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2 août 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
20/02732
PS/DD
Numéro 23/02660
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 02/08/2023
Dossier : N° RG 20/02732 – N°Portalis DBVV-V-B7E-HWAT
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[P] [G]
C/
S.A.S. CARGLASS
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 02 Août 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 15 Mars 2023, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [P] [G]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU, et Maître RIEGEL, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :
S.A.S. CARGLASS
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, et Maître MAUCCI, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 04 NOVEMBRE 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : F19/00018
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [G] a été engagé le 2 mai 2016 par la société Carglass, en qualité de chef de centre, statut cadre niveau II A, suivant contrat à durée indéterminée relevant de la convention collective nationale des services de l’automobile. Il exerçait ses fonctions au sein de l’établissement de [Localité 8].
Par lettre de mission du 31 janvier 2018, il a été missionné temporairement pour exercer les fonctions de chef de centre au sein de l’établissement de [Localité 7] pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018. Cette mission a pris fin le 28 février 2018.
Par courrier en date du 6 novembre 2018, M. [G] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement le 16 novembre 2018.
Par courrier en date du 20 novembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable le 4 décembre 2018.
Le 10 décembre 2018, il a été licencié pour faute grave.
Le 22 février 2019, il a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 4 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Mont de Marsan a :
– dit et jugé que le licenciement de M. [G] repose sur une faute grave,
– débouté M. [G] de toutes ses demandes,
– condamné M. [G] à payer à la société Carglass une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le 24 novembre 2020, M. [G] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 7 juin 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M [G] demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
en conséquence,
– dire et juger que le licenciement est irrégulier et abusif, subsidiairement non fondé sur une faute grave, ni sur un motif réel et sérieux,
– condamner la Société Carglass à lui payer :
. 9.858 € brut au titre de préavis de 3 mois, outre 985,80 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
. une indemnité légale de licenciement d’un montant de 2.156,43 €,
. la rémunération correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire, soit une somme de 4.107,50 € brut, ainsi qu’une indemnité compensatrice de « préavis » sur la période de mise à pied à titre conservatoire, soit une somme de 410,75 €,
. 3.286 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’irrégularité de la procédure,
. 16.430 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de caractère abusif et sans motif réel et sérieux du licenciement,
. 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
– condamner la Société Carglass aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20 juillet 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Carglass demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– dire et juger que le licenciement de M. [G] repose sur une faute grave,
en conséquence,
– débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions présentes et à venir et, subsidiairement, réduire le quantum des condamnations au montant minimum prévu par l’article L.1235-3 du code du travail (soit la somme de 9.858 €),
– condamner M. [G] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure de licenciement
En application de l’article L,1232-4 du code du travail, le salarié peut se faire assister lors de l’entretien préalable par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
La lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.
M. [G] soutient que la procédure de licenciement est irrégulière au motif que l’employeur n’a pas satisfait à sa demande de lui communiquer la liste des représentants du personnel susceptible de l’assister et a opposé un « blocus » afin de l’empêcher d’être assisté. La société Carglass le conteste.
M. [G] produit en pièce 11 un mail qu’il a adressé le 8 novembre 2018 à M. [M] [W] [J], responsable des ressources humaines, afin de lui communiquer la liste des représentants du personnel cadre et le mail reçu en réponse le 9 novembre 2018 portant communication de cette liste comprenant 9 délégués du personnel cadre, leur fonctions, leurs numéros de téléphone et leur localisation géographique. Contrairement à ce qu’il soutient, il a donc été satisfait à sa demande. Il produit par ailleurs, également en pièce 11, des échanges de mail avec l’employeur et un SMS du 23 novembre 2018 d’où il résulte qu’il a sollicité pour l’entretien du 16 novembre 2018, l’un des délégués du personnel cadre, M. [N], qui n’a pu se rendre disponible, puis, pour l’entretien du 4 décembre 2018, quatre des délégués du personnel cadre par SMS du 23 novembre 2018. Il ne fournit aucun élément de nature à caractériser un quelconque acte de l’employeur afin de l’empêcher d’être assisté lors de l’entretien préalable.
Il ne résulte pas de ces éléments de motif d’irrégularité de la procédure de licenciement. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande d’indemnisation de ce chef.
Sur la cause du licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, mentionne les griefs ci-après :
« . Le retrait non conforme d’un vitrage du centre de [Localité 8] afin de masquer volontairement un écart de stock.
La semaine du 15 octobre 2018, M. [E] [X], technicien vitrage au sein du centre de [Localité 8] dont vous êtes le chef de centre, a contacté M. [I] pour l’informer qu’il avait bien réceptionné sa convocation à entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement compte tenu de ses absences injustifiées mais qu’il souhaitait être convoqué sur un autre site que celui de [Localité 8]. Il indiquait également par ailleurs, être en possession d’un vitrage appartenant à la société Carglass, stocké à son domicile.
Votre responsable de région a d’une part, accédé favorablement à sa demande pour le recevoir en entretien au centre de [Localité 5] en lieu et place de celui de [Localité 8], et d’autre part, stupéfait et abasourdi par la révélation relative au stockage d’un pare-brise au domicile du technicien, a convenu d’en échanger avec lui lors de son entretien.
L’entretien préalable de M. [X] a eu lieu le 22 octobre 2018 et lors de celui-ci, M. [X] a expliqué que la veille de l’audit interne du centre de [Localité 8] de juin 2018, soit le 13 juin 2018, vous vous êtes aperçu qu’un pare-brise était en plus dans le stock physique du centre (pare-brise Toyota Lexus). Dès lors, pour éviter d’être pénalisé lors de l’audit sur cet écart entre le stock physique et le stock informatique, M. [X] nous a indiqué que vous avez décidé qu’il prenne le vitrage à son domicile.
Le vitrage a donc été chargé dans le véhicule personnel de votre collaborateur qui l’a conservé à son domicile.
Celui-ci a par la suite été absent et n’est pas revenu en centre jusqu’à son entretien préalable du 22 octobre 2018, il a donc conservé le vitrage à son domicile du 13 juin au 22 octobre 2018.
Il en résulte donc que vous avez volontairement masqué un écart de stock et ce, en dépit des règles internes et éthiques au sein de l’entreprise afin d’éviter une remarque sur un écart de stock lors de l’audit interne.
Il s’agit d’un manquement flagrant aux procédures internes auxquelles vous avez été sensibilisé et formé. En effet, en cas d’écart constaté lors de l’inventaire de stock, vous auriez dû procéder à une régularisation dudit stock et non pas donner une telle consigne à votre collaborateur.
Pour respecter la procédure interne, il vous suffisait de saisir sur le logiciel informatique “oracle” la référence de la pièce pour la répertorier dans le stock informatique.
Par ailleurs, si vous aviez vérifié la situation au lieu de chercher à la masquer, vous vous seriez aperçu que cet écart de stock faisait suite à un dysfonctionnement puisqu’un mouvement de retour avait bien été réalisé informatiquement le 9 mai 2018 sur le logiciel “oracle” sauf que le vitrage n’a pas été renvoyé à la distribution.
Outre le non-respect des procédures internes, le vitrage a été illégalement retiré du stock Carglass avec le risque d’altérer la qualité du vitrage (rayure, casse…) voire même la perte du vitrage si le collaborateur ne s’était pas manifesté. Par ailleurs, vous avez imposé cette décision malgré les risques sur la santé et la sécurité de votre collaborateur à manipuler un pare-brise sans le matériel adéquat et hors de l’atelier Carglass.
En tant que chef de centre, statut cadre, vous êtes garant du respect de l’ensemble des règles internes et des valeurs Carglass qui sont : “respect, intégrité, confiance”.
En masquant un écart de stock positif et en demandant à l’un de vos collaborateurs de dissimuler le pare-brise en surplus à son domicile, vous avez manifestement violé les règles internes de la société, ce qui est totalement inacceptable.
. La réalisation d’un faux diagnostic de réparation d’impact à l’insu d’un client de la société
Lors de l’enquête diligentée interne, nous avons eu connaissance début novembre 2018 que vous avez réalisé délibérément un faux diagnostic de réparation d’impact le 7 mars 2018.
En effet, le 7 mars 2018, une cliente s’est présentée au centre afin de réaliser le remplacement de la lunette arrière sur son véhicule de marque Citroën Berlingo immatriculé [Immatriculation 3] (numéro DI 66615890). Cependant au lieu de réaliser un contrôle du véhicule conformément aux procédures internes, vous avez volontairement impacté son pare-brise afin de créer un impact alors qu’il n’y avait qu’un éclat de surface et ce, afin de déclarer une réparation d’impact alors que le vitrage ne le nécessitait pas ; seule la lunette arrière étant à changer.
Un de vos collaborateurs présents au centre, M. [U] [O], a constaté votre man’uvre frauduleuse et a refusé de réaliser l’intervention de réparation d’impact.
Vous avez donc délibérément abusé de la confiance du client et par une telle man’uvre, vous avez également tenté de commettre une fraude à l’assurance. Le pare-brise s’est finalement fissuré et vous avez donc été tenu de prendre en charge le vitrage dans le cadre d’une garantie.
Votre man’uvre frauduleuse, apparemment destinée à améliorer les résultats et le classement du centre de [Localité 8] est inacceptable et une fois encore, en parfaite contradiction avec les valeurs de l’entreprise et sa réglementation interne (notamment son code de conduite). Une telle man’uvre a également causé divers préjudices à la société en termes d’image ou en termes financiers (celle-ci étant contrainte de prendre en charge la garantie sur le pare-brise de la cliente).
. La vente frauduleuse et abusive d’un filtre d’habitacle à un client
Compte tenu de vos agissements précédents, nous avons souhaité mené une enquête et avons entendu plusieurs collaborateurs de votre centre à compter de début novembre 2018.
Au cours de cette enquête, M. [U] [T], technicien vitrage, a indiqué vous avoir vu volontairement souillé un filtre d’habitacle du véhicule d’un client, pourtant en bon état, afin de vendre un filtre d’habitacle neuf.
Cela concerne une intervention en date du 25 septembre 2018 sur le véhicule de marque Peugeot 208 appartenant à M. [A].
Au surplus, vous avez attribué la vente à M. [Z] [C], technicien vitrage confirmé, pourtant absent le jour de l’intervention et de la vente.
Vous avez ainsi et une nouvelle fois, abusé de la confiance d’un client en lui vendant un filtre d’habitacle d’une valeur de 49,90 euros afin, une fois encore d’améliorer faussement les résultats du centre.
Nous vous rappelons que le code de conduite de la société, notamment, vous impose d’agir de manière professionnelle et avec intégrité. Vous devez ainsi communiquer de façon honnête et loyale avec chaque client, ce qui n’a pas été le cas.
Un tel comportement n’est à nouveau pas acceptable et tolérable au sein de la société Carglass.
. Le non-respect des procédures liées à la planification des rendez-vous clients
Le 5 novembre 2018, un client a annulé son rendez-vous planifié le 12 novembre 2018 concernant son véhicule de marque Renault Scenic immatriculé [Immatriculation 4] en contactant la direction du service client (DI 68545378).
Cependant, au lieu de prendre en compte cette annulation, vous avez délibérément remis l’intervention sur le planning du logiciel interne “remedy” afin de remplir fictivement le planning de charge de votre centre.
Le seul intérêt de cette man’uvre est de conserver un maximum de collaborateurs de votre équipe au sein du centre de [Localité 8] et donc, d’éviter pour vous de devoir réaliser certaines tâches en cas de détachements de techniciens de votre centre sur d’autres sites.
Vous avez également procédé ainsi concernant l’intervention sur le véhicule de marque Renault Clio immatriculé [Immatriculation 6] (DI 68532295), planifiée le 12 novembre 2018 et finalement annulée.
Ces agissements sont une fois encore totalement inacceptables, en remplissant fictivement un planning de charge, vous empêchez la direction du service client de positionner des rendez-vous et vous faites également obstacle à ce que des créneaux soient proposés aux clients lorsqu’ils se présentent directement à votre centre donc, vous causez une perte potentielle de clients pour votre centre. »
En application de l’article 1235-1 du code du travail, tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties ; s’il subsiste un doute, il profite au salarié. Par ailleurs, M. [G] ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l’employeur d’établir que la faute commise par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail est d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis.
Suivant l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites. La prise en compte d’un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s’il s’est poursuivi ou réitéré dans ce délai.
Le délai de deux mois s’apprécie du jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c’est à l’employeur qu’incombe la charge de la preuve qu’il n’a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire.
La réalisation invoquée d’un faux diagnostic de réparation d’impact après la dégradation volontaire du pare-brise d’un client le 7 mars 2018 est antérieure de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement, et l’employeur soutient, sans fournir le moindre élément de preuve, qu’il en a eu connaissance à l’occasion d’une enquête qu’il aurait menée au début du mois de novembre 2018. Ce fait est donc prescrit.
Concernant l’enlèvement d’un pare-brise du stock physique du centre de [Localité 8] le 13 juin 2018, il résulte d’une attestation de M. [S] [I], responsable de région, que l’employeur en a été informé le 22 octobre 2018 à l’occasion d’un entretien préalable à un licenciement pour abandon de poste de M. [E] [X], technicien vitrage de l’établissement de [Localité 8]. La procédure disciplinaire a ensuite été engagée dans le délai de deux mois. Ce fait n’est donc pas prescrit.
S’agissant de la matérialité de ce grief, M. [I], responsable de région, a attesté que « M. [X] lui a signalé que son chef de centre [M] [R] [G] lui avait demandé de récupérer un pare-brise qui était en trop dans le stock et cela afin de ne pas être pénalisé le lendemain jour de l’audit le 14 juin 2018 », et M. [Z] [C], technicien vitrage, a attesté le 7 novembre 2018 que « le mercredi 13 juin 2018, un pare-brise de lexus a été mis dans le véhicule de M. [X] [E], car il n’était pas en stock dans le centre. De mon point de vue la décision a été prise par nous, et personne n’a demandé que ce soit [E] [X] qui le prenne dans sa voiture », puis, le 19 novembre 2018, que « le mercredi 13 juin 2018, en présence de mon chef de centre [M] [R] [G], de [E] [X], technicien vitrage et moi-même, un pare-brise de Toyota lexus appartenant au stock de Carglass de [Localité 8] a été mis volontairement dans le véhicule de M. [X] [E] afin que le centre ne soit pas pénalisé lors de l’audit du 14 juin 2018. Je reconnais avoir déjà effectué une première déclaration le 7 novembre 2018 mais précise les faits qui se sont déroulés ». Les deux attestations établies par M. [C] sont conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et M. [G] allègue sans l’établir qu’elles ont été obtenues par l’employeur par contrainte. Il est produit par ailleurs un extrait du logiciel de gestion de stock d’où il résulte que ce pare-brise a été réceptionné à [Localité 8] le 20 avril 2018 et mentionné comme retourné le 9 mai 2018. Il résulte de ces éléments qu’il est établi que M. [G] a, le 13 juin 2018, d’un commun accord avec M. [C] et M. [X], participé à l’enlèvement dudit pare-brise du stock physique de l’établissement de [Localité 8], ce, en prévision d’un audit à intervenir le 14 juin 2018, et qu’il n’a rien entrepris ensuite pour que le pare-brise soit effectivement expédié au service auquel il devait être matériellement retourné. Il entrait dans ses fonctions, suivant la fiche de poste signée par lui et versée aux débats, d’être « garant de la bonne gestion et de la fiabilité du stock ».
Concernant la vente frauduleuse d’un filtre d’habitacle à un client, l’employeur produit :
– une attestation du 12 novembre 2018 de M. [U] [T], technicien vitrage, qui « certifie avoir vu [M] [R] [G] (mon chef de centre) salir un filtre habitacle pour le vendre à la cliente (dossier n° 68259846). En plus cette vente a été attribuée à M. [C] absent ce jour là » ;
– un extrait d’un logiciel relativement au dossier n° 68259846 d’où il résulte qu’il portait sur un forfait de remplacement d’un filtre habitacle le 25 septembre 2018 ;
– un extrait d’un logiciel NetFr d’où il est permis de déterminer que la vente de cette prestation complémentaire à celle du remplacement de balais d’essuie-glace a été attribuée à M. [C] et que font l’objet d’un relevé quantitatif les demandes d’intervention obtenues par l’établissement et par chaque salarié à l’exclusion du chef de centre et donc de M. [G].
Il est ainsi caractérisé que M. [G] a volontairement dégradé le filtre d’habitacle du véhicule d’un client pour vendre une prestation complémentaire. Suivant sa fiche de poste, il entrait dans ses attributions « d’agir en conseiller auprès du client ».
Concernant le non-respect des procédures liées à la planification des rendez-vous clients, l’employeur produit :
– une attestation de M. [F] [V], cadre, qui indique que, « responsable du centre de [Localité 8] le 12 novembre 2018, le premier client ne s’est pas présenté au rendez-vous, j’ai ouvert le dossier (DI n° 68545378) et me suis aperçu que le client avait annulé le rendez-vous le 5 novembre 2018 à 16 h 21 en appelant le call center. M. [G] chef de centre n’a pas annulé le dossier mais l’a remis au planning Remedy le 5 novembre 2018 à 16 h 24 pour un rendez-vous fictif le 12 novembre à 14 h 30. Idem pour la DI n° 68532295 » ;
– un extrait d’un logiciel relativement à la demande d’intervention n° 68545378 suivant lequel un rendez-vous été pris au 12 novembre 2018 à 14 h ; le 5 novembre 2018 à 16 h 21, le centre d’appel a informé l’établissement de [Localité 8] de l’annulation du rendez-vous par le client faute d’assurance, puis M. [G] est intervenu sur le logiciel le même jour à 16 h 24 et a planifié une tâche en atelier le 11 décembre 2018 à 14 h 30 ;
– un extrait du logiciel relativement à la demande d’intervention n° 68532295 suivant lequel un rendez-vous été pris au 12 novembre 2018 à 8 h ; le 3 novembre 2018 à 9 h 36, le centre d’appel a informé l’établissement de [Localité 8] de l’annulation du rendez-vous par le client pour s’être vu recommandé par son assureur un concurrent duquel il a obtenu un rendez-vous à une date plus proche, puis M. [G] est intervenu sur le logiciel le 5 novembre 2018 à 15 h 37 et a planifié une tâche en atelier le 11 décembre 2018 à 7 h.
Il résulte de ces éléments qu’il est établi que M. [G], informé de l’annulation de deux rendez-vous, au lieu d’annuler les tâches en atelier correspondantes, a fictivement planifié deux nouvelles tâches en atelier. Il entrait dans ses fonctions, suivant sa fiche de poste, « de maîtriser les outils de planification », « d’optimiser les plannings de charge et du personnel, dans le respect des règles opérationnelles et légales (notamment sur le temps de travail) », « d’anticiper et argumenter les besoins en personnel ».
Ainsi, les trois griefs d’enlèvement d’un pare-brise du stock physique de l’établissement, de dégradation volontaire du filtre habitacle du véhicule d’un client préalablement à la vente d’un nouveau filtre, et de non annulation de tâches en atelier et de programmation de tâches fictives en atelier nonobstant l’annulation de demandes d’intervention par deux clients sont caractérisés. Il s’agit là de manquements par M. [G] à ses obligations contractuelles qui mettent en outre chacun en cause son intégrité à l’égard tant de l’employeur que de la clientèle de ce dernier de sorte qu’ils étaient, pris dans leur ensemble, d’une gravité telle qu’ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Dès lors, la faute grave est caractérisée et les demandes indemnitaires de M. [G] doivent être rejetées. Le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
M. [G], qui succombe, sera condamné aux dépens exposés en appel et déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Eu égard à la situation économique respective des parties, la demande présentée de ce chef par la société Carglass sera également rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Mont de Marsan du 4 novembre 2020,
Y ajoutant,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [G] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseillère, par suite de l’empêchement de Madame CAUTRES, Présidente, conformément aux dispositions de l’article 456 du code de la procédure civile, et par Madame BARRERE, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, POUR LA PRÉSIDENTE EMPECHEE