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Le non-respect des conditions de l’octroi des aides du CNC emporte remboursement intégral desdites aides.
Si la date et le lieu des tournages ne conditionnent pas l’attribution des aides financières, l’objet même de l’aide peut être de subventionner une œuvre de récréation de spectacle vivant dans les conditions fixées notamment par la demande déposée par la société de production. Le non-respect des dates et lieu des tournages constituent dans ce cas une violation des conditions de délivrance des aides.
Les décisions par lesquelles le CNC retire à une société les autorisations préalables de financement d’œuvres audiovisuelles et sollicitant le remboursement des sommes déjà versées, ont pour seul objectif de recouvrer une subvention devenue indue compte tenu du non-respect de certaines des conditions fixées dès l’origine à son octroi.
Dès lors, ces décisions ne constituent pas des sanctions administratives et le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit selon lequel une personne ne peut être sanctionnée deux fois à raison des mêmes faits doit être écarté.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Tribunal administratif de Paris
5e section – 1re chambre
8 juillet 2022
N° 2001627
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2020 et le 18 novembre 2020, la société Supersonic films et son gérant M. A B, représentés par Me Tendeiro, demandent au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 28 novembre 2019 par laquelle la commission du contrôle et de la réglementation du Centre national du cinéma (CNC) et de l’image animée a prononcé à l’encontre de la société une sanction du remboursement intégral des aides attribuées au titre des trois œuvres intitulées « Out of the cage », « Very Aomby », « Lindigo vs Skip et Die » dans la mesure où la société n’aurait pas déjà procédé à ce remboursement et a infligé un avertissement à son gérant ;
2°) d’enjoindre au CNC d’attribuer à la société l’autorisation définitive validant l’aide financière de 25 000 euros qui lui a été provisoirement accordée pour l’œuvre « Out of the cage » et de lui verser, en conséquence, le solde dû ;
3°) d’enjoindre au CNC d’accorder à la société un délai de deux ans et quatre mois à compter du jugement à intervenir pour obtenir l’autorisation définitive pour le tournage de « Lindigo vs Skip et Die » et « Very Aombi » ;
4°) d’enjoindre au CNC d’intégrer rétroactivement les montants attribués pour les captations de « Out of the cage », « Lindigo vs Skip et Die » et « Very Aombi » dans le calcul des aides automatiques dont la société bénéficie pour l’année 2017 ;
5°) de mettre à la charge du CNC une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
— le procès-verbal constatant les griefs qui lui sont reprochés a été dressé par une inspectrice avec laquelle ils ont préalablement travaillé, en méconnaissance de l’article R. 411-2 du code du cinéma et de l’image animée ;
— la décision du 28 novembre 2019 méconnaît le principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne pour les mêmes faits ;
— le report des captations, qui est conforme aux autorisations préalables et ne méconnaît aucune disposition du code du cinéma et de l’image animée, n’est pas fautif.
Par un des mémoires en défense, enregistrés le 10 juillet 2020 et le 21 décembre 2020, le CNC, représenté par Me Piwnica, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Supersonic films.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Supersonic films et son gérant, M. B, ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 novembre 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 23 décembre 2020.
Vu :
— le jugement n° 1819135 et autres rendu le 28 mai 2021 par le tribunal administratif de Paris ;
— les autres pièces du dossier.
Vu :
— le code du cinéma et de l’image animée ;
— le code des relations entre le public et l’administration ;
— le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
— le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de Mme C,
— les conclusions de Mme Lambrecq, rapporteure publique,
— et les observations de Me Rozenfeld, représentant la société Supersonic films, et de Me Molinié, représentant le Centre national du cinéma et de l’image animée.
Considérant ce qui suit :
1. La société Supersonic films a sollicité du CNC une aide sélective à la production pour des œuvres intitulées « Out of the cage », « Very Aombi » et « Lindigo VS Skip et Die » consistant en la captation des concerts du groupe The Dizzy Brains, de l’artiste Damily et des groupes Lindigo et Skip et Die lors du festival Rio Loco à Toulouse. Trois autorisations préalables lui ont été délivrées pour ces œuvres et 75 % des aides accordées lui ont été versées. Informé de ce que la société n’avait pas pu tourner lors de ce festival, faute d’autorisation, le CNC a ouvert une enquête en octobre 2017. Par trois décisions du 30 août 2018, le CNC a retiré les autorisations préalables et demandé le remboursement des aides versées. Par un jugement du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les requêtes formées par la société Supersonic films contre ces décisions. Par une décision du 28 novembre 2019, le CNC a prononcé à l’encontre de la société Supersonic films la sanction du remboursement intégral des aides attribuées au titre des œuvres « Out of the cage », « Very Aombi » et « Lindigo VS Skip et Die », dans la mesure où elle n’aurait pas déjà procédé à ce remboursement, et a infligé un avertissement à M. B, gérant de cette société. Par la présente requête, la société Supersonic films et M. B demandent au tribunal d’annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 411-2 du code du cinéma et de l’image animée : « () / Nul agent commissionné ne peut être désigné pour contrôler une personne auprès de laquelle il a exercé une activité professionnelle au cours des trois années précédentes ».
3. En l’espèce, un procès-verbal relatif aux manquements de la société Supersonic films à ses obligations relativement à la gestion des aides financières qui lui avaient été octroyées par le CNC a été établi le 28 mars 2018 par deux inspectrices. Si les requérants soutiennent qu’une de ces inspectrices a, en sa qualité passée de chef du service au soutien au documentaire du CNC, travaillé avec eux au cours des trois années précédant le contrôle, il est constant que cette personne n’a exercé aucune activité professionnelle au sein de la société Supersonic films. Par suite, le moyen tiré de ce que les sanctions du 28 novembre 2019 seraient entachées d’un vice de procédure au regard des dispositions de l’article R. 411-2 du code du cinéma et de l’image animée en ce qu’elles se fondent sur ce procès-verbal doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les décisions du 30 août 2018 par lesquelles le CNC a retiré à la société Supersonic films, des autorisations préalables de financement d’œuvres audiovisuelles et a sollicité le remboursement des sommes déjà versées, ont pour seul objectif de recouvrer une subvention devenue indue compte tenu du non-respect de certaines des conditions fixées dès l’origine à son octroi. Dès lors, ces décisions ne constituent pas des sanctions administratives et le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit selon lequel une personne ne peut être sanctionnée deux fois à raison des mêmes faits doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée : ” Dans les conditions prévues par le présent titre, des sanctions administratives peuvent être prononcées à l’encontre des personnes ayant méconnu les obligations résultant pour elles : / 1° Des dispositions prises pour l’application du 2° de l’article L. 111-2 relatif aux aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée ; « . L’article L. 111-2 du même code dispose : » Le Centre national du cinéma et de l’image animée a pour missions : () / 2° De contribuer, dans l’intérêt général, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée et d’en faciliter l’adaptation à l’évolution des marchés et des technologies. A cette fin, il soutient, notamment par l’attribution d’aides financières : / a) La création, la production, la distribution, la diffusion et la promotion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédias, ainsi que la diversité des formes d’expression et de diffusion cinématographique, audiovisuelle et multimédia « . Aux termes de l’article 121-5 du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l’image animée : » Le versement des aides financières attribuées par le Centre national du cinéma et de l’image animée est strictement conditionné au respect des conditions auxquelles est subordonnée leur attribution et au respect des conditions mises à la réalisation du projet ou de la dépense faisant l’objet des aides “.
6. En l’espèce, pour sanctionner la société Supersonic films et son gérant, le CNC s’est fondé sur le fait que cette société a transmis des pièces justificatives inexactes et insincères à l’appui de ses demandes d’aides financières. Il résulte de l’instruction que la société Supersonic films a déposé, en mars et mai 2017, des demandes d’aides à la production pour les captations de trois concerts qui devaient avoir lieu les 15, 16 et 18 juin 2017 à l’occasion du festival Rio Loco à Toulouse. Il résulte également de l’instruction qu’alors qu’elle savait dès le 9 juin 2017 qu’elle ne disposait finalement d’aucune autorisation pour tourner sur les lieux du festival, la société n’en a pas informé le CNC, lorsqu’elle a répondu à ses demandes d’informations complémentaires les 16 et 19 juin 2017, afin d’obtenir le versement de la première partie des aides sollicitées. Si la date et le lieu des tournages ne conditionnent pas l’attribution des aides financières, l’objet même de l’aide est de subventionner l’œuvre de récréation de spectacle vivant dans les conditions fixées notamment par la demande déposée par la société de production. Or, la société Supersonic films ne conteste pas que les notes d’intention dans les dossiers de demande indiquaient la particularité et l’intérêt de capter ces concerts dans le cadre du festival Rio Loco. Dans ces conditions, la captation des concerts à l’occasion de ce festival peut être regardée comme une condition mise à la réalisation des projets faisant l’objet des aides. Enfin, si la société Supersonic films soutient que le Centre national du cinéma et de l’image animée n’a pas sollicité le remboursement des aides accordées pour d’autres projets ayant fait l’objet de changement de date et lieu de tournage, cette circonstance est sans incidence sur le caractère fautif de son comportement. Dès lors, il résulte de l’instruction que la société Supersonic films et, nécessairement, son gérant, ont manqué à leurs obligations, résultant des dispositions citées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de ce que les faits reprochés aux requérants ne sont pas fautifs doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 28 novembre 2019 doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
8. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation, n’implique aucune mesure d’exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d’injonction doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais liés à l’instance :
9. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par les requérants doivent dès lors être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Supersonic films et de M. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Supersonic films, à M. A B et au Centre national du cinéma et de l’image animée.
Délibéré après l’audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Riou, présidente,
Mme Laforêt, première conseillère,
Mme Marchand, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.
La rapporteure,
L. C
La présidente,
C. Riou
La greffière,
V. Lagrède
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.