Non-respect des procédures internes : 1 juillet 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/02292
Non-respect des procédures internes : 1 juillet 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/02292
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1 juillet 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/02292

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022

N° 2022/

Rôle N° RG 19/02292 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDYJ2

SAS SFR DISTRIBUTION

C/

[C] [L]

Copie exécutoire délivrée

le : 1er juillet 2022

à :

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 352)

Me Jean-Pierre RAYNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 54)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00068.

APPELANTE

SAS SFR DISTRIBUTION prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Julie JARROSSON, avocat au barreau de LYON

INTIME

Monsieur [C] [L], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jean-Pierre RAYNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre suppléante

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société SFR Distribution est le principal distributeur de l’opérateur SFR auprès du public via l’exploitation de points de vente à l’enseigne ‘Espace SFR’ sur le territoire français métropolitain.

Elle applique à ses salariés la convention collective nationale des commerces et services de l’électronique, de l’audiovisuel et de l’équipement ménager.

Elle a engagé Monsieur [C] [L] à compter du 8 décembre 2006 jusqu’au 31 décembre 2006 suivant contrat de travail à durée déterminée en raison d’un surcroît d’activité lié aux fêtes de fin d’année , en qualité de conseiller de vente moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.130 € sur 12 mois. A compter du 1er janvier 2007, la relation de travail s’est poursuivie à durée indéterminée.

Monsieur [L] a été affecté au sein du point de vente ‘Espace SFR’ Plan de Campagne sis au centre commercial [2] aux [Localité 4].

Par courrier en date du 19 octobre 2016, Monsieur [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé à la date du 3 novembre 2016, une mise à pied à titre conservatoire lui étant notifiée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 décembre 2016, le salarié a été licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant de multiples infractions à la procédure de souscription d’une ligne téléphonique concernant 64 contrats détectés comme frauduleux à l’origine d’un préjudice financier.

Contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, d’indemnités et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [L] a saisi le 31 janvier 2017 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence lequel par jugement réputé contradictoire du 10 janvier 2019 a:

– dit que le licenciement de Monsieur [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société SFR Distribution à lui payer :

– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.200 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4.106 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 410 € de congés payés y afférents,

– 700 € à titre de paiement des jours de mise à pied à titre conservatoire et 70 € de congés payés y afférents,

– 1.180 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Monsieur [L] du surplus de ses demandes,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement suivant les dispositions de l’article 515 du code de procédure civile,

– condamné la société SFR Distribution aux entiers dépens.

La SAS SFR Distribution a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique en date du 08 février 2019.

Suivant conclusions d’appelante notifiées par voie électronique le 29 avril 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société SFR Distribution a demandé à la cour de :

– dire que le licenciement de Monsieur [L] repose sur une faute grave,

En conséquence:

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence du 10 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

– débouter Monsieur [L] de ses demandes,

– condamner Monsieur [L] à lui verser la somme de 1.180 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [L] aux dépens ceux d’appel distraits au profit de Maître Roman Cherfils, membre de la Selarl Lexavoué Aix en Provence, associés aux offres de droit.

Aux termes de ses conclusions d’intimé notifiées par voie électronique le 2 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur [L] a demandé à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence,

Constater que le licenciement pour faute grave ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

En conséquence:

Condamner la société SFR Distribution à lui payer :

– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.200 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 4.106 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 410 € de congés payés y afférents,

– 700 € à titre de paiement des jours de mise à pied à titre conservatoire et 70 € de congés payés y afférents,

Fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice et ordonner la capitalisation de ceux-ci;

Condamner la société SFR Distribution aux entiers dépens et à payer à Monsieur [L] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 2 mai 2022.

SUR CE:

Sur le licenciement :

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d’un contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis.

En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié.

Enfin, c’est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, rédigée en l’espèce ainsi qu’il suit :

« (‘) lors d’un contrôle des contrats réalisé par notre service Audit initié en date du 24 août 2016, nous avons constaté que 64 contrats, détectés comme frauduleux par l’opérateur SFR et souscrits par vos soins, présentaient des irrégularités flagrantes.

1 ‘ Contrats souscrits au moyen d’une carte « Nickel » :

Entre le 26 janvier 2016 et le 29 juin 2016, nous avons constaté que vous aviez souscrit 11 contrats frauduleux, au moyen de cartes bancaires liées à des comptes de type « Nickel ».

Pour rappel, un compte « Nickel » est un service de compte bancaire alternatif, qui s’active immédiatement avec une pièce d’identité et un numéro de téléphone mobile dans les débits de tabac. Un RIB, une carte bancaire MasterCard et le code de cette dernière sont délivrés dès l’ouverture d’un compte.

Or, ces cartes bancaires ne mentionnent pas les noms et prénoms des titulaires. Par conséquent elles ne sauraient être admises dans les procédures de souscription, n’étant pas cohérentes avec les documents obligatoirement fournis par les clients.

En conséquence, ces contrats ont été résiliés par l’opérateur SFR.

A titre d’exemple, nous citerons le dossier client de Monsieur [X] [M] pour lequel en date du 29 juin 2016, vous avez souscrit un nouvel abonnement associé à l’achat d’un mobile de type Iphone se 16go rose (IMEI : 355438079672682, facture n°10702016003928).

A l’analyse du contrat, nous avons constaté que cette souscription n’était pas conforme à nos procédures, puisque ce contrat a été souscrit en utilisant une carte « Nickel » c’est à dire non nominative. Or, vous ne deviez pas accepter une carte bancaire ne comportant pas les coordonnées du titulaire de la ligne.

Nous vous rappelons que votre mission requiert, au-delà de l’atteinte de vos objectifs de vente, de garantir le respect des procédures de manière rigoureuse.

A cet égard, l’article V.I.5 du code de bonne conduite annexé au règlement intérieur précise : (‘).

2 ‘ Contrats souscrits au moyen de cartes bancaires incohérentes :

Entre le 27 janvier 2016 et le 30 juillet 2016, nous avons constaté que vous aviez souscrit 48 contrats frauduleux en utilisant pour ce faire des cartes bancaires n’appartenant pas aux titulaires des lignes souscrites.

A titre d’exemple nous évoquerons le dossier client de Monsieur [H] [P] pour lequel en date du 30 juillet 2016, vous avez souscrit un nouvel abonnement associé à l’achat d’un mobile de type Iphone se 16go rose (facture n°10702016C04598, IMEI : 355797075895328).

A l’analyse du contrat, nous avons constaté que le nom du titulaire de la ligne diffère du nom du titulaire de la carte bancaire, qui est au nom de Mademoiselle [K] [U].

Ces deux éléments que vous êtes pourtant tenu de vérifier ne sont pas identiques. En conséquence, le contrat a été résilié par l’opérateur SFR.

A nouveau, vous n’étiez en aucun cas autorisé à accepter un quelconque document, en vue d’une souscription de contrat, ne comportant pas les nom et prénom du futur titulaire de la ligne, les règles et les procédures en vigueur vous imposant expressément de vérifier que le client est bien le titulaire de l’ensemble des pièces fournies.

Par ailleurs, il convient de noter que la carte bancaire de Mademoiselle [K] [U] précitée a été réutilisée à de nombreuses reprises : en effet, vous avez souscrit 2 contrats portant le nom de différents titulaires, avec cette même carte bancaire.

En outre, toutes ces factures ont été réalisées selon le même mode opératoire, à savoir :

– Un paiement en espèces,

– Des mobiles de haute valeur associé à des forfaits 24 mois, permettant ainsi de bénéficier d’un tarif préférentiel

– Un règlement partiel par le biais de la « facilité de paiement ».

Ainsi, ces multiples manquements de votre part quant au contrôle des pièces justificatives ont créé un important préjudice financier pour l’entreprise puisque les contrats irréguliers ont été résiliés par l’opérateur SFR.

De plus, toutes les factures précitées se rapportent à des contrats établis avec « facilité de paiement » consistant à régler un tiers du prix du mobile le jour de son achat et les deux tiers restant en mensualités directement imputées sur la facture SFR du client. Or, ces mensualités n’ont pas pu être recouvrées par notre opérateur, dans la mesure où ces lignes ont été suspendues pour fraude, ce qui vient ainsi augmenter le montant du préjudice.

Enfin, toutes ces factures ont été réalisées sous votre code, qui est personnel et qui permet à l’entreprise de comptabiliser les ventes que vous réalisez et par conséquent de calculer votre rémunération variable afférente. La souscription de ces abonnements réalisée dans le cadre d’un non-respect des procédures, vous ont permis d’augmenter artificiellement vos réalisations et donc de percevoir à tort une rémunération.

Vous avez donc contourné les procédures en vigueur dans l’entreprise, afin d’en tirer un bénéfice personnel. Ces faits caractérisent un abus d’expertise de votre part. En effet, le règlement intérieur stipule en son article V.2.3 (‘).

3 ‘ Documents d’identité incohérents :

Nous avons constaté que vous avez souscrit un contrat, le 06 mai 2016, non conforme à l’identité du client telle que figurant sur sa pièce d’identité.

En effet, le 06 mai 2016, un téléphone de type Samsung Galaxy S6 32 GO noir a été facturé par vos soins à Monsieur [H] [D] (facture n°10702016002912 / IMEI : 357011079447955).

Après vérification, nous avons constaté que le nom du titulaire de la ligne diffère du nom du titulaire du titre de séjour ayant servi à la souscription, tout en sachant que ces deux éléments sont censés être identiques comme indiqué sur la procédure précitée. En effet, le nom du titulaire de la ligne est [H] [D], alors que le nom du titulaire du titre de séjour [H] [D].

Ainsi, ces éléments que vous êtes tenu de vérifier sont incohérents. En conséquence, cette ligne a été résiliée par l’opérateur SFR.

Pour rappel, lors de chaque souscription, notre logiciel EZY rapproche les coordonnées des clients, saisies par vos soins, au fichier « Préventel ». Ce fichier rassemble les identités des abonnés qui, au terme du processus de recouvrement commercial, n’ont pas honoré leur facture de télécommunications, ainsi que celles des personnes ou entreprises qui ont présenté des pièces justificatives falsifiées ou des renseignements inexacts lors de la souscription du contrat d’abonnement.

Or, le fait d’effectuer un enregistrement erroné, sur notre outil de souscription EZY, du nom et de la date de naissance de cette cliente, n’a pas permis à notre logiciel d’effectuer les vérifications nécessaires en lien avec ce fichier.

Ces faits mettent en lumière un manque total de rigueur de votre part. Nous vous rappelons que votre mission requiert au-delà de l’atteinte de vos objectifs de vente, de garantir le respect des procédures de manière rigoureuse.

A cet égard, l’article V.1.5 du code de bonne conduite annexé au règlement intérieur précise : (‘)

4 ‘ Ajout de ligne mobile avec des cartes bancaires incohérentes :

Entre le 08 février 2016 et le 29 mars 2016, nous avons constaté que vous aviez souscrit 4 contrats frauduleux en utilisant pour ce faire des cartes bancaires n’appartenant pas aux titulaires des lignes souscrites.

A titre d’exemple nous évoquerons le dossier client de Monsieur [Y] [A] pour lequel en date du 08 février 2016, vous avez souscrit un ajout de ligne mobile associé à l’achat d’un mobile de type Iphone 6s 16go argent (facture n°107020160008A4, IMEI : 355430079195285).

A l’analyse du contrat, nous avons constaté que le nom du titulaire de la ligne diffère du nom du titulaire de la carte bancaire, qui est au nom de [V] [E].

Ces deux éléments, que vous êtes pourtant tenu de vérifier, ne sont pas identiques. En conséquence, le contrat a été résilié par l’opérateur SFR.

De plus, toutes les factures précitées se rapportent à des contrats établis avec « facilité de paiement » consistant à régler un tiers du prix du mobile le jour de son achat et les deux tiers restant en mensualités directement imputées sur la facture SFR du client. Or, ces mensualités n’ont pas pu être recouvrées par notre opérateur, dans la mesure où ces lignes ont été suspendues pour fraude, ce qui vient ainsi augmenter le montant du préjudice.

A nouveau, vous n’étiez en aucun cas autorisé à accepter un quelconque document, en vue d’une souscription de contrat, ne comportant pas les nom et prénom du futur titulaire de la ligne, les règles et procédures en vigueur vous imposant expressément de vérifier que le client est bien le titulaire de l’ensemble des pièces fournies.

Au regard des différents éléments exposés, du nombre considérable de contrats irréguliers souscrits par vos soins et du préjudice financier ainsi causé, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. »

Il est ainsi reproché à Monsieur [L] de ne pas avoir respecté les procédures internes de souscription de lignes téléphoniques en violation de l’article V.I.5 du code de bonne conduite annexé au règlement intérieur et d’avoir commis un abus d’expertise prévu par l’article V.2.3. du règlement intérieur :

– en validant des dossiers constitués d’une carte bancaire non nominative (carte nickel) ne mentionnant pas le titulaire de la ligne ou d’une carte bancaire n’appartenant pas à celui-ci,

– en contournant l’identité du souscripteur pour forcer l’ouverture de la ligne,

– en violant délibérément la procédure dite d’ajout de ligne pour réduire le prix d’achat du mobile associé à la nouvelle ligne ouverte,

ces faits, constitutifs selon l’employeur, d’une faute grave étant à l’origine d’un préjudice financier.

La SAS SFR Distribution fait valoir en substance:

– qu’à l’issue d’un contrôle du point de vente ‘Espace SFR’ réalisé le 24 août 2016, le service d’audit interne a mis en évidence plusieurs infractions à la procédure de souscription d’une ligne téléphonique commises par Monsieur [L] lequel a accepté de valider la souscription de 64 contrats irréguliers alors qu’il était parfaitement informé de la procédure interne à suivre lors de la souscription d’un abonnement téléphonique laquelle exige que toutes les informations enregistrées lors de la souscription soient strictement identiques aux renseignements figurant sur les documents présentés par les clients, que des incohérences ont été constatées dans les documents obligatoirement soumis par le client et également entre l’identité du client souscripteur et la carte bancaire nécessaire au dossier de souscription outre la modification de l’orthographe du nom de clients empêchant le logiciel EZY de procéder aux vérifications nécessaires en lien avec un autre fichier ‘Preventel’;

– que les pièces qu’elle verse aux débats établissent la matérialité des faits reprochés constitutifs de la faute grave privative d’indemnités alors que le non respect par le salarié de la procédure interne à de nombreuses reprises en violation des valeurs de la société SFR Distribution figurant dans le règlement intérieur a mis en évidence l’intention fautive de celui-ci d’accroître sa rémunération variable au mépris de l’intérêt légitime de la société a laquelle il a causé un préjudice de 57 000 €.

Monsieur [L] répond qu’il n’a jamais reçu le moindre reproche ni avertissement et qu’il a toujours donné entière satisfaction à son employeur, que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés l’employeur n’apportant aucun élément objectif de nature à prouver les griefs allégués alors qu’il ne justifie pas que le règlement intérieur versé aux débats en cause d’appel ait été porté à sa connaissance.

L’employeur, qui n’était pas comparant en première instance, verse aux débats les pièces suivantes:

– le contrat de travail à durée déterminé du 8 décembre 2006 ainsi que l’avenant du 1er janvier 2007 transformant la relation de travail en un contrat de travail indéterminée dont l’article 20 prévoit au titre des dispositions diverses, que le salarié est ‘astreint au respect des prescriptions du règlement intérieur ainsi qu’aux différentes notes de service et procédures internes’,

– un règlement intérieur établi le 19 novembre 2009 entré en vigueur depuis le 1er janvier 2010 contenant les articles V.1.5 et V.2.3 mentionnés dans la lettre de licenciement prévoyant pour le premier le respect obligatoire des procédures ‘même si elles peuvent parfois sembler contraignantes’ et pour le second définissant l’abus d’expertise de la façon suivante:

‘Un salarié ne devra pas utiliser son expertise dans le but volontaire de contourner l’esprit des procédures, réglements, consignes laissant apparaître une faille,un oubli, (…) afin d’en tirer un profit personnel ou d’en faire bénéficier son entourage. Cette attitude aura notamment pour conséquence de porter atteinte à l’image de l’entreprise, de générer un manque à gagner pour celle-ci, de remettre en cause l’équité lors de challenge, de renier les valeurs de l’entreprise.’;

– un rapport de la direction Audit (pièce n°4) adressé à la direction de l’entreprise le 24 août 2016 ayant pour objet ’53 fraudes souscription – [C] [L]’ relevant à l’issue de l’analyse des rapports des contrats souscrits par le salarié entre janvier et avril 2016 les irrégularités suivantes à l’origine d’un préjudice financier de 24.025 euros:

‘- Titulaire CB différent du titulaire de la ligne : 40 contrats dont un contournement de nom;

On retrouve même des titulaires de lignes différents avec le même titulaire CB:

[Z] [W] pour 9 titulaires de lignes

[T] [J] pour 8 titulaires de lignes

[V] [E] pour 2 titulaires de lignes

[G] [S] pour 2 titulaires de ligne,

– ajout sur ligne mère souscrite par [L] dont titulaire CB différent/RIB identiques pour plusieurs titulaires de lignes : 5 contrats,

– utilisation compte Nickel ( CB anonyme) 7 contrats.

– utilisation d’un même RIB pour plusieurs clients (ex 1 rib pour 5 clients [B]/[R]/[O]/[N]/[I]) certains contrats étant souscrits la même journée voire facturée à moins d’une minute d’intervalle’,

– les rapports dématérialisés, factures et détails des contrats irréguliers correspondant aux mois de janvier, février et mars 2016 ainsi qu’un tableau récapitulatif (pièces n° 5 à 9),

– un document intitulé ‘constitution du dossier client mobile/ pièces justificatives’ (pièce n°12).

Il se déduit de l’examen de ces différents éléments que l’employeur ne justifie pas avoir porté à la connaissance du salarié le règlement intérieur en vigueur à compter du 1er janvier 2010, soit postérieurement à son engagement au sein de la société SFR Distribution sur les dispositions duquel il s’appuie pour reprocher à Monsieur [L] le non-respect des procédures internes ainsi qu’un abus d’expertise, ce document n’étant donc pas opposable à ce dernier, pas plus qu’il n’établit que le salarié était, ainsi qu’il le soutient, parfaitement informé de la procédure interne à suivre lors de la souscription d’un abonnement téléphonique cette dernière étant, selon lui, disponible sur l’intranet et le portail de souscription SFR alors que la pièce n°12 destinée à prouver la connaissance nécessaire par le salarié de la procédure à suivre lors de la souscription d’un abonnement téléphonique par un particulier notamment quant aux pièces exigées du souscripteur est parfaitement illisible, qu’au surplus, l’employeur ne verse pas aux débats le fichier Top Fraude de Mai 2016 lequel serait à l’origine du déclenchement de l’audit concernant le salarié ‘au vu du risk maximum élevé (57K)” et ne justifie pas du montant exact du préjudice subi, des chiffres différents figurant dans les éléments produits et aucun calcul ne concernant le montant correspondant à la rémunération variable versée au salarié à partir des souscriptions considérées comme frauduleuses de sorte que la société SFR Distribution ne permet à la cour d’apprécier ni la connaissance exacte qu’avait le salarié de la procédure litigieuse et ainsi le caractère volontaire des irrégularités constatées s’agissant d’un salarié n’ayant jamais été sanctionné en dix années de présence dans l’entreprise ni même l’étendue du préjudice allégué de sorte que le doute devant profiter au salarié, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant dit que le licenciement de Monsieur [L] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au vu des bulletins de salaire et de l’attestation pôle emploi produits, il convient de fixer le salaire de référence à la somme de 1.860,31 €.

Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la société SFR Distribution à régler à Monsieur [L] une somme de 700 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ainsi que 70 € de congés payés afférents, ce montant n’ayant pas été contesté par l’employeur à titre subsidiaire.

En revanche, compte tenu du salaire de référence retenu, le montant des indemnités de préavis et de licenciement est réformé, la société SFR Distribution étantcondamnée à régler au salarié une somme de 3.720,62 € à titre d’indemnité sur préavis ainsi que 372,06 € de congés payés y afférents ainsi que la somme de 3.720,62 € à titre d’indemnité de licenciement.

Enfin, par application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, compte tenu d’une ancienneté de dix années dans une entreprise employant plus de 11 salariés, d’un âge de 34 ans au moment de la rupture de la relation de travail, de ce que Monsieur [L] ne verse aux débats qu’une notification d’ouverture de droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi datant du 11 janvier 2017 sans justifier de l’évolution de sa situation professionnelle postérieurement à cette date et notamment de ses recherches d’emploi, il y a lieu, par réformation des dispositions du jugement entrepris de condamner la société SFR Distribution à lui verser la somme de 11.161,86 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi :

En application de l’article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout au partie des allocations de chômage versées au salarié licencié ayant deux années d’ancienneté au sein de l’entreprise lorsque celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, peut être ordonné dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l’espèce, la société SFR est condamnée à rembourser à l’organisme Pôle Emploi concerné les allocations de chômage versées au salarié licencié dans la limite de trois mois.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.

Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil. Le jugement déféré, qui a rejeté la demande, sera infirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la société SFR Distribution aux dépens de première instance et à payer à Monsieur [L] une somme de 1.180 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

La société SFR Distribution est condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour:

Statuant publiquement, contractoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception :

– des montants des sommes allouées au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– du rejet de la demande de capitalisation des intérêts,

qui sont infirmées.

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Condamne la société SFR Distribution à payer à Monsieur [L] les sommes suivantes:,

– 3.720,62 € € à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 3.720,62 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 372,06 € de congés payés y afférents,

– 11.161,86 € € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rappelle que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce.

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

Condamne la société SFR Distribution à rembourser aux organismes intéressés des allocations de chômage versées au salarié licencié dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage.

Condamne la société SFR aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

 


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