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Noms de domaine : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00772

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Noms de domaine : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/00772

1ère CHAMBRE CIVILE

———————-

[T] [A]

S.A.S. MADA SPICY

C/

[X] [P]

S.A.S. CD DISTRIBUTION

S.A.S. SPICY DELL

[S] [C]

[K] [I]

———————-

N° RG 22/00772 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRLD

———————-

DU 5 JUILLET 2023

———————-

ORDONNANCE

—————

Nous, Bérengère VALLEE, conseiller chargé de la mise en état de la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel de BORDEAUX, assisté de Véronique SAIGE, greffier.

Avons ce jour, dans l’affaire opposant :

[T] [A], né le 02 Janvier 1958 à [Localité 3] (MAROC), de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

S.A.S. MADA SPICY, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en qualité au siège sis [Adresse 6]

Représentés par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Me Diane TRICOIRE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Défendeurs aux incidents,

Appelants d’un jugement (RG : 19/03905) rendu le 04 janvier 2022 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d’appel en date du 14 février 2022,

à :

[X] [P], né le 09 Août 1975 à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX

Demandeur à l’incident,

S.A.S. CD DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 4]

non représentée, assignée à personne habilitée

Défenderesse à l’incident,

Intimés,

S.A.S. SPICY DELI, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

[S] [C], née le 04 Avril 1973 à [Localité 7] (65), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représentées par Me Alain LAWLESS de la SELARL ART LEYES, avocat au barreau de BORDEAUX

Demanderesses à l’incident

[K] [I], agissant en sa qualité de mandataire liquidateur dans la procédure de liquidation judiciaire de la société CD DISTRIBUTION, nommé à cette fonction par jugement du tribunal de Commerce de Auch du 10 juin 2022, domcilié en cette qualité [Adresse 2]

non représenté, assigné à domicile

Défendeur à l’incident,

Intervenants,

rendu l’ordonnance par défaut suivante après que l’incident ait été débattu devant Nous, à la Conférence de la mise en état en date du 07 Juin 2023.

* * *

Vu le jugement en date du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

– rejeté la demande de M. [T] [A] en revendication de la marque semi-figurative n°4425094 et de transfert de noms de domaine mada-spicy.com et mada- spicy.fr, de code d’accès au back office du site internet, de données d’accès aux boites de messagerie,

– rejeté les demandes de M. [X] [P] et de la SASU CD DISTRIBUTION au titre de la cessation de l’exploitation de la marque MADA SPICY et des noms de domaines,

– dit que la SASU CD DISTRIBUTION a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à l’encontre de la SAS MADA SPICY,

– dit que M. [X] [P] a engagé sa responsabilité personnelle en sa qualité de président de la SASU CD DISTRIBUTION au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaires commis à l’encontre de la SAS MADA SPICY,

– condamné in solidum la SASU CD DISTRIBUTION et M. [X] [P] à payer à la SAS MADA SPICY la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice commercial et la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral,

– condamné in solidum la SASU CD DISTRIBUTION et M. [X] [P] à payer a M. [T] [A] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

– rejeté les demandes indemnitaires formées par M. [T] [A] au titre d’un préjudice materiel,

– ordonné à la SASU CD DISTRIBUTION de rappeler auprès de ses distributeurs les produits marques MADA SPICY, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour durant une période de 30 jours passé un délai de deux mois après notification du présent jugement,

– interdit à la SASU CD DISTRIBUTION de faire usage du signe MADA SPICY sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée, dans la limite de 500 euros par jour, passé un délai de deux mois après notification du présent jugement et durant une période de trois ans,

– ordonné à la SASU CD DISTRIBUTION de supprimer la boutique en ligne Amazon et Cdiscount dénommée MADA SPICY sous astreinte provisoire de 200 euros par jour durant une période de 30 jours passé un délai de deux mois après notification du présent jugement,

– rejeté les demandes plus amples d’interdiction, de destruction et de publication, ou d’ injonction,

– rejeté les demandes de révocation de M. [X] [P] et les demandes

fondées sur les articles L 653-4 du code de commerce et L 653-8 alinéa 1 du code de commerce et L 653-9 alinéa 2 du code de commerce,

-condamné in solidum M. [X] [P] et la SASU CD DISTRIBUTION à payer à M. [T] [A] et à la SAS MADA SPICY la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile,

– condamné in solidum M. [X] [P] et la SASU CD DISTRIBUTION aux dépens en ce non compris les frais de constat d’huissier,

– ordonné l’execution provisoire.

Vu la déclaration d’appel interjetée le 14 février 2022 par M. [T] [A] et la SAS Mada Spicy,

Vu l’assignation en intervention forcée délivrée les 27 et 28 octobre 2022 par M. [T] [A] et la SAS Mada Spicy à l’encontre de Mme [S] [C] et de la société Spicy Deli,

Vu les conclusions récapitulatives d’incident n°3 déposées le 5 juin 2023 par M. [X] [P] nous demandant, au visa des articles 74, 122, 564 et 907 du code de procédure civile, de :

– déclarer irrecevables les demandes fondées sur les dispositions des articles L. 653-4, -8, -9 et -11 du code de commerce compte tenu de la compétence exclusive des juridictions commerciales,

– déclarer la société MADA SPICY irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner la publication de la décision à intervenir au BOPI et sa communication sous quinzaine au directeur de l’INPI aux fins de transfert total de la marque n° 4425094 à son profit et à ce qu’elle soit autorisée à procéder à cette publication,

– déclarer la société MADA SPICY irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner, sous astreinte de 800 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le transfert total des noms de domaine mada-spicy.com et mada-spicy.fr à son profit et à l’autoriser à y procéder,

– déclarer Monsieur [A] irrecevable à agir en revendication de la marque française MADA SPICY et des noms de domaines mada-spicy.fr et mada-spicy.com, faute de justifier d’un intérêt et d’une qualité pour agir,

– déclarer la société MADA SPICY irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner, sous astreinte de 800 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le transfert total des codes d’accès au back office du site internet, y compris les données d’accès aux boîtes de messagerie @mada-spicy.com à son profit et à l’autoriser à y procéder,

– déclarer la société MADA SPICY irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner, sous astreinte de 800 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le transfert des 84 codes ASINS revendiqués à son profit,

– déclarer la société MADA SPICY irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner que lesdits codes ASINS soient rattachés à la marque de l’Union Européenne n° 018237087 en lieu et place de la marque française n° 4425094,

– déclarer la société MADA SPICY irrecevable en sa demande de paiement de la somme de 183 197,66 € au titre de la restitution de fruits indûment perçus de l’exploitation de la marque française n° 4425094, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 23 avril 2019,

– déclarer la société MADA SPICY et Monsieur [A] irrecevables en leurs demandes tendant à la condamnation de Monsieur [P] pour comportement déloyal, compte tenu de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la Cour d’appel de Pau,

– déclarer la société MADA SPICY et Monsieur [A] irrecevables en leur demande d’interdiction à l’encontre de Monsieur [P] de diriger, gérer, administrer et contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, compte tenu de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la Cour d’appel de Pau,

– déclarer la société MADA SPICY et Monsieur [A] irrecevables en leur demande de condamnation sous astreinte de Monsieur [P] à céder ses actions détenues dans la société MADA SPICY, compte tenu de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la Cour d’appel de Pau,

– condamner la SAS MADA SPICY à verser à Monsieur [X] [P] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– réserver les dépens.

Vu les conclusions d’incident n°4 sur l’incident régularisé par M. [X] [P], déposées le 7 mars 2023 par M. [T] [A] et la SAS Mada Spicy nous demandant de :

– déclarer Monsieur [P] irrecevable en son exception d’incompétence soulevée pour la première fois en appel après défense au fond ; et à titre subsidiaire, déclarer la Cour d’appel de Bordeaux compétente pour statuer sur l’entier litige qui lui est soumis ;

– déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [P] tirée de l’absence prétendue de fraude commise à l’encontre de Monsieur [A], celle-ci constituant une défense au fond ;

– déclarer recevable la demande de Monsieur [T] [A] en revendication de la marque n°4425094 déposée par Monsieur [P] le 2 février 2018, et des noms de domaine www.mada-spicy.com et www.mada-spicy.fr réservés en fraude de ses droits le 19 juillet 2016 par Monsieur [P] ;

– déclarer la SAS MADA SPICY recevable en ses prétentions formées à l’encontre de Monsieur [P], tendant à voir ordonner, à titre subsidiaire, le transfert à son profit de la marque française n°4425094, ainsi que des noms de domaines www.mada-spicy.com et www.mada-spicy.fr, codes et données y attachés, frauduleusement acquis par Monsieur [P], et à voir condamner Monsieur [P] à lui restituer les fruits indument perçus en résultant ;

– nous déclarer compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l’existence de la procédure devant la Cour d’appel de Pau (RG n°20/00983) déjà tranchée par le juge de la mise en état et par les juges du fond en première instance ; A titre subsidiaire, déclarer recevables la SAS MADA SPICY et Monsieur [T] [A] en leurs demandes formées à l’encontre de Monsieur [P], ces demandes ne se heurtant aucunement à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la Cour d’appel de Pau du 10 janvier 2022 s’agissant de demandes

différentes, n’étant pas fondées sur la même cause, n’étant pas formées contre les mêmes parties, et n’étant pas formées en les mêmes qualités ;

– rejeter en toute hypothèse les fins de non-recevoir soulevées par Monsieur [X] [P] et le DEBOUTER de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner Monsieur [X] [P] à payer à la SAS MADA SPICY la somme de 7.000€, et à Monsieur [T] [A] la somme de 7.000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Monsieur [X] [P] aux entiers dépens de l’incident.

Vu les conclusions récapitulatives d’incident déposées le 6 juin 2023 par la société Spicy Deli et Mme [S] [C] nous demandant de :

– prononcer la nullité de l’assignation en intervention forcée signifiée à leur encontre le 27 octobre 2022,

Subsidiairement,

– déclarer irrecevable l’intervention forcée de la société Spicy Deli et de Mme [S] [C],

En tout état de cause,

– rejeter l’ensemble des prétentions formées à leur encontre,

– condamner solidairement M. [T] [A] et de la SAS Mada Spicy à leur verser la somme de 1.000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel,

Vu les conclusions d’incident n°3 sur l’incident régularisé par la société Spicy Deli et Mme [S] [C] déposées le 23 mai 2023 par M. [T] [A] et de la SAS Mada Spicy nous demandant de :

– constater la validité des assignations en intervention forcée avec dénonciation de conclusions délivrées à la société SPICY DELI et Madame [S] [C] les 27 et 28 octobre 2022 ; et rejeter en conséquence la demande de nullité des assignations en intervention forcée délivrées à la société SPICY DELI et Madame [S] [C] les 27 et 28 octobre 2022 ;

– déclarer recevables la SAS MADA SPICY et Monsieur [T] [A] en leur demandes formées à l’encontre de la société SPICY DELI et de Madame [S] [C] ;

– débouter la société SPICY DELI et Madame [S] [C] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement la société SPICY DELI et Madame [S] [C] à payer à la SAS MADA SPICY la somme de 8.000 €, et à Monsieur [T] [A] la somme de 8.000€ par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner solidairement la société SPICY DELI et Madame [S] [C] aux entiers dépens de l’incident.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur l’incident opposant M. [T] [A] et la SAS MADA SPICY à M. [X] [P]

A- Sur l’exception d’incompétence

Aux termes de l’article 74 alinéa premier du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

En l’espèce, M. [X] [P] soulève pour la première fois en appel, par conclusions d’incident notifiées le 29 juillet 2022, une exception d’incompétence des juridictions civiles au profit du tribunal de commerce concernant les demandes d’interdiction de gérer et de cession forcée des parts formées par les appelants à son encontre.

Or, comme le soulignent justement les appelants, M. [X] [P] a conclu sur le fond devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, de sorte qu’en application des dispositions qui précèdent, il est irrecevable à présenter une exception d’incompétence en cause d’appel.

B- Sur la recevabilité des demandes

1- Sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel

Le renvoi opéré par l’article 907 du code de procédure civile, tel que modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, pour les conditions dans lesquelles l’affaire est instruite en appel, aux articles 780 à 807 relatifs à l’instruction de l’affaire devant le tribunal judiciaire, notamment à l’article 789 6° issu du même décret donnant désormais au juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir, confère au conseiller de la mise en état compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, ce dans les instances d’appel introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020 conformément à l’article 55 II du décret susvisé.

Toutefois, la détermination par l’article 907 des pouvoirs du conseiller de la mise en état par renvoi à ceux du juge de la mise en état ne saurait avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l’appel et les règles de compétence définies par la loi.

Or, la cour d’appel, qui, selon l’article L. 311-1 du code de l’organisation judiciaire, connaît des décisions rendues en premier ressort et statue souverainement sur le fond des affaires, a seule le pouvoir d’infirmer ou d’annuler la décision frappée d’appel, laquelle est revêtue, dès son prononcé, de l’autorité de la chose jugée entre les parties conformément à l’article 480 du code de procédure civile, tandis que le conseiller de la mise en état est un magistrat chargé d’instruire l’affaire en appel.

Il en résulte, d’une part, que le conseiller de la mise en état ne peut connaître des fins de non-recevoir qui, quand bien même elles n’auraient pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge, d’autre part, que les fins de non-recevoir touchant à la procédure d’appel sont de la compétence de ce magistrat et que celles relevant de l’appel, telle la fin de non-recevoir édictée par l’article 564 du code de procédure civile relative à l’interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel, sont de la compétence de la cour d’appel (voir en ce sens les avis publiés rendus par la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation le 3 juin 2021 n°21-70.006 et le 11 octobre 2022 n°22-70.010).

En l’espèce, la fin de non-recevoir tirée de l’article 564 du code de procédure civile opposée par M. [X] [P] aux demandes formées en appel par la société Mada Spicy tendant à voir ordonner la publication de la décision à intervenir au BOPI et sa communication au directeur de l’INPI aux fins de transfert total de la marque n°4425094 à son profit ainsi qu’à voir ordonner sous astreinte le transfert total des noms de domaine mada-spicy.com et mada-spicy.fr à son profit, ne relève pas de la procédure d’appel, mais de l’appel lui-même.

Comme telle, elle échappe à la compétence du conseiller de la mise en état et ressort exclusivement de celle de la cour d’appel.

Il convient en conséquence de nous déclarer incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [P] et tirée de l’article 564 du code de procédure civile.

2- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir en revendication de la marque de M. [T] [A]

M. [X] [P] soutient que, contrairement à ce que prétend M. [T] [A], il n’a jamais déposé frauduleusement la marque française ‘Mada Spicy’ puisqu’il n’a jamais caché le dépôt à son futur associé. Il en déduit que dès lors qu’aucun acte frauduleux n’est établi à l’encontre de M. [T] [A], ce dernier est dépourvu d’intérêt et de qualité à agir en revendication de la marque litigieuse et des noms de domaine mada-spicy.fr et mada-spicy.com.

La fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et/ou de qualité à agir entre dans le champ de compétence du conseiller de la mise en état par renvoi de l’article 907 du code de procédure civile à l’article 789 6° du même code.

Cependant, il sera rappelé qu’en application de l’article 122 du code de procédure civile : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'(souligné par nous)

Or, en l’espèce, les moyens développés par M. [X] [P] au soutien du défaut d’intérêt et de qualité à agir invoqué, en ce qu’ils portent sur l’absence de fraude commise à l’encontre de M. [T] [A], constituent non pas une fin de non-recevoir mais une défense au fond, au sens de l’article 70 du code de procédure civile, qui échappe à la compétence du conseiller de la mise en état.

En outre, en vertu de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article L. 712-6 alinéa premier du code de la propriété intellectuelle prévoit quant à lui que : ‘Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.’

M. [T] [A] fait valoir à bon droit que dès lors qu’il considère qu’il dispose d’un droit sur la marque Mada Spicy qu’il estime frauduleusement déposée par M. [X] [P], il est recevable à revendiquer sa propriété en justice, en application du texte précité.

La fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir en revendication de M. [T] [A] sera par conséquent rejetée.

3- Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 10 janvier 2022

M. [X] [P] soutient que les demandes indemnitaires formées à son encontre à titre personnel ainsi que celles d’interdiction de diriger, gérer, administrer et contrôler se heurtent à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la cour d’appel de Pau. Il fait valoir que les faits de la présente instance sont les mêmes que ceux qui ont été soumis à l’appréciation de la cour d’appel de Pau, laquelle a déjà eu à connaître de ses prétendus agissements déloyaux et des prétentions formées à son encontre à ce titre. Il ajoute qu’en application de l’article 1355 du code civil et du principe de concentration des moyens, ces demandes sont irrecevables.

M. [T] [A] et la société Mada Spicy répliquent que le juge de la mise en état et le tribunal judiciaire de Bordeaux ont déjà eu à connaître de la fin de non-recevoir tirée de l’existence de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Pau, de sorte que le conseiller de la mise en état est incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir ainsi soulevée. A titre subsidiaire, ils soulignent que les conditions de triple identité relatives à l’autorité de la chose jugée ne sont pas remplies, faute d’identité entre les parties, les demandes n’ayant en outre ni la même cause ni le même objet.

Contrairement à ce prétendent les appelants, la question de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt rendu le 10 janvier 2022 par la cour d’appel de Pau n’a pas été tranchée par le premier juge, ni dans l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 6 septembre 2021 ni dans le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 4 janvier 2022.

Aux termes l’article 1355 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il est en outre de droit que seul le dispositif du jugement a l’autorité de la chose jugée, à l’exclusion des motifs puisque « l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif ».

Il faut dès lors s’attacher à examiner ce qui a été demandé et ce qui a été tranché en prenant le soin de distinguer les prétentions des moyens.

En l’espèce, il est constant que la cour d’appel de Pau, statuant sur l’appel d’un jugement rendu le 23 mars 2020 par le tribunal de commerce de Tarbes, a eu à connaître :

– des demandes de M. [X] [P] tendant à la dissolution de la SAS Mada Spicy sur le fondement de l’article 1844-7 5° du code civil, à la réparation de ses préjudices résultant des détournements opérés par M. [T] [A] et des manquements de ce dernier à son obligation de loyauté,

– des demandes indemnitaires de M. [T] [A] et de la SAS Mada Spicy en réparation des abus de biens sociaux et des fautes de gestion commis par M. [X] [P] en sa qualité de directeur général de la société Mada Spicy ainsi que de leur demande de prononcé, à l’encontre de M. [X] [P], d’une interdiction de diriger, gérer, administrer, contrôler et de cession de ses actions.

Par arrêt du 10 janvier 2022, la cour d’appel de Pau a notamment :

– confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a jugé n’y avoir lieu à prononcer la dissolution judiciaire de la SAS Mada Spicy et débouter M. [X] [P] de ses demandes d’indemnités,

– infirmé le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

– condamné M. [X] [P] à payer à la société Mada Spicy la somme de 3.200 euros au titre du solde débiteur de son compte courant d’associé et à M. [T] [A] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

– ordonné la révocation de M. [X] [P] de ses fonctions de directeur général de la société Mada Spicy,

– débouté la société Mada Spicy et [T] [A] du surplus de leurs demandes indemnitaires, d’interdiction de gérer et d’injonction de cession forcée sous astreinte des parts sociales de M. [X] [P].

Dans le cadre de la présente procédure et aux termes de leurs conclusions sur le fond n°2 du 20 octobre 2022, M. [T] [A] et la société Mada Spicy, qui invoquent un dépôt frauduleux de la marque Mada Spicy et des actes de concurrence déloyale, sollicitent notamment le transfert de la marque Mada Spicy déposée à titre personnel par M. [X] [P] et cédée partiellement à la société CD Distribution, la restitution des fruits perçus de l’exploitation frauduleuse de la marque ainsi que la réparation du préjudice subi en raison des actes de concurrence déloyale et parasitaires commis par la société CD Distribution et M. [X] [P] en sa qualité de président de la société CD Distribution. Il n’est en revanche plus demandé en appel de sanction commerciale à l’encontre de M. [X] [P] (conclusions n°2 du 20 octobre 2022 déposées par M. [T] [A] et la société Mada Spicy).

Ainsi, alors que dans l’affaire jugée par la cour d’appel de Pau, la société Mada Spicy et M. [T] [A] sollicitaient la réparation de leur préjudice au titre des fautes de gestion et abus de biens sociaux commis par M. [X] [P] en sa qualité de directeur général de la société Mada Spicy, il est demandé dans le cadre de la présente procédure la réparation du préjudice résultant du dépôt de marque frauduleux et des actes de concurrence déloyale commis par M. [X] [P] et la société CD Distribution. L’objet du litige n’est donc pas le même.

En outre, dans l’affaire soumise à la cour d’appel de Pau, M. [X] [P] était attrait en sa qualité de directeur général de la société Mada Spicy alors que dans la présente instance, il est mis en cause, d’une part, en sa qualité de copropriétaire de la marque Mada Spicy n°4425094 déposée en fraude des droits des appelants et cédée partiellement à la société CD Distribution le 4 septembre 2018 et, d’autre part, en sa qualité de président de la société CD Distribution au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaires commis par cette dernière, étant au surplus relevé que la société CD Distribution, cotitulaire de la marque Mada Spicy, n’était pas partie à la procédure devant la cour d’appel de Pau. Il n’y a donc pas identité des parties.

En l’absence d’identité des parties et de la chose demandée, la décision rendue par la cour d’appel de Pau n’a pas autorité de la chose jugée à l’égard de la présente instance.

La fin de non-recevoir tirée de ce chef sera en conséquence rejetée.

II- Sur l’incident opposant M. [T] [A] et la SAS MADA SPICY à la société Spicy Deli et Mme [S] [C]

A- Sur la nullité de l’assignation en intervention forcée

Aux termes de l’article 68 du code de procédure civile, les demandes incidentes sont formées à l’encontre des parties à l’instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense. Elles sont faites à l’encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l’introduction de l’instance. En appel, elles le sont par voie d’assignation.

L’article 56 du même code énonce que :

‘L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :

(…)

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

(…)

Elle vaut conclusions.’

Selon l’article 114 alinéa 2 du même code, la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En l’espèce la société Spicy Deli et Mme [S] [C] soulèvent la nullité des assignations en intervention forcée qui leur ont été délivrées les 27 et 28 octobre 2022 au motif que celles-ci n’indiqueraient pas l’objet de la demande formée contre elles, ne contiendraient aucun exposé des moyens ni ne viseraient aucune pièce, de sorte qu’elles ne leur permettraient pas de comprendre à quel titre et sur quel fondement leur responsabilité est recherchée.

Cependant, il apparaît que si les assignations litigieuses se contentent de récapituler les demandes formées contre les parties sous forme de dispositif, elles sont accompagnées d’une dénonciation des conclusions n°2 déposées le 20 octobre 2022 par les appelants ainsi que d’un bordereau des pièces, régulièrement signifiés en même temps que l’assignation par l’huissier, ainsi qu’il résulte des mentions figurant sur l’acte de signification.

L’exception de nullité, qui n’est pas fondée, sera rejetée, étant au surplus observé qu’ayant régulièrement communication des conclusions d’appelants et des pièces annexées, les intervenants forcés disposent de tous les éléments nécessaires pour assurer leur défense, aucun grief n’étant démontré.

B- Sur l’irrecevabilité de l’intervention forcée

En application de l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

L’article 331 alinéa premier du même code dispose : ‘Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal.’

Selon l’article 555 du même code, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.

L’évolution du litige impliquant la mise en cause d’un tiers devant la cour d’appel, au sens de l’article 555 précité, n’est caractérisé que par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

En l’espèce, la société Spicy Deli et Mme [S] [C] font valoir que leur intervention forcée n’est nullement justifiée dès lors qu’elle ne se rattache pas aux prétentions initiales des parties par un lien suffisant. Elles soulignent que la société Spicy Deli a une personnalité juridique distincte de celle des parties de première instance et ne commet aucune faute en commercialisant sur Amazon des épices sous la marque Spicy Deli. Elles ajoutent que M. [X] [P] n’a aucun lien avec la société Spicy Deli. Enfin, elles affirment qu’il est contradictoire de qualifier Mme [S] [C] d”homme de paille’ tout en lui reprochant de participer activement à des actes de concurrence déloyale.

Les appelants opposent que de nombreux éléments postérieurs au prononcé du jugement du 4 janvier 2022 justifient de l’évolution du litigue qui implique la mise en cause de la société Spicy Deli et de Mme [S] [C] au stade de l’appel. Ils soutiennent que 15 jours seulement après le prononcé de la décision de première instance, M. [P] a volontairement vidé les comptes de la société CD Distribution et décidé de sa dissolution volontaire et anticipée et liquidation amiable ce, afin de faire obstacle à l’exécution du jugement. Ils ajoutent que M. [X] [P] a non seulement organisé frauduleusement l’insolvabilité de la société CD Distribution pour éviter de payer les condamnations pécuniaires mais a également créé une nouvelle société, la société Spicy Deli, le 16 février 2022, laquelle a repris l’activité et la boutique en ligne ‘Mada Spicy’ sur Amazon de la société CD Distribution, ainsi que l’exploitation du site internet www.madaspicy.com, pour commercialiser en lieu et place les produits marqués Mada Spicy avec l’usage des codes ASINS rattachés à la marque Mada Spicy depuis l’origine sur Amazon. Ils précisent que M. [X] [P] a placé sa compagne, Mme [C], en qualité de présidente de cette nouvelle société, toujours dans le but de ne pas s’exposer à titre personnel dans cette nouvelle entité et s’éviter des saisies directes. Ils concluent que M. [X] [P] contourne l’interdiction faite par le tribunal judiciaire de Bordeaux à la société CD Distribution de commercialiser des produits Mada Spicy, en passant par la nouvelle société Mada Spicy, avec la complicité de sa compagne Mme [C], ce qui lui permet de poursuivre son activité frauduleuse et déloyale.

Il résulte des pièces versées aux débats que suite au jugement dont appel en date du 4 janvier 2022, M. [X] [P] a décidé, selon procès-verbal d’assemblée du 30 janvier 2022, de la dissolution anticipée de la société CD Distribution et de sa mise en liquidation amiable tandis qu’a été créée parallèlement, le 16 février 2022, la société Spicy Deli, présidée par Mme [S] [C], compagne de M. [X] [P].

Les appelants, qui reprochent à cette société Spicy Deli de poursuivre la commercialisation illicite de la marque Mada Spicy, notamment en reprenant les codes ASINS (numéro d’identification standard Amazon) jusque là exploités par la société CD Distribution et en transformant certains produits de la marque Mada Spicy en produits de la marque Spicy Deli, produisent au soutien de leurs affirmations des captures d’écran Amazon Spicy Deli, des procès-verbaux de constat d’huissier, un courriel adressé à M. [T] [A] le 13 janvier 2022, soit quelques jours après le prononcé de la décision dont appel, par M. [X] [P] qui écrit qu’ ‘il serait possible qu’une société tierce puisse mettre en ligne les produits Mada Spicy sur Amazon mais çà je pense que tu es assez intelligent pour l’avoir compris.’ ainsi que le dépôt de la marque Spicy Deli n°4547592 par M. [X] [P] le 30 avril 2019.

Au regard de ces éléments, il est suffisamment rapporté la preuve d’un lien suffisant entre les demandes formées à l’encontre de la société Spicy Deli et Mme [S] [C] d’une part, et les prétentions originaires des appelants d’autre part.

En outre, la création de la société Spicy Deli postérieurement au jugement dont appel caractérise l’existence d’un fait nouveau justifiant la mise en cause en appel de ladite société et de Mme [S] [C], en sa qualité de présidente de celle-ci.

Leur intervention forcée en cause d’appel sera donc déclarée recevable.

II- Sur les autres demandes

M. [X] [P] d’une part, la société Spicy Deli et Mme [S] [C] d’autre part, supporteront les entiers dépens de l’incident initié par chacun d’eux et seront condamnés, chacun, à payer la somme de 2.000 euros à M. [T] [A] et la société Mada Spicy, ensemble, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons M. [X] [P] irrecevable à présenter une exception d’incompétence après défense au fond,

Nous déclarons incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [P] et tirée de l’article 564 du code de procédure civile,

Rejetons la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir en revendication de M. [T] [A],

Rejetons la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 10 janvier 2022,

Rejetons l’exception de nullité des assignations délivrées les 27 et 28 octobre 2022 à l’encontre de la société Spicy Deli et de Mme [S] [C],

Déclarons recevable l’intervention forcée de la société Spicy Deli et de Mme [S] [C],

Condamnons M. [X] [P] à payer à la société Mada Spicy et M. [T] [A], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons in solidum la société Spicy Deli et Mme [S] [C] à payer à la société Mada Spicy et M. [T] [A], ensemble, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons M. [X] [P] d’une part, la société Spicy Deli et Mme [S] [C] in solidum d’autre part, à supporter les entiers dépens de l’incident initié par chacun d’eux.

La présente ordonnance a été signée par Bérengère VALLEE, conseiller chargé de la mise en état, et par Véronique SAIGE, greffier.

 


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