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Noms de domaine : 27 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09599

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Noms de domaine : 27 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09599

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

(n° / 2023, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09599 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWVL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2021 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019035003

APPELANT

Monsieur [Z] [G]

Né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 7] (Martinique),

De nationalité française,

Demeurant [Adresse 4]

[Adresse 1]

BELGIQUE

Représenté par Me Laurent COTRET de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438,

INTIMÉE

S.A.S. BDR & ASSOCIÉS, prise en la personne de Maître [I] [B], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A PARIS INTERNATIONAL CAMPUS (PIC), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 511 930 083, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 26 janvier 2017,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 844 765 487,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque : K0065,

Assistée de Me Julie MOLINIE, avocate au barreau de PARIS, toque : L0301,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit du 1er avril 2022, et ses observations orales lors de l’audience.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SA Paris International Campus (PIC), créée en 2009, immatriculée au RCS de Paris exerçait jusqu’à sa liquidation judiciaire une activité de formation et d’enseignement notamment dans le domaine informatique.

A sa création, la société PIC était présidée par la société The International University Network ( TIUN), société de droit belge, qui était son actionnaire à 75%, elle même étant détenue à 100% par la société Apollo Education Limited, basée à Hong Kong, elle même détenue à 100% par M.[G].

Après avoir exercé les fonctions d’administrateur de la société PIC, M.[G] en est devenu le 1er juin 2012, le directeur général délégué, avant d’être désigné le

9 septembre 2014, président du conseil d’administration et directeur général de la société PIC.

La société PIC fait partie du groupe [8], établissement d’enseignement proposant un cursus de cinq années à l’issue desquelles un titre d’expert en informatique et systèmes d’information est délivré.

La société mère du groupe [8] est la société de droit belge Educinvest SPRL, qui a été constituée en 2008 par M.[G], lequel a apporté à cette société les marques, dont la marque [8], les noms de domaine, les contenus pédagogiques et les fichiers d’élèves liés à l’activité du groupe. Le groupe [8] comptait 22 campus en France et 32 à l’étranger.

La société PIC, comme les autres entités opérationnelles du groupe, était liée à la société Educinvest par un contrat de sous-traitance pédagogique, qui prévoyait une clause de répartition des frais de scolarité, aux termes de laquelle la société PIC devait percevoir 72% des frais de scolarité et la société Educinvest 28%.

La société Educinvest n’ayant pas reversé à la société PIC le pourcentage lui revenant, un passif très important s’est ainsi constitué, privant la société PIC des ressources nécessaires à son fonctionnement.

Sur assignation du PRS du 25 août 2015 et sur requête du ministère public, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 28 janvier 2016, a ouvert le redressement judiciaire de la société PIC, désigné la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Maître [B], en qualité de mandataire judiciaire, et Maître [R], en qualité d’administrateur judiciaire, et fixé la date de cessation des paiements au 28 juillet 2014, compte tenu de l’ancienneté des inscriptions des dettes.

Par ordonnance du 26 mai 2016, le juge-commissaire a désigné M.[H] en qualité d’expert afin de déterminer le montant exact de la créance de la société PIC sur la société Educinvest et de fournir des éléments d’appréciation sur les capacités de cette dernière à rembourser sa créance, sur quelle durée, ainsi que sur les garanties susceptibles d’être apportées. M.[H] a déposé son rapport le 28 septembre 2016.

Par jugement du 26 janvier 2017, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 15 juin 2017, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire et la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Maître [B], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

En 2019, la société Educinvest a été citée en faillite devant les juridictions belges par les sociétés PIC et STC et un administrateur provisoire lui a été désigné le 20 décembre 2019 pour administrer la société aux lieu et place de ses organes Cet administrateur a cité Educinvest en faillite. Par arrêt du 8 mai 2020, confirmant un jugement du 19 décembre 2019, la cour d’appel de Bruxelles a déclaré irrecevable la demande de la société Educinvest tendant à bénéficier d’une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif et par jugement du 9 juin 2020, le tribunal francophone de Bruxelles a prononcé la faillite de la société Educinvest. Le tribunal de commerce de Paris a par ailleurs ouvert une procédure de liquidation judiciaire secondaire à l’égard de l’établissement de la société Educinvest situé à Paris.

Par acte du 7 juin 2019, la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Maître [B], agissant, en qualité de liquidateur judiciaire de la société PIC, a fait assigner M.[G] devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article L651-2 du code de commerce, aux fins de voir celui-ci condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la société PIC, s’élevant à 9.066.272 euros. Le liquidateur reprochait à M.[G], dans ses fonctions de dirigeant de la société PIC, des manquements graves et répétés aux obligations fiscales et sociales, l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, ainsi que la réalisation d’opérations contraires à l’intérêt social de la société PIC.

Par jugement du 23 février 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné M.[G] à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 2.500.000 euros, ainsi que la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les trois fautes de gestion invoquées étaient caractérisées et avaient contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur de 10.073.017 euros, et que, ‘par mesure de tempérament’, M.[G] devait être condamné à payer au liquidateur judiciaire la somme de 2.500.000 euros.

M.[G] a relevé appel de ce jugement le 21 mai 2021.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 août 2021,

M. [G] demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement et, statuant à nouveau, juger qu’il n’a commis aucune faute dans le cadre de l’exercice de ses fonctions de président de la société PIC et qu’il a agi conformément à l’intérêt social de ladite société, rejeter en conséquence l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la SAS BDR & Associés, prise en la personne de Maître [B].

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 février 2022, la SAS BRD &Associés, prise en la personne de Maître [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PIC, demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en ses demandes, rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M.[G], confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, en conséquence, de condamner M.[G] à lui payer la somme de 2.500.000 euros, ainsi que celle de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Dans son avis notifié par RPVA le 1er avril 2022, le ministère public invite la cour à infirmer le jugement déféré, la condamantion prononcée lui apparaissant disproportionnée, et à condamner M.[G] au paiement de la somme de 1.250.000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif .

SUR CE

Selon l’article L 651-2 du code de commerce,’Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée’.

Il appartient au liquidateur d’établir l’existence d’une insuffisance d’actif et d’une ou plusieurs fautes de gestion ne constituant pas une simple négligence, ayant contribué à l’insuffisance d’actif.

Le liquidateur judiciaire soutient comme en première instance que l’insuffisance d’actif s’élève à 9.066.272 euros et que M.[G] a commis les fautes de gestion tenant à des manquements graves et répétés aux obligations sociales et fiscales, à l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, et à la réalisation d’opérations contraires à l’intérêt social, toutes fautes ayant contribué à l’insuffisance d’actif.

M.[G] conteste les fautes qui lui sont reprochées et soutient que ce sont des causes étrangères à sa gestion qui ont précipité les difficultés de la société PIC. Il indique avoir fait le choix de privilégier l’intérêt du groupe en adoptant une politique commune qui imposait de défendre les intérêts de la société mère Educinvest, laquelle détenait la marque [8] et sans laquelle les filiales ne pouvaient plus fonctionner.

Il explique que les difficultés rencontrées par la société PIC découlent des problèmes rencontrés par la société Educinvest, dès 2009, quelques mois après sa création, celle-ci s’étant trouvée impliquée dans un important contentieux commercial avec le groupe français Auvence et plus précisément avec certaines de ses entités, que les contrats de franchise signés avec la société Sud-Ouest Campus le 17 mars 2009, en vertu desquels la société Educinvest lui confiait la gestion des campus de [Localité 9] et [Localité 6], ont dû être résiliés suite à divers manquements, que cette résiliation a été contestée en justice par la société Sud Ouest Campus, qui a obtenu le 19 décembre 2012 la condamnation de la société Educinvest au paiement de la somme de 682.502 euros pour résiliation fautive du contrat de franchise, que cette somme a été payée le 4 juin 2015.Il ajoute que la société Sud-Ouest Campus, n’a pas respecté l’ordonnance lui faisant interdiction de faire usage de la marque [8] et a été condamnée le 1er juillet 2015, à verser à la société Educinvest la somme de 60.000 euros, qui ne couvrait toutefois pas le préjudice subi par les filiales exploitant les campus. Il ajoute que parallèlement à ce contentieux, il a été victime d’attaques personnelles répétées, a fait l’objet de plaintes pénales qui ont été classées sans suite et de menaces de mort visant purement et simplement à déstabiliser sa gestion du groupe [8] et que dans un tel contexte la société Educinvest s’est trouvée dans l’incapacité d’honorer les obligations qui étaient les siennes en vertu des contrats conclus avec ses filiales, et notamment avec la société PIC, dont elle n’a pu régler les factures, ce qui a entraîné pour cette dernière l’impossibilité d’assumer ses propres charges.

– sur l’insuffisance d’actif

M.[G] ne conteste ni le principe ni le quantum de l’insuffisance d’actif. Il sera donc retenu une insuffisance d’actif certaine à hauteur de 9.066.272 euros, les créances définitivement admises au passif de la liquidation judiciaire de la société PIC s’élèvant à 9.789.326 euros et l’actif réalisé à 723.054 euros.

– sur le périmètre des fautes de gestion

M.[G] reproche au tribunal d’avoir retenu pour le condamner des faits postérieurs à l’ouverture de la procédure collective, en violation de l’article L 651-2 du code de commerce, en retenant des redressements et pénalités intervenus sur l’exercice 2016, et en se référant à des prélèvements effectués en octobre 2019, ainsi qu’à une cession de titres effectuée en juin 2016.

Le liquidateur, s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 22 janvier 2020 18-17030) réplique que la seule limite s’agissant des faits imputables au dirigeant est le jugement ouvrant la liquidation judiciaire, en l’espèce le 26 janvier 2017, et non celui ouvrant le redressement judiciaire, de sorte que les faits relevant de la période d’observation du redressement judiciaire, qui sont par définition antérieurs au jugement de liquidation judiciaire, peuvent être pris en compte dans le cadre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Il ajoute qu’en tout état de cause, seule une part résiduelle du passif fiscal et social a été constituée sur l’exercice 2016, ce passif s’élevant a minima à la somme de 3.658.431,54 euros en 2015 et que les redressements et pénalités retenus par le tribunal étaient déjà évoqués pour plus de 2,3 millions d’euros dans le jugement ouvrant la liquidation judiciaire.

Ainsi que le soutient le liquidateur, la faute de gestion visée par l’article L651-2 du code de commerce doit avoir été commise avant l’ouverture de la liquidation judiciaire, dès lors que seule la liquidation judiciaire permet l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Le jugement ouvrant le redressement judiciaire n’exonère pas le dirigeant de sa responsabilité au titre des fautes commises pendant la période d’observation du redressement judiciaire.

La liquidation judiciaire ayant été ouverte le 26 janvier 2017, le liquidateur peut invoquer des fautes de gestion commises en 2016.

– sur les manquements répétés aux obligations sociales et fiscales

Le liquidateur judiciaire soutient, que M.[G] a manqué de façon grave et répétée à ses obligations sociales et fiscales, ce qui a entraîné pour la société un passif privilégié échu admis d’un montant de 4.289.441 euros, cette somme comprenant non seulement les droits, taxes et cotisations mais également des pénalités et redressements.

Le montant de ce passif n’est pas en lui-même discuté, la contestation de M.[G] ne portant que sur la prise en compte du passif né en 2016 après le jugement ouvrant le redressement judiciaire, contestation qui a été précédemment rejetée par la cour.

Il résulte des énonciations du jugement de redressement judiciaire du 28 janvier 2016 que l’administration fiscale se prévalait à la date du 20 novembre 2015 d’une créance de 2.365.713 euros en droits et pénalités correspondant à une amende sur DAS2, de la TVA, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe sur les salaires, de l’impôt sur les sociétés et de la CFE, ainsi qu’il résultait de 11 avis de mise en recouvrement, de 18 mises en demeure et de 28 avis à tiers détenteur.D’autre part, de 2009 à 2013, des pénalités à hauteur de 207.244 euros ont été recensées .

M.[G] ne pouvait ignorer dans ce contexte le montant des charges sociales et fiscales impayées.

Le défaut de paiement répété, sinon systématique, et ce depuis 2010, qui s’est accentué en 2015 et 2016, soit antérieurement au jugement ouvrant la liquidation judiciaire, des créances fiscales, ainsi que l’absence régulière de déclarations des charges fiscales ayant entraîné des taxations d’office, des pénalités et intérêts de retard constituent des fautes de gestion graves qui ont contribué à la création et à l’aggravation de l’insuffisance d’actif, le passif étant augmenté sans que l’actif soit corrélativement augmenté.

– sur l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal

Le jugement d’ouverture, devenu irrévocable, a fixé la date de cessation des paiements au 28 juillet 2014. Cette date s’impose au juge de la sanction. Le dirigeant devait donc effectuer une déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours suivant cette date.

M.[G] n’a jamais déclaré la cessation des paiements, la procédure a en effet été ouverte sur assignation de l’administration fiscale, délivrée le 25 août 2015, et sur requête du ministère public. A la date d’ouverture de la procédure, le Trésor public avait inscrit quatre privilèges, la première inscription datant du 3 avril 2015 pour un montant total de 3.658.431,54 euros. L’état des inscriptions mentionnait en outre quatre privilèges de la sécurité sociale inscrits en 2015.

M.[G] s’est abstenu de déclarer la cessation des paiements, alors qu’il était parfaitement informé que la société Educinvest ne procédait pas au paiement de la part des frais de scolarité revenant à la société PIC au titre du contrat de sous-traitance qui constituait ses ressources et que la convention de remboursement conclue le 30 juin 2012 prévoyant un apurement de la dette n’était pas respectée, puisqu’elle avait donné lieu à un avenant le 5 décembre 2013 reportant le paiement des sommes dues contractuellement au titre des années universitaires 2013-2014 et 2014-2015 en 9 mensualités égales à compter du mois d’octobre 2014, cet avenant n’ayant pas davantage été respecté.

Bien que connaissant l’impasse financière dans laquelle se trouvait la société PIC pour faire face à son passif exigible et exigé, il a ainsi fait le choix de laisser perdurer l’activité de la société PIC et partant de générer un nouveau passif sans que l’actif soit reconstitué à due concurrence. Le moyen de défense pris de la volonté de préserver la société mère Educinvest afin de sauvegarder la marque [8], est à cet égard dépourvu de pertinence.

Le liquidateur fait valoir que l’aggravation du passif pendant la période suspecte s’élève à 674.025 euros, soit 246.872,02 euros au titre du passif social et fiscal et 427.152,87 euros au titre du passif chirographaire.

M.[G] ne discute pas le montant de l’aggravation invoqué par le liquidateur.

La SAS BDR et Associés produit la liste détaillée du passif chirographaire né durant la période suspecte (427.152,87 euros), composé des factures impayées de nombreux fournisseurs ainsi que d’une créance du bailleur admise pour 327.970 euros. Il en résulte selon lui que le passif chirographaire né durant la période suspecte représente près de 10% du montant du passif chirographaire total (4.476.073 euros).

S’agissant de déterminer le montant du passif fiscal et social né durant la période suspecte donc en lien avec le défaut de déclaration de cessation des paiements, il n’y a pas lieu d’inclure les cotisations ou créances postérieures au jugement d’ouverture du 28 janvier 2016 avec lequel la période suspecte a pris fin. Or le liquidateur mentionne une créance Malakoff Méderic d’un montant de 68.304,38 euros portant à la fois sur les exercices 2015 et 2016, de même qu’une créance Humanis de 4.095 euros. Ne seront pas non plus prises en compte les quatre créances CFE 2016 mentionnées par le liquidateur. Il sera en définitive retenu que le passif social et fiscal né durant la période suspecte ressort à 127.413,80 euros.

En s’abstenant de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, alors que la société PIC ne disposait pas des ressources nécessaires pour faire face à son fonctionnement, M.[G] a laissé se constituer de nouvelles dettes pour un montant global de plus de 500.000 euros sans que l’actif n’ait été renforcé dans le même temps dès lors que la société Educinvest ne respectait pas ses engagements contractuels. M.[G] a commis une faute de gestion d’une gravité certaine, ne pouvant être qualifiée de simple négligence, qui a contribué de façon significative à l’insuffisance d’actif.

– sur les opérations contraires à l’intérêt de la société PIC

Il est reproché à M.[G] d’avoir sciemment privé la société PIC des sommes qui lui étaient contractuellement dues par la société Educinvest, dans le but de privilégier les intérêts de la seconde et en réalité son intérêt personnel.

La société PIC était liée à la société Educinvest par un contrat de sous-traitance pédagogique, signé le 1er juillet 2009 aux termes duquel Educinvest mettait à disposition de PIC des structures d’enseignement sur un territoire défini, des marques, des noms de domaines, ainsi que divers outils pédagogiques, à charge pour cette dernière de recruter le personnel qualifié lui permettant d’effectuer ses missions d’enseignement. Le contrat prévoyait une clause de répartition des frais de scolarité en vertu de laquelle la société PIC devait percevoir 72% des frais de scolarité encaissés et la société Educinvest 28%. Le 1er juillet 2011, l’activité de la société PIC a été étendue à la formation des salariés en contrat de professionnalisation, dans les mêmes conditions financières.

Les parties avaient également conclu une convention d’encaissement stipulant que la société PIC collecterait les frais de scolarité des étudiants français et les frais de scolarité payés en France, pour le compte d’Educinvest et reverserait à cette dernière 28 % des frais de scolarité collectés, cette convention n’a toutefois pas été appliquée, et c’est en définitive Educinvest qui a perçu les frais de scolarité et qui devait en conséquence en reverser 72% à la société PIC.

Ainsi qu’il a déjà été dit, la société Educinvest n’a pas appliqué les conventions et n’a pas reversé à la société PIC les 72% devant lui revenir.

Le 30 juin 2012, date à laquelle la société Educinvest restait devoir à la société PIC la somme de 18.761.807,22 euros, une convention de remboursement a été signée entre les sociétés Educinvest et PIC prévoyant le paiement de sa dette par Educinvest en

60 mensualités, outre les 72% des frais de scolarité encaissés. Cette convention n’a pas été respectée et par avenant du 5 décembre 2013, les deux sociétés sont convenues que le pourcentage contractuel dû au titre des années universitaires 2013-2014 et 2014-2015 serait en définitive versé en 9 mensualités égales à compter du mois d’octobre 2014. Cet avenant n’a pas davantage été respecté.

Il ressort du rapport de M.[H], non contesté, qu’à la date d’ouverture du redressement judiciaire, la dette d’Educinvest envers la société PIC s’élevait au montant très important de 19.317.416 euros, une telle situation plaçant manifestement la société PIC dans l’incapacité d’assumer ses charges.

M.[G] qui était à la fois dirigeant et actionnaire de la société Educinvest, débitrice des redevances contractuelles, et dirigeant de la société PIC, créancière, non seulement n’a pas mis en oeuvre les moyens propres à faire exécuter la convention de sous-traitance, y compris de manière forcée, mais a au contraire, ainsi qu’il le revendique d’ailleurs, eu la volonté de préserver la société Educinvest au détriment de la société PIC.

Or, M.[G] ne peut pertinemment soutenir qu’en préservant les intérêts de la société Educinvest, il a mené une politique de groupe, qui défendait aussi les intérêts de ses filiales opérationnelles, alors que le mode de gestion choisi préservait surtout ses intérêts personnels, en ce que l’inexécution par Educivest de ses obligations contractuelles lui permettait de bénéficier des fonds que recevait cette société. En effet, M.[H], expert désigné par le juge-commissaire avec notamment pour mission d’apprécier la capacité d’Educinvest à rembourser sa dette envers PIC, a constaté que le compte courant de M.[G] dans les livres d’Educinvest était débiteur de 9.108.050 euros au titre des prélèvements effectués entre janvier 2010 et juin 2015 et que ce débit s’était aggravé entre 2015/2016. Les prélèvements très importants de M.[G] sur les fonds de la société Educinvest durant 5 ans et demi, à des fins personnelles, alors que parallèlement cette société était débitrice à l’égard de la société opérationnelle PIC de 72% des frais de scolarité, ont grandement contribué au manquement de la société Educinvest dans le respect de ses obligations contractuelles et partant à la situation de cessation des paiements de la société PIC.

Si M.[H] indique avoir été informé, qu’en juillet 2016, le compte courant débiteur de M.[G] dans les livres d’Educinvest a été remboursé, il n’en est pas résulté pour autant la possibilité pour cette dernière de respecter ses engagements contractuels à l’égard de la société PIC. En effet, le compte courant a été remboursé par compensation, M.[G] ayant cédé à la société Educinvest les participations qu’il détenait dans les sociétés [8] International et Apollo pour les montants respectifs de 23 millions d’euros et de 1 euro. Ces cessions, intervenues sans qu’il ne soit justifié d’un rapport d’évaluation des titres cédés, ont eu pour effet d’apurer le compte courant débiteur de M.[G] dans les livres d’Educinvest, et même de lui constituer un solde de créance au profit de M.[G]. L’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, qui fait également état de la cession par M.[G] des titres qu’il détenait dans la société Apollo Education Ltd (Honk Kong) précise toutefois que le prix initial de 23 millions d’euros, jugé surévalué par l’administrateur provisoire de la société Educinvest, a été réduit à 10 millions d’euros, le prix restant payé par compensation avec le compte courant débiteur.

Quel que soit en définitive le montant de la compensation, il n’en reste pas moins qu’en appréhendant durant des années une partie très importante des fonds reçus par Educinvest, M.[G] a largement contribué à l’inexécution contractuelle du contrat de sous-traitance à l’origine de la liquidation judiciaire de la société PIC.

Au regard de ce qui précède, M.[G] ne peut non plus sérieusement prétendre que ce sont des causes étrangères à sa gestion qui ont entraîné les difficultés de la société PIC, alors que le contentieux avec le groupe Auvence a eu des conséquence qui sont sans lien et sans commune mesure avec les difficultés rencontrées par la société PIC, qui en 2012 était déjà créancière d’une somme de plus de 18 millions d’euros envers la société Educinvest alors que celle-ci était condamnée la même année à payer une somme de 682.502 euros.

Ainsi la faute de gestion consistant dans la réalisation d’opérations contraires à l’intérêt social de la société PIC est parfaitement caractérisée et revêt une particulière gravité. Elle a contribué de façon importante à l’insuffisance d’actif, en ce qu’elle a privé la société PIC de la quasi totalité de ses actifs disponibles et augmenté le passif social.

C’est en conséquence à bon droit que le tribunal a considéré que les fautes de gestion reprochées à M.[G] étaient caractérisées et engageaient sa responsabilité pour insuffisance d’actif.

– Sur la sanction

Pour fixer le montant de la condamnation la cour retiendra le nombre et la gravité des fautes de gestion imputables à M.[G], qui a bafoué, pendant plusieurs années les législations sociales et fiscales, n’a pas déclaré la cessation des paiements et conduit la société PIC à sa perte pour favoriser son intérêt personnel et s’enrichir. Le montant de l’insuffisance d’actif est considérable et M. [G], qui se contente de nier toute faute de gestion, ne fournit pas de précision sur sa situation actuelle et ses facultés contributives.

Au regard de la gravité des fautes commises et du profit personnel qu’en a tiré M.[G], la cour confirmera le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 2.500.000 euros.

– Sur les dépens

Les entiers dépens seront supportés par M.[G], le jugement étant infirmé en ce qu’il a dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure collective.

M.[G] sera par ailleurs condamné à payer au liquidateur, ès qualités, une indemnité procédurale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, s’ajoutant à l’indemnité allouée par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que les dépens seraient employés en frais de procédure collective,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M.[Z] [G] aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la SAS BDR&Associés, prise en la personne de Maître [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PIC, une indemnité procédurale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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