Non-respect des procédures internes : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08366
Non-respect des procédures internes : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08366
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17 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/08366

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 17 JANVIER 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08366 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CANBM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/02737

APPELANT

Monsieur [X] [U]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représenté par Me Cécile BEILVAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0764

INTIMEE

Me [P] ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SAS WOODBRASS.COM

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Blandine DUTILLOY, avocat au barreau de PARIS, toque : P168

SAS WOODBRASS.COM

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Blandine DUTILLOY, avocat au barreau de PARIS, toque : P168

PARTIE INTERVENANTE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE RENNES

[Adresse 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère

Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– rendu par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [U], embauché par la société WOODBRASS.COM à compter du 10 mars 2009 en qualité de directeur de magasin, au dernier salaire mensuel brut de 5.032,19 €, a été licencié pour faute grave par lettre du 8 août 2016 énonçant le motif suivant :

‘… Nous avons été alertés depuis le mois de décembre dernier par plusieurs plaintes de la part des salariés des magasins de [Localité 11], dont vous êtes le responsable, faisant état d’un mal être et de graves difficultés de communication avec vous, ce qui a conduit deux d’entre eux à quitter l’entreprise.

Ces réclamations m’ont donc incité, en collaboration avec les représentants du personnel, à diligenter une enquête interne sous forme de questionnaire qui a été adressé à l’ensemble du personnel de l’entreprise au mois de février dernier et dont le bilan a été effectué par le CHSCT.

Il en est ressorti un réel mécontentement des salariés de l’entreprise, qui se plaignent de votre manque de respect et de reconnaissance, notamment en ce qui concerne la prise en compte de leurs demandes sur l’équipement et l’aménagement des magasins de [Localité 11], mais également d’un manque de communication vis-à-vis de l’administration de [Localité 12], que vous avez délibérément entretenu. Suite à cette enquête interne, plusieurs salariés ont confirmé que votre comportement affectait leurs conditions de travail. Certains salariés nous ont fait part du fait que vous ne les encadriez pas suffisamment déléguant nombre de vos responsabilités et ont confirmé que votre comportement dénotait un manque de respect à leur égard.

A cette occasion, nous avons également découvert que vous teniez des propos déplacés auprès du personnel de l’entreprise ou le concernant. Une salariée des bureaux de [Localité 12] s’est ainsi plainte le 19 juillet dernier de propos grossiers et totalement déplacés que vous avez tenu auprès d’elle et d’un client le 10 mai dernier, lors de sa visite dans les magasins de [Localité 11]. Le fait que vous teniez régulièrement ce type de propos vis-à-vis du personnel de l’entreprise et des clients a par ailleurs été confirmé par d’autres salariés.

Les faits révélés au cours de l’enquête interne et les témoignages recueillis depuis lors ont donc mis en évidence une réelle dégradation des conditions de travail des salariés des magasins de [Localité 11], avec un personnel déstabilisé et en état de stress du fait de vos méthodes de management, qui ont pour effet de les isoler et de les insécuriser.

A ces agissements parfaitement inacceptables s’ajoutent un non-respect récurrent des procédures internes (RH, informatique, comptabilité) et un manque de suivi des projets qui vous sont confiés (notamment, en dernier lieu, l’ouverture du magasin de JJ3 situé au [Adresse 2], qui était prévue le 30 juillet 2016 et qui a dû être retardée faute d’équipements suffisants) ce qui impacte le bon fonctionnement des magasins et que nous ne pouvons tolérer davantage …’

Par jugement du 25 juin 2019, le Conseil de prud’hommes de PARIS a débouté M. [U] de ses demandes, notamment à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail.

M. [U] en a relevé appel.

La société WOODBRASS a été mise en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de NANTES en date du 1er octobre 2020. Par jugement du 23 juin 2021. M. [U] a fait intervenir en la cause la SELARL AJ UP, en la personne de Maître [F] [P],en qualité de Commissaire de la société WOODBRASS.COM, ainsi que la SELARL [L] MJO, en la personne de Maître [E] [L], en qualité de mandataire judiciaire. M. [U] a également attrait les AGS. L’AGS ne s’est pas constituée.

Le Tribunal de commerce de Nantes a arrêté un plan de redressement par jugement du 23 juin 2021 et nommé un commissaire à l’exécution du plan en la personne de Maître [F] [P].

Par conclusions récapitulatives du 28 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [U] demande à la cour d’infirmer le jugement, de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société WOODBRASS.COM à lui verser les sommes suivantes :

– Rappel de salaire pendant la mise à pied du 22 juillet au 8 août 2019 : 2410,51 euros bruts

– Congés payés afférents : 241,05 euros bruts

– Indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 15.096,56 euros bruts

– Congés payés sur préavis : 1.509,65 euros bruts

– Indemnité de licenciement : 9.272,00 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 106.974,00 euros

– dommages-intérêts pour exécution déloyale dans l’exécution du contrat de travail : 17829,00 euros

– rappel sur heures supplémentaires d’avril 2014 jusqu’au licenciement : 27836,70 euros bruts ainsi que 2.783,67 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

– rappel sur repos compensateur pour les années 2014 et 2015 : 14.350,00 euros bruts, ainsi 1435,00 euros bruts à titre de congés payés afférents.

Il demande en outre :

– de fixer son salaire de référence à la somme de 5.942,96 euros bruts mensuels ;

– de condamner la société WOODBRASS.COM à lui verser 35658,00 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L.8223-1 du code du travail;

– d’enjoindre la société WOODBRASS.COM à lui délivrer des bulletins de paie et des documents sociaux conformes à la décision sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard et par document, et notamment un certificat de travail mentionnant l’intitulé de poste « directeur de magasins » ;

– de condamner la société WOODBRASS.COM à lui verser 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et éventuels frais d’exécution.

Par assignation en intervention par acte du 27 juillet 2021signifiée à étude, M. [U] demande de fixer les sommes susvisées au passif de la societe WOODBRASS.COM et demande de condamner les AGS à garantir le versement de ces sommes.

L’AGS CGEA de Rennes n’a pas conclu, ni comparu.

Par conclusions récapitulatives du 4 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société WOODBRASS.COM, et Maître [P] es qualité de commissaire à l’exécution du plan demandent de confirmer le jugement, de débouter M. [U] de ses demandes, et de le condamner à verser à la société WOODBRASS.COM la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ansi qu’aux dépens de la procédure et d’autoriser le cabinet SHUBERTCOLLIN ASSOCIES à en poursuivre le recouvrement à son encontre sur le fondement des dispositions de l’article 699 du sode de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions développées lors de l’audience des débats.

****

MOTIFS

Sur la prescription

Principe de droit applicable :

Aux termes de l’article L1332-4 du code du travail, ‘ Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales’.

Application du droit à l’espèce

M. [U] invoque la prescription des faits fautifs sur le fondement de l’article L.1332-4 du code du travail. Il explique que certains griefs remontent à plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, en rappelant que les plaintes sont datées de décembre 2015, soit plus de 6 mois avant sa convocation à l’entretien préalable, et que des pièces font état de griefs qui remontent à bien plus deux mois avant la mise en en ‘uvre de la procédure de licenciement pour faute grave.

Au vu des pièces versées au débat, le processus initial qui a conduit par la suite à l’employeur à reprocher des faits à M. [U] a débuté par une lettre adressée au PDG de la société WOODBRASS.COM par M. [K] le 8 décembre 2015. Ce salarié sollicitait une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Il expliquait qu’il ne pouvait plus travailler avec le directeur de magasin et faisait état d’une politique de la ‘terreur’. Cependant, à ce stade, l’employeur n’avait pas connaissance de faits réels et circontanciés imputables à M. [U].

Une enquête interne a été menée par la suite auprès du personnel de l’entreprise en février 2016. Selon l’employeur, cette enquête menée à partir de questionnaires adressés au personnel de l’entreprise montre la réalité d’un mécontentement des salariés des magasins de [Localité 11] gérés par M. [U], des problèmes de respect et de reconnaissance et un manque de communication mais, là encore, cette enquête ne désigne pas M. [U] comme étant l’auteur de faits fautifs caractérisés.

En réalité, l’employeur a pris pleinement connaissance d’un comportement qu’il qualifie de fautif lorsque Mme [M], salariée, s’est plainte dans un courrier du 19 juillet 2016 de propos humiliants et sexistes tenus à son égard et lorsque, le 21 juillet 2016, M. [N], Directeur commercial et Responsable des achats de l’entreprise, a adressé au Président de la société WOODBRASS.COM un courrier dénonçant le manque de suivi de l’entretien des magasins et des propos inappropriés sur les collaborateurs des magasins et du siège et des clients.

Ce sont ces éléments mettant en cause M. [U] qui ont conduit l’employeur à convoquer l’intéressé le 22 juillet 2016 à un entretien préalable en vue d’un licenciement pour faute grave.

Il s’ensuit que que la poursuite disciplinaire à l’encontre de M. [U] a été engagée moins de deux mois à compter du jour où l’employeur a pris pleinement connaissance d’un comportement fautif qu’il reproche à l’intéressé. Dès lors, le moyen tiré de la prescription doit être rejeté.

Sur les motifs du licenciement

Principe de droit applicable :

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Application du droit à l’espèce

La lettre de licenciement reproche à M. [U] un manque de respect et de reconnaissance dans la prise en compte de demandes de salariés sur l’équipement et l’aménagement de magasins, un manque de communication, un manque d’encadrement, un manque de respect du personnel et notamment des propos déplacés auprès du personnel de l’entreprise.

La lettre de licenciement fait aussi état d’une dégradation des conditions de travail des salariés, d’un personnel déstabilisé et en état de stress du fait de méthodes de management qui ont pour effet d’isoler et d’insécuriser les salariés.

La lettre de licenciement invoque en outre un non-respect des procédures internes et un manque de suivi des projets qui confiés à M. [U].

Cependant, cette lettre fait état de griefs énoncés de façon vague et n’apporte aucun élément circontancié sur des faits précis reprochés à l’intéressé.

Par ailleurs, le compte rendu de l’entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 3 août 2016 n’apporte aucun élément sur des faits précis, circontanciés et datés reprochés à M. [U]. Il est fait état de dysfonctionnements, de problèmes relationnels et de management, de propos déplacés, du non suivi des procédures et des projets. M. [U] sollicitait alors avec insistance des précisions sur ce qui lui était reproché, mais aucun élément précis ne lui était apporté, et le Président M. [T], qui tenait l’entretien allait même jusqu’à dire à l’intéressé : ‘je n’ai pas à t’exposer des faits’. Le seul élément tangible auquel se référait alors l’employeur est l’enquête interne qui avait été menée.

M. [U] conteste l’ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, qu’il s’agisse de manquements managériaux, d’un non-respect des procédures internes, ou d’un manque de suivi des projets. Il rappelle qu’il était en poste depuis mars 2009 et que, pendant plus de six années au service de l’entreprise, il n’a fait l’objet d’aucune observation sur son comportement à l’égard des salariés, de sa hiérarchie ou de clients, ou encore sur son management, ou sur des manquements dans le cadre de ses fonctions. Enfin, il s’interroge sur la proportionnalité entre ce qui lui est reproché et la sanction d’un licenciement pour faute grave. Selon lui, la Direction souhaitait se séparer de lui à moindre coût.

Aux termes de ses écritures, la société WOODBRASS.COM soutient que la matérialité des griefs invoqués à l’appui du licenciement pour faute grave de M. [U] est établie, tant au regard de manquements managériaux que du manque de respect des procédures internes et de suivi des projets.

Sur le premier grief qualifié de manquements managériaux

Les éléments versés par l’employeur pour justifier un licenciement pour faute grave sont essentiellement les suivants :

– un courrier de la part d’un salarié (M. [K]) au Président le 8 décembre 2015 , expliquant qu’il ne pouvait plus travailler avec le Directeur de magasin et demandant une rupture conventionnelle. Ce courrier exprime un ‘ressenti’ négatif, mais n’apporte aucun élément précis et circonstancié sur un comportement fautif de M. [U].

– Une enquête interne menée au moyen de questionnaires anonymes établis par le SHST transmis à l’ensemble du personnel de l’entreprise en février 2016. Les résultats de l’enquête sont consignés dans un document sous différentes rubriques (santé au travail, adéquation travail/attentes, degré d’initiative et d’autonomie du salarié, le salarié par rapport à ses supérieurs, appréciation de l’attitude de la hiérarchie, bien-être au travail…). La société WOODBRASS.COM fait valoir que l’enquête démontre notamment un mécontentement de certains salariés des magasins de [Localité 11] et un manque de communication. Cependant, l’analyse de l’enquête ne fait pas ressortir d’éléments tangibles sur des fautes qui auraient pu être commises par la hiérarchie et ne révèle aucun fait visant nommément M. [U].

– M. [D], salarié, a adressé une lettre à la société WOODBRASS.COM le 25 avril 2016 demandant une rupture conventionnelle de son contrat de travail sans en indiquer de motif. Ce n’est que le 21 juin 2017 qu’il a attesté avoir eu une dispute avec M. [U] le 9 janvier 2016. Il évoque du chantage, de l’abus de pouvoir, du harcèlement sans toutefois apporter d’élément précis et circonstancié sur de telles accusations. Il en aurait alors informé l’employeur par une lettre, mais au vu des éléments versés au débat, l’employeur n’a pas entendu prendre une mesure à ce stade, ne serait-ce que pour entendre les protagonistes.

– Mme [M], salariée, a, le 19 juillet 2016, adressé une lettre à M. [T], Président de M. [U] pour signaler des propos et attitudes inadaptés que M. [U] aurait tenus en sa présence et celle d’un client le 10 mai précédent, lors de sa visite dans les magasins de [Localité 11], courrier dont elle a confirmé la réalité dans une attestation ultérieure . Elle se trouvait entre M. [U] qui était assis sur son siège et un client. M. [U] aurait alors dit devant elle au client ‘ Les femmes en France ne sont pas comme chez vous. Il faut qu’il fasse chaud pour qu’elles se déshabillent’. Mme [M] ajoute qu’à plusieurs reprises, M. [U] aurait tenu des propos inadaptés de nature sexuelle, lors de ses déplacements au magasin. M. [V] confirme la réalité de propos sexistes envers le personnel féminin par un message du 18 juillet 2016.

Le témoignage de cette salariée est circonstancié, mais il est cependant observé que Mme [M] n’a fait remonter cet incident plus de deux mois après qu’il ait eu lieu. Or, ce témoignage de Mme [M] est formellement réfuté par Mme [B], professeur de musique. Celle-ci explique que Mme [M] était son chef de produits ‘vents et cuivres’ à [Localité 10] et que son attestation ‘ est un faux puisque le jour en question, elle était présente au magasin avec [Y] et celle-ci était très contente du travail de [X]’. M. [I] indique aussi que cette attestation de Mme [M] est très surprenante. Par ailleurs, de nombreux témoignages de salariés, y compris du personnel féminin, font ressortir que M. [U] ne se manifestait pas par des écarts de comportement ou de communication (Mme [J], Mme [O], hôtesse de caisse). Messieurs [W], M. [C], M. [S], M. [H], M. [G] [B] font également ressortir que M. [U] n’avait pas un comportement déplacé ou misogyne. Il s’ensuit qu’il subsiste un doute certain sur la réalité de propos déplacés et notamment sexistes, comme d’un comportement inadapté de M. [U].

M. [Z], Responsable logistique des magasins de [Localité 11] évoque brièvement et de façon vague des propos « misogynes » et « machistes », et un refus de M. [U] « que ses équipes partagent un point de vue différent du sien ». Cependant, il n’apporte aucune précision sur des faits précis , sur les circonstances de temps et de lieu ou sur les personnes qui auraient pu être présentes lors de faits fautifs susceptibles d’être imputés à M. [U].

– M. [X] [A] fait état dans une attestation datant de novembre 2017 (soit 15 mois après le licenciement) de propos déplacés à son égard de M. [U]. Cependant cette attestation n’apporte pas d’élément précis, notamment sur les dates de ces propos. Il est joint un courrier daté du 3 décembre 2012 à ce sujet qui aurait été adressé à M. [U] au sujet de ces propos, soit plus de trois ans avant le licenciement. Cette attestation n’est pas confortée par d’autres éléments circontanciés. De plus, elle est remise en cause par le témoignage de M. [H].

Il s’ensuit que la preuve d’un comportement managérial fautif, voire ‘toxique’ de M. [U] n’est pas rapportée. En particulier, un doute sérieux subsiste sur le fait que l’intéressé aurait tenu des propos déplacés auprès du personnel de l’entreprise ou le concernant. De même, aucune preuve n’est rapportée au sujet d’une dégradation des conditions de travail due à M. [U].

Sur le deuxième grief qualifié de non-respect des procédures internes

La société WOODBRASS indique qu’elle s’est aperçue, au mois de juillet 2016, que des négligences de M. [U] s’inscrivaient dans une volonté délibérée de gérer à sa guise les magasins de [Localité 11], sans avoir à rendre compte au siège social de [Localité 10].

La lettre de licenciement fait état d’un non-respect récurrent des procédures internes (RH, informatique, comptabilité) sans aucune indication sur les faits reprochés précisément au salarié sous cette rubrique. M. [U] rappelle par ailleurs à juste titre au vu du compte rendu d’entretien que les reproches sont formulés à son encontre sans qu’aucun élément n’ait été porté à sa connaissance lors de l’entretien, ni dans la lettre de licenciement.

De plus, au vu des pièces versées au débat, la société WOODBRASS ne rapporte pas d’éléments précis sur des procédures internes strictes et notifiées à l’ensemble des managers qui n’auraient pas été respectées par M. [U].

Enfin, les éléments versés au débat ne démontrent nullement en quoi il y a eu effectivement un non-respect des procédures internes dans les domaines des ressources humaines, de l’informatique, ou de la comptabilité qui aurait eu une quelconque incidence sur le bon fonctionnement de la société WOODBRASS. A cet égard, l’employeur ne démontre pas que M. [U] liée à l’absence au à un retard dans la tenue d’entretiens individuels de certains salariés.

Sur le troisième grief qualifié de manque de suivi des projets

La société WOODBRASS.COM reproche à M. [U] un manque de suivi des projets sans précision, mais cite l’ouverture du magasin de JJ3 situé au [Adresse 3], prévue le 30 juillet 2016 et qui aurait été retardée faute d’équipements suffisants.

Aucune pièce objective et probante démontrant une faute de M. [U] n’est versée à l’appui de ce grief.

En l’espèce, l’année 2016 était tournée vers l’ouverture d’un nouveau magasin. M. [U] avait effectivement en charge l’organisation des travaux et l’installation et coordonnait le tout avec ses équipes.

Il n’est pas contesté que l’ouverture du magasin que M. [U] avait prévue le 30 juillet a dû être retardée de quelques jours. Mais M. [U] rappelle à juste titre qu’il a été mis à pied le 22 juillet, soit huit jours avant l’ouverture prévue du magasin, et, dès lors, il n’est pas démontré que l’intéressé porte une part de responsabilité dans ce contretemps.

Enfin, au vu des pièces versées au débat, M. [U] n’a reçu avant le licenciement aucune alerte, aucune relance quant au déménagement et à l’ouverture du nouveau magasin.

En réalité, aucun élément n’établit que M. [U] ne gérait pas correctement la situation quant à l’ouverture de ce magasin.

Ainsi, au vu des pièces produites et des explications des parties, le troisième grief retenu dans la lettre de licenciement n’apparaît ni réel, ni même sérieux.

Enfin, au vu des éléments versés au débat, M. [U] n’avait pas de dossier disciplinaire. Il n’a jamais eu de rappels à l’ordre ou reçu d’observations sur son management, y compris lors d’un entretien annuel, alors qu’il travaillait depuis plus de 7 ans au sein de la société WOODBRASS. De plus, il a reçu de nombreuses primes exceptionnelles ou pour avoir atteint ses objectifs au cours de la relation de travail. A cet égard, si le management de l’intéressé posait difficulté, il appartenait à l’employeur de mettre en ‘uvre un process pour y remédier et éventuellement d’envisager un sanction telle qu’un avertissement ,

Il s’ensuit que la preuve d’une faute grave n’est pas rapportée par l’employeur et que le licenciement doit ici être considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui conduit à infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes sur ce point

Sur les conséquences financières

L’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 rati’ée par la loi 2018~2l7 du 29 mars 2018 rati’ant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi 2017-1340 du 15 septembre 2017 fixe le régime d’indemnisation des salariés pour les licenciements jugés sans cause réelle et sérieuse. En application de ce régime, les indemnités sent déterminées en fonction des montants minimum et maximum prévus la loi en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

M. [U] avait une ancienneté de 7 ans et 4 mois au sein de la société WOODBRASS.COM au moment de la rupture du contrat de travail. Il est resté au chômage jusqu’en janvier 2018 . Le montant minimum de l’indemnité est de 3 mois et le maximum de 8 mois de salaire brut.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [U], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 30.500 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail.

Il convient par ailleurs d’accorder à M. [U] les sommes suivantes dont le montant n’est pas contesté par la société WOODBRASS.COM, justifiées au vu des pièces versées aux débats et qui seront fixées au passif de la société :

– 15.096,56 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) puisque le licenciement pour faute grave l’a privé du préavis,

– 1.509,65 euros bruts, au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis

– 9.272,00 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 2.410,51 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 22 juillet au 8 août 2016 qui n’était pas justifiée en l’espèce,

– 241,05 euros bruts à titre de congés payés afférents au salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire.

Sur la demande pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [U] ne rapporte pas la preuve d’avoir été victime d’une exécution déloyale du contrat de travail dans le cadre de la relation de travail qui l’unissait à la société WOODBRASS.COM et ne démontre aucunement la réalité d’un préjudice.

Sur la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, repos compensateur et d’indemnité pour travail dissimulé

Principe de droit applicable

Selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement-realisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné,en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il resulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et, en particulier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Application du droit à l’espèce

M. [U] sollicite pour la période d’avril 2014 jusqu’au licenciement la somme de 27.836,70 euros bruts, ainsi que 2.783,67 euros bruts à titre de congés payés afférents et un rappel sur repos compensateur pour les années 2014 et 2015 pour un montant de 14.350,00 euros bruts, ainsi 1435,00 euros bruts à titre de congés payés afférents.

M. [U] soutient qu’il travaillait a minima 45 heures par semaine, payées 39 et qu’il effectuait donc 6 heures supplémentaires non rémunérées, dont 4 majorées à 25 % et 2 majorées à 50%.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [U] prévoyait qu’il travaillait 39 heures par semaine, avec une rémunération forfaitaire incluant la majoration des 4 heures supplémentaires effectuées chaque semaine . M. [U] ne présente aucun décompte précis sur des heures qu’il prétend avoir effectuées et qui ne lui auraient pas été rémunérées.

L’intéressé n’a d’ailleurs jamais sollicité pendant la relation de travail le paiement d’heures non rémunérées, ni fait état de telles heures auprès de son employeur, ou d’erreurs sur le montant de son salaire.

Les attestations produites par M. [U] n’apportent pas d’élément précis et crédibles sur l’horaire effectif de M. [U]. En effet, l’employeur remet en question à juste titre les attestations de salariés qui indiquent que M. [U] était présent de l’ouverture à la fermeture des magasins, alors que leurs horaires de travail ne leur ont pas permis de constater valablement l’amplitude horaire prétendument quotidienne de M. [U], puisque :

– Mme [J] a travaillé 24h par semaine, pendant son CDD de 2 mois et demi ;

– Mme [O] a travaillé 35h par semaine, pendant son CDD de 10 mois et demi, soit 7h30 par jour ; elle n’a donc pas pu non plus valablement constater que M. [U] était présent sur son lieu de travail tous les jours de 9h30 à 19h45 comme elle le prétend.

– M. [C] travaillait également 35h par semaine, dans le cadre de son CDI ;

– M. [W] n’a travaillé que 5 jours et à 35h pour la société WOODBRASS.

Il s’ensuit que M. [U] ne fournit pas fournir d’éléments de nature à étayer sa demande de rappel de salaire et, en particulier ne présenter pas, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant à des heures non rémunérées qui aurait effectuées.

Par ailleurs, aucun élément ne permet d’établir que la société WOODBRASS.COM s’est rendue coupable de travail dissimulé au sens des disposition du code du travail. M. [U] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Enfin, sur la demande au titre du repos compensateur, il n’est pas établi que M. [U] a effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel et ouvrant droit à une contrepartie obligatoire en repos.

En conséquence, le jugement du Conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de ses demandes de rappel de salaire sur heures supplémentaires, d’indemnité de repos compensateur et d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de remise de documents :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif. En l’état, il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

S’agissant en l’espèce d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé en application de l’article L.1235-3 du code du travail, M. [U] ayant plus de deux ans d’ancienneté au moment du licenciement et la société WOODBRASS.COM occupant au moins 11 salariés, il convient, en application de l’article L.1235-4 du code du travail d’ordonner d’office le remboursement des allocations de chômage du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, les organismes intéressés n’étant pas intervenus à l’audience et n’ayant pas fait connaître le montant des indemnités.

Il convient enfin de déclarer le présent arrêt opposable en cas de besoin dans le cadre de la procédure collective à l’AGS CGEA de Rennes dans les limites de sa garantie.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par défaut et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il a débouté M. [X] [U] de ses demandes tendant à faire condamner la SAS WOODBRASS.COM au paiement de sommes à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied du 22 juillet au 8 août 2019 et congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, d’indemnité de licenciement, et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

FIXE au passif de la SAS WOODBRASS.COM dans le cadre de la procédure collective les créances de M. [X] [U] comme suit :

– 30.500 euros en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L1235-3 du code du travail,

– 15.096,56 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1.509,65 euros bruts, au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

– 9.272,00 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 2.410,51 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 22 juillet au 8 août 2016,

– 241,05 euros bruts à titre de congés payés afférents au salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire.

DEBOUTE M. [X] [U] de ses autres demandes,

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

RAPPELLE qu’en application de l’article L.622-28 du code de commerce, le jugement d’ouverture d’une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations et qu’il y a lieu en conséquence de débouter M. [X] [U] de ses demandes relatives aux intérêts et à leur capitalisation.

ORDONNE la remise par la SAS WOODBRASS.COM à M. [X] [U] de bulletins de paye, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt,

DIT n’y avoir lieu à prononcer une astreinte

DÉCLARE le présent arrêt opposable en cas de besoin dans le cadre de la procédure collective à l’AGS CGEA dans les limites de sa garantie ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE le remboursement par la SAS WOODBRASS.COM à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. [X] [U], dans la limite de trois mois et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

FIXE les dépens d’instance et d’appel au passif de la SAS WOODBRASS.COM.

La greffière, La présidente.

 


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