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15 mars 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
19/05902
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 15 MARS 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 19/05902 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJWY
Syndicat des copropriétaires DE LA [Adresse 3]
c/
Monsieur [R] [T]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 octobre 2019 (R.G. n°F 18/01179) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 08 novembre 2019,
APPELANTE :
Syndicat des Copropriétaires de la [Adresse 3], agissant en la personne de son Syndic la société Oralia Lapierre des Deux Rives agissant en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité au siège social [Adresse 2]
représenté par Me Vincent LEMAY de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Maryline LE DIMEET de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉ :
Monsieur [R] [T]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
assisté de Me Coralie CASTARRAINGTS substituant Me Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d’instruire l’affaire,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [R] [T], né en 1969, a été engagé en qualité d’employé d’immeuble par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 18 septembre 2015 à effet au 21 septembre 2015 par le syndicat des copropriétaires SDC [Adresse 3] représenté par son syndic, la société Oralia Lapierre Des Deux Rives (ci-après dénommé le syndicat).
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble.
Deux avertissements ont été adressés à M. [T] le 29 septembre 2017, relevant son absence à la visite médicale programmée, puis, le 20 novembre 2017, invoquant l’absence d’inventaire des balcons équipés de canisses qu’il lui avait été demandé de réaliser. Il a également fait l’objet d’un rappel à l’ordre le 31 octobre 2017 en raison de la non-exécution de tâches.
Par lettre datée du 26 janvier 2018, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable, en vue de son éventuel licenciement, fixé au 7 février 2018.
Par lettre du 8 février 2018, M. [T] a fait part de ses explications concernant les faits évoqués lors de l’entretien préalable.
Il a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 13 février 2018, la société déplorant une dégradation de son comportement professionnel ainsi qu’une mauvaise exécution des tâches lui incombant.
A la date du licenciement, M. [T] avait une ancienneté de 2 ans et 4 mois et le syndicat occupait à titre habituel moins de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [T] a saisi le 23 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 8 octobre 2019, a :
– jugé le licenciement de M. [T] sans cause réelle et sérieuse,
– condamné le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] à verser à M. [T] les sommes suivantes :
* 7.360 euros à titre de dommages et intérêts,
* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens et frais éventuels d’exécution.
Par déclaration du 8 novembre 2019, le syndicat a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 décembre 2021, le syndicat demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel,
– réformer le jugement dans son intégralité,
– juger que le licenciement de M. [T] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– le débouter de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [T] au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 avril 2020, M. [T] demande à la cour de’:
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner le syndicat à lui verser les sommes suivantes :
* 7.360 euros à titre de dommages et intérêts,
* 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 17 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige. Le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement adressée à M. [T] comporte deux griefs :
– un défaut de surveillance le 4 janvier 2018 à l’occasion duquel le revêtement extérieur de la co-propriété a été endommagé par une entreprise de déménagement,
– des dégradations qui ont été commises le 9 janvier 2018 par une entreprise d’élagage sur les pelouses de la résidence.
– Sur le défaut du surveillance du 4 janvier 2018
Ce premier grief est ainsi développé dans la lettre de licenciement : «’… Le 4 janvier 2018, une entreprise de déménagement est intervenue sur la [Adresse 3] pour déménager les occupants de l’entrée 4 au 3ème étage. L’entreprise de déménagement a endommagé les «’enrobés’» et la copropriété doit dès lors supporter le coût des opérations puisqu’aucun constat contradictoire n’a été fait. Votre contrat de travail prévoit pourtant expressément, entre autres missions : la surveillance des aménagements et déménagements. Votre défaut de surveillance caractérise un manquement à vos obligations contractuelles…’».
Au soutien de ce grief, le syndic verse aux débats les pièces suivantes :
– le contrat de travail prévoyant au titre des missions du salarié, engagé en qualité d’employé d’immeuble, catégorie A, notamment d’informer le syndic de tout événement ou incident et de procéder au titre des tâches occasionnelles, à la surveillance des emménagements et des déménagements,
– le courriel d’un propriétaire en date du 6 janvier 2018 pour signaler la fracture de «’l’enrobé’» en raison d’un déménagement et concluant ainsi :’«’il est indispensable d’informer M. [T] sur son rôle lors des déménagements’» ,
– deux photographies des dégâts constatés.
Pour s’en défendre, le salarié soutient que ni le défaut de surveillance ni le préjudice invoqué ne sont constitués, considérant qu’il s’agit d’une dégradation accidentelle, et qu’il n’est pas systématiquement avisé du déménagement des résidents.
Cependant, les termes du contrat de travail, accepté par le salarié, sont sans équivoque quant aux missions lui incombant, notamment celles relatives à la surveillance des déménagements et à l’information de son employeur de tout incident de sorte qu’en l’état, le grief est établi.
– Sur les dégradations des pelouses du 10 janvier 2018 en raison d’un défaut de surveillance et du non-respect des procédures internes
Ce second grief est décliné comme suit : «’… De même, le 10 janvier 2018, une entreprise est intervenue sur la copropriété voisine pour réaliser un travail d’élagage. Vous avez expressément donné l’autorisation à cette dernière pour réaliser ces travaux via le terrain de la résidence.’Or, vous n’avez pas sollicité ni obtenu l’aval du Syndicat des copropriétaires, comme il vous appartenait de le faire.’Aucun état des lieux n’a été réalisé par vos soins, ni avant ni après les travaux alors que l’entreprise d’élagage a posé sur les pelouses une plate-forme de levage les endommageant gravement. Au surplus, vous ne nous avez pas informés des dégradations qui ont été commises lors de cette opération. Votre comportement n’est pas conforme aux procédures internes que vous ne pouviez ignorer. De plus, la surveillance des entreprises intervenant sur les parties communes relève également de vos missions contractuelles que vous n’avez une nouvelle fois pas respectées…’».
L’employeur verse aux débats outre le contrat de travail selon lequel il appartient au salarié de surveiller les travaux effectués par les entreprises extérieures et de l’aviser de tout incident, deux courriels de copropriétaires faisant état de dégâts sur les pelouses du fait de l’intervention d’une entreprise d’élagage pour le compte de la résidence voisine, auxquels est jointe une photographie corroborant leurs dires.
De son côté le salarié soutient qu’il ne pouvait exercer aucun pouvoir de contrôle sur l’entreprise d’élagage en cause dans la mesure où elle serait intervenue à la demande du syndic, ce dont il n’est pas justifié. Il considère les dégâts allégués sans gravité.
Néanmoins, au regard de son contrat de travail, il appartenait au salarié de surveiller les opérations qui se déroulaient sur les pelouses de la résidence dont il avait la charge et d’aviser son employeur des difficultés rencontrées à cette occasion sans que le fait de savoir qui a autorisé l’intervention de cette entreprise puisse avoir une quelconque incidence sur sa responsabilité. Ce grief est donc établi.
Ces faits constituent un manquement du salarié à ses obligations contractuelles alors que ce dernier avait fait l’objet précédemment d’un rappel à l’ordre et de deux avertissements, qu’il a contestés dans un courrier adressé à son employeur le 8 février 2018, sans toutefois en demander l’annulation aux termes de ses écritures. En outre, l’extrait du dossier médical qu’il produit est insuffisant à caractériser la dégradation de son état de santé dont il se prévaut et à justifier l’existence d’une proposition de rupture conventionnelle qu’il aurait refusée, ce refus ayant provoqué son licenciement.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il convient d’infirmer la décision des premiers juges qui, faisant droit aux demandes du salarié, a considéré son licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué la somme de 7.360 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
M. [T], partie perdante à l’instance, sera condamné aux dépens ainsi qu’à payer au syndicat la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement de M. [T] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [T] de l’intégralité de ses demandes,
Condamne M. [T] à verser au syndicat des copropriétaires SDC [Adresse 3] représenté par son syndic, la société Oralia Lapierre Des Deux Rives, la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [T] aux dépens.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire