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La Charte informatique de l’entreprise n’est pas opposable au salarié, faute de démonstration de l’accomplissement des formalités de publicité prévues par le code du travail.
En la cause, la société MEUBLES IKEA FRANCE ne justifie en rien du respect des règles, prévues par les dispositions de l’article L. 1321-4 du code de travail, de consultation, de dépôt et de publicité afférentes au règlement intérieur de l’entreprise et à la charte informatique qui lui est annexée. Les règles contenues dans cette charte informatique ne sont donc pas opposables au salarié DSI et il ne peut ainsi lui être fait grief de ne pas les avoir respectées (procédure d’intrusion informatique). La société IKEA a écoppé d’une condamnation de 90 000 euros. Pour rappel, le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. En même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l’inspecteur du travail. Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur.. |
Résumé de l’affaire : M. [F] [G] a été employé par la société MEUBLES IKEA FRANCE depuis le 2 octobre 1995, d’abord en tant que technicien micro-informatique, puis promu directeur des systèmes d’information à partir du 1er janvier 2011. Le 17 septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, qui a été notifié le 2 octobre 2018 pour cause réelle et sérieuse à caractère disciplinaire. M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles le 27 juin 2019, demandant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour conditions vexatoires. Le jugement du 12 juillet 2022 a confirmé la légitimité du licenciement et rejeté ses demandes. M. [G] a interjeté appel le 12 août 2022. Dans ses conclusions, il a demandé l’infirmation du jugement et des indemnités. La société MEUBLES IKEA FRANCE a contesté la recevabilité de certaines demandes et a demandé la confirmation du jugement initial. Le 23 mai 2024, la cour a rejeté les fins de non-recevoir, a infirmé le jugement sur le licenciement, a déclaré celui-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la société à verser 90 000 euros à M. [G] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC. La société a également été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à M. [G] et aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/02582
N° Portalis DBV3-V-B7G-VMA5
AFFAIRE :
[F] [G]
C/
S.A.S. MEUBLES IKEA FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juillet 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation de départage de VERSAILLES
N° Chambre : E
N° RG : 19/00396
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Emilie THIVET-GRIVEL
Me Catheline MODAT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
M. [F] [G]
né le 20 Avril 1979 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Emilie THIVET-GRIVEL de la SELARL ETG AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 529
APPELANT
****************
S.A.S. MEUBLES IKEA FRANCE
N° SIRET : b35 1 7 45 724
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Catheline MODAT de l’AARPI Studio Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R115
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,
Greffier lors du prononcé : Madame Anne REBOULEAU, greffière
M. [F] [G] a été embauché, à compter du 2 octobre 1995, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de technicien micro-informatique par la société MEUBLES IKEA FRANCE.
En dernier lieu, à compter du 1er janvier 2011, M. [G] a été promu dans l’emploi de directeur des systèmes d’information (statut de cadre) de la société MEUBLES IKEA FRANCE.
Par lettre du 17 septembre 2018, la société MEUBLES IKEA FRANCE a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 2 octobre 2018, la société MEUBLES IKEA FRANCE a notifié à M. [G] son licenciement pour cause réelle et sérieuse à caractère disciplinaire.
Au moment de la rupture du contrat de travail, la société MEUBLES IKEA FRANCE employait habituellement au moins onze salariés
Le 27 juin 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles pour demander notamment la condamnation de la société MEUBLES IKEA FRANCE à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour conditions vexatoires du licenciement.
Par un jugement de départage du 12 juillet 2022, le juge départiteur du conseil de prud’hommes a :
– rejeté des pièces en langue anglaise non assorties de traduction ;
– dit que le licenciement de M. [G] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouté M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– débouté M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mis les dépens la charge de M. [G].
Le 12 août 2022, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 17 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens, M. [G] demande à la cour de :
– DIRE l’appel recevable en la forme et bien fondé au fond,
– INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de VERSAILLES le 12 juillet 2020 en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires, dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du CPC, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, mis les dépens à sa charge,
– ET STATUANT A NOUVEAU,
– JUGER que la charte informatique versée aux débats est inopposable au salarié,
– JUGER que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– CONDAMNER la société MEUBLES IKEA FRANCE à lui verser la somme de 130’337,98 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-CONDAMNER la société MEUBLES IKEA FRANCE à lui verser la somme de 30 000
€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires :
– CONDAMNER la société MEUBLES IKEA FRANCE à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC
– CONDAMNER la société MEUBLES IKEA FRANCE à lui payer les intérêts au taux légal à compter de la demande de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, avec anatocisme.
Aux termes de ses dernières conclusions du 22 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens, la société MEUBLES IKEA FRANCE demande à la cour de :
1) A titre liminaire :
– DECLARER que la demande d’inopposabilité de la charte informatique est une demande nouvelle
– DECLARER que la demande est irrecevable
2) A titre principal :
– DECLARER QUE le salaire de référence de M. [G] s’élève à 7.413,72 Euros bruts,
– DECLARER IRRECEVABLES ET ECARTER les demandes de « juger » dont la Cour n’est pas valablement saisie,
– CONFIRMER LE JUGEMENT du Conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :
– déclaré le licenciement de M. [G] justifié par une cause réelle et sérieuse
– débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes,
3) En tout état de cause,
– DEBOUTER M. [G] au titre de sa demande d’article 700 CPC
– CONDAMNER M. [G] à verser à la société MEUBLES IKEA FRANCE la somme de 3.000,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNER M. [G] [F] [G] aux dépens.
Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 23 mai 2024.
Sur l’irrecevabilité de la ‘demande d’inopposabilité de la charte informatique’ :
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile : ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
La société MEUBLES IKEA FRANCE soutient que la ‘prétention’ formée par M. [G], tendant à déclarer la charte informatique de l’entreprise inopposable, est irrecevable pour être nouvelle en appel.
Toutefois, l’inopposabilité à son encontre de la charte informatique de l’entreprise invoquée par M. [G] n’est qu’un moyen au soutien de sa prétention tendant à faire dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La fin de non-recevoir soulevée à ce titre est donc sans objet et sera par suite rejetée.
Sur ‘l’irrecevabilité des demandes de « juger » dont la cour n’est pas valablement saisie’ :
La société MEUBLES IKEA FRANCE soutient à ce titre qu’en application de l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion et en déduit que ‘si le dispositif des conclusions d’appel comporte des demandes de constater, dire et juger, voire supprimer, qui ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, la cour d’appel ne peut statuer sur ces demandes et ne peut que confirmer le jugement dont il est fait appel’.
Toutefois, ainsi qu’il est dit ci-dessus, la phrase’ JUGER que la charte informatique versée aux débats est inopposable au salarié’ , contenue dans le dispositif des conclusions d’appel de M. [G], n’est que le rappel d’un moyen et non l’exposé d’une prétention. Ce moyen est par ailleurs repris dans la partie discussion des conclusions de M. [G]. Aucune irrecevabilité n’est ainsi encourue à ce titre.
La phrase ‘JUGER que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse’ est quant à elle une prétention figurant au dispositif des conclusions dont la cour est dès lors saisie. M. [G] soulève par ailleurs de multiples moyens au soutien de cette prétention dans la partie discussion de ses conclusions Aucune irrecevabilité n’est donc encourue à ce titre.
La fin de non-recevoir soulevée à ce titre par la société MEUBLES IKEA FRANCE sera donc rejetée.
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :
La lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse à caractère disciplinaire notifiée à M. [G], qui fixe les limites du litige, longue de sept pages, lui reproche en substance les faits suivants :
1) ‘ manquement professionnel et non-respect des principes de la charte informatique’, pour n’avoir pas respecté les procédures internes prévues par l’article 8.3 de la charte informatique de l’entreprise pour l’organisation d’un ‘pentest’ (c’est-à-dire d’un test d’intrusion informatique sur le réseau de l’entreprise destiné à vérifier l’efficacité des dispositifs de sécurité informatique) entre le 4 et le 7 septembre 2018 et n’avoir pas répondu aux demandes du prestataire en charge de la sécurité informatique de l’entreprise relatives à ce test, lequel a entraîné des dysfonctionnements au niveau du groupe IKEA dans le monde entier ;
2) ‘ manquement professionnel, violation de la confidentialité et non-respect de la charte informatique’ ainsi que du code de conduite interne pour avoir, à l’occasion d’un ‘pentest’ de septembre 2018, ‘extrait le mot de passe réseau d’au moins une collaboratrice que vous avez transmis à l’un de vos collaborateurs par la messagerie WhatsApp par le biais de votre téléphone professionnel. Par ailleurs vous avez envoyé à ce collaborateur une photo montrant que vous étiez connecté sur le compte réseau de cette collaboratrice’ ;
3) ‘ non-respect des procédures et de la répartition des pouvoirs’ pour avoir signé plusieurs contrats (organisation du ‘pentest’, ‘contrat Mangrove’ , ‘contrat Misco’) sans respect des procédures internes et pour n’avoir pas réagi au signalement d’une faille de sécurité dans les ‘bornes Huti’ fait le 13 août 2018, en méconnaissance des règles internes et du code de bonne conduite ;
4) ‘ non-respect de la charte informatique, non-respect des procédures RH et délégations, atteinte à la vie privée’ pour avoir, en novembre et décembre 2017, supprimé des fichiers informatiques personnels de salariés en méconnaissance de la charte informatique et du code de bonne conduite sans information préalable et pour avoir ‘remonté une data breach qu’il n’en était pas une’.
M. [G] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que la charte informatique annexée au règlement intérieur, qu’on lui reproche de ne pas avoir respecté, ne lui est pas opposable, faute de démonstration de l’accomplissement des formalités de publicité prévues par le code du travail et que les manquements invoqués ne sont pas établis, ne lui sont pas imputable ou ne sont pas sérieux.
Il réclame en conséquence la condamnation de la société MEUBLES IKEA FRANCE à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société MEUBLES IKEA FRANCE soutient que la charte informatique et les règles internes à l’entreprise, invoquées au soutien du licenciement, sont opposables au salarié et que les manquements imputés sont établis et constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle conclut donc au débouté de la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
En l’espèce, s’agissant du premier grief relatif à l’organisation du ‘pentest’, comme le soutient à juste titre M. [G], la société MEUBLES IKEA FRANCE ne justifie en rien du respect des règles, prévues par les dispositions de l’article L. 1321-4 du code de travail, de consultation, de dépôt et de publicité afférentes au règlement intérieur de l’entreprise et à la charte informatique qui lui est annexée. Les règles contenues dans cette charte informatique ne sont donc pas opposables à M. [G] et il ne peut ainsi lui être fait grief de ne pas les avoir respectées. Au surplus, la cour observe que, comme le soutient également à juste titre M. [G], les règles de l’article 8.3 de la charte informatique invoquées par la société MEUBLES IKEA FRANCE visent seulement les modalités d’organisation par l’employeur, de contrôles dit ‘manuel’ du contenu du matériel informatique mis à disposition des salariés de l’entreprise et non de l’organisation à l’initiative de la direction des services informatiques de l’entreprise, par le biais de prestataires extérieurs, des tests d’intrusion informatique, dits ‘pentests’ en litige destinés à vérifier l’efficacité globale des dispositifs de sécurité informatique de l’entreprise.
Par ailleurs, le grief tiré d’un non-respect du calendrier des ‘pentests’ arrêté par la direction de la société MEUBLES IKEA FRANCE, soulevé dans les conclusions de l’employeur, n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement et n’est en tout état de cause étayé par aucune pièce
En outre, le seul courriel du 7 septembre 2018 émanant du service informatique du groupe Ikea, peu compréhensible et non corroboré par d’autres éléments précis, est insuffisant à établir la réalité de conséquences dommageables du ‘pentest’ en litige.
Enfin, aucun élément ne vient établir un défaut de réaction de M. [G] durant trois jours face à des demandes d’information du prestataire de sécurité informatique de la société.
Aucun manquement de M. [G] n’est donc établi à ce titre.
S’agissant du deuxième grief relatif à la transmission par M. [G], dans le cadre de la mise en oeuvre du ‘pentest’ mentionné ci-dessus, du ‘mot de passe réseau’ d’une salariée à l’un de ses collaborateurs, ainsi qu’il a été dit ci-dessus la société MEUBLES IKEA FRANCE ne peut invoquer un manquement de M. [G] à la charte informatique qui ne lui est pas opposable. Par ailleurs, si la société MEUBLES IKEA FRANCE invoque également à ce titre un manquement au ‘code de conduite’ interne, elle ne justifie pas en quoi le document versé aux débats à ce titre, qui a l’aspect d’une simple plaquette publicitaire, était créateur d’obligations pour le salarié, ni en tout état de cause n’explique quelle règle y figurant aurait été méconnue par ce dernier. Elle ne démontre pas non plus l’existence de ‘procédures de sécurité en vigueur’, notamment en matière de l’utilisation de la messagerie ‘Whatsapp’, opposables au salarié.
Enfin, aucun manquement sérieux de M. [G] à l’obligation de confidentialité inhérente au contrat de travail n’est démontré pour avoir partagé le ‘mot de passe réseau’ d’une salariée de l’entreprise uniquement avec son propre subordonné appartenant à la direction des systèmes informatiques qui participait lui-même à l’organisation du test de sécurité en cause, étant précisé de surcroît qu’il n’est pas contesté par l’employeur que la salariée a été informée de ce fait et a créée immédiatement un nouveau mot de passe et qu’il en ressort qu’aucun trouble n’a donc été crée au sein de l’entreprise.
Ce grief sera donc écarté.
S’agissant du troisième grief relatif au non-respect des procédures internes de conclusions de contrats par M. [G], la société MEUBLES IKEA FRANCE ne peut sérieusement soutenir que la pièce n°19 qu’elle verse aux débats, dénommée ‘fiche contrat’ , qui tient en une page et qui comprend seulement quelques cases à cocher, qui n’est pas signée ni datée, dont il n’est en rien établi qu’elle a été portée à la connaissance du salarié, constitue un corpus de règles opposables à M. [G] pour la conclusion des contrats informatiques en litige.
Par ailleurs, aucune pièce ne vient établir un défaut de réaction de M. [G] à un signalement relatif à une faille informatique fait le 13 août 2018, puisqu’il est constant que le salarié était en congés payés à cette date et ce jusqu’au 19 août suivant. Les courriels versés aux débats par M. [G] montrent seulement que M. [G] a eu connaissance de cette faille le 29 août 2018 et qu’il immédiatement réagi de manière sérieuse en en recherchant ses causes.
Aucun manquement n’est donc établi à ce titre.
S’agissant du quatrième grief, pour ce qui concerne la suppression de fichiers identifiés comme personnels sur les postes de travail informatique de salariés, la société MEUBLES IKEA FRANCE ne peut ainsi qu’il a été dit ci-dessus invoquer un manquement à la charte informatique de l’entreprise ou à son ‘code de conduite’, dont l’opposabilité à M. [G] n’est pas établie. Elle invoque par ailleurs une procédure d’accès aux comptes personnels définie au niveau du groupe Ikea, qui est daté du 21 septembre 2018, soit postérieurement aux faits en cause, et dont aucun élément ne démontre par ailleurs qu’elle a été portée à la connaissance de M. [G]. Au surplus, la cour observe qu’aucun élément du dossier ne vient établir que les dossiers informatiques supprimés par M. [G], constitués par des vidéos volumineuses téléchargées illégalement selon les propres dires de la société MEUBLES IKEA FRANCE, étaient signalés par les salariés de l’entreprise comme contenant des données à caractère personnel.
Par ailleurs le grief tiré du fait ‘d’avoir remonté une databreach qui n’en état pas une’ n’est pas soutenu par la société MEUBLES IKEA FRANCE dans ses conclusions.
S’agissant d’un grief tiré du fait que M. [G] a prétendu qu’un audit mis en place par le groupe IKEA constituait une violation de données personnelles, qui est invoquée par la société MEUBLES IKEA FRANCE dans ses conclusions, force est de constater qu’il ne figure pas dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et qu’il ne peut donc être retenu au soutien du licenciement.
Il résulte de tout ce qui précède que le licenciement de M. [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
M. [G] est par suite fondé à réclamer l’allocation d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant compris entre trois et dix-sept mois de salaire brut eu égard à son ancienneté de 23 années complètes en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail. Eu égard à sa rémunération moyenne mensuelle s’élevant au vu des pièces versées à 7 666,94 euros brut, à son âge (né en 1970), à l’absence d’éléments précis sur sa situation immédiatement postérieure au licenciement (production d’attestations de versement d’allocation chômage datant de mai 2021 ‘après la fin de votre contrat de travail du 30 avril 2021″, soit plus de deux ans après le licenciement en litige), il y a lieu d’allouer à M. [G] une somme de
90 000 euros à ce titre.
Le jugement sera donc infirmé sur ces points.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires :
En l’espèce, M. [G] se borne à invoquer la décision de mise à pied à titre conservatoire prise à son encontre, sans établir l’existence de circonstances vexatoires entourant cette décision et son licenciement.
De plus en tout état de cause, il ne justifie d’aucun préjudice à ce titre.
Il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire.
Sur les intérêts légaux et la capitalisation :
Il y a lieu de rappeler que la somme allouée ci-dessus à titre d’indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse porte intérêts légaux à compter du présent arrêt, à raison de
de sa nature indemnitaire.
La capitalisation des intérêts sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur :
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la société MEUBLES IKEA FRANCE aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à M. [G] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce dans la limite de six mois d’indemnités,
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points.
La société MEUBLES IKEA FRANCE sera condamnée à payer à M. [G] une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société MEUBLES IKEA FRANCE,
Infirme le jugement attaqué, sauf en qu’il statue sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [F] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société MEUBLES IKEA FRANCE à payer à M. [F] [G] une somme de 90’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la société MEUBLES IKEA FRANCE à payer à M. [F] [G] une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Ordonne d’office le remboursement par la société MEUBLES IKEA FRANCE aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à M. [F] [G] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce dans la limite de six mois d’indemnités,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société MEUBLES IKEA FRANCE aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Madame Anne REBOULEAU, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président