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14 septembre 2016
Cour d’appel de Paris
RG n°
14/01956
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 14 Septembre 2016
(n° , 06 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/01956 et 14/04531
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2010 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 07/02618, infirmé par le pôle 6 – chambre 9 de la cour d’appel de Paris par arrêt du 14 Décembre 2011, dont la décision a été cassée par arrêt de la Cour de Cassation en date du 15 Janvier 2014 qui a ordonné le renvoi devant la Cour d’Appel de Paris autrement composée.
APPELANT
Monsieur [P] [L]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne
assisté de Me Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0022
INTIMEE
TRIMAST HOLDING venant aux droits de la SA Insert Centre Ville Affichage et Promotion
[Adresse 2]
[Adresse 2]
KYI-1104 ILES CAÏMANS
représentée par Me Eve LABALTE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1626
substitué par Me Chrystèle RAUMEL-DEMIER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2016
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les conclusions de Monsieur [P] [L] et celles de la société TRIMAST HOLDING venant aux droits de la SA INSERT CENTRE VILLE Affichage et Promotion visées et développées à l’audience du 31 mai 2016.
SUR LE LITIGE
Monsieur [L] a été engagé le 4 octobre 2004 suivant un contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur, coefficient 550 de la convention collective des Entreprises de Publicité et assimilées, par la société INSERT moyennant un salaire de 8.000 € plus un bonus variable, puis transféré au sein de la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION (ICVAP) par avenant du 2 novembre 2006 et nommé directeur produits, classification 3.4 moyennant une rémunération de 9.320 € (salaire plus indemnisation de la clause de non concurrence) plus un bonus variable.
Par lettre du 23 mai 2007, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 5 juin suivant, et licencié pour faute grave par lettre du 8 juin 2007.
Le 9 juillet 2007, Monsieur [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny aux fins de voir constater que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement rendu le 27 janvier 2010, le conseil de prud’hommes de Bobigny a fait droit à sa demande et a condamné la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION à lui verser les sommes de :
– 37.280 € à titre d’indemnité de préavis,
– 3.728 € à titre de congés payés afférents,
– 11.055 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 90.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Il a aussi condamné la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage servies au salarié du jour du licenciement sur une durée de 2 mois, soit un montant de 11.563,16 €, débouté Monsieur [L] du surplus de ses demandes, débouté la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Saisie par Monsieur [L], la cour d’appel de Paris, par arrêt du 14 décembre 2011, a infirmé le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] était justifié, l’a débouté de ses demandes indemnitaires, et l’a condamné à payer à la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Monsieur [L] a formé un pourvoi.
Par un arrêt rendu le 15 janvier 2014, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 14 décembre 2011, a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée, condamné la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION aux dépens et à payer à l’avocat de Monsieur [L] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Monsieur [L] demande à la cour, statuant comme cour d’appel de renvoi de :
* confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société à verser diverses sommes à l’exception de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau de,
* condamner la société TRIMAST HOLDING venant aux droits de la société INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION à lui payer les sommes de :
– 223.680 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* ordonner le versement de la somme de 20.000 € consignée à la caisse des dépôts et consignations à son profit.
La société TRIMAST HOLDING demande à la cour :
A titre principal d’infirmer le jugement, de reconnaître que le licenciement est fondé sur une faute grave, par suite de débouter Monsieur [L] de ses demandes, de le condamner à lui rembourser l’intégralité des sommes perçues,
Subsidiairement, si la cour venait à considérer que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de condamner Monsieur [L] à lui rembourser la somme de 90.000 € perçue en première instance,
Très subsidiairement, si la cour considérait que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de limiter les dommages et intérêts à 6 mois de salaire, en l’absence de démonstration d’un préjudice supplémentaire, par suite de la condamner à lui rembourser la somme de 18.586,38 € correspondant à un mois de salaire (correspondant à la différence entre 6 mois de salaire et la somme de 90.000 € reçue),
En tout état de cause, elle s’oppose à la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et réclame à son tour la condamnation du salarié au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur la jonction
Monsieur [L] a formé deux déclarations de saisine après renvoi de cassation les 7 février et 14 mars 2014 concernant la même affaire. Une bonne administration de la justice impose de joindre les deux dossiers portant les numéros 14/01956 et 14/04531. Ils porteront le numéro 14/01956 ;
Sur le licenciement
La lettre de licenciement pour faute grave en date du 8 juin 2007, énonce deux griefs dont le premier comprend deux motifs :
– un comportement inacceptable de la part du salarié, membre du comité de direction, constaté directement et indirectement au cours des mois d’avril et mai 2007, consistant d’une part en des propos injurieux vis à vis de collaborateurs et de la direction, tenus devant d’autres collaborateurs qui ont été choqués de la violence de langage, d’autre part en des pressions psychologiques à l’encontre de salariés (surcharge de travail, propos blessants, insinuation concernant la vie privée et sentimentale), l’employeur estimant que ceci remet en cause la capacité du salarié à encadrer une équipe, et précisant que le changement de comportement du salarié a débuté en novembre 2006 avec son changement de fonction,
– le non respect des procédures internes et des décisions de la direction générale concernant l’engagement des dépenses à plusieurs reprises mais particulièrement en avril et mai 2007.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En présence d’un licenciement pour faute grave, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve des faits reprochés, de leur gravité et leur imputabilité au salarié, les faits étant contestés par Monsieur [L].
L’employeur rappelle que le salarié était placé sous la subordination directe du président Monsieur [N] et encadrait cinq services , explique que, très rapidement après sa nomination en qualité de directeur produits en novembre 2006, Monsieur [Q], vice Président et directeur administratif et financier, qui avait appuyé sa candidature auprès des actionnaires, constatait que Monsieur [L] était devenu incontrôlable et adoptait une attitude autoritaire, agressive et insultante à l’encontre des membres de la direction, qu’il ne respectait pas les procédures internes ni les décisions prises par le directoire en engageant la société sans validation, et plus grave, la direction découvrait qu’il exerçait des pressions psychologiques sur ses collaborateurs.
L’employeur produit aux débats des pièces et attestations pour justifier ces griefs.
Monsieur [L] conteste fermement les griefs qui lui sont reprochés et soutient que certains propos qui lui sont attribués ont été prononcés par Monsieur [Q] notamment ceux concernant Madame [T]. Il relève que certaines déclarations concernant d’autres collaborateurs, notamment M. [G], n’ont pas été faites publiquement.
Il confirme que ses relations avec Monsieur [Q] étaient mauvaises, celui-ci ne cachant pas ses ambitions et ayant exercé sur les équipes une emprise déstabilisante.
Il soutient que le véritable motif de son licenciement tient au fait qu’il a refusé de reprendre son ancien poste de directeur Insert public lors de la nomination de Monsieur [Q] comme vice président du comité de direction en mars 2007.
Il évoque aussi les difficultés de trésorerie en 2007 et la nécessité de réaliser des économies.
Il fait encore observer qu’il n’a pas été mis à pied à titre conservatoire.
Enfin, concernant le non respect des procédures internes, il s’insurge contre ce reproche inexact et non corroboré par des documents.
Concernant ce dernier grief, plusieurs dossiers sont visés, dont deux ne sont pas contestés par Monsieur [L].
– L’opération d’affichage gracieux au profit de l’association des aveugles [Y] [J], mais cette opération avait reçu l’aval de M. [Q] et le montant en était minime (1.000 €).
– L’appel d’offre de la ville d'[Localité 3]. Une incompréhension est née à propos de ce dossier, le salarié soutenant avoir communiqué une plaquette d’information de la société afin qu’elle ne soit pas oubliée en cas d’appel d’offre.
A cet égard, l’employeur ne justifie pas que Monsieur [L] a répondu à une campagne d’affichage et appel d’offre auprès de la Mairie d'[Localité 3] de nature à engager la société.
Pour les autres dossiers, le salarié soutient que les reproches sont inexacts ou ne lui sont pas imputables.
Il résulte de l’examen des pièces produites que si un réel désaccord sur les méthodes de travail existait ainsi que cela est établi par le courriel que Monsieur [C] a adressé le 22 mars 2007 à Monsieur [L], il existe un doute, qui doit profiter au salarié, sur le non respect par le salarié des procédures et des décisions de la direction.
Concernant le grief tenant au comportement de Monsieur [L], l’employeur indique que le changement s’est révélé à partir de novembre 2006 lors du changement de poste, comportement inacceptable de la part d’un membre du comité de direction tant au regard de ses écarts de langage que de son attitude avec certains collaborateurs.
Monsieur [L] produit de son côté de nombreuses attestations qui ne contredisent pas utilement celles produites par l’employeur. Elles correspondent à des témoignages de moralité, dans la mesure où elles émanent de personnes totalement extérieures à l’entreprise INSERT CENTRE VILLE AFFICHAGE ET PROMOTION, comme Monsieur [B] gérant de société et ancien juge au tribunal de commerce de Bayonne, ou de personnes ayant travaillé avec lui dans d’autres sociétés (HAVAS – AVENIR) de 1984 à 2001 et qui louent son professionnalisme, comme Monsieur [H], ou de salariés qui ont quitté la société avant cette période comme Madame [X], ou de personnes de la société qui ne travaillaient pas directement et quotidiennement avec lui comme Monsieur [A], Madame [U] et Madame [E].
La cour relève que l’examen du compte rendu d’entretien préalable produit par le salarié montre que Monsieur [L] ne conteste pas réellement les faits reprochés tenant à son comportement envers Mme [T], mais qu’il tente de les minimiser. Il cherche à en rejeter la responsabilité sur d’autres collaborateurs tels que Monsieur [C] ou Monsieur [Q].
Il en est de même des griefs relatifs aux propos tenus sur Monsieur [Q] et Monsieur [G].
Malgré les dénégations du salarié, qui soutient que le directeur financier M. [Q] était responsable de la dégradation de la situation, il ressort des attestations produites par l’employeur que son comportement à l’égard de la direction et de ses collaborateurs était inadapté.
Ainsi, Monsieur [S] indique-t-il qu’il a prévenu son supérieur hiérarchique Monsieur [Q], début mars 2007, soit moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, du comportement de Monsieur [L] à l’encontre de Madame [T] en lui précisant que les méthodes de Monsieur [L] constituaient selon lui un véritable harcèlement moral, attitude corroborée par plusieurs attestations précises et circonstanciées (Mlle [Z], M. [R]).
Il est aussi établi que Madame [K] a fait l’objet de propos irrespectueux et sexistes, que certains salariés ne voulaient pas être rattachés à Monsieur [L] comme Monsieur [S].
Quant aux injures, Monsieur [G] a été traité de la manière ouverte « ce n’est pas à ton petit comptable de merde de fixer sa loi ». Bien qu’il n’ait pas été proféré publiquement, ce propos nécessairement exprimé au cours des premiers mois de l’année 2007 compte tenu de la date à laquelle la demande de bonus a été présentée par le salarié était déplacé.
Il est aussi avéré que Monsieur [Q], vice-président, a été traité par le salarié de « connard », le 16 février 2007 en présence de collaborateurs, l’allégation de Monsieur [L] selon laquelle aucune réunion n’aurait pu être tenue dans le bureau trop petit de Monsieur [C] étant inopérante dans ce débat.
Ces deux derniers faits ne sont pas intervenus dans le délai de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement mais peuvent être utilement invoqués, l’employeur ayant appris dans ce délai les comportements inadaptés du salarié à l’égard de Mme [T].
Néanmoins, la procédure de licenciement a été engagée par lettre du 23 mai 2007 alors que l’employeur indique que le comportement du salarié s’était modifié à partir de novembre 2006, au moment de son changement de poste, qu’il s’en déduit qu’il avait connaissance de certaines situations depuis plusieurs mois. Dans ces conditions, le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse mais non par une faute grave.
La cour note que les arguments de Monsieur [L] sur les difficultés économiques de l’entreprise, comme le souhait de Monsieur [Q] de l’évincer de la société sont inopérants au regard des reproches justifiés et tenant au comportement du salarié.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis, soit une somme de 37.280 €, outre les congés payés soit 3.728 €, ainsi que l’indemnité conventionnelle de licenciement soit une somme de 11.055 €.
Monsieur [L] sera débouté du surplus de ses demandes.
Enfin, l’équité commande de débouter les deux parties de leurs de mandes d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de laisser à la charge de chacune les dépens qu’elles ont engagés.
***
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation rendu le 15 janvier 2014,
Ordonne la jonction des dossiers portant les numéros 14/01956 et 14/04531 et dit que désormais, ils porteront le numéro 14/01956,
Confirme le jugement, en ce qu’il a condamné la société TRIMAST HOLDING à verser à M. [L] les sommes suivantes:
– 37.280 € à titre d’indemnité de préavis,
– 3.728 € à titre de congés payés afférents,
– 11.055 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Monsieur [P] [L] est justifié par une cause réelle et sérieuse,
Déboute Monsieur [L] de ses demandes,
Déboute la société TRIMAST HOLDING de ses demandes,
Laisse à chacune des parties la part des dépens qu’elle a exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT