Non-respect des procédures internes : 2 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03033
Non-respect des procédures internes : 2 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03033
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2 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/03033

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/03033 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M7VI

[V]

C/

Société LOCAL.FR

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 12 Mai 2020

RG : 18/00058

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 02 Juin 2023

APPELANT :

[Y] [V]

né le 25 Mars 1967 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 7] (LOIRE)

représenté par Me Angélique KIEHN, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

Société LOCAL.FR

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]/France

représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Avril 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, président et Catherine CHANEZ, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 02 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER Présidente, et par Rima AL TAJAR, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société Local.fr (ci-après, la société), filiale de la société Swisscom, est spécialisée dans l’accompagnement des PME, artisans et commerçants auxquels elle propose des solutions de communication. Elle est composée de 8 établissements.

Elle applique la convention collective de la publicité et employait au moins 11 salariés au moment du licenciement.

Elle a recruté M. [Y] [V] à compter du 6 octobre 2014, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de commercial en communication web, catégorie 2, niveau 2.

M. [V] était alors rattaché au groupe « Webdev » et se voyait confier la commercialisation des sites internet sur un secteur géographique comprenant la région Rhône Alpes.

Puis, suivant avenant du 13 juillet 2015, il a rejoint le groupe « Print » en qualité de délégué commercial, toujours catégorie 2, niveau 2. Lui a alors été confiée, sur le secteur de [Localité 7] (Loire et départements limitrophes), la commercialisation d’encarts publicitaires sur annuaire papier.

Par courrier du 18 septembre 2017, la société a notifié à M. [V] un avertissement pour résultats insuffisants et attitude négative, notamment par son refus de signer les nouveaux avenants. Le salarié a contesté cette sanction par courrier du 27 septembre suivant.

Par courrier du 9 octobre 2017, la société l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 19 octobre.

Par courrier du 27 octobre, elle lui a notifié un nouvel avertissement pour persistance de son comportement, notamment lors d’une réunion, le 2 octobre, et de son insuffisance professionnelle et lui a rappelé l’avoir intégré à l’équipe de M. [L] le 17 août 2015 afin de commercialiser de la publicité dans les annuaires papier et de développer progressivement l’activité web compte tenu de la suppression à venir de son activité papier. Le salarié a contesté cette sanction par courrier du 6 novembre suivant.

Un troisième avertissement a été notifié le 18 janvier 2018, pour insuffisance de résultats et non-respect des procédures internes de remplissage du CRM.

Il a par ailleurs été placé sous la subordination directe de M. [K], directeur régional.

M. [V] a contesté la sanction par courrier du 23 janvier et a dénoncé une mise à l’écart et le refus opposé à sa demande de formation, par lettre du 13 février.

Par courrier du 14 février suivant, la société l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 février, puis elle lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle et maintien d’une attitude désinvolte, par courrier du 2 mars, dans les termes suivants :

« (‘) vous occupez le poste de commercial au sein de notre société depuis le 6 octobre 2014 et exercez actuellement votre activité professionnelle sur le secteur de [Localité 7].

Comme nous vous l’avons d’ores et déjà indiqué et malgré nos observations et les avertissements du 18 septembre 2017, du 27 octobre 2017 et du 18 janvier 2018, nous constatons une insuffisance professionnelle caractérisée et le maintien d’une attitude désinvolte.

En effet, vous avez dans un premier temps été affecté au sein de l’agence de [Localité 5] afin de commercialiser l’activité web de notre société sur le secteur Rhône Alpes et Auvergne.

Vous n’avez pas réussi à vous inscrire dans cette agence qui commercialise des sites Web (résultats commerciaux très faibles).

Compte tenu de ce constat d’échec, nous vous avons intégré le 17 août 2015 au sein de l’équipe de Monsieur [R] [L] afin de commercialiser de la publicité dans nos annuaires papiers et développer progressivement l’activité web et ce, compte tenu que nous envisageons à moyen terme de supprimer notre activité papier.

A ce titre, vous avez régularisé sans réserve vos objectifs 2017, nous constatons malheureusement que ces derniers sont largement insuffisants.

De plus, dans le cadre d’une réorganisation des secteurs en septembre 2017, nous vous avons attribué outre le secteur de [Localité 7] (42), le secteur de [Localité 6] (71) et ce, afin de vous permettre de réaliser vos objectifs. Vous avez refusé de signer votre avenant modifiant votre secteur ainsi que l’amélioration de votre système de rémunération prétextant une trop grande différence de portefeuille entre les commerciaux.

Nous vous avions pourtant reçu le 02 octobre 2017 par Monsieur [K] et moi-même pour répondre à vos interrogations vous avez adopté lors de cette réunion une attitude désinvolte voir malpolie en vous tenant dans une position quasiment couché sur votre fauteuil et en regardant le mur.

Vous êtes le seul commercial de la société à refuser de signer vos objectifs commerciaux chaque début de mois. Compte tenu de votre refus systématique, nous vous avons soumis un objectifs annuels 2018 que vous avez également refusé de signer.

Depuis notre courrier d’avertissement du 18 janvier 2018, vous avez été rattaché directement au directeur régional Monsieur [H] [K], et ce, compte tenu que vous contestiez systématiquement toutes instructions de Monsieur [L] lors des réunions commerciales, ce qui perturbait ces réunions qui sont destinées à la motivation et au développement commercial.

Outre la perturbation des réunions commerciales, vous vous rapprochez de vos collègues qui se sont plaint de votre comportement afin qu’ils enregistrent à son insu votre ancien supérieur hiérarchique, Monsieur [L] et pour qu’il remplace les appels téléphoniques par des mails systématiques.

De plus et malgré notre dernier avertissement, votre activité commerciale est désastreuse, les chiffres parlent d’eux même : 1946 € réalisé en janvier 2018 (soit 10 ,96 % de l’objectif en janvier 2018) et 2796 € en février 2018 (soit 15.7%).

Pour rappel, compte tenu de votre refus de signer vos objectifs 2018 (inférieurs à ceux de 2017), nous appliquons ceux en vigueur pour l’année 2017.

Enfin, pour répondre à votre courrier du 13 février 2018 qui est uniquement destiné à vous couvrir de façon maladroite par rapport à l’ensemble des griefs que nous avons à vous reprocher nous nous permettons de vous rappeler les points suivants :

Pas de contacts depuis 27/11/2017 : Monsieur [K] a tenté de vous joindre à plusieurs reprises sans succès. D’autre part, pour information, ce sont les commerciaux qui, après leur journée de travail, sont censés débriefer en appelant leur responsable direct. Or, vous ne rendez jamais compte de votre activité commerciale très réduite.

Demande de liste d’impayés : Nous sommes étonnés de cette demande compte tenu que vous recevez chaque mois avec votre bulletin de paie la liste de contrats et d’impayés. D’autre part, comme cela avait déjà été communiqué à plusieurs reprises, les listings d’impayés avant retrait sur salaire n’existent plus. Les impayés sont traités « au fil de l’eau » afin d’être plus réactif. Si vous n’avez rien reçu, c’est que vous n’avez pas d’impayés en cours ce qui est cohérent compte tenu de vos faibles résultats.

Demande de listing des sites internet à renouveler : il n’y pas de site à renouveler en ce début d’année, vous serez pour ses prochains renouvellements à compter du mois de mars 2018.

Demande d’éléments marketing, audience … : aucun élément de ce type n’est communiqué à notre force de vente, ces éléments n’étant pas déterminants pour signer des contrats avec nos clients.

Session de formation web : il n’y a pas lieu de vous faire suivre une nouvelle session de formation compte tenu que vous connaissez parfaitement l’argumentaire, de plus, vous avez été accompagné une journée avec un commercial Web pour vous permettre d’améliorer votre présentation.

Informations Oxatys … : ces formations ne sont à ce jour dispensées uniquement aux commerciaux qui commercialisent uniquement des sites internet.

L’ensemble de ces éléments nous contraignent malheureusement à vous notifier votre licenciement, votre préavis de deux mois débutera le jour de la 1ère présentation du présent courrier, nous tenons à vous indiquer que nous vous dispensons de votre préavis qui vous sera rémunéré à l’échéance normale de la paie.(‘) »

Par requête du 16 mars 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourg en Bresse afin de contester son licenciement et de solliciter diverses sommes à titre indemnitaire.

Par jugement du 12 mai 2020, le conseil de prud’hommes a écarté des débats les pièces 16bis, 33, 44, 49 et 53 versées par le salarié, débouté M. [V] de ses demandes, laissé à chaque partie le charge de ses dépens et débouté la société de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 17 juin 2020, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 8 septembre 2020, il demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de :

Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

7 151 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

5 000 euros pour défaut de loyauté ;

5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Juger qu’il n’y a pas lieu d’écarter les pièces 16 bis, 33, 44, 49 et 53.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 30 novembre 2020, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [V] de ses demandes, de le condamner à prendre en charge les dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 28 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur les pièces 16 bis, 33, 34, 44, 49 et 53 de l’appelant

La pièce n°16 bis correspond à un courrier que la société aurait initialement envisagé d’envoyer à M. [V] à titre de notification de licenciement, le 24 octobre 2017 avant de se raviser.

Les pièces 44, 49 et 53, sont constituées de copies de courriels échangés entre des salariés de la société, lesquels n’étaient destinés à M. [V], ni à titre principal ni en copie.

Enfin, si le conseil de prud’hommes a indiqué dans son dispositif qu’il écartait des débats la pièce n°33, il s’agit de toute évidence d’une erreur matérielle, dans la mesure où il ressort de l’exposé du litige que la société lui a demandé d’écarter les pièces 16 bis, 34, 44, 49 et 53, sachant que la société discute dans ses conclusions devant la cour la validité de la pièce n°34 et non celle de la pièce n°33, et que l’appelant cite aussi bien l’une que l’autre.

La pièce n°34 correspond à un courriel adressé par une déléguée commerciale à un autre salarié de la société.

M. [V] reconnait avoir obtenu des pièces grâce à des recherches faites par un salarié dans les boîtes de messagerie de la société. Il ne s’agit donc pas de documents dont il a pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Ces pièces doivent être écartées des débats ainsi qu’en a jugé le conseil de prud’hommes, dont l’erreur matérielle sera corrigée.

2-Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

En application de l’article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L.1232-1 du code du travail, l’employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

Le code du travail en son article L.1332-4, prévoit « qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Enfin, aucun fait déjà sanctionné ne peut donner lieu à une nouvelle sanction, l’employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire.

L’existence de nouveaux griefs autorise cependant l’employeur à tenir compte de griefs antérieurs, qu’ils aient ou non déjà été sanctionnés.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il incombe à l’employeur d’apporter au juge des éléments objectifs à l’appui des faits qu’il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l’insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

Celle-ci se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est-à-dire conformément à ce qu’on est fondé à attendre d’un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d’emploi et dans la même situation.

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que la faute et l’insuffisance professionnelle sont deux motifs distincts de licenciement qui peuvent, chacun, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, les deux motifs obéissant toutefois à des régimes distincts, seule la faute étant soumise au droit disciplinaire.

Le juge doit donc analyser si les reproches invoqués dans la lettre de licenciement relèvent du motif disciplinaire ou de l’insuffisance professionnelle, en sachant qu’il peut y avoir dans une même lettre des faits distincts, dont certains relèvent de la faute et d’autres de l’insuffisance professionnelle.

En l’espèce, la lettre de licenciement se fonde sur plusieurs griefs, ce terme pouvant recouvrer aussi bien des faits constitutifs de fautes disciplinaires qu’une insuffisance professionnelle :

Les objectifs non atteints ;

Le refus de signer un avenant modifiant son secteur et améliorant son système de rémunération ;

Son attitude désinvolte voire impolie lors de la réunion du 2 octobre 2017 avec M. [K], directeur des ventes, et Mme [S], directrice des ressources humaines ;

Le fait de s’être rapproché de ses collègues afin qu’ils enregistrent à son insu son ancien supérieur hiérarchique, M. [L], et qu’ils remplacent les appels téléphoniques par des courriels.

Plusieurs des griefs cités dans la lettre de licenciement sont antérieurs de plus de 2 mois à l’engagement de la procédure. Il en est ainsi du refus de signer un avenant au contrat de travail proposé en septembre 2017, qui, en outre, a déjà été sanctionné par l’avertissement du 27 octobre 2017 et ne peut donc plus servir de motif à un licenciement, et de l’attitude du salarié lors de la réunion du 2 octobre 2017.

Il en est de même des demandes faites à des collègues afin qu’ils enregistrent M. [L] et qu’ils remplacent leurs appels téléphoniques par des courriels de façon systématique, puisque la société n’entend en apporter la preuve que par la production de l’attestation de Mme [W], qui évoque des faits remontant à 2016.

Cette série de faits ne peut donc justifier une sanction que si la société établit que l’attitude opposante du salarié a perduré.

Or après le troisième avertissement dont il a fait l’objet le 18 janvier 2018, M. [V] a été placé sous la responsabilité directe de M. [K], directeur des ventes, alors qu’il dépendait jusqu’alors de M. [L]. Ce dernier atteste qu’il a observé à son égard un comportement irrespectueux de façon régulière en présence de ses collègues afin de le déstabiliser, et ce jusqu’à la fin de leur collaboration. Un autre salarié, M. [X], témoigne que lors des réunions auxquelles il a assisté avec M. [V], « son comportement allait à l’encontre de l’entreprise, il essayait d’influencer ses collègues de façon négative ». Il ajoute que ce comportement « s’est accentué fin 2017 ». Ce témoignage manque de précisions et M. [V] fait remarquer qu’il n’évoluait pas dans la même équipe que M. [X]. La société affirme que lors de réunions mensuelles, tous les salariés présents sur une même zone étaient présents, mais n’en apporte pas la preuve.

Ce second témoignage apparait donc insuffisant pour corroborer celui de M. [L], supérieur hiérarchique et victime des agissements dénoncés.

En l’absence d’autres éléments apportés par la société, la cour considère par conséquent qu’il n’est pas établi que M. [V] a persisté dans une attitude opposante ou désinvolte.

Quant à l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur, celui-ci ayant infligé au salarié 3 avertissements pour le même motif les 18 septembre 2017, 27 octobre 2017 et 18 janvier 2018, il lui revient également de caractériser qu’elle s’est poursuivie après cette dernière sanction.

Or dans le contexte ci-dessus exposé, en l’absence d’avenant au contrat de travail fixant les objectifs pour 2018, alors qu’il est constant que la part de chiffre d’affaires réalisé avec l’annuaire était en forte diminution pour l’ensemble des commerciaux et que la société se fonde sur les objectifs antérieurement convenus entre les parties, il n’est pas démontré que les mauvais résultats constatés sont imputables au salarié.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

3-Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié dont l’ancienneté est de 3 ans comme M. [V] a droit à des dommages et intérêts lorsque les parties s’accordent sur sa non-réintégration, d’un montant compris entre 3 et 4 mois de salaire brut.

En l’espèce, étant donné l’âge du salarié au moment de la rupture (51 ans) et en l’absence de tout justificatif sur sa situation au regard de l’emploi, la cour fixera à 6 500 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société.

4-Sur le remboursement des allocations chômage

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du même code qui l’imposent et sont donc dans le débat, d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités.

5- Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s’exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

M. [V] soutient que l’employeur a agi de façon déloyale en lui infligeant 3 avertissements sur la fin de l’année 2017, en le privant de formation, en s’abstenant de répondre à ses sollicitations et en le plaçant sous la responsabilité de M. [K] sans qu’il ne soit intégré à l’équipe de [Localité 5], si bien qu’il n’était plus convoqué aux réunions, ne recevait plus d’informations et devait faire plusieurs centaines de kilomètres chaque semaine pour déposer les contrats conclus.

Il n’explicite toutefois pas les raisons pour lesquelles il aurait été contraint de se déplacer pour déposer les contrats, ni de quelles formations il aurait été injustement privé, alors qu’il fait écrire que la directrice des ressources humaines lui a organisé une demi-journée en binôme avec un salarié « Webdev », groupe auquel il était d’ailleurs rattaché au début de la relation contractuelle.

Sur les avertissements, la dégradation des résultats de M. [V] est incontestable et la cour relève que M. [V] n’en sollicite d’ailleurs pas l’annulation.

Pour le surplus, le rattachement de M. [V] au directeur régional relevait du pouvoir de direction de l’employeur et le salarié ne démontre pas avoir subi le moindre préjudice de ce fait.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

6-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société.

L’équité commande de la condamner à payer à M. [V] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 12 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Bourg en Bresse, sauf en ce qu’il a écarté des débats les pièces 16 bis, 44, 49 et 53 et en ce qu’il a débouté M. [Y] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau,

Y ajoutant,

Ecarte des débats la pièce 34 versée par M. [Y] [V] ;

Condamne la société Local.fr à verser à M. [Y] [V] la somme de 6 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Local.fr de rembourser le cas échéant au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [Y] [V], dans la limite de six mois d’indemnités ;

Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société Local.fr ;

Condamne la société Local.fr à payer à M. [Y] [V] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la procédure d’appel ;

Le Greffier La Présidente

 


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