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11 mai 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/12358
Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 11 MAI 2022
(n° 2022/ , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12358 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEPR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/05088
APPELANT
Monsieur [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Capucine BOYER CHAMMARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1727
INTIMEE
SAS NCT (NEXITY CONSEIL ET TRANSACTION)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne BERARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne BERARD, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [X] a été embauché par la société Espace Consultant le 4 septembre 1995 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de négociateur cadre VRP.
La convention collective nationale de l’immobilier est applicable à la relation de travail.
M. [X] a été promu directeur adjoint grands comptes par avenant du 15 mai 2008 à effet du 1er juin 2008.
A la suite du rachat en 2008 de la société Espace Consultant par la société Keops dont le groupe Nexity était actionnaire, le contrat de travail de M. [X] a été transféré.
La société Keops est devenue la société Nexity Conseil et Transaction (NCT) en juin 2015.
M. [X] a été convoqué le 8 juillet 2016 à un entretien préalable fixé le 20 juillet 2016 en vue d’un éventuel licenciement et a été dispensé d’activité à compter du 20 juillet 2016.
Son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juillet 2016.
Il a été dispensé d’effectuer son préavis.
M. [X] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris le 3 juillet 2017 qui, par jugement du 20 novembre 2019, a condamné la société Nexity Conseil et Transaction à lui rembourser la somme de 133,05€ au titre de remboursement de frais et l’a débouté du surplus de ses demandes.
Le 17 décembre 2019, M. [X] a interjeté appel.
Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 septembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, M. [X] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a fait droit à la demande formulée à hauteur de 133.05 euros au titre du remboursement de frais
– L’Infirmer pour le surplus
En conséquence,
– Condamner la société Nexity Conseil et Transaction à régler à M. [X] :
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 426.790,00 €
– remboursement de frais professionnels de déplacement : 10.000 €.
– remboursement note de frais d’un montant de 133,05 € exposés sur le mois de juillet 2016.
– article 700 du code de procédure civile : 5.000 €,
– Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes,
– Ordonner la capitalisation des intérêts,
– Condamner la société Nexity Conseil et Transaction aux entiers dépens.
Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 juin 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la société Nexity Conseil et Transaction demande à la cour de :
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a condamné la Société à rembourser une note de frais à hauteur de 133,05 euros ;
Statuant à nouveau,
– Débouter M. [X] de sa demande de remboursement de note de frais.
Sur le surplus des demandes :
– Dire et juger que le licenciement de M. [X] est bien fondé ;
– Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 20 novembre 2019 (RG n°17/05088) en ce qu’il a débouté le Salarié de l’intégralité de ses demandes à l’exception du remboursement de note de frais ;
– Débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– Débouter M. [X] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner M. [X] à verser à la Société Nexity Conseil et Transaction la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
La société Nexity Conseil et Transaction a de nouveau conclu le 10 janvier 2022.
Par message du 10 janvier 2022, M. [X] a demandé le rejet de ces écritures ou le report de l’ordonnance de clôture.
La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 11 janvier 2022.
Les conclusions tardives de l’intimé, avisé depuis le 13 novembre 2020 de la date de clôture, ont été rejetées des débats lors de l’audience du 14 mars 2022 comme portant atteinte au principe de la contradiction.
MOTIFS
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est rédigée dans les termes suivants :
« Nous constatons des dysfonctionnements récurrents dans l’exercice de vos missions à travers des faits significatifs et substantiels.
Vos résultats commerciaux sont insuffisants sur ce premier semestre 2016, démontrant qu’il vous sera impossible d’atteindre votre objectif annuel. L’analyse de vos tableaux de bord révèle que vous n’avez réalisé que 8,6 % de votre objectif commercial annuel à ce jour (soit 43.115 € HT d’encaissés). L’absence d’encours et le manque de plan d’actions pour y remédier ne permettent pas d’envisager de futures affaires.
Malgré les demandes constantes et les directives de votre manager, lors des réunions d’équipe ou pendant vos points individuels, vous n’avez à ce jour déployé aucune stratégie vous permettant d’atteindre les résultats attendus pour votre niveau de séniorité : prise de rendez-vous clients, utilisation des équipes supports (marketing et études), rendez-vous croisés avec le Corporate Solutions… Vous n’utilisez donc ni les conseils, ni les moyens développés au sein de notre structure pour développer un portefeuille suffisant d’affaires potentielles.
L’analyse de votre portefeuille clients révèle un manque de démarches commerciales en inadéquation totale avec votre expérience professionnelle et votre positionnement dans l’entreprise. Nous constatons également que vous n’avez pas démarché de nouveaux clients alors que le développement commercial constitue une part primordiale de notre activité et alors même que votre manager vous y encourageait à chaque réunion notamment à travers le tableau reporting mis en place à son arrivée. L’insuffisance de résultats est donc consécutive à une insuffisance d’activité caractérisée et notamment, d’une insuffisance de prospection, de prise de rendez-vous qui sont, au regard de votre expérience, des fondamentaux inhérents à votre mission.
Votre absence de prospection ne vous permet pas de construire des encours solides pour atteindre vos objectifs. Comme nous vous l’avons signalé, l’absence de présentation de note de frais (déplacement ou déjeuners clients) depuis mai 2015 est elle-même un élément particulièrement choquant au regard du nombre de rendez-vous et de déplacement que vous auriez dû faire pour développer votre activité.
Ainsi, le constat que nous faisons de votre activité reste donc très insatisfaisant et nettement inférieur à nos attentes pour le poste que vous occupez. L’insuffisance de résultats causée par une insuffisance d’activité de votre part caractérise un manquement du salarié à ses obligations professionnelles que nous ne pouvons accepter.
Comme votre responsable hiérarchique, [L] [N], Directeur Général adjoint, vous l’a rappelé lors de votre EER (Entretien d’Engagement Réciproque) 2016, nous attendons d’un Consultant Grands Comptes qu’il fasse plus que de détenir une offre et proposer cette dernière à un client. Cette démarche n’est plus suffisante s’agissant d’un poste de votre niveau de séniorité. À titre d’illustration, le Conseil Régional Ile-de-France recherchait près de 40 000 m². Vous avez géré ce dossier seul, sans aucune coordination avec le reste de l’équipe et cela, alors même qu’il s’agissait d’un client public impliquant une procédure d’appel d’offres. Vous ne pouviez ignorer ce point compte tenu de votre expérience professionnelle. Pourtant, vous n’avez pas anticipé cet appel d’offres, l’une de vos collègues du Corporate Solutions ayant dû réagir à votre place pour assurer le nécessaire inhérent à un appel d’offres qui plus est sur une affaire d’une telle ampleur auprès d’une structure publique. L’action mobilisatrice de cette collaboratrice a permis de démontrer les capacités d’une offre plus large différenciatrice et en ligne avec notre marque et le positionnement de notre entreprise. Sans cette action, nous n’aurions pu imaginer une réponse favorable à l’appel d’offres, mais également votre manque de rigueur, d’anticipation et de travail fourni aurait alors été une carence pouvant nuire à l’image de notre structure et à celle du groupe Nexity.
Sur cette même affaire, lorsque [L] [N] vous demande de lui présenter le mandat concernant l’offre de l’opération d’Ivry, vous ne répondez pas à sa demande malgré les différentes relances. Il devra d’ailleurs, par lui-même, aller chercher le document dans la base pour constater que la date de validité est dépassée. Or, compte tenu de votre expérience, et d’un recadrage déjà exercé sur une ancienne affaire, vous ne pouviez ignorer l’importance de disposer d’un document contractuel formalisé pour respecter les dispositions légales et la sécurisation de votre relation contractuelle.
Bien que la visite que vous avez réalisée soit valable, vous n’avez donné aucune suite aux directives pourtant claires et répétées de votre manager hiérarchique. Dans cette affaire, vous n’avez cessé de répondre à votre manager que votre client ne souhaitait pas votre intervention dans les différents rendez-vous tout en lui indiquant que ce dossier vous mobilisait sur 80% de votre temps de travail.
Soucieux de cette situation particulière, votre manager vous a demandé d’obtenir des écrits de la part de votre client pour préserver les intérêts de l’entreprise. Nous n’avons jamais eu d’écrit.
S’agissant d’un collaborateur ayant plus de huit ans d’expérience dans la fonction et le service, le mandat non valide caractérisait d’une part un risque de voir les intérêts de l’entreprise menacés et d’autre part ne reflétait absolument pas les compétences attendues d’un salarié de votre niveau et caractérisait un manque de professionnalisme et un manque de respect des consignes de la hiérarchie.
Or ces dysfonctionnements sur des basiques professionnels de votre mission étaient déjà apparus dans une autre affaire et ce même manager vous avez exprimé des directives tout aussi claires quant à nos devoirs vis-à-vis de nos clients et vis-à-vis de l’entreprise. Ainsi, dans le dossier Shiseido en 2015, affaire majeure eu égard à l’enjeu financier pour l’entreprise, votre inertie avait entraîné la perte du client au profit d’un concurrent et la prise à bail d’un immeuble détenu par Nexity Conseil et Transaction par ce client. Ce client stratégique, suivi par l’entreprise, n’aura jamais fait l’objet de la signature d’un contrat dans le cadre de l’accompagnement dans son projet malgré les nombreuses relances de l’entreprise. La perte de cette affaire a occasionné un manque à gagner de 500 000€ pour l’entreprise. Votre manager vous avez alors signalé que ce type de carence et de dysfonctionnement ne sauraient être acceptés une nouvelle fois. Cet exemple répété met en avant l’absence de sécurisation des relations contractuelles et le manque de rigueur dans la gestion de vos dossiers.
Ce fut à nouveau le cas dans l’affaire Kinetik/CWT (Carlson Wagon Lit) en juillet 2015. Dans cette affaire, vous déteniez un mandat à l’offre. A la suite de la signature du bail, vous avez adressé une facture de 675 852€ HT à Union Investment RE. Vous avez justifié ce montant en expliquant qu’il comprenait une partie des honoraires prévus dans le mandat délivré par notre mandataire SCI Boulogne Parc B4E et une autre partie relative à une incentive de 10% convenue avec Union Investment. Cependant, il n’existe aucune trace contractuelle de cette incentive et malgré cela, vous persistez à faire apparaître ce montant sur la facture.
En effet, au-delà de l’inexactitude de ce montant, une telle erreur de facturation dans la gestion de cette affaire met en péril notre relation avec ce client et notre réputation sur le marché.
En plus de ces erreurs professionnelles, nous constatons que depuis plusieurs mois, toutes demandes de justification et d’échange entre vous et votre manager sont prétextes à des mails ne répondant pas aux demandes ou aux actions proposées mais font l’objet d’autres sujets toujours sous un angle polémique et sans proposition correctrices ou constructives de votre part.
A plusieurs reprises, vous manifestez une vraie problématique d’acceptation des directives et des règles que votre manager met en place depuis sa prise de poste.
Vous ne rendez pas compte de votre activité à votre supérieur hiérarchique, [L] [N], et ne respectez pas les procédures internes mises en place pour le suivi de l’activité, notamment :
Malgré la faiblesse de vos encours, vous discutez l’intérêt de faire figurer les honoraires potentiels dans l’outil de suivi interne « Ekar » et êtes fréquemment relancé sur l’importance de tenir votre reporting à jour comme cela fut le cas sur l’opération OCDE/ IN&OUT mais également sur l’opération « Losserand » ou sur celle du Conseil Régional d’Ile de France.
Vous ne complétez pas votre agenda Outlook, ne permettant pas à l’équipe et votre hiérarchie de suivre votre activité et de savoir où vous joindre, et ne donnez aucune information sur votre planning et les clients que vous rencontrez. Vous ne faites en outre aucun compte-rendu de vosrendez-vous clients. Vous ne réalisez aucun reporting de votre activité.
Vous nous indiquez ne pas souhaiter justifier de vos notes de frais relatives aux indemnités alors même que les indemnités kilométriques au forfait sont illégales.
Dès décembre 2015, [L] [N] vous rappelait la nécessité de disposer de comptes rendus qualifiés et à jour quant à la situation des projets potentiels des clients Grands Comptes. Vous n’en avez rien fait.
Autre exemple, malgré la faiblesse de votre portefeuille d’affaires, les actions mises en place par la Direction Marketing ont dû faire l’objet d’une relance à plusieurs reprises, notamment par votre hiérarchie, pour permettre la mise en place d’actions sur la liste de vos « Comptes clés ». Ce fut le cas en juin dernier lorsque la Direction du Marketing a souhaité relancer le routage des 4 emailings décideurs, cible qui vous concerne en priorité.
À ce jour, nous déplorons votre manque d’implication dans l’exercice de votre contrat de travail dans le projet d’entreprise, alors même que votre rôle en qualité de Directeur adjoint Grands Comptes est à cet égard primordial et joue un rôle d’ambassadeur pour l’ensemble du projet d’entreprise.
Quelle que soit la demande qui vous est faite, cette dernière ne fait l’objet d’aucune discussion orale mais est suivie d’un mail pour formaliser votre désaccord systématique avec la vision ou la décision et créé ainsi à chaque fois une polémique.
Vous refusez de vous inscrire dans la dynamique de l’entreprise et de l’équipe, et êtes en permanence contestataire.
À l’insu de votre hiérarchie, vous avez organisé une réunion avec CD&B une entreprise concurrente de Nexity Contractant Général, société appartenant au Groupe Nexity.
En effet, en date du 27 juin 2016, vous avez invité les équipes de la Direction Grands comptes et de la Direction Corporate Solutions à une conférence, prévue le 13 juillet 2016 dans nos locaux et animée par le Directeur Général Adjoint de CD&B, censé intervenir sur un sujet maîtrisé par NCG et notre équipe interne du Corporate Solutions. Tout ceci sans en informer [L] [N], qui a dû lui- même annulé cette réunion. Une telle attitude, inadmissible, démontre votre manque de respect du rôle des responsabilités de chacun. Vous vous permettez d’imaginer des liens voire des partenariats avec des entreprises sans respecter la stratégie et la vision de l’entreprise voire de faire entrer un partenaire concurrent direct d’une des filiales du groupe au sein de notre structure. Qui plus est sans en avoir jamais parlé à votre responsable hiérarchique ni à un quelconque membre de l’équipe de la Direction Générale.
Enfin, nous déplorons votre manque de loyauté envers l’entreprise en découvrant dans un dossier prud’homal un document interne édité par vous et transmis à un ancien collaborateur après son départ de l’entreprise. Cette attitude intolérable révèle votre souhait de ne pas adhérer au projet d’entreprise voire d’aller à l’encontre de ce dernier.
Le constat que nous faisons à ce jour est identique à celui relaté dans vos entretiens annuels 2014, 2015 et 2016 : non atteinte de votre objectif commercial deux années consécutives et un objectif atteint en 2015 ; ceci principalement par la gestion d’offres et non le développement d’un portefeuille clients.
Dans ces circonstances, votre manque de résultat ainsi que l’absence de prise en considération des plans d’actions malgré un effort constant du management nous amènent à mettre fin à un contrat de travail non respecté.
La date de première présentation de cette lettre recommandée marquera le point de départ de votre préavis d’une durée de trois mois, conformément aux dispositions de la Convention collective nationale de l’immobilier. Nous vous dispensons d’exécuter ce préavis, qui vous sera rémunéré aux échéances habituelles de paie. »
Sur la qualification des motifs du licenciement
M. [X] fait valoir que son licenciement est disciplinaire.
Les termes de lettre de licenciement qui imputent explicitement l’insuffisance de résultats du salarié à une ‘insuffisance d’activité’ et reprochent ‘un manquement du salarié à ses obligations professionnelles que nous ne pouvons accepter’ caractérisent des motifs disciplinaires et non une insuffisance professionnelle.
Il en va de même, à son niveau de seniorité, explicitement rappelé dans la lettre de licenciement, du manque de rigueur, du manque d’anticipation et du manque de travail fourni qui lui sont reprochés, outre un manque de professionnalisme et un manque de respect des consignes de la hiérarchie, illustrés par plusieurs exemples comme le signe d’une mauvaise volonté.
Enfin, la lettre de licenciement souligne un comportement fautif du salarié lorsqu’elle lui fait grief de manifester depuis plusieurs mois un esprit polémique, témoignant de difficultés d’acceptation des directives et des règles mises en place par son manager depuis sa prise de poste, d’un défaut de reporting et d’un non respect des procédures internes.
Il en va de même de l’organisation à l’insu de sa hiérarchie le 27 juin 2016 d’une conférence en invitant la société CD&B, entreprise concurrente de la société NCG, filiale du groupe Nexity, à intervenir sur un sujet maîtrisé par la société NCG et l’équipe interne du corporate solutions, réunion qui a été annulée par sa hiérarchie et d’un manque de loyauté envers l’entreprise en transmettant un document à un ancien collaborateur utilisé dans un dossier prudhomal.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
L’employeur fait grief au salarié de son insuffisante activité expliquant son insuffisance de résultat, constatée en fin de premier semestre 2016.
L’employeur établit que l’objectif financier de 500K€ pour l’année de M. [X] a été indiqué lors de l’entretien d’engagements réciproques de février 2016 et que cet objectif était le même que celui des années précédentes.
Il établit que fin juin 2016, le chiffre d’affaires encaissé ne représentait que 8%.
Cependant, dès lors que l’insuffisance de résultat ne constitue pas en elle-même une cause de licenciement, et que la lettre de licenciement l’impute à une activité insuffisante, c’est exclusivement sous cet angle qu’elle doit être considérée.
L’employeur établit que M. [X], à qui avait été clairement précisé lors de l’entretien d’engagements réciproques de février 2016 qu’il souhaitait le voir construire son chiffre d’affaires sur une activité personnelle de prospection, disposait au 19 juin 2016 du plus faible nombre de ‘rendez-vous Corporate’, au 27 juin 2016 du plus faible nombre d’offres potentielles, n’ayant par ailleurs qu’un seul rendez-vous identifié avec un prospect sur les 15 programmés au sein de l’équipe.
Ces données sont en cohérence avec la copie de pages d’un agenda Outlook relativement vide.
M. [X] qui soutient que son agenda, dont il a perdu l’accès avec sa dispense d’activité, ne pouvait être vierge et verse aux débats pour l’établir des preuves de rendez-vous dont il a pu retrouver trace. Il établit aussi par un échange de courriels, à son retour d’arrêt maladie, que son supérieur s’inquiétait tout au contraire d’une trop grande amplitude de ses horaires de travail.
Il justifie aussi qu’il avait en cours deux importants dossiers, dont le dossier Conseil Régional Ile de France, fruit d’une prospection personnelle, représentant de très loin le plus gros dossier de l’agence. Les échanges de courriels entre M. [X] et son supérieur montrent qu’il consacrait 80% de son temps à ce dossier.
Enfin, le courriel adressée par M. [X] à la présidente de la société le 17 mai 2016 atteste de sa totale mobilisation.
Dans ce contexte le grief d’absence de résultat résultant d’une absence d’activité n’est pas établi, M. [X] démontrant par ailleurs qu’il avait atteint ses objectifs les années précédentes ou eu de meilleurs résultats que ses collègues.
S’agissant de la gestion du dossier Conseil Régional Ile de France, il résulte des pièces produites qu’il a bien fait signer un mandat de visite pour le site City Seine, qu’il a fait visiter en janvier 2016 et qu’il a donc contribué par son initiative à ce que son employeur se trouve dans la liste finale des sites potentiels, même s’il n’a pas été retenu.
Si l’employeur établit que le service Corporate Solutions a ‘découvert’ ultérieurement à cette visite l’appel d’offres au titre d’une mission de conseil en vue du choix d’un site d’implantation du siège régional lancé par le Conseil Régional Ile de France, il ne caractérise pas le manque de coordination qu’il impute au salarié faute d’établir que celui-ci aurait effectivement dû l’anticiper.
Outre que l’absence de mandat valable à compter du 30 avril 2016 n’est pas de nature à priver de validité la visite initiale, l’employeur ne démontre pas que M. [X] aurait dissimulé l’échéance du mandat initial jusqu’à ce que M. [N] le découvre le 16 juin 2016, alors que le salarié en avait explicitement fait état dans un mémo du 17 mai 2016.
Dès lors, aucun manquement fautif ne peut être imputé au salarié au titre de la gestion de ce dossier.
Si l’employeur fait grief du manque de rigueur de M. [X] dans les dossiers Shiseido et Kinetik, qui datent de 2015, leur ancienneté ne permet pas de les retenir au titre des griefs fondant le licenciement, ni de les rappeler au titre de la répétition de manquements fautifs, au demeurant contestés, dès lors qu’ils n’ont eu aucune suite en leur temps.
Il est par ailleurs fait grief au salarié de ne pas rendre compte de son activité à son supérieur hiérarchique, [L] [N], et de ne pas respecter les procédures internes mises en place pour le suivi de l’activité.
Cependant, le salarié, dont il doit être rappelé qu’il était ‘directeur adjoint grands comptes’, établit par sa participation régulière aux réunions grands comptes et les courriels qu’il produit qu’il faisait des reportings réguliers à son supérieur, qu’il faisait figurer les honoraires potentiels dans l’outil de suivi interne ‘Ekar’, et qu’il pouvait être légitime à attendre de disposer d’une estimation fiable avant de renseigner le logiciel.
Sous le bénéfice des considérations qui précèdent relatives à ses activités, la preuve n’est pas rapportée que l’état de l’agenda Outlook produit à l’instance résulte exclusivement de l’administration de M. [X] lorsqu’il était en poste. Dès lors, le fait qu’il soit presque vide ne suffit pas à prouver qu’il ne le remplissait pas.
Enfin, s’il est constant que la société a modifié la procédure de remboursement des indemnités kilométriques, le fait qu’il ait soumis des documents manuscrits au lieu de recourir au logiciel en 2015, puis n’ait plus rien produit, n’établit pas qu’il ne justifiait pas de ses frais, dans un contexte où s’il n’a plus rien sollicité à compter de l’été 2015, c’était dans l’attente d’un véhicule de fonction qui lui avait été expressément promis et qui ne lui a été finalement jamais été attribué malgré plusieurs échanges l’assurant de l’imminence de cette remise.
L’employeur établit que M. [X] n’a pas répondu à la sollicitation de la Direction du Marketing lorsque celle-ci a souhaité relancer en juin 2016 le routage des quatre emailings décideurs. Ce fait ne suffit pas à caractériser une obstruction volontaire.
L’employeur ayant un pouvoir de direction, l’initiative de M. [X] d’organiser au sein de l’entreprise, sans l’aval de sa hiérarchie, une conférence animée par une société concurrente constitue une maladresse, qui n’a eu cependant aucune suite dès lors que son supérieur a immédiatement annulé cette conférence.
Enfin, l’employeur qui ne donne aucune indication de la date de découverte de la déloyauté qu’il prête à M. [X] en lui faisant grief d’avoir transmis à un ancien collaborateur après son départ de l’entreprise, un document interne qu’il aurait édité, ne caractérise aucun fait fautif non prescrit.
Le salarié verse quant à lui aux débats diverses pièces établissant un renouvellement des effectifs de l’ancienne équipe après un changement de gouvernance à la mi 2015.
Il justifie avoir bénéficié de bonnes évaluations jusqu’à celle du 8 février 2016, établie par M. [N].
Il a été particulièrement suivi par le médecin du travail à partir du 9 février 2016, le médecin du travail n’ayant pas délivré d’avis d’aptitude le 15 mars 2016 et M. [X] ayant été placé en arrêt de travail du 16 mars au 1er avril 2016. De nouveau le médecin du travail n’a pas délivré d’avis d’aptitude le 8 avril 2016 et M. [X] a été placé en arrêt de travail du 11 au 22 avril 2016.
Il a ensuite été vu par le médecin du travail à la demande de ce dernier le 3 mai 2016, puis le 5 juillet 2016 et déclaré apte.
Il justifie le management maltraitant imputé à M. [N], son supérieur direct à l’égard de l’équipe Grands comptes. Plusieurs témoignages circonstanciés de salariés, dont deux ont démissionné et un a été licencié, M. [J], M. [S], M. [K], soulignent que M. [X] était tout particulièrement concerné par la vindicte de leur supérieur alors qu’il était apprécié tant au sein du service que des clients et reconnu pour son professionnalisme.
Le management problématique de M. [N] est conforté par un courriel produit par l’employeur en date du 11 avril 2016, émanant de la responsable des ressources humaines, laquelle, se référant à l’arrêt de travail de M. [X], avait pris contact avec le médecin du travail pour qu’elle ‘organise un rendez-vous avec le manager de l’équipe en question pour faire le point sur les bonnes pratiques à adopter ou à continuer’.
Dès lors l’esprit de polémique imputé au salarié dans la lettre de licenciement ne caractérise aucune faute mais une simple volonté de discuter des appréciations de M. [N] susceptibles de lui porter tort.
Il sera enfin observé qu’un avenant à son contrat de travail a été proposé à M. [X] daté du 4 janvier 2016 et à effet du 1er janvier pour un poste de ‘conseiller grands comptes’ avec modification de sa rémunération variable et adjonction d’une clause de non concurrence, ce qui constitue une volonté de rétrogradation dès lors qu’il était ‘directeur adjoint grands comptes’ depuis 2008.
Il résulte de ces éléments que le licenciement de M. [X], qui participe d’une volonté d’éviction injustifiée, est sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera infirmé.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l’article L1235-3 du code du travail en sa version applicable à l’espèce, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.
En l’espèce, eu égard à l’ancienneté de M. [X] de 21 années, à son âge au moment du licenciement (55 ans), à son salaire mensuel brut de 17.689,65 euros, aux circonstances de la rupture, au fait qu’il a certes retrouvé un emploi, mais bien moins rémunérateur, son préjudice consécutif à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 350.000€.
Sur les frais professionnels
M. [X] produit une note de frais pour la période du 22 juin au 19 juillet 2016 et ses justificatifs pour un montant de 133,50€. Ce remboursement lui est dû quand bien-même la note n’est pas visée par son supérieur hiérarchique.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société NCT à verser à M. [X] la somme de 133,50€.
Sur les indemnités kilométriques
Le contrat de travail de M. [X] stipule que ‘les frais de carburant liés aux déplacements professionnels seront remboursés sur justificatif dans la limite de 8.000€. Le barème de remboursement du km est fixé par l’entreprise. Actuellement le barème est établi à 0,40€ par km pour les voitures. Vous pourrez par la suite bénéficier d’un véhicule de fonction selon des modalités à définir’.
M. [X] ne justifie donc d’aucun remboursement forfaitaire de 8.000€ par an pour ses déplacements professionnels. Les remboursements figurant sur ses bulletins de paie établissent qu’il était remboursé sur la base de frais réels (ex : 594,80€ en janvier 2015).
Le fait de ne pas avoir disposé de véhicule de fonction dès qu’il en a sollicité un n’est pas de nature à l’exonérer de son obligation de justifier de ses frais kilométriques en attendant.
M. [X] produit des imprimés de remboursement des frais kilométriques : l’un pour la période du 9 avril au 10 mai 2015 de 708,80€ qui a été réglé en juin 2015, l’autre pour la période du 11 mai au 10 juin 2015 de 721,60€ et le troisième pour la période du 11 juin au 8 juillet 2015 de 776,80€ qui n’ont pas été réglés.
Si les imprimés susvisés n’ont pas été faits par voie électronique, ils comportent toutes les indications exigées telles que rappelées par Mme [F] dans un courriel du 28 juillet 2015 (date, lieu de départ, destination et motif, nombre de km).
Ces frais étant justifiés, la société NCT sera condamnée à verser à M. [X] la somme de 1.498,40€
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur le remboursement à Pôle-emploi
Aux termes de l’article L1235-4 du code du travail, ‘dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées’.
Ce remboursement sera ordonné à hauteur de six mois.
Sur le cours des intérêts
Conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les sommes dues au titre des remboursement de frais sont assorties d’intérêts au taux légal à compter du jour où la société NTC a eu connaissance de cette demande, soit à la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes.
En application de l’article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société NCT sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles.
La société NCT sera condamnée à verser à M. [X] une somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la société Nexity Conseil et Transaction à lui rembourser la somme de 133,05€ au titre de remboursement de frais
L’INFIRME pour le surplus,
Et statuant à nouveau
CONDAMNE la société NCT (Nexity Conseil et Transaction ) à payer à M. [X] les sommes suivantes :
– 1.498,40€ de remboursement d’indemnités kilométriques ;
– 350.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIT que les remboursement de frais porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes ;
DIT que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière ;
ORDONNE à la société NCT (Nexity Conseil et Transaction ) de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [X] , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées ;
CONDAMNE la société NCT (Nexity Conseil et Transaction ) aux dépens ;
CONDAMNE la société NCT (Nexity Conseil et Transaction ) à payer à M. [X] la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société NCT (Nexity Conseil et Transaction ) de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE