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11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-18.130
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mars 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10274 F
Pourvoi n° D 18-18.130
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020
La société Free infrastructure, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° D 18-18.130 contre l’arrêt rendu le 28 mars 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant à M. Q… Y…, domicilié […] , défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Free infrastructure, après débats en l’audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Free infrastructure aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Free infrastructure ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Free infrastructure
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que le licenciement prononcé était nul, d’AVOIR ordonné la réintégration du salarié, et d’AVOIR condamné la société Free infrastructure à verser à M. Y… une indemnité correspondant aux salaires augmentés des congés payés dont il aurait été réglé depuis son éviction jusqu’à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus au cours de cette période, une somme de 800 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi et une indemnité de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné la société Free infrastructure aux entiers dépens,
AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement : en application des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties…si un doute subsiste, il profite au salarié ; que constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’il incombe à l’employeur d’établir la réalité des griefs qu’il formule ; que la lettre de licenciement qui circonscrit le litige est motivée de la façon suivante : « […] nous vous informons par la présente de notre décision de procéder à votre licenciement en raison d’un constat d’inadéquation manifeste avec votre environnement de travail, sous les aspects fondamentaux de la conception opérationnelle de votre activité professionnelle. Nous regrettons profondément que nos multiples mis en garde couronnée de 2 sanctions disciplinaires n’est aucunement modifié la posture permissive et désobligeant que vous avez adoptée depuis plusieurs mois déjà. En effet, vous ne tenez aucun compte des instructions qui vous sont données et transgresser constamment les procédures applicables au sein de notre entreprise. Seul compte votre méthode votre perception votre approche bref [votre] conception. Pareille obstination serait à la limite compréhensible si elle se traduisait par respect de vos obligations contractuelles. En ce qui vous concerne, il n’en est strictement rien, au contraire. Pas plus tard que le 23 mars dernier, vous responsables ont été contraints de s’entretenir avec vous au sujet de vos intentions hebdomadaire de câblage et de décalage. Sans que la liste ne soit exhaustive, il sera relevé un temps de travail effectif bien inférieur aux 35 heures requises. En effet, dans le cadre du suivi de votre activité terrain, un contrôle inopiné a été réalisé sur la semaine 10. Au vu du résultat déplorable, nous avons élargi notre champ d’action sur les semaines 8, neufs et 13 énonçant surprise le constat est sans appel. Nous relevons respectivement un temps de travail hebdomadaire effectif de 19h23 (semaines 8) 4h 52 (semaine 9) 8h19 (semaine 13). Nous considérons, confortée par la teneur des différents échanges que nous avons eu avec vous que les chances d’améliorer votre intégration de vos prestations dans l’entreprise sont inexistantes. En effet, votre insubordination, certaine manière, l’absence d’esprit d’équipe sont rédhibitoires la source d’une totale perte de confiance. Nous ne pouvons continuer à tolérer ce type d’agissements que nous jugeons néfaste pour la bonne marche de notre entreprise. Au vu des fonctions qui sont les vôtres vous propager une image du pôle qui est tout à fait déplorable, tout en générant des coûts financiers impromptus pour l’entreprise. Et la liste ne s’arrête pas là. Par votre désinvolture vous obstiner à ne pas respecté les procédures internes ainsi que vos obligations contractuelles. Alors que l’article 12 de votre contrat de travail précise qu’en cas de suppression de contrat de travail notamment pour maladie vous devaient restituer les équipements la société. Or, durant vos absences réitérées prolongées depuis le mois de mars 2015 vous n’avez entrepris aucune démarche en ce sens. Pour les besoins urgents de service, nous serons obligés de vous adresser de courriels (le 30 mars puis le 1er avril) ou des niveaux exécutés. Malgré nos relances ou ne restituerait qu’une infime partie du matériel. Ce comportement étrange, excentrique, non professionnel nous paraît inexcusable et inacceptable dans le cadre des relations professionnelles et de confiance qui doit exister entre un salarié et son employeur et perturbe considérablement la productivité de l’ensemble de l’équipe dans laquelle vous travaillez. Enfin, vos absences répétées et prolongées depuis le mois de mars dernier perturbent le fonctionnement du pôle [DEM] En effet, en moins de 2 mois vous avez été absent 31,5 jours. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’au vu de la fréquence de vos absences entraînant un retard important dans le traitement des tâches, […] rendent votre remplacement définitif aussi nous ne pouvons clore ce volet sans vous faire remarquer que lors de la visite de contrôle du 12 mars dernier vous avez confirmé au médecin contrôleur être absent à votre domicile.[…] » ; que M. Y… conteste les griefs qui lui sont reprochés ; qu’il relève qu’il assumait d’autres tâches impliquant l’utilisation d’autres applications sur son smartphone rendant nécessaire une addition des temps passés sur chacune d’elles, qu’il n’était pas informé que ces relevés étaient utilisés pour le suivi automatisé de son temps de travail, ni qu’une déclaration avait été régulièrement faite auprès de la CNIL ; qu’il soutient avoir restitué l’essentiel du matériel lorsque l’employeur lui a demandé de le faire et conteste avoir été dépositaire de certains des matériels qui lui sont réclamés ; que s’agissant des griefs en lien avec le non-respect des procédures internes et de la durée de travail, l’employeur justifie avoir fait suivre une formation au salarié sur le câblage et le dé-câblage et il communique :
– un courriel de M. P… en date du 2 octobre 2014 demandant au salarié de respecter systématiquement la procédure NRO,
– un échange de courriels du 27 mars 2015 correspondant à un tableau récapitulatif des déclaratifs validés sur les heures d’entrée et de sortie enregistrées au NRO à travers le lecteur HID et le BP de sortie, montrant que les horaires quotidiens pouvaient ne pas dépasser heures de travail, au cours de certaines semaines,
– un courriel du 31 mars 2015, précisant au salarié qu’il a pour obligation lors de ses temps morts entre deux rendez-vous d’audit, ou, s’il lui arrive de patienter, d’appeler la cellule CAB/DECAB afin de leur signaler sa disponibilité ;
Qu’il est admis in fine par les deux parties que l’activité du salarié pouvait connaître des périodes de ralentissement ; que toutefois, la cour relève qu’aucune observation n’a été formulée à l’adresse du salarié à ce sujet avant mars 2015, que l’employeur à qui il incombe de fournir au salarié du travail pour le temps défini contractuellement et au cours duquel celui-ci se tient à sa disposition ne justifie pas de la mise en place d’une procédure d’appel systématique dont le salarié avait été dûment informé avant le 31 mars 2015 et qu’il n’aurait pas respectée ; que sur la restitution des matériels pendant son arrêt de travail, il est exact que l’article 12 du contrat de travail faisait obligation au salarié, en cas de suspension du contrat de travail, notamment pour maladie, de restituer les équipements de la société ; que dans le cas d’espèce, le salarié en arrêt maladie, d’abord pour quelques jours, a vu ses arrêts être renouvelés ; que la société n’a pas spécialement alerté le salarié sur le nécessaire respect des dispositions contractuelles à ce sujet avant le 30 mars et le 1er avril 2015 dates auxquelles elle lui a adressé des courriels de relance ; qu’au regard des obligations contractuelles qui étaient clairement définies, il est avéré que la restitution du matériel par le salarié n’a pas eu lieu dès le premier arrêt ; qu’à défaut néanmoins pour l’employeur de communiquer la liste contresignée des matériels qui avaient été remis au salarié lors de son embauche, la cour ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires pour évaluer le caractère sérieux du grief évoqué au soutien du licenciement pour faute grave, dès lors qu’il n’est pas utilement combattu que le véhicule et une partie du matériel ont été restitués avant même l’engagement de la procédure de licenciement ; que le grief en lien avec l’absence du salarié de son domicile lors de la contre-visite organisée par l’employeur ne peut être retenu, le médecin ayant prescrit les arrêts maladie n’ayant pas limité les sorties du salarié ; que M. Y… soutient que le véritable motif de licenciement est en lien avec son état de santé, qu’il est donc nul ; qu’il est avéré que la société Free a expressément fait état dans la lettre de licenciement du fait que les absences répétées et prolongées du salarié depuis le mois de mars perturbent le fonctionnement du pôle DEM et [… ] rendent nécessaire son remplacement définitif ; que ce faisant, l’employeur a évoqué un motif en lien avec la santé du salarié observation étant faite que des absences en lien avec des arrêts maladie ne peuvent jamais caractériser une faute disciplinaire, terrain sur lequel s’est pourtant placé l’employeur qui au surplus, n’établit en aucune façon que la perturbation qu’il allègue du fait des absences répétées et prolongées du salarié rendaient nécessaire son remplacement définitif ; qu’il a donc expressément invoqué un motif en lien avec l’état de santé du salarié lequel motif, constitue de surcroît, dans le cas d’espèce, le véritable motif du licenciement ; que le licenciement sera annulé et ce, conformément aux dispositions des articles L. 1132-1 et suivants du code du travail qui sanctionnent toute discrimination en lien avec l’état de santé d’un salarié ; sur les conséquences de l’annulation du licenciement : le salarié demande sa réintégration laquelle est de droit, sauf impossibilité qui n’est ni alléguée, ni justifiée ; qu’il est en conséquence fondé à obtenir une indemnité correspondant aux salaires qu’il aurait perçu depuis son éviction jusqu’à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement ; Sur la demande de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 4051,42 euros : M. Y… soutient avoir subi un préjudice moral avéré résultant d’une part, de l’application d’une sanction disciplinaire caractérisée par un prélèvement de 1 000 € sur le solde de tout compte et d’autre part découlant de la difficulté qu’il a rencontrée pour honorer le remboursement d’un prêt de 20000 euros souscrit le 27 janvier 2014 et pour lequel il n’a pas bénéficié, ainsi qu’il en justifie, de la garantie de perte d’emploi ; que le préjudice résultant des difficultés découlant de la rupture illégale de son contrat de travail, tel qu’il est effectivement justifié par les pièces communiquées, sera exactement évalué à la somme de 800 euros ;
1. ALORS QUE les juges du fond ont l’obligation d’examiner l’intégralité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu’en l’espèce, la lettre de rupture visait notamment, au titre de la faute grave, le non-respect par le salarié des procédures applicables au sein de l’entreprise et dans ses conclusions d’appel (p. 8-9), l’employeur invoquait le non-respect persistant de la procédure de câblage/dé-câblage, malgré une formation Accès NRO en août 2013, la réception d’une synthèse de la procédure et d’un document de travail rappelant la procédure à respecter (prod. 5 à 7) ; que la cour d’appel, après avoir constaté que l’employeur justifiait avoir fait suivre une formation au salarié sur le câblage et le dé-câblage et communiquait un courriel de M. P… (lire : S…) en date du 2 octobre 2014 demandant au salarié de respecter systématiquement la procédure NRO, s’est ensuite bornée à écarter le grief tenant à l’accomplissement d’un temps de travail effectif inférieur aux 35 heures requises ; qu’en s’abstenant de vérifier si le salarié avait respecté la procédure de câblage/dé-câblage, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-6 du code du travail ;
2. ALORS en outre QUE le salarié dont la charge de travail est insuffisante pour occuper sa durée contractuelle de travail doit le signaler spontanément à l’employeur ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que les horaires quotidiens du salarié pouvaient ne pas dépasser 4 heures de travail au cours de certaines semaines ; qu’en affirmant, pour écarter toute faute du salarié, que si un courriel du 31 mars 2015 avait précisé au salarié qu’il avait pour obligation lors de ses temps morts entre deux rendez-vous d’audit, ou, s’il lui arrivait de patienter, d’appeler la cellule CAB/DECAB afin de leur signaler sa disponibilité, l’employeur ne justifiait pas de la mise en place d’une procédure d’appel systématique dont le salarié avait été dûment informé avant le 31 mars 2015 et qu’il n’aurait pas respectée, quand il incombait au salarié de signaler spontanément que sa charge de travail était insuffisante à l’employeur, la cour d’appel a violé les articles L. 1222-1, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3. ALORS en tout état de cause QUE l’employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu’ils procèdent de faits distincts ; qu’il peut ainsi invoquer à la fois une faute grave d’une part, et la perturbation apportée à l’entreprise par les absences maladies du salarié, imposant son remplacement définitif ; qu’en retenant, pour juger nul le licenciement, que des arrêts maladie ne peuvent jamais caractériser une faute disciplinaire, terrain sur lequel s’était pourtant placé l’employeur, la cour d’appel a violé l’article L. 1132-1 du code du travail ;
4. ALORS QUE l’absence de preuve d’une perturbation de l’entreprise rendant nécessaire le remplacement définitif du salarié ne suffit pas à rendre discriminatoire et donc nul le licenciement prononcé pour ce motif ; qu’en retenant, pour juger nul le licenciement, que l’employeur n’établissait en aucune façon que la perturbation qu’il alléguait du fait des absences répétées et prolongées du salarié rendaient nécessaire son remplacement définitif, la cour d’appel a violé l’article L. 1132-1 du code du travail ;
5. ALORS enfin QUE le visa dans la lettre de licenciement de la perturbation apportée par les absences maladies du salarié imposant son remplacement définitif n’implique pas, même en l’absence de preuve d’une telle perturbation, que le véritable motif du licenciement soit l’état de santé du salarié ; qu’en énonçant à l’appui de sa décision que la société avait expressément fait état dans la lettre de licenciement du fait que les absences répétées et prolongées du salarié depuis le mois de mars perturbaient le fonctionnement du pôle DEM et rendaient nécessaire son remplacement définitif, que ce faisant, l’employeur avait évoqué un motif en lien avec la santé du salarié et qu’il n’établissait pas la perturbation alléguée, pour en déduire ipso facto que le motif tiré de l’état de santé constituait le véritable motif du licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1132-1 du code du travail.