légèreté blâmable de l’employeur
8.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
12.200 euros à titre de rappel de salaire (prime variable)
1.220 euros au titre des congés payés afférents
3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance
4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
– Sur la demande au titre de la rémunération variable
L’article 6 du contrat de travail stipule que monsieur [P] bénéficierait d’une prime variable annuelle d’un montant maximum de 12.200 euros, liée à l’atteinte d’objectifs préalablement définis.
En l’espèce, il ressort de l’entretien annuel d’évaluation que monsieur [P] n’a pas rempli ses objectifs de l’année 2017, son taux de réalisation, qu’il n’a pas contesté, étant de 73%.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.
– Sur le licenciement
En vertu des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur;
La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :
« (…) – Budget RFA 2018 à remettre pour le 31 janvier 2018 au plus tard : la demande initiale du 4 janvier 2018 faite par [B] [H], responsable de la collecte des éléments 2018, est encore à ce jour sans réponse. En l’absence d’information sur l’avancement de votre travail, un rappel vous est formulé le 18 janvier 2018. Le 1 février 2018, sans information sur le budget RFA de votre périmètre, une nouvelle relance vous est adressée afin d’obtenir les informations nécessaires. Or vous attendez ce jour-là, presque un mois après la demande initiale, pour demander ce que signifie l’acronyme RFA démontrant ainsi le peu d’intérêt porté à ce travail pourtant essentiel dans le cadre de vos fonctions, au suivi de vos clients et à la rentabilité de vos dossiers.
D’après vos déclarations, vous aviez entre autre dédié la journée du mercredi 31 janvier 2018 pour du travail « administratif » à votre domicile, journée pour laquelle je n’ai d’ailleurs aucun détail sur l’activité du jour et force est de constater qu’elle n’a pas été utilisée pour monter le dossier de votre périmètre RFA. Processus parfaitement détaillé dans le Roadbook 2017 en page 52, document en votre possession que vous ne pouvez pas ignorer.
– En date du 30 janvier 2018, vous me demandez de valider un tarif client Cookies : votre reporting indique que le résultat de votre travail sur les hausses de prix permet d’appliquer une augmentation de +10,31% depuis Juillet 2017.
Or, votre demande de Janvier 2018 fait état d’une baisse depuis Juillet 2017. En l’absence d’élément de réponse, je vous relance le 31 janvier 2018 puis le 01 février 2018 et toujours aucune explication sur un tarif qui devrait être en hausse de 10,31% suivant vos déclarations et qui est, en fait, négatif et totalement le contraire à ce que vous aviez annoncé. Je ne peux donc en aucun cas valider des prix devant une telle incohérence. De plus, facteur aggravant, lors de votre réponse du 1 février 2018, vous me confirmez faire la même chose sur les autres clients ‘…et valide de manière factuelle mes actions’. Or, les procédures et consignes sur le Roadbook 2017 sont formelles : vous devez faire valider les remises de prix par la Direction, je cite ‘les actions qui amènent à baisser la contribution d’un client doivent être obligatoirement validées par la direction commerciale (Roadbook 2017 p.48)’.
– En date du 31 janvier 2018, vous m’avez remis votre note de frais mensuelle signée par vos soins. Les vérifications effectuées mettent en évidence de fausses déclarations soit sur votre reporting d’activité déclaré soit sur vos frais déclarés :
. En semaine 2, le 12 janvier 2018, vous déclarez être à 14h chez Astruc Biscuiterie situé à [Localité 15] alors que votre justificatif de frais indique que vous êtes ce jour là à [Localité 14] à 14h05 (soit à 60 km et 1h de route de votre rendez-vous déclaré).
. En semaine 3, le 15 janvier 2018, vous déclarez être à 14h30 chez Drexco situé à [Localité 9] alors que votre justificatif de frais indique que vous êtes ce jour là à [Localité 5] à 14h56 (soit 39km et 40 mn de votre rendez-vous déclaré)
. En semaine 4,
Le 24 janvier 2018, vous déclarez être à 14h chez la fournée d’Augustine situé à [Localité 13] alors que votre justificatif de frais indique que vous êtes ce jour là à [Localité 8] à 14h23 (soit à 28 km et 24 mn de votre rendez-vous déclaré.
Le 25 janvier 2018, vous déclarez être à 14h chez Picard Surgelés situé à [Localité 12] alors que votre justificatif de frais indique que vous êtes à [Localité 10] à 14h12 (soit 61 km et 53 mn de votre rendez-vous déclaré).
.En semaine 5, le 30 janvier 2018, vous déclarez être à 9h30 chez Cookies situé à [Localité 6], alors que votre justificatif de frais indique que vous êtes ce jour-là à [Localité 10] à 10h23 (soit à 73 km et 1h22 de route de votre rendez-vous déclaré).
Sur 9 jours de déplacements en clientèle au cours du mois de janvier 2018, au mois cinq jours font l’objet de fausses déclamations, soit 55% des déclarations sont falsifiées.
Ces faits démontrent votre volonté de tromper intentionnellement votre hiérarchie sur votre activité réelle.
– En date du 2 février 2018 du fait de votre arrêt maladie soudain, je regarde votre agenda pour tenter de pallier aux urgences : aucun RDV, semaines 6 et 7 totalement vierges.
Situation que vous confirmez le 2 février 2018 par e-mail : il n’y a pas d’urgence ou d’autres sujets de préoccupations nécessitant une disposition particulière’. Or, de part vos fonctions et comme engagé au travers de votre entretien individuel, vous devez au minimum effectuer un plan de tournée à 15 jours sous Outlook (et signé par vous même le 8 décembre 2017). De plus, sur le seul mois de janvier 2018, alors que vous avez déclaré 12,5 jours pour travail administratif vous n’avez strictement rien de prévu en activité client à partir de la semaine 6. A noter que l’activité sur ces journées administratives ne sont nullement justifiées et en tout cas certainement pas consacrées à la prise de rendez-vous chez des clients ou des prospects.
– En date du 7 février 2018, nous sommes contacté par un responsable commercial d’une autre usine qui a besoin d’« éléments précis » concernant l’appel d’offre Auto Distribution.
Nous constatons alors qu’aucun élément n’est renseigné dans notre CRM et que nous ne sommes pas en copie de communications avec le client alors que vous précisez le 8 février 2018 ‘j’ai transmis il y a quelques jours’ avant de confirmer par votre mail du 9 février 2018 que vous avez bien envoyé le 24 janvier 2018 les tarifs. Personne n’est en copie de vos e-mails ou informé de cette remise de prix (ni la direction, ni la chargée de service client du dossier et sa responsable) Pire, les tarifs pratiqués sont en dessous des limites autorisées d’après nos procédures de travail (Road book 2017 page 48). 10 références sur 12 sont vendues en dessous du seuil autorisé et sans aucune validation de la Direction, avec plusieurs référence à plus de -6%.
De plus et en complément des fautes déjà présentées ci-dessus, malgré un temps particulièrement important dédié au travail administratif, sur le seul mois de janvier (12,5 jours dont plus de la moitié en home office), les manquements suivants sont constatés :
– Le reporting et le suivi des prospects n’est pas fait comme précisé sur le Roadbook 2017 p56.
– La mise à jour de la CRM n’est pas faîte : aucun rapport n’est disponible
– Le plan de tournée à 15 jours n’est pas fait
– Le rapport de l’activité de la journée n’est pas fait
Votre absence à l’entretien du 21 mars 2018 (convocation du 12 mars 2018) ne nous a pas permis de recueillir vos éventuelles explications sur ces fautes successives qui nuisent gravement au bon fonctionnement de l’établissement ainsi qu’aux relations quotidiennes de travail.
Vous attendez le 20 mars 2018, la veille de l’entretien, pour nous adresser en pièce jointe d’un email, un courrier sollicitant un report du rendez-vous, motivé par, je cite ‘mon état de santé ne me permet pas de me présenter à l’usine’ avant de reconfirmer par e-mail ‘je suis dans l’incapacité de me présenter à votre bureau’.
Or ces indications sont incohérentes avec les informations suivantes :
– du 10 février 2018 au 11 mars 2018 vous avez participé au tournoi US [Localité 11] : 52 km aller-retour (trajet 1h10)
– du17 février 2018 au 4 mars 2018 vous avez participé au tournoi 3ème série [Localité 7] : 68km (trajet 1h20)
– le 11 mars 2018 vous avez participé à la compétition CD Essonne Ile de France : 45 km (trajet 1h)
Les résultats de votre palmares étant dument enregistrés par la fédération française de tennis.
Nous constatons une évidente incohérence sur la notion d’incapacité à vous rendre à un entretien situé à 14 km de votre domicile alors que vous allez jouer au tennis à 68 km, d’autant plus que vous bénéficiez toujours du véhicule de fonction pour les déplacements, qui comptait 75.334 km au 30 janvier 2018 suivant votre propre déclaration.
Le cumul de ces fautes successives (fausse déclaration, manque de professionnalisme, non-respect des procédures …) nuit gravement au bon fonctionnement de l’établissement, aux relations quotidiennes de travail et mettent en danger notre clientèle et notre centre de profit.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l’entreprise s’avère impossible. Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement (…) ».
– Sur l’absence de remise du budget RFA (remises de fin d’année)
Il ressort du Roadbook de la société, qui reprend les process que doivent respecter les commerciaux, que les RFA ne peuvent être acceptées sans la validation de la direction commerciale, ce qui permet qu’elles soient provisionnées.
Deux mails collectifs ont été adressés aux commerciaux les 4 et 18 janvier 2018 pour leur rappeler qu’ils devaient procéder à cette transmission. Deux rappels ont été adressés, l’un personnellement à monsieur [P] le 30 janvier 2018 et l’autre adressé à deux commerciaux le 1er février 2018.
Monsieur [P] soutient qu’il n’avait aucun client soumis aux RFA puisqu’il avait en charge l’ouverture de nouveaux comptes. Outre qu’il ne justifie pas de cette état de fait, il convient de relever que si c’était le cas, il devait le signaler en réponse aux demandes qui lui étaient faites.
– Sur l’absence de report des rendez-vous sur l’agenda, et l’absence de mise à jour du CRM
Il ressort des pièces produites par l’employeur que pour la première quinzaine de février, monsieur [P] n’a fait apparaître aucun rendez-vous sur son agenda, ce qui implique soit qu’il n’avait pris aucun rendez-vous, soit qu’il ne les a pas reportés sur son agenda, étant précisé que lors de son entretien annuel de décembre 2017, il lui avait été expressément demandé de faire un plan de tournée sur quinze jours.
Par ailleurs, il est également justifié de ce que monsieur [P] ne saisissait aucun de ses clients dans le CRM, qui permet le suivi de l’activité commerciale, et ce alors que cette obligation lui avait été également rappelée lors de son entretien d’évaluation. Les pièces qu’il produit lui-même montre que le salarié avait bénéficié d’une formation relative à l’utilisation de cet outil, qu’il maitrisait.
Ces manquements, sur lesquels il ne s’explique pas utilement, doivent de surcroît être mis en regard du fait qu’il a déclaré 12 jours de travail administratif, notamment à domicile, au cours du mois de janvier 2018, ce qui devait lui permettre de démarcher, d’organiser ses tournées, et de rendre compte de ses contacts clients.
– Sur les prix pratiqués auprès du client colorado cookies créations
A titre liminaire, il convient de relever que monsieur [P] ne justifie nullement de ce que les process prévus par le Roadbook, à savoir la validation des prix à partir de l’indice 106, ne serait pas appliquée, la seule pièce qu’il produit, n’ayant aucun caractère probant et étant inintelligible.
Concernant le client Colorado cookies, il est reproché à monsieur [P], alors qu’il avait annoncé que des augmentations de prix seraient possibles avec se client, d’abord à hauteur de 10,31% en trois échéances, puis à hauteur de 5 % en deux échéances, d’avoir finalement accordé des remises de prix qui ne correspondent pas à son reporting.
Monsieur [P] soutient de son côté que la proposition de remise aurait été validée par la direction commerciale. Toutefois, la comparaison des signatures permet de constater qu’il est le seul signataire du document intitulé ‘proposition tarifaire’ dans le dossier Colorado.
Le fait d’avoir annoncé à sa hiérarchie qu’il avait proposé un devis comportant une augmentation tarifaire, pour finalement proposer sans concertation préalable avec son supérieur une baisse tarifaire importante, nécessitant une validation, est constitutif d’une faute.
– Sur la validation des prix du client Auto distribution
Il est reproché à monsieur [P] de ne pas avoir tenu la hiérarchie de ses discussions avec ce client, de ne pas l’avoir mise en copie de ses mails, et d’avoir proposé 10 références sans autorisation qui étaient inférieures à l’indice 106, dont 7 entraînant des marges négatives.
Monsieur [P] fait valoir que cette négociation a été faite avec monsieur [T], dont il indique qu’il est responsable commercial France. Si cette dernière affirmation est démentie par la signature de ses mail, dont il résulte qu’il est responsable commercial Rhône-Alpes, il demeure qu’il n’est pas avéré que monsieur [T] n’avait pas le pouvoir de valider les propositions tarifaires faites au client Auto Distribution, étant souligné que monsieur [V], responsable hiérarchique directe de monsieur [P], était en copie d’une partie des échanges.
Ce grief n’est donc pas établi.
– Sur les demandes de remboursement de frais
Il est reproché à monsieur [P] d’avoir, à l’occasion de 5 journées du mois de janvier sur 9 passées en déplacement, demandé des remboursements de frais sur des lieux qui ne correspondaient pas à la localisation des clients chez lesquels il a déclaré s’être rendu.
Monsieur [P] explique cette situation par les nombreux changements d’horaire ou annulations des rendez-vous fixés. Il souligne qu’après son arrêt maladie, il n’avait plus accès à son agenda pour une éventuelle mise à jour.
Sur ce dernier point, force est de constater que l’employeur justifie de ce que ce n’est qu’après le licenciement que monsieur [P] a été privé de ses accès informatiques. En tout état de cause, les rectifications auraient dû être faites dans les jours suivants, et donc bien avant l’arrêt maladie du salarié.
Sur les cinq rendez vous visés par la lettre de licenciement, monsieur [P] ne donne d’explication précise que pour un seul, celui du 25 janvier 2018, où il indique chez quel autre client il se trouvait.
Pour le surplus, les explications qu’il donne sont soit trop imprécises, soit incohérentes. Ainsi, même si [Localité 14] est situé entre [Localité 15], où il avait rendez-vous, et le siège de la société, il n’explique pas avoir pu se trouver à 60 kilomètres de son rendez-vous à l’heure où celui-ci était supposé débuter.
Il ne peut pas sérieusement reprocher à son employeur de ne pas avoir fait les vérifications nécessaires, alors que c’est lui qui est supposé remplir son agenda, apporter les rectifications éventuelles, et rendre compte de son activité, ce qu’il lui est précisément reproché de ne pas faire.
Le grief est par conséquent établi, sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agit dans ce cas encore d’une négligence dans le reporting et la tenue de l’agenda, ou si les notes de frais produites sont frauduleuses, en ce qu’elle ne correspondent pas à des frais engagés dans le cadre d’un rendez-vous client.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, les négligences et non respects des procédures, qui sont avérés, ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat de travail pendant la période limitée du préavis, et, s’ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, ne justifient pas le licenciement pour faute grave qui a été prononcé.
Le jugement sera donc confirmé sur les sommes allouées au titre de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis, mais infirmé en ce qu’il a alloué à monsieur [P] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les circonstances du licenciement ne permettent pas de retenir une légèreté blâmable de l’employeur, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté monsieur [P] de ce chef de demande.
– Sur les demandes reconventionnelles de l’employeur
– Sur les frais d’essence
Monsieur [P] a bénéficié du remboursements de frais d’essence à hauteur de 182,58 euros, alors qu’il était en arrêt de travail.
S’il est constant que s’agissant d’un véhicule de fonction, monsieur [P] pouvait l’utiliser pour ses besoins personnels, il ne pouvait pour autant considérer comme des frais professionnels les frais d’essences correspondants aux déplacement réalisés durant son arrêt maladie, alors que le contrat de travail était suspendu.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a ordonné le remboursement de cette somme.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Aucun élément du dossier ne permet de retenir que monsieur [P] aurait abusé de son droit d’agir en justice, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de ce chef, le jugement étant là-aussi confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a accordé à monsieur [P] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE monsieur [P] de ce chef de demande.
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE monsieur [P] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE