Non-respect des procédures internes : 10 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00452
Non-respect des procédures internes : 10 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00452
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10 mai 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/00452

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00452 – N° Portalis DBVX-V-B7E-MZ57

Société FRANCE COLLECTIVITE HYGIENE

C/

[S]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 19 Décembre 2019

RG : 16/03477

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 10 MAI 2023

APPELANTE :

Société FRANCE COLLECTIVITE HYGIENE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle GOETZ de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[N] [S]

né le 17 Juillet 1965 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Ingrid GERAY de la SELARL GERAY AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Février 2023

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par lettre d’embauche en date du 9 mars 2009, M. [S] a été engagé à compter du 20 avril 2009, en qualité de responsable clientèle relevant du statut cadre, par la SARL France Collectivité Hygiène (FCH) qui exerce une activité de commerce de gros de produits d’entretien et d’hygiène.

La convention collective des entreprises et commerces de gros est applicable à la relation contractuelle, et l’entreprise employait habituellement plus de 50 salariés au moment de la rupture de la relation de travail.

La lettre d’embauche prévoyait d’une part, une rémunération composée d’une part fixe et de commissions calculées sur le chiffre d’affaires réalisé, et d’autre part, une garantie de salaire annuel équivalent à 48 000 euros pour une durée de 3 ans.

Selon la société FCH, un contrat de travail écrit aurait été présenté à M. [S] le 20 avril 2009, rectifiant les conditions de calcul des commissions, lesquelles seraient calculées sur la marge brute et non sur son chiffre d’affaires.

Par courrier recommandé en date du 23 mars 2016, la société FCH a informé M. [S] qu’à compter du 1er février 2016, la garantie de salaire ne serait plus pratiquée, et que, conformément à son contrat de travail, à compter du 1er février 2016, sa rémunération serait constituée d’une partie fixe et de commissions calculées sur la marge brute dégagée sur les livraisons.

Par courrier du 27 avril 2016, M. [S] a informé son employeur de son désaccord quant aux modifications apportées au mode de rémunération, ” à savoir la suppression de l’avance sur commission en vigueur depuis mon embauche dans la société. ” M. [S] demandait en outre de ” procéder au règlement des sommes dues au titre de la régularisation de commissions ainsi que des primes sur objectifs et ce depuis 2012, dans les meilleurs délais. ”

Par lettre recommandée en date du 3 novembre 2016, la société FCH a convoqué M. [S] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé le 17 novembre 2016.

Par requête en date du 14 novembre 2016, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes en lui demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, et de condamner la société FCH à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires, indemnités de rupture, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par lettre recommandée en date du 28 novembre 2016, M. [S] a été licencié pour faute grave en ces termes :

” Monsieur,

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue de votre licenciement, par courrier recommandé en date du 3 novembre dernier.

Vous vous êtes présenté à cet entretien, assisté de Madame [F] [Y], Déléguée du personnel. J’ai assuré cet entretien, le jeudi 17 novembre dernier, avec Monsieur [D], votre supérieur hiérarchique.

Au cours de celui-ci, nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous vous avions convoqué et avons entendu et recueilli vos explications.

Vous avez été embauché, le 20 avril 2009, en qualité de représentant commercial. Alors que vous avez effectué correctement vos missions pendant quelques années, depuis un certain temps, tel n’est plus le cas.

Certes, nous avons réorganisé notre manière de fonctionner afin d’être plus performant. Nous avons donc mis en place de nouveaux process. Ainsi, nous vous avons notamment demandé, comme à tous les commerciaux, de transmettre plus régulièrement des comptes rendus d’activité afin d’optimiser et de rationnaliser celle-ci.

Or, nous avons constaté, à plusieurs reprises que vous ne respectiez pas les process que nous avons mis en place. Nous avons donc été contraints de vous rappeler plusieurs fois à l’ordre afin que vous nous transmettiez vos rapports d’activité régulièrement. En vain.

Ainsi, en janvier 2016, votre responsable de l’époque, Monsieur [P] vous a rappelé vos obligations en ce sens et, à nouveau, notamment, en février 2016. Finalement, il n’a réceptionné des rapports d’activité qu’à nouveau, qu’à compter du 13 juin, mais de manière sporadique.

Puis, de nouveau depuis le 21 octobre dernier, plus aucun rapport ne nous a été transmis.

Vous nous avez expliqué lors de votre entretien préalable que cela résulterait d’un problème informatique. Or, vous ne nous avez jamais fait part d’un quelconque problème informatique, ni à votre supérieur hiérarchique, ni au service informatique concerné. En outre, étonnamment, en suite de notre entretien, nous avons été destinataires de l’ensemble de vos rapports depuis le 21 octobre’

Comment vos supérieurs hiérarchiques peuvent-ils vous aider dans vos missions et comment pouvez-vous optimiser celles-ci, si vous n’établissez pas de rapports d’activité et si vous ne transmettez pas ceux-ci à vos supérieurs ‘

En tout état de cause, cela constitue un irrespect total et récurrent des règles applicables au sein de notre société et surtout un irrespect de votre hiérarchie. En effet, les relances systématiques qu’ils doivent effectuer sont inadmissibles. Cela constitue une perte de temps tant pour eux que pour vous.

Mais surtout, outre l’absence de vos rapports d’activité, vous ne nous avez jamais transmis votre plan d’action ” suivi accompagnement fournisseurs stratégiques ” comme sollicité afin de vous aider à développer votre secteur et d’éviter de perdre des clients et du chiffre d’affaires.

Or, de même, malgré de nombreuses relances de notre part nous n’avons jamais obtenu ledit plan d’actions ; et ce alors que les commandes et clients que vous gérez, ne cessent de décroitre.

Pire, lors de votre entretien préalable, vous ne nous avez apporté aucune explication quant à l’absence de plan d’action, et sur les pertes de clients.

De même, vous n’avez pas été capable lors de votre entretien de nous expliquer les raisons pour lesquelles vous aviez perdu certains clients, comme DERICHBOURG (CLUB MED).

Vous ne vous êtes pas non plus inquiété auprès de ceux-ci, outre le fait qu’ils ne commandent plus des produits consommables à notre société, du fait qu’ils disposaient toujours gracieusement des distributeurs que nous leurs avions mis à disposition.

Pour preuve, encore, de votre absence de suivi des clients que vous gérez, le courrier que nous avons reçu le 14 octobre dernier du groupe Victoria qui nous réclame plus de 9000 € d’avoir sur des factures que nous avons établies en suite des commandes que vous avez prises.

En effet, ce client s’est aperçu que vous aviez commis depuis de nombreuses années, des erreurs de prix lors de la saisie de ses commandes.

Dès réception de ce courrier de réclamation, nous vous avons demandé des explications à ce sujet. Or malgré nos relances, vous ne nous avez apporté aucune explication ni n’avez nullement géré cette réclamation nous obligeant à reprendre le traitement de ce dossier, en vos lieu et place et à nous apercevoir que le montant réclamé par ledit client est justifié. Après analyse de la facturation, nous avons constaté que vous n’avez pas respecté la grille tarifaire concédée: vous avez saisi vos commandes sans aucun contrôle des prix unitaires. Ceci a engendré un courrier de réclamation de notre client voire une défiance de ce dernier. Nous allons donc devoir recalculer le montant des commissions qui vous sont dues.

Enfin, nous avons découvert dernièrement, en étudiant vos relevés de carte essence que vous utilisiez celle-ci pour un usage personnel, alors que cela est strictement interdit.

Lorsque que nous vous en avons fait part, et notamment lors de votre entretien préalable, vous n’avez nullement nié de tels faits. Vous considérez que vous aviez l’autorisation d’effectuer des déplacements personnels avec votre véhicule. Or, tel n’est nullement le cas, sauf pour les trajets domicile -travail.

En tout état de cause, la carte essence n’a nullement à être utilisée pour un usage personnel. Pourtant, vous n’avez pas hésité à le faire et notamment comme nous l’avons découvert fortuitement au mois de novembre, en avril dernier.

Ainsi, vous avez en effet effectué deux jours de suite (le vendredi 29/04/16 à 9h30 et le samedi 30/04/16 à 7h30), un plein complet du véhicule. Lors de votre entretien préalable, lorsque nous vous avons interrogé sur les raisons de ces deux pleins, vous nous avez précisé que pour des raisons personnelles, vous aviez dû effectuer un long déplacement pour régler un problème familial soit un aller-retour de plus de 900 km dans la journée dans la Meuse. Il s’agissait donc de déplacements personnels que vous n’étiez nullement autorisé à effectuer avec le véhicule mis à votre disposition par notre société, et ce sans notre autorisation.

Au surplus, vous n’aviez nullement à utiliser la carte essence de la société, pour payer des pleins d’essence pour un usage personnel.

Nous allons devoir ” repointer ” l’ensemble de vos relevés de carte essence pour vérifier ce qu’il en est à ce sujet.

Pire, ces faits nous ont démontré que vous avez purement et simplement abandonné vos missions pendant une journée pour ces prétendues raisons personnelles et ce, sans nous avertir préalablement, ni solliciter des jours de congés. Or, cela est totalement inacceptable, car outre le fait que cela constitue également un non-respect total des règles applicables au sein de notre société mais également un non-respect des biens qui vous sont mis à disposition, vous contrevenez totalement à vos obligations contractuelles et également à votre obligation de loyauté.

L’ensemble des griefs ci-avant évoqués ne font que démontrer votre total désintérêt dans l’exécution de vos missions, votre non-respect des règles applicables au sein de notre société et de votre hiérarchie, et d’une manière générale de vos obligations contractuelles.

Ce désintérêt s’explique d’autant plus que parallèlement à la persistance de l’inexécution de vos missions, votre avocat nous a contactés au mois de juin dernier afin de solliciter le versement à votre profit d’un rappel de salaire sur vos commissions, d ‘une part et la rupture amiable de votre contrat de travail, d’autre part. Vous considérez en effet, à présent, après plus de 6 ans au sein de notre société, que vos commissions devraient être calculées sur le chiffre d’affaires et non pas sur la marge brute.

Devant notre refus d’accéder à vos demandes, vous n’avez donc que complètement délaissé vos missions.

De tels comportements sont totalement inacceptables et ne peuvent nullement perdurer au sein de notre structure. En effet, nous considérons que votre attitude caractérise un grave manquement à vos obligations contractuelles.

Au surplus, les explications que vous nous avez apportées lors de votre entretien préalable ne nous ont nullement convaincu d’un éventuel changement de votre part, dans l’exécution de vos missions et le respect de nos règles.

Nous ne pouvons des lors plus tolérer votre comportement qui nuit à notre société et rend impossible le maintien de votre contrat de travail, pendant la durée de votre préavis. Nous sommes dès lors contraints de vous licencier, par la présente, pour faute grave.

Nous ne manquerons pas de vous transmettre l’ensemble des éléments officialisant la fin de votre contrat de travail dans les prochains jours.

Nous vous laisserons nous restituer l’ensemble des documents et matériels qui ont été mis à votre disposition pour l’exercice dc vos fonctions (véhicule, téléphone. …).

Par la présente, nous vous délions de la clause de non-concurrence mentionnée dans votre contrat de travail.

Conformément aux dispositions applicables, après la rupture de votre contrat de travail ouvrant droit à votre prise en charge par le régime d’assurance-chômage, le maintien du bénéfice des garanties couvertures complémentaires santé et prévoyance dont vous bénéficiez dans l’entreprise, sera maintenu dans les conditions suivantes :

– Durée de maintien de l’intégralité des garanties : 12 mois

– Conditions de prise en charge :

-Aucun prélèvement ne sera réalisé,

-Justification de votre en charge par le régime d’Assurance chômage : à envoyer dès réception après la rupture du contrat de travail à votre organisme assureur afin de pouvoir continuer à bénéficier de la couverture,

-Information sur toute modification de votre situation et notamment en cas de cessation de prise en charge par le régime d’Assurance chômage, à notre organisme d’assurance.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. ”

M. [S] a introduit une seconde requête le 17 février 2017 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 19 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

– ordonné dans l’intérêt d’une bonne justice la jonction des procédures inscrites sous les RG n°16/03477 et RG n°17/00428 conformément à l’article 367 du Code de procédure civile,

– dit que la procédure sera désormais suivie sous le RG n°16/03477,

– ordonné la résiliation du contrat de travail de M. [S] aux torts exclusifs de la SARL France Collectivité Hygiène,

– dit et jugé que la résiliation de ce contrat de travail produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du jugement,

– condamné la SARL France Collectivité Hygiène à payer à M. [S] les sommes de :

– 69 450,93 euros au titre de rappel de commissions,

– 6 945,09 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 13 576,05 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1357 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 6 938,88 euros nets au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 28 000 euros nets au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 1700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– ordonné d’office à la SARL France Collectivité Hygiène à remettre à M. [S] les bulletins de salaire, l’attestation Pole Emploi et le certificat de travail établis en fonction du présent jugement, dans un délai de 15 jours après la notification du jugement,

– dit et jugé qu’en application de l’article L.1235-4 du Code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par le salarié licencié dans la limite de 6 mois,

– débouté M. [S] de sa demande de rappel de prime d’objectifs,

– débouté la SARL France Collectivité Hygiène de sa demande au titre de l’utilisation à titre personnel des biens mis à sa disposition,

– débouté la SARL France Collectivité Hygiène de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraire,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle de droit,

– rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R.1454-28 du Code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l’employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail’) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R.1454-14 du Code du travail dans la limite de neufs mensualités,

– fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaires à 4 525,35 euros,

– rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,

– condamné la SARL France Collectivité Hygiène aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée.

La société FCH a interjeté appel de ce jugement, le 16 janvier 2020, puis le 20 janvier 2020. Les deux déclarations d’appel ont été jointes sous le numéro unique 20/00452.

Par conclusions notifiées le 28 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la société FCH demande à la cour de :

A titre principal :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [S] de ses demandes en rappels de prime d’objectifs,

– infirmer le jugement en ce qu’il :

– a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] à ses torts exclusifs,

– a dit que la résiliation de ce contrat de travail produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du jugement soit à la date du 19 décembre 2020, alors qu’un licenciement a été prononcé en novembre 2016,

– a prononcé sa condamnation à verser à M. [S] les sommes suivantes :

– 69 450,93 euros au titre de rappel de commissions,

– 6 945,09 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 13 576,05 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 357 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 6 938,88 euros nets au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 28 000 euros nets au titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 1 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– l’a condamnée à remettre à M. [S] les bulletins de salaire, l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail établis en fonction du présent jugement, dans un délai de 14 jours après la notification du jugement,

– l’a condamnée en application de l’article L.1235-4 du Code du travail, à procéder au remboursement des organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. [S] dans la limite de 6 mois,

– l’a déboutée de sa demande au titre de l’utilisation à titre personnel des biens mis à la disposition de M. [S],

– l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– l’a condamnée aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution forcée

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

– juger que les faits évoqués par M. [S] ne justifient nullement sa demande de résiliation judiciaire,

-débouter M. [S] de cette demande en résiliation judiciaire et des demandes chiffrées afférentes,

– juger bien-fondé, le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de M. [S],

– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires liées à cette demande,

– ordonner le remboursement des sommes qu’elle a versées en suite de l’exécution du jugement,

En tout état de cause :

– condamner M. [S] à lui verser :

– la somme de 321,75 euros en remboursement des sommes qu’il a engagé au titre de l’utilisation à titre personnel des biens mis à sa disposition, à savoir le véhicule et le téléphone portable,

– la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner M. [S] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 19 juin 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [S] demande à la cour de :

– débouter la SARL France Collectivité Hygiène de son appel comme injustifié :

– déclarer recevable et bien-fondé son appel incident à l’encontre du jugement rendu le 19 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a fixé la condamnation de la SARL FCH à lui payer la somme de 28 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ‘le débouter de sa demande de rappel de prime sur objectifs’,

– l’infirmer de ces chefs et le confirmer pour le surplus,

A titre principal, confirmer ledit jugement en ce qu’il a :

– ordonné la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL France Collectivité Hygiène,

– dit et jugé que la résiliation du contrat de travail produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse à la date du 19 décembre 2019,

– dit et jugé qu’il n’a pas été rempli de ses droits sur la question du versement de ses commissions sur ventes, ainsi que sur le versement de ses primes sur objectifs,

– condamné la SARL France Collectivité Hygiène à lui payer les sommes suivantes :

– 69 450,93 euros au titre de rappel de commissions,

– outre la somme de 645,09 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 6 945,09 euros au titre d’indemnité de congés payés,

– 13 576,05 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 357 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 6 938,88 euros nets au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 28 000 euros nets au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

– 1700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– condamner la SARL France Collectivité Hygiène à lui payer les sommes suivantes :

– 10 240 euros au titre de rappel sur objectifs,

outre la somme de 1024 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 55 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner SARL France Collectivité Hygiène au paiement de l’intérêt légal à compter de la saisine pour les sommes revêtant un caractère salarial, à compter du prononcé du jugement de première instance concernant les dommages et intérêts,

– débouter la SARL France Collectivité Hygiène de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

– dire et juger que son licenciement pour faute grave ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

– dire et juger qu’il n’a pas été rempli de ses droits sur la question du versement de ses commissions sur ventes, ainsi que sur le versement de ses primes sur objectifs,

– condamner la SARL France Collectivité Hygiène à lui payer les sommes suivantes :

– 69 450,93 euros au titre de rappel de commissions,

– outre la somme de 645,09 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 10 240 euros au titre de rappel sur objectifs,

– outre la somme de 1 024 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 55 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6 945,09 euros au titre d’indemnité de congés payés,

– 13 576,05 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 357 euros au titre d’indemnité de congés payés correspondante,

– 6 938,88 euros nets au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 1 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– condamner la SARL France Collectivité Hygiène au paiement de l’intérêt légal à compter de la saisine pour les sommes revêtant un caractère salarial, à compter du prononcé du jugement de première instance concernant les dommages et intérêts.

– débouter la SARL France Collectivité Hygiène de l’ensemble de ses demandes.

En tout état de cause :

– condamner la SARL France Collectivité Hygiène au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– condamner la SARL France Collectivité Hygiène au paiement des entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître GERAY, Avocat, sur son affirmation de droit.

Compte tenu de l’exécution provisoire de droit attachée à une partie du jugement, la société FCH a procédé au règlement d’une partie des condamnations prononcées à son encontre pour un montant total de 40 728,15 euros.

SUR CE :

Sur la demande de rappel de salaires au titre du paiement des commissions

M. [S] fait valoir que :

– sa lettre d’embauche du 9 mars 2009 prévoit une rémunération variable calculée sur le chiffre d’affaires réalisé par le salarié, et que le contrat de travail présenté par l’employeur prévoyant une rémunération variable calculée sur la marge brute ne lui a jamais été remis, et n’a jamais été accepté ni signé par lui,

– par courrier du 23 mars 2016, l’ employeur lui a notifié la modification unilatérale de son contrat de travail, en supprimant l’avance sur commission et en calculant les commissions sur la marge brute au lieu du chiffre d’affaires,

– la seule poursuite de son contrat de travail, en dépit de la modification de sa rémunération, ne saurait constituer son accord, et le fait que les commissions aient été ponctuellement calculées et payées sur la marge brute ne peut valoir renonciation au paiement sur le chiffre d’affaires,

– conformément à la prescription triennale de l’article L.3245-1 du Code du travail, il n’est pas prescrit puisque sa demande de rappel de salaires concerne les commissions dues aux titres des années 2013 à 2016, toutes versées au cours de l’année 2016 et qu’il a saisi le conseil de prud’hommes le 8 novembre 2016.

La société FCH fait valoir qu’aucun rappel de salaire n’est dû à M. [S] et soutient que:

– le mode de calcul des commissions prévu par la lettre d’embauche est erroné et un contrat de travail rectificatif a été remis à M. [S] lors de sa prise de poste en avril 2009, lequel prévoit que les commissions seraient calculées sur la marge brute, et non sur le chiffre d’affaires,

– depuis son embauche en 2009, les commissions de M. [S] ont toujours été calculées sur la marge brute et non sur le chiffre d’affaires et le salarié n’a jamais contesté le mode de calcul basé sur la marge brute,

– si M. [S] n’a pas signé son contrat de travail c’est uniquement par omission de sa part et en aucun cas parce qu’il était en désaccord avec les termes du contrat,

– à partir de 2012, la société n’a plus versé à M. [S] de régularisation de commissions et de prime sur objectifs, et ce à sa demande, compte tenu de son instance en divorce,

– tous les autres commerciaux de la société ont une rémunération variable calculée sur la marge brute et non sur le chiffre d’affaires.

****

L’absence de réclamation du salarié ne caractérise pas sa volonté claire et non équivoque d’accepter une modification de son contrat de travail. Dés lors, l’ acceptation par un salarié d’une modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite par lui de l’exécution du contrat de travail aux nouvelles conditions et ne peut résulter que d’un consentement exprès de sa part.

La base de calcul appliquée aux autres commerciaux de la société ne saurait être invoquée à l’égard de M. [S] dès lors que les modalités de fixation de la rémunération ne peuvent résulter que du contrat liant le salarié à l’employeur et non d’un usage supposé en vigueur dans l’entreprise.

Enfin, la société FCH invoque l’omission du salarié pour expliquer la non signature du contrat de travail mais ne produit aucune relance de sa part pour rappeler M.[S] à ses obligations ou l’inviter à procéder à cette signature.

Il en résulte que l’accord entre les parties ne repose en l’espèce que sur la lettre d’embauche M. [S], qui prévoit que les commissions sont calculées sur le chiffre d’affaires des livraisons et non sur la marge brute, et que la société FCH n’est pas fondée à opposer à M. [S] les termes du contrat de travail du 20 avril 2009 qu’il n’a pas signé, lequel prévoit que la rémunération est constituée d’une partie fixe de 3 200 euros, d’une commission de 7% sur la marge brute dégagée sur les livraisons effectuées à partir du siège, d’une commission de 5% sur la marge brute dégagée sur les livraisons effectuées à partir de Sol Services et d’ une commission de 5% sur la marge brute dégagée sur les livraisons effectuées à partir de l’agence de St Etienne.

La cour confirme par conséquent le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel de commissions de M. [S] et lui a alloué la somme de 69 450,93 euros se décomposant comme suit :

(3 615, 84 euros (rappel 2013) + 33 717,51 (rappel 2014) + 34 318,41 (rappel 2015) + 16 658,87 euros (rappel 2016)) – 18 859,79 euros (sommes effectivement perçues), outre les congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de salaires au titre de la prime d’objectifs :

M. [S] sollicite un rappel de primes sur objectif pour la période de 2013 à 2016, d’un montant de 10 240 euros se décomposant comme suit : (32 00 euros x 4) – 2 560 euros. Il fait valoir que :

-les objectifs à atteindre en termes de vente pour une année considérée lui étaient toujours communiqués en fin d’année, ce qui équivaut à une absence de fixation d’objectifs,

– il peut par conséquent prétendre à l’intégralité de sa prime d’objectifs pour chaque exercice, depuis 2013, compte tenu de la prescription triennale des salaires.

La société FCH fait valoir que :

– elle fixait les objectifs de M. [S] en début d’année afin qu’il puisse les réaliser et le salarié était informé tous les mois des objectifs réalisés et de ceux à réaliser, lors de la transmission des bulletins de paye,

– M. [S] n’a atteint ses objectifs qu’en 2012 et 2013, et pour l’année 2013, il n’a perçu sa prime qu’en 2016, conformément à sa demande.

****

L’employeur peut fixer unilatéralement les objectifs en vue du déclenchement d’une prime sur objectifs, mais il lui appartient de définir précisément les dits objectifs et de les porter à la connaissance du salarié en début d’exercice.

En l’espèce, la société FCH se réfère d’une part, aux témoignages d’autres commerciaux de la société attestant que leurs objectifs leur étaient fixés en début d’exercice, d’autre part à son courrier du 20 octobre 2016 relatif à la régularisation du solde de commissions dues au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015, ainsi qu’au bulletin de salaire du mois d’octobre 2016 qui mentionne le paiement de la somme de 2 560 euros au titre de la prime sur objectif 2013.

M. [S] produit pour sa part un tableau récapitulatif détaillé du chiffre d’affaires et de la marge brute au titre des exercices 2013, 2014, 2015 et 2016 (pièces n° 10, 14, 18 et 21), document sur lequel est indiqué l’objectif CA et l’objectif marge.

Ainsi, il est constant que la société FCH a bien communiqué ces documents, lesquels fixent l’objectif à atteindre et que le salarié n’a jamais remis en cause au cours de la relation contractuelle les modalités de notification de ses objectifs. Il en résulte que la communication systématiquement tardive des objectifs à M. [S] n’est pas établie par les éléments du débat.

Il apparaît en outre que M. [S] a exigé par courrier du 27 avril 2016 et pour la première fois, la régularisation de ses commissions et de ses primes sur objectifs depuis 2012 et qu’il n’a enfin jamais contesté l’affirmation de l’employeur selon laquelle il lui avait demandé de bloquer le paiement de ses commissions et de ne payer que son salaire fixe, au motif qu’il était en instance de divorce.

Ces éléments laissent présumer une entente entre M. [S] et son employeur sur un paiement différé de ses commissions et primes sur objectifs, ainsi que la parfaite information du salarié quant aux objectifs à atteindre.

En retenant que M. [S] produisait lui-même des documents de suivi mensuels de l’atteinte des objectifs et donc qu’il était informé des dits objectifs et que ces tableaux montraient la non-atteinte des seuils fixés, les premiers juges ont fait une juste appréciation des pièces versées aux débats à l’exception de l’exercice 2016 pour lequel aucun objectif n’étant fixé, M. [S] peut prétendre à la totalité de la prime d’objectifs mentionnée dans la promesse d’embauche, soit une somme équivalente à un 13ème mois.

Le jugement déféré qui a débouté M. [S] de sa demande sera partiellement infirmé en ce sens et la société FCH est condamnée à payer à M. [S] la somme de 3 200 euros à titre de rappel de salaire sur la prime d’objectif dûe au titre de l’année 2016.

Sur la rupture du contrat de travail

La société FCH fait valoir que :

– la résiliation judiciaire n’est pas justifiée ; les commissions de M. [S] devaient être calculées sur la marge brute et elle lui a toujours communiqué ses objectifs en début d’année, comme il a été dit ci-dessus,

– le courrier remis à M. [S] en mars 2016 ne constitue pas une modification de sa rémunération variable, et il s’agissait uniquement d’un courrier indiquant qu’elle ne pratiquerait plus la garantie de salaire et l’avance sur commissions, conformément au contrat de travail et à la promesse d’embauche,

-elle a toujours demandé à M.[S] de transmettre ses rapports d’activité de manière régulière, comme aux autres responsables commerciaux, et comme cela ressort de son contrat de travail à durée indéterminée et de ses comptes rendus d’entretien annuel d’évaluation,

– M. [S] utilisait à titre personnel son véhicule de fonction et la carte essence, alors que cela lui était interdit par le document ” contrat de véhicule “,

– subsidiairement, la date de la résiliation judiciaire doit être celle du licenciement de M. [S],

– le licenciement pour faute grave de M. [S] est justifié en raison de l’absence de transmission régulière de ses rapports d’activité et de ses plans d’actions, du non-suivi de ses clients et de la perte de certains clients, du non-respect des procédures internes applicables, et de l’utilisation à titre personnel du véhicule et de la carte d’essence mis à la disposition du salarié,

M. [S] fait valoir que :

à titre principal,

– la résiliation judiciaire de son contrat de travail est justifiée par les manquements graves de la société FCH, à savoir :

– le non-paiement de la rémunération convenue,

– la non-fixation des objectifs en début d’exercice,

– le versement d’une rémunération largement inférieure à celle convenue au moment de la conclusion du contrat de travail

– ces manquements concernent une part substantielle de sa rémunération, ils ont persisté malgré son opposition formelle et ont rendu à eux seuls la poursuite du contrat de travail radicalement impossible,

– en outre, au cours de l’année 2016, ses conditions de travail se sont fortement dégradées, par un contrôle accru de l’exécution de ses fonctions, contrairement aux autres commerciaux de l’entreprise ; et il a été subitement mis en demeure de remettre des rapports d’activité journaliers,

– l’utilisation du véhicule mis à sa disposition a été remise en cause en 2016 alors que depuis 2012, il s’était vu attribuer un véhicule de fonction qu’il pouvait librement utiliser dans le cadre de ses trajets personnels pendant les congés et pour se rendre sur son lieu de travail depuis son domicile, moyennant une participation de 91 euros par mois,

à titre subsidiaire,

– son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et aucun manquement fautif ne saurait lui être reproché compte tenu du fait que les griefs sont prescrits, imprécis et non démontrés.

****

1°) sur la demande de résiliation judiciaire :

Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines des dispositions résultant d’un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. Le manquement suffisamment grave de l’employeur est de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail

Il résulte des développements ci-avant que la société FCH n’a jamais appliqué, au cours de la relation contractuelle, les modalités de calcul des commissions prévues par la lettre de promesse d’embauche et qu’en l’absence de ratification par le salarié d’un contrat de travail établi sur d’autres bases de calcul, l’employeur a manqué à ses engagements contractuels.

Mais, il apparaît aussi que l’application de modalités de calcul distinctes dès le début de la relation contractuelle n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail, et que la relation de confiance entre M. [S] et la société FCH était telle qu’en dépit du défaut de paiement des commissions convenues, les parties se sont entendues sur le principe d’un paiement différé des dites commissions et primes sur objectifs, accord destiné à permettre à M. [S] de minorer ses obligations financières dans le cadre d’une procédure de divorce.

Dans ces conditions, étant précisé que la suppression de l’avance sur commission annoncée le 23 mars 2016 ne constitue pas un manquement contractuel, M. [S] n’est pas fondé à invoquer un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

M. [S] est en conséquence débouté de sa demande de résiliation judiciaire, le jugement étant infirmé en ce qu’il a accueilli cette demande, et il convient d’examiner les demandes formées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2°) sur le licenciement pour faute grave :

Il résulte des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié; aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société FCH a licencié M. [S] pour faute grave en invoquant :

– le défaut de transmission régulière de ses rapports d’activité et de ses plans d’action malgré les relances de sa hiérarchie,

– le non suivi de ses clients et la perte de certains clients

– le non respect des procédures internes ( documents internes et notamment les fiches clients mal renseignés ; transmission tardive de ses notes de frais),

– l’utilisation à titre personnel du véhicule mis à disposition par la société FCH et de la carte essence

– l’abandon de son poste le 29 avril 2016.

M. [S] soutient qu’il ne lui a jamais été demandé de fournir des rapports d’activité avant qu’il ne sollicite des rappels de salaire. Il soutient en tout état de cause que les faits remontant au début de l’année 2016 étaient largement prescrits à la date de sa convocation à un entretien préalable, qu’ils ne peuvent par conséquent venir au soutien d’une mesure disciplinaire et que l’employeur ne peut se prévaloir de la répétition de faits qu’il a tolérés pour justifier un licenciement pour faute grave.

Mais, la société FCH verse aux débats plusieurs demandes relatives aux rapports d’activité, largement antérieures au mois d’avril 2016.

Ainsi, M. [M] [E], directeur marketing, interpelait M. [S] par mail du 11 décembre 2014 dans les termes suivants :

” (‘) D’autre part, je ne reçois aucun rapport d’activité et aucun document de suivi des accompagnements fabricant malgré mes relances.

Merci de réagir au plus vite : ces éléments sont une des clés pour inverser la tendance de sur ton secteur. (‘) ”

Le 23 févier 2016, M. [U] [P], directeur des ventes, demandait à M. [S] ses rapport d’activités hebdomadaires dans les termes suivants :

” J’ai besoin urgemment de :

Tes rapport d’activités hebdomadaires (tableau ci-joint) à me retourner chaque début de semaine.

Le tableau ” suivi accompagnement fournisseurs ” avec l’ensemble de tes cibles pour les fournisseurs. (‘) ”

Il résulte par ailleurs de l’entretien annuel réalisé le 29 janvier 2015 que l’objectif de suivi de l’activité a été jugé non atteint et que la mise en place d’un plan d’action a été exigée dès le mois de janvier 2015, de sorte que M. [S] n’est pas fondé à soutenir que l’exigence de production de rapports d’activité et d’un plan d’action relèveraient d’une volonté de le destabiliser à la suite de ses réclamations salariales.

Ce premier grief est suffisamment établi par les éléments du débat.

Le deuxième grief, soit le non suivi de ses clients et la perte de certains clients est en lien avec le défaut de mise en place d’un plan d’actions, dès lors qu’il est reproché à M. [S] de ne pas avoir réagi à la perte de certains clients. Mais il s’agit là d’un grief qui relève de l’insuffisance professionnelle laquelle ne peut être qualifiée de fautive que si elle résulte d’un agissement volontaire. Or la perte d’un client lorsque dans le même temps le salarié en a gagné d’autres, ne suffit pas à caractériser la faute, a fortiori la faute grave. Et les courriels laconiques relatifs, notamment, à des incohérences dans les prix pour le groupe Victoria, sont inopérants pour établir la faute, s’agissant d’échanges ordinaires dans une relation commerciale.

La cour écarte ce deuxième grief.

Quant au non respect des procédures internes, le grief repose sur des rappels à l’ordre récurrents de M. [S] au sujet du renseignement des fiches clients à l’occasion de la création d’un nouveau client ou encore de la transmission tardive des frais qui a donné lieu le 21 septembre 2015 au courriel suivant de M. [E] :

” Merci de te conformer une fois pour toute aux procédures de l’entreprise.

Je ne peux pas revenir sur chacune d’entre elle à chaque fois que tu ne les respecte pas.

C’est non seulement le respect des procédures, mais c’est aussi le respect du travail de chacun, et du bon fonctionnement de l’entreprise. ”

Ce troisième grief est établi par les éléments du débat.

S’agissant de l’utilisation du véhicule mis à sa disposition, M. [S] soutient qu’il disposait de la possibilité d’utiliser le dit véhicule pour effectuer les trajets pour se rendre à l’entreprise, pour un usage personnel, moyennant une retenue mensuelle de 91 euros.

Il résulte du contrat véhicule signé par M. [S] le 25 septembre 2012, qu’un véhicule Peugeot 3008 a été mis à sa disposition pour assurer son travail de représentant et que l’utilisation pour un usage personnel est expressément exclue, sauf pour les trajets domicile-travail. Le contrat précise :

” Dans le cas où vous souhaiteriez conserver ce véhicule, pendant vos vacances, pour votre usage personnel, vous devrez formuler par écrit, une demande de dérogation auprès de la Direction.

Il sera prélevé sur votre salaire, la somme forfaitaire qui correspondra à l’avantage en nature octroyé par la mise à disposition dudit véhicule pendant vos congés. ”

Si M. [S] ne justifie pas d’une dérogation expresse lui permettant de faire un usage personnel du véhicule de la société, il résulte cependant de ses bulletins de salaire au titre de l’année 2016 qu’une somme de 91 euros a été retenue chaque mois sur son bulletin de salaire à titre de ” participation véhicule “, ce qui révèle que le salarié bénéficiait a minima d’une autorisation tacite en faveur de l’utilisation personnelle du véhicule.

Enfin s’agissant de l’utilisation de la carte essence le vendredi 29 avril 2016 et le samedi 30 avril 2016 pour effectuer un déplacement privé dans le département de la Meuse et de l’abandon de poste qui en résulte pour la journée du 29 avril 2016, ce grief contesté par le salarié, ne repose sur aucun élément objectif.

Le grief tenant à l’utilisation du véhicule, de la carte essence et à l’abandon de poste du 29 avril 2016 sera par conséquent écarté.

En définitive, la société FCH établit qu’elle a été contrainte, à de multiples reprises et ce depuis le mois de décembre 2014, de rappeler M. [S] à ses obligations telles que la transmission de ses rapports d’activité ; qu’en dépit de la décision de mettre en place un plan d’actions dès le 29 janvier 2015, M. [S] n’a jamais satisfait à cette exigence ; qu’il a également été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises au sujet du défaut de mise à jour des fiches clients et de la transmission tardive de ses notes de frais.

Ces faits fautifs n’étaient pas suffisamment graves pour rendre impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis mais justifient le licenciement qui repose donc sur une cause réelle et sérieuse.

La demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée.

M. [S] peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité conventionnelle légale de licenciement ; aucune des parties ne remet en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud’hommes a liquidé les droits de M. [S]. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la société FCH à payer à M. [S] les sommes suivantes :

* 6 938,88 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

* 13 576,05 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 1 357,00 euros de congés payés afférents.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur :

La société FCH sollicite le remboursement de la somme de 321,75 euros au titre de l’utilisation à des fins personnelles des biens mis à sa disposition tels que le véhicule et le téléphone portable. La société FCH appuie sa demande sur des factures qu’elle a établies à partir de la fin de l’année 2015, au nom de M. [S], correspondant à la ” refacturation téléphone mobile hors forfait ” ou encore à la ” refacturation frais autoroute ” .

M. [S] s’oppose à cette demande en invoquant le principe en vertu duquel ” nul ne peut se constituer de preuve à soi-même “.

****

Les factures produites ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’un usage prohibé ou excessif du téléphone, ni du véhicule mis à la disposition de M. [S]. En considérant que M. [S] n’avait pas été préalablement informé de cette refacturation et que le paiement des factures en question n’avait pas été suivi par l’employeur, le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation des éléments probatoires. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté la société FCH de sa demande reconventionnelle.

– Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Compte tenu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail. Le jugement déféré est infirmé en ce sens.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société FCH les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [S] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société FCH, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] aux torts de la société France Collectivité Hygiène et condamné cette dernière à des dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser les indemnités de chômage, et sauf en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime sur objectifs relative à l’année 2016

INFIRME le jugement déféré sur ces chefs

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [S] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail

DIT que le licenciement notifié à M. [S] par la société France Collectivité Hygiène le 28 novembre 2016 repose sur une cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE M. [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société France Collectivité Hygiène à payer à M. [S] la somme de 3 200 euros à titre de rappel de prime sur objectifs au titre de l’année 2016

ORDONNE à la société France Collectivité Hygiène de remettre à M. [S] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

DIT n’y avoir lieu à ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié

CONDAMNE la société France Collectivité Hygiène à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société France Collectivité Hygiène aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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