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19 mai 2022
Cour d’appel de Nancy
RG n°
21/00701
ARRÊT N° /2022
PH
DU 19 MAI 2022
N° RG 21/00701 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EXQ6
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGWY
21/00012
01 mars 2021
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
Association AFOREST représentée par son représentent légal, poursuites et diligences, pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur [V] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Monsieur [K] [N], défenseur syndical régulièrement muni d’un pouvoir de réprésentation
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président :WEISSMANN Raphaël,
Conseiller : STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats :RIVORY Laurène
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 24 mars 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 19 mai 2022;
Le 19 mai 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [V] [R] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par l’association AFOREST à compter du 01 octobre 2018, en qualité de formateur responsable du pôle soudure chaudronnerie, cadre position II.
Par courrier du 20 décembre 2019, Monsieur [V] [R] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 07 janvier 2020.
Par courrier du 10 janvier 2020, Monsieur [V] [R] a été licencié pour faute grave.
Par requête du 28 janvier 2020, Monsieur [V] [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Longwy, aux fins de contestation de son licenciement pour faute grave.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Longwy rendu le 01 mars 2021, lequel a :
– déclaré que le licenciement dont a fait l’objet Monsieur [V] [R] le 10 janvier 2020 ne repose pas sur une faute grave ;
– requalifié le licenciement de Monsieur [V] [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné l’association AFOREST à verser à Monsieur [V] [R] les sommes suivantes :
– 4.101 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 700 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
– et dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal en vigueur à compter du prononcé du présent jugement
– 1.043,66 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 8.202 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle compensatrice de préavis ;
– 802,20 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
– et dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal en vigueur à compter de la date de la rupture soit le 10 janvier 2020 ;
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement en application de l’article R 1454-28 du code du travail et de l’article 515 du code de procédure civile, en sa totalité ;
– condamné l’association AFOREST, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens de l’instance, y compris ceux liés à l’exécution du présent jugement ;
– débouté Monsieur [V] [R] de ses demandes plus amples ou contraires au dispositif.
Vu l’appel formé par l’association AFOREST le 17 mars 2021,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de l’association AFOREST déposées sur le RPVA le 30 novembre 2021, et celles de Monsieur [V] [R] reçues au greffe le 09 septembre 2021,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 09 février 2022,
L’association AFOREST demande :
– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longwy ;
– statuant de nouveau,
– de débouter Monsieur [V] [R] de l’intégralité de ses demandes ;
– de condamner Monsieur [V] [R] à verser à l’association AFOREST la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de le condamner aux entiers dépens.
Monsieur [V] [R] demande :
– de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Longwy en ce qu’il a :
– condamné l’association AFOREST à verser à Monsieur [V] [R] les sommes suivantes :
– 4.101 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– 700 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
– et dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal en vigueur à compter du prononcé du présent jugement
– 1.043,66 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 8.202 euros bruts au titre de l’indemnité conventionnelle compensatrice de préavis;
– 802,20 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
– et dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal en vigueur à compter de la date de la rupture soit le 10 janvier 2020 ;
– condamné l’association AFOREST aux entiers dépens ;
– statuant à nouveau,
– de condamner l’association AFOREST à verser à Monsieur [V] [R] les sommes suivantes :
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour en sus de la somme déjà alloué par les premiers juges ;
– subsidiairement,
– 2 733,14 euros au titre de l’indemnité de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement ;
– 8 202,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de Monsieur [V] [R] reçues au greffe le 09 septembre 2021, et aux dernières écritures de l’association AFOREST déposées sur le RPVA le 30 novembre 2021.
Sur le licenciement pour faute grave :
L’employeur indique que l’association AFOREST est un organisme de formation professionnelle qui gère six centres implantés dans l’espace transfrontalier du Grand Est ; que Monsieur [V] [R] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2018, en qualité de formateur et responsable de pôle Soudure / chaudronnerie, cadre position II.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et rédigée en ces termes :
« Vous ne vous êtes pas présenté à un entretien préalable pour lequel vous étiez convoqué le 07 janvier 2020 à 17 heures. Nous vous Informons, par la présente de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :
-Comportement inapproprié envers sa hiérarchie et ses collègues,
-Non-respect des procédures internes de manière récurrente au sein de l’entreprise.
En date du vendredi 20 décembre 2019, le responsable du centre d'[Localité 5] vous a informé oralement puis par mail que votre comportement était dangereux pour vous-même et pour les stagiaires que vous encadriez. En effet, et ce malgré plusieurs remarques du responsable de centre et d’autres formateurs présents, vous n’avez pas tenu compte des directives qui vous étaient données concernant la mise en place du lot mobile de soudure et un accident grave a été évité de justesse.
En date du mardi 26 novembre 2019, vous avez reçu un mail dans lequel il était stipulé que plus aucunes dépenses ne devaient être engagées sans l’accord de la direction. Malgré cela, vous avez continué à passer « oralement » des commandes de matériel alors que vous n’étiez pas autorisé à le faire. Lors d’un entretien datant du vendredi 29 novembre 2019, je vous ai explicitement demandé si vous aviez commandé du matériel de type « veste soudure pour des stagiaires », Dans un premier temps, vous m’avez répondu « non » puis quelques minutes après « oui » mais je n’ai pas encore reçu la livraison. Lorsque je vous ai demandé comment cela se faisait-il que des vestes étaient livrées dans notre centre d'[Localité 5], vous n’avez pas su justifier cela.
Lors de cet entretien je vous ai également rappelé que les bons de commande devaient être réalisés suivant la procédure validée par la direction d’AFOREST depuis de nombreuses années. Je vous ai également rappelé que les pôles n’étaient pas autorisés à engager des dépenses au-delà de 500 euros HT. Lorsque je vous ai demandé pourquoi vous aviez passé des commandes au-delà de ce montant (quelques milliers d’euros), vous m’avez répondu que vous n’aviez pas le choix
En date du jeudi 21 novembre 2019, vous avez reçu un mail de la part de la responsable des stages conventionnés vous demandant pour quelle raison vous ne respectiez pas les règles et procédures de notre association. Ce même jour, vous avez répondu par mail « Moi, je fais des formations adultes ».
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise.
Votre licenciement pour faute grave est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter de la première réception de ce courrier » (pièce n° 13 de l’appelant).
L’employeur articule ainsi deux griefs :
– Sur les dépenses engagées par Monsieur [V] [R] sans l’accord de la direction :
L’employeur fait valoir que le salarié a effectué des commandes de matériel sans l’accord obligatoire de la direction, alors qu’il avait été rappelé à l’ordre sur ce point par un courriel du 26 novembre 2019 (pièce n° 15 de l’appelant). Or, il a commandé le 29 novembre 2019 des vestes de soudure sans en demander l’autorisation.
Le salarié fait valoir que sa dernière commande remonte au 20 novembre 2019 (pièce n° 8).
Sur ce :
Il ressort d’un courriel du 26 novembre 2019, produit par l’employeur (pièce n° 4) que celui-ci a indiqué aux salariés de l’association, dont Monsieur [V] [R], « à compter de ce jour plus aucunes dépenses non validées par ma part ne seront acceptées (matériel, consommables, restaurant, nuit à l’hôtel).»
Cependant il ne ressort d’aucune des pièces produites par l’employeur que Monsieur [V] [R] aurait passé des commandes, notamment de vestes pour soudeur, postérieurement au 26 novembre 2019. Les bons de commande et les factures produits ne permettent pas d’identifier le ou les auteurs de ces commandes, et notamment pas s’agissant des vestes de soudeur, dont la date de commande n’est pas spécifiée (pièces n°6 et 14).
En outre, l’employeur ne produit aucune pièce antérieure au 26 novembre 2019, indiquant la procédure à suivre par ses salariés pour les commandes de matériels
Au vu ce de ces éléments, le grief de dépenses engagées sans l’accord de la direction n’est pas démontré par l’employeur.
– Sur les agissements dangereux de Monsieur [V] [R] :
L’employeur fait valoir que le responsable du centre d'[Localité 5], sur lequel intervenait Monsieur [V] [R], a constaté le 20 décembre 2019 que les stagiaires prenaient leur petit déjeuner au lieu d’être au travail, que plusieurs d’entre eux avaient reçu des premiers soins pour des brûlures, des corps étrangers dans les yeux et une coupure à la jambe à la suite d’une chute dans les escaliers ; qu’un accident avait été évité de peu car lors de l’opération d’agencement du centre demandé à Monsieur [V] [R], ce dernier ayant failli lui-même en être victime et qu’il s’était fait assisté par un stagiaire dont ce n’était pas la tâche et qu’il l’a ainsi mis en danger.
Monsieur [V] [R] fait valoir qu’il a reçu pour instruction le 20 décembre 2019 à huit heures du matin de mettre en place un ilot de soudage dans le lieu de formation, laquelle commençait à huit heures trente. Il indique que le pied d’un panneau de séparation de box a cassé, entraînant dans sa chute les panneaux déjà installés. S’il reconnaît qu’un stagiaire était sur les lieux, il conteste lui avoir demandé de l’aider dans cette opération.
Sur ce :
L’employeur produit un courriel de Monsieur [Y], responsable du centre d'[Localité 5], indiquant qu’à 9H15, tous les stagiaires prenaient leur petit déjeuner « sauf un qui aide [V] sur une action d’aménagement du centre que de je lui ai demandé ».
Dans ce même courriel, Monsieur [Y] indique que le salarié « a failli être écrasé par la moitié des parois du lot mobile. Le travail à deux, avec un des stagiaires, a généré cet évènement auquel j’ai assisté » (pièces n° 9).
Il ressort donc de ce document que, d’une part le « comportement dangereux » de Monsieur [V] [R] a résulté d’un ordre qui lui a été donné par Monsieur [Y] et n’a donc pas été spontané et, d’autre part que si Monsieur [Y] a demandé des explications au salarié sur le fait que les stagiaires n’étaient pas à leurs postes de travail, il n’en a pas demandé sur l’aide qu’il aurait reçue de l’un des stagiaires pour l’aménagement du centre.
L’employeur produit également un rapport rédigé par Monsieur [S], indiquant avoir été témoin de l’incident survenu lors de l’aménagement du centre et confirmant que Monsieur [V] [R] était aidé d’un stagiaire. Cependant il ne ressort pas de ce rapport que Monsieur [S] ait fait quelque remarque que ce soit à Monsieur [V] [R] sur l’aide apportée par l’un des stagiaires (pièce n° 10).
En outre aucune pièce n’est produite démontrant que le stagiaire accompagnant Monsieur [V] [R] ait été mis en danger par ce dernier.
La cour constate enfin que l’employeur ne produit aucune consigne écrite concernant les mesures de sécurité à prendre concernant les stagiaires et notamment pas sur les lieux de formation.
Enfin, s’il est fait mention de stagiaires ayant reçu des « premiers soins », aucune précision n’est donnée sur les circonstances dans lesquelles ils auraient été blessés.
Au vu de ces éléments, le grief « d’agissements dangereux » n’est pas démontré par l’employeur.
Motivation :
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il ressort de l’ensemble des éléments développés ci-dessus que l’employeur de ne démontre pas la réalité des faits reprochés à Monsieur [V] [R] dans la lettre de licenciement.
Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.
Sur l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le salarié demande la somme de 4101 euros.
Le quantum de cette somme n’étant pas contesté par l’employeur, il devra la verser à Monsieur [V] [R], le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
Le salarié demande les sommes de 8202 euros, outre 802,20 euros au titre des congés payés y afférant.
Le quantum de ces sommes n’étant pas contesté par l’employeur, il devra les verser à Monsieur [V] [R], le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.
Sur l’indemnité légale de licenciement :
Le salarié demande la somme de 1043,66 euros.
Le quantum de cette somme n’étant pas contesté par l’employeur, il devra la verser à Monsieur [V] [R], le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
L’association AFOREST devra verser à Monsieur [V] [R] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles et sera débouté de sa propre demande sur ce point.
L’association AFOREST sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
En outre :
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail il y lieu d’ordonner le remboursement par l’association AFOREST des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à Monsieur [V] [R] postérieurement à son licenciement, dans la limite de 6 mois.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de LONGWY du 1er mars 2021 dans toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT
Condamne l’association AFOREST à verser à Monsieur [V] [R] la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute l’association AFOREST de sa demande euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association AFOREST aux entiers dépens,
Ordonne le remboursement par l’association AFOREST des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à Monsieur [V] [R] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en huit pages