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Noms de domaine : 17 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/15329

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Noms de domaine : 17 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/15329

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Annexe (page 17)

Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Maître Soulie, vestiaire P267
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Maître Chartier, vestiaire R0139
– Maître Caron, vestiaire C500
– Maître Coursin, vestiaire C2156
– Maître Dupuy, vestiaire B873

3ème chambre
3ème section

N° RG 23/15329 –
N° Portalis 352J-W-B7H-C3NDM

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Novembre 2023

JUGEMENT
Procédure accélérée au fond
rendu le 17 janvier 2024
DEMANDERESSES

FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (FNEF)
[Adresse 9]
[Localité 14]

SYNDICAT DE L’EDITION VIDEO NUMERIQUE (SEVN)
[Adresse 9]
[Localité 14]

ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (API)
[Adresse 3]
[Localité 11]

SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI)
[Adresse 8]
[Localité 12]

UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC)
[Adresse 6]
[Localité 10]

CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L’IMAGE ANIMEE – CNC, Intervenant volontaire accessoire
[Adresse 5]
[Localité 15]

représentés par Me Christian SOULIE de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267
Décision du 17 janvier 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/15329 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3NDM

DÉFENDERESSES

S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE – SFR
[Adresse 4]
[Localité 13]

S.A.S. SFR FIBRE
[Adresse 1]
[Localité 16]

représentées par Me Pierre-Olivier CHARTIER de l’ASSOCIATION CBR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139

S.A. ORANGE
[Adresse 2]
[Localité 18]

représentée par Me Christophe CARON de l’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500

S.A.S. FREE
[Adresse 17]
[Localité 11]

représentée par Me Yves COURSIN de l’AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2186

S.A. BOUYGUES TELECOM
[Adresse 7]
[Localité 14]

représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0873

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

En application de l’article L212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et avec l’accord des parties, la procédure s’est déroulée sans audience. Avis a été donné aux avocats par bulletin RPVA du 15 décembre 2023 que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le17 janvier 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La fédération nationale des éditeurs de films (ci-après « FNEF »), le syndicat de l’édition vidéo numérique (ci-après « SEVN »), l’association des producteurs indépendants (ci-après « API »), l’union des producteurs de cinéma (ci-après « UPC ») et le syndicat des producteurs indépendants (ci-après « SPI ») sont des organismes professionnels ayant vocation à défendre les membres de leur secteur professionnel respectif (audiovisuel et cinéma).

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (ci-après « CNC ») est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture et destiné notamment à contribuer, dans un but d’intérêt général, au financement et au développement du cinéma et de l’industrie de l’image animée ainsi qu’à la lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia.

Les sociétés Bouygues Télécom, Free, SFR fibre, Orange et SFR sont des opérateurs de communications électroniques qui commercialisent notamment des offres de téléphonie et d’accès à internet sur le territoire français.

La FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI exposent avoir constaté que les agents assermentés de l’ALPA ont établi par différents procès-verbaux de constat que les 5 sites suivants : « NITROFLARE (ID – P12) », « RAPIDGATOR (ID -P11) », «STREAMTAPE (ID -P9) », « TURBOBIT (ID -P13) », « UPSTREAM (ID -P14) », qui sont accessibles par différents noms de domaine mettent, sans autorisation, à la disposition du public de très nombreuses oeuvres de leurs répertoires en continu ou au moyen de liens de téléchargement. Elles précisent que ces sites sont des plateformes d’hébergement et de partage de contenus numériques (dites “cyberlockers”) permettant à différents utilisateurs de téléverser et stocker, notamment des vidéos, et de partager les liens d’accès à ces vidéos, en particulier par transclusion de sorte que l’accès à ce lien se réalise depuis un site d’indexation de liens, distinct de la plateforme, sans changement d’interface.

Aux fins de faire cesser les atteintes constatées aux droits de leurs membres, la FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI ont, par actes d’huissier du 28 novembre 2023, fait assigner les sociétés Bouygues Télécom, Free, ORANGE, SFR et SFR FIBRE devant le tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond pour l’audience du 17 janvier 2024.

Le CNC a, le 4 décembre 2023, notifié des conclusions d’intervention volontaire accessoire.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 4 décembre 2023, la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, la SPI et le CNC demandent, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
1. Dire recevables la FNEF, le SEVN, l’UPC, l’API et le SPI en leur action.
2. Dire recevable et bien fondé le CNC en son intervention volontaire accessoire ;
3. Dire que la FNEF, le SEVN, l’UPC et l’API et le SPI démontrent suffisamment que les cyberlockers « NITROFLARE (ID – P12) ; RAPIDGATOR (ID – P11 ) ; STREAMTAPE (ID – P9) ; TURBOBIT (ID – P13) ;UPSTREAM (ID – P14) »  sont quasi enti-rement dédiés à la reproduction et à la représentation d’oeuvres audiovisuelles / cinématographiques et de vidéogrammes par leur mise a disposition du public sans le consentement des auteurs et des producteurs, ce qui constitue une atteinte aux droits d’auteur et aux droits voisins telle que prévue à l’article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle.
EN CONSEQUENCE :
4. Enjoindre sans délai et au plus tard dans les quinze jours à compter de la signification de la
présente décision et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir
aux sociétés Bouygues Télécom, Free, ORANGE, SFR et SFR FIBRE SAS, de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en
oeuvre, selon les termes précisés ci-après, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux cyberlockers « NITROFLARE (ID – P12) ; RAPIDGATOR (ID – P11 ) ; STREAMTAPE (ID – P9) ; TURBOBIT (ID – P13) ;UPSTREAM (ID – P14) », à partir du territoire francais, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les iles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Caledonie et dans les Terres australes et antarctiques francaises, et/ou par leurs abonnés ainsi que par les abonnés des sociétés qui utilisent leur réseau à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen conforme au degré d’efficacité requis par la Directive 2001/29/CE, et notamment par le blocage des noms de domaine et par voie de conséquence de tous les sousdomaines associés :
1. « nitroflare.com » et « nitroflare.net » ;
2. « rapidgator.net» et « rg.to » ;
3. « streamtape.com », « streamtape.cc », « streamtape.xyz », « streamtape.site », « streamtape.net », « streamtape.to » et « tapecontent.net »;
4. « turbobit.net », « turbobit.cc », « turbobit.com », « turbo.to », « turb.cc », « turb.pw» et « trbbt.net » ;
5. « upstream.to » et « upstreamcdn.co » ;
5. Dire que les défendeurs mettront en oeuvre les mesures ordonnées visant à empêcher
l’accès aux sites web précités en recourant à la liste des chemins d’accès telle que reprise
dans les tableaux figurant dans la Pièce n° 16 et dans les conditions précisées à cette même pièce.
6. Dire que les défendeurs informeront sans délai les demandeurs de la survenance de toute difficulté portée à leur connaissance concernant un éventuel sur blocage, afin de leur permettre de leur confirmer, le cas échéant, qu’il y a lieu de lever les mesures prises en application des alinéas précédents.
7. Dire qu’en cas de réactivation d’un nom de domaine pour lequel les fournisseurs d’accès à
internet auraient levé les mesures de blocage à la suite d’une notification adressée par les demandeurs conformément au dispositif du jugement à intervenir dans la présente procédure, les défenderesses devront rétablir les mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, au nom de domaine concerné et par voie de conséquence de tous les sous-domaines associés, sans délai et au plus tard dans les 15 jours calendaires à compter de la réception d’une notification adressée par les sociétés demanderesses, pour la durée restant à courir en application du jugement à intervenir dans la présente procédure.
8. Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir, et sans constitution de garantie.
9. Dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et ses dépens à sa
charge.
10. Écarter toutes les demandes, fins et moyens contraires des conclusions des défenderesses.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 8 décembre 2023, les sociétés SFR et SFR Fibre demandent, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
– APPRECIER si la FNEF et autres ont qualité à agir et si l’atteinte qu’ils invoquent est constituée ;
– APPRECIER s’il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause, au regard notamment (i) des risques d’atteinte au principe de la liberté d’expression et de communication (risques d’atteintes à des contenus licites et au bon fonctionnement des réseaux) (ii) de l’importance du dommage allégué, (iii) des risques d’atteinte à la liberté d’entreprendre des FAI, et (iv) du principe d’efficacité, d’ordonner aux FAI, dont SFR et SFR FIBRE, la mise en oeuvre des mesures de blocage sollicitées ;
Si Madame ou Monsieur le Président considère qu’il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause d’ordonner la mise en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR FIBRE, de mesures de blocage des Sites, il lui est demandé de :
– ENJOINDRE à SFR et SFR Fibre de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir, des mesures propres à prévenir l’accès de leurs abonnés situés sur le territoire français, aux noms de domaine suivants lesquels sont regroupés dans le tableau récapitulatif communiqué par la FNEF au format Excel en Pièce n°16 :
1. « nitroflare.com » et « nitroflare.net » ;
2. « rapidgator.net» et « rg.to » ;
3. « streamtape.com », « streamtape.cc », « streamtape.xyz », « streamtape.site », « streamtape.net », « streamtape.to » et « tapecontent.net »;
4. « turbobit.net », « turbobit.cc », « turbobit.com », « turbo.to », « turb.cc », « turb.pw» et « trbbt.net » ;
5. « upstream.to » et « upstreamcdn.co » ;
– DIRE que les mesures de blocage mises en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR Fibre, seront limitées à une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir ;
– DIRE que les parties pourront saisir la présente juridiction en cas de difficultés ou d’évolution du litige ;
– DIRE que les dépens seront laissés à la charge de FNEF et autres.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 7 décembre 2023, la société Free demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
– Ordonner que toutes éventuelles mesures initiales de blocage de noms de domaine ne pourront être prises que sous le contrôle de l’autorité judiciaire et vis-à-vis des seuls vingt (20) noms de domaine litigieux précisément mentionnés par les demandeurs dans leur tableau Excel constituant leur pièce communiquée n°16 ;
– Ordonner que, pour l’identification des noms de domaine concernés, la décision à intervenir renverra expressément, audit fichier Excel ;
– Autoriser, et, en tant que de besoin, juger, que pour l’exécution de la décision, la société Free pourra utiliser directement le support numérique constitué par le fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce n° 16) ;
– Dire que d’éventuels blocage de noms de domaine ne pourront être mises en oeuvre que dans un délai de quinze jours à compter de la signification de votre décision, et selon les modalités que la société Free estimera les plus adaptées à l’objectif à remplir en fonction, notamment, des contingences de son réseau;
– Dire que toutes éventuelles mesures de blocage des noms de domaine ne pourront être prises que pour une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir ;
– Dire que la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI, et le CNC devront avertir officiellement la société Free dans l’hypothèse où le(s) noms de domaine(s) dont elles auraient obtenu le blocage deviendrai(en)t inactif(s) ou, si les sites concernés ne posaient plus problème ;
– Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 12 décembre 2023, la société Bouygues Télécom demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
– Apprécier si la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPIet le CNC ont qualité à agir,
– Apprécier l’atteinte aux droits d’auteur et aux droits voisins invoquée par la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI, et le CNC,
– Apprécier si les demandes de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI, et le CNC respectent le principe de proportionnalité,
En tout état de cause, dans l’hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée,
– Enjoindre à la société Bouygues Télécom de mettre en œuvre les mesures propres à empêcher l’accès de ses abonnés ainsi que des abonnés des sociétés qui utilisent son réseau, situés sur le territoire français, aux seuls noms de domaines précisément visés dans la pièce n°16 des demandeurs dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et pour une durée de 18 mois,
– Dire que la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI, et le CNC devront indiquer aux Conseils des fournisseurs d’accès à internet, dont la société Bouygues Télécom, si les noms de domaines visés dans leurs écritures et dans leur pièce n°16 ne sont plus actifs afin que les mesures de blocage ordonnées les concernant puissent être levées,
– Laisser à la charge de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI,et le CNC le paiement des entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 8 décembre 2023, la société Orange demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
– APPRECIER si la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI, et le CNC ont qualité à agir.
– DONNER ACTE que la société Orange ne s’oppose pas à la mesure de blocage sollicitée par les demandeurs dès lors qu’elle réunit les conditions cumulatives, exigées par le droit positif, que sont : la preuve de l’atteinte au droit d’auteur, le caractère judiciaire préalable et impératif de la mesure dans son principe, son étendue et ses modalités, y compris pour son actualisation ; la liberté de choix de la technique à utiliser pour réaliser le blocage ; la durée limitée de la mesure.
Décision du 17 janvier 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/15329 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3NDM

En tout état de cause, dans l’hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée, de :
– DECLARER que, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, la société Orange ne peut être enjointe que de bloquer l’accès aux seuls noms de domaine précisément mentionnés dans le dispositif des conclusions des demandeurs et qui portent atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin.
– DECLARER que la société Orange procédera au blocage des sous-domaines associés aux noms de domaine visés si un tel blocage lui est expressément ordonné dans la décision à venir.
– DECLARER que la société Orange procédera au blocage des noms de domaine et sous-domaines associés en recourant à la liste figurant dans le tableau Excel communiqué par les demandeurs tel qu’annexé au jugement et faisant partie de la minute.
– DECLARER que dans l’hypothèse où le blocage des sous-domaines est ordonné, la société Orange pourra, en cas de difficultés notamment liées à des sur-blocages, en référer au Président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d’être autorisée à lever la mesure de blocage.
– DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société Orange si les noms de domaine visés dans la décision ne sont plus actifs, en parallèle de la signification de la décision à venir et par lettre officielle, afin de préciser qu’il n’est plus nécessaire de procéder à leur blocage.
– DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société Orange, postérieurement à la décision, toute fermeture du site auquel renvoient les noms de domaine visés par la décision à venir, et dont ils auraient connaissance, afin que les mesures de blocage afférentes puissent être levées.
– DECLARER que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la qualité à agir

Aux termes de l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.

L’article L. 122-2 du même code précise que la représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment par télédiffusion.
La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature et l’article L.122-3 que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte.

Selon l’article L.122-4, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

De la même manière, en application de l’article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle, l’autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme.

Enfin, il résulte de l’article L.336-2 du même code qu’en présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L.331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée.

La FNEF, la SEVN, l’API, l’UPC, le CNC, le SPI ont, en vertu de leurs statuts, le pouvoir d’agir en justice aux fins de défendre les intérêts professionnels des auteurs, producteurs et distributeurs d’œuvres audiovisuelles, cinématographiques et de vidéogrammes. En conséquence, la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le CNC sont recevables en leurs demandes.

II – Sur l’atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins

La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins.

Il est à cet égard rappelé que par un arrêt du 22 juin 2021 (affaires jointes C-682/18 et C-683/18), la Cour de justice de l’Union Européenne, interprétant les dispositions de la directive 2001/29/CE dont l’article L336-2 ci-dessus réalise la transposition en droit interne, a dit pour droit que : “L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’une plateforme de partage de vidéos ou d’une plateforme d’hébergement et de partage de fichiers, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, n’effectue pas une « communication au public » de ceux-ci, au sens de cette disposition, à moins qu’il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d’auteur. Tel est notamment lorsque cet exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d’un contenu protégé sur sa plateforme et s’abstient de l’effacer ou d’en bloquer l’accès promptement, ou lorsque ledit exploitant, alors même qu’il sait ou devrait savoir que, d’une manière générale, des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l’intermédiaire de sa plateforme par des utilisateurs de celle-ci, s’abstient de mettre en oeuvre les mesures techniques appropriées qu’il est permis d’attendre d’un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace des violations du droit d’auteur sur cette plateforme, ou encore lorsqu’il participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public, fournit sur sa plateforme des outils destinés spécifiquement au partage illicite de tels contenus ou promeut scienmment de tels partages, ce dont est susceptible de témoigner la circonstance que l’exploitant à adopté un modèle économique incitant les utilisateurs de sa plateforme à procéder illégalement à la communication au public de contus protégés sur celle-ci.”.

En l’occurrence, chacun des sites litigieux suivants a fait l’objet de procès-verbaux d’agents assermentés de l’association de la lutte contre la piraterie audiovisuelle (ci-après « ALPA »).

1. Ainsi, pour la plateforme d’hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « NITROFLARE » (ID – P12) un total de 151 470 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l’accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l’agent assermenté de l’ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 54 liens sur 100 renvoyaient vers des œuvres contrefaisantes. L’application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l’ALPA d’établir que le pourcentage de mise à disposition d’œuvres contrefaisantes était de 54% avec une marge d’erreur de l’ordre de 9.81%.

Les agents assermentés ont également constaté la mise à disposition du public de contenu protégé et notamment les œuvres suivantes : Le manoir hanté, Equalizer 3, Beau is afraid.
Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « NITROFLARE» sont en l’occurrence des sites de collection de liens tels que “WAWACITY”, “ZONETELECHARGEMENT2”, “ZONE-ANNUAIRE” , qui ont tous fait l’objet de mesures de blocage judicaire par des jugements du 21 juillet 2022 enregistrés sous les RG n°22/06148.

La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d’une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme a également mis en place un système d’abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l’intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d’une vidéo.

Les agents assermentés de l’ALPA ont enfin constaté que la plateforme “NITROFLARE” utilise les noms de domaine suivants :
– nitroflare.com
– nitroflare.net

2. Pour la plateforme d’hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « RAPIDGATOR» (ID – P11) un total de 363 243 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l’accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l’agent assermenté de l’ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 55 liens sur 100 renvoyaient vers des œuvres contrefaisantes. L’application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l’ALPA d’établir que le pourcentage de mise à disposition d’œuvres contrefaisantes était de 55% avec une marge d’erreur de l’ordre de 9.79%.

Les agents assermentés ont également constaté la mise à disposition du public de contenu protégé et notamment les œuvres suivantes : Black adam, Beau is afraid.
Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « RAPIDGATOR» sont en l’occurrence des sites de collection de liens tels que “WAWACITY”, “ZONETELECHARGEMENT2”, “ZONE-ANNUAIRE” , qui ont tous fait l’objet de mesures de blocage judicaire par des jugements du 21 juillet 2022 enregistrés sous les RG n°22/06148.

La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d’une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme a également mis en place un système d’abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l’intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d’une vidéo.

Les agents assermentés de l’ALPA ont enfin constaté que la plateforme “NITROFLARE” utilise les noms de domaine suivants :
– rapidgator.net
-rg.to

3.Pour la plateforme d’hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « STREAMTAPE» (ID – P9), un total de 15 493 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l’accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l’agent assermenté de l’ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 71 liens sur 100 renvoyaient vers des œuvres contrefaisantes. L’application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l’ALPA d’établir que le pourcentage de mise à disposition d’œuvres contrefaisantes était de 71% avec une marge d’erreur de l’ordre de 8,90%.

Les agents assermentés ont également constaté la mise à disposition du public de contenu protégé et notamment les œuvres suivantes : The Northman, Elvis.
Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « STREAMTAPE» sont en l’occurrence des sites de collection de liens tels que “DUSTREAMING”, “FMOVIES”, “WIKISERIESTREAMING” , qui ont tous fait l’objet de mesures de blocage judicaire par des jugements du 12 mai 2022 enregistrés sous les RG n°22/04178.

4. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d’une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme a également mis en place un système d’abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l’intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d’une vidéo.

Les agents assermentés de l’ALPA ont enfin constaté que la plateforme “STREAMTAPE” utilise les noms de domaine suivants :
– streamtape.cc
– streamtape.xyz
– streamtape.site
– streamtape.net
– streamtape.to
– tapecontent.net

5. Pour la plateforme d’hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « TURBOBIT» (ID – P13), un total de 447 249 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l’accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l’agent assermenté de l’ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 51 liens sur 100 renvoyaient vers des œuvres contrefaisantes. L’application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l’ALPA d’établir que le pourcentage de mise à disposition d’œuvres contrefaisantes était de 51% avec une marge d’erreur de l’ordre de 9,84%.

Les agents assermentés ont également constaté la mise à disposition du public de contenu protégé et notamment les œuvres suivantes : Reptile, Nowhere.
Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « TURBOBIT» sont en l’occurrence des sites de collection de liens tels que “WAWACITY”, “ZONETELECHARGEMENT2”, “ZONE-ANNUAIRE” , qui ont tous fait l’objet de mesures de blocage judicaire par des jugements du 21 juillet 2022 enregistrés sous les RG n°22/06148.

La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d’une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme a également mis en place un système d’abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l’intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d’une vidéo.
Les agents assermentés de l’ALPA ont enfin constaté que la plateforme “STREAMTAPE” utilise les noms de domaine suivants :
– turbobit.cc
– turbobif.com
– turbo.to
– turb.cc
– turb.pw

6. Pour la plateforme d’hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « UPSTREAM» (ID – P14), un total de 27 156 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l’accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l’agent assermenté de l’ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 54 liens sur 100 renvoyaient vers des œuvres contrefaisantes. L’application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l’ALPA d’établir que le pourcentage de mise à disposition d’œuvres contrefaisantes était de 54% avec une marge d’erreur de l’ordre de 9,79%.

Les agents assermentés ont également constaté la mise à disposition du public de contenu protégé et notamment les œuvres suivantes : Mili, Die hart.
Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « UPSTREAM» sont en l’occurrence des sites de collection de liens tels que “WIFLIX”, “SERIEPOURVOUS”, “GRATFLIX” , qui ont tous fait l’objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 12 mai 2022 et 16 février 2022 enregistrés respectivement sous les RG n°22/04178 et RG n°22/14888.

La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d’une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme a également mis en place un système d’abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l’intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d’une vidéo.

Les agents assermentés de l’ALPA ont enfin constaté que la plateforme “STREAMTAPE” utilise les noms de domaine suivants :
– upstream.to
– upstream.cden.co

***

Il ressort de l’ensemble de ces constatations que la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le CNC établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux réalisent une communication au public au sens de l’article 3§1 de la directive 2001/29. En particulier, les constatations des agents assermentés de l’ALPA, ont mis en évidence que les exploitants des plateformes d’hébergement et de partage de contenus numériques précités devraient en l’occurrence savoir que des contenus protégés sont massivement et illégalement mis à la disposition du public par leur intermédiaire. Au demeurant, elles s’abstiennent de mettre en oeuvre des mesures techniques qui leur permettraient de conter, avec la diligence attendue de leur part, de manière crédible et efficace les violations des droits d’auteur qui sont faites par leur intermédiaire. Il est enfin établi ici qu’elles incitent à la violation du droit d’auteur et des droits voisins par la mise en place d’outils spécifiquement destinés au partage de masse et illicite de contenus protégés, en promouvant sciemment ces partages, notamment par le biais d’un modèle économique qui laisse présumer que les exploitants de ces plateformes jouent un rôle actif dans le partage des fichiers contrefaisants. L’ensemble des éléments précités réunis permettent de caractériser une atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins.

La FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le CNC sont donc fondés à solliciter la prescription de mesures propres à faire cesser la violation de leurs droits.

III – Sur les mesures sollicitées

L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin”.

Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”).

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans l’arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu’ainsi qu’il découle des points 62 à 68 de l’arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux :
« 45 Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu’il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d’auteur, d’assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures.
46 Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d’auteur, et celle de la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l’article 16 de la charte. (…)
52 D’autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n’est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. »

Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part.

La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la “substance même du droit à la liberté d’entreprendre” des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre.

Aussi, conformément aux dispositions de l’article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle, il sera enjoint aux sociétés Orange, Bouygues Télécom, Free, SFR et SFR Fibre de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites internet : « NITROFLARE (P12) », « RAPIDGATOR (P11) », «STREAMTAPE (P9) », « TURBOBIT (P13) », « UPSTREAM (P14) » à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés, à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix.

Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés dans la liste annexée à la présente ordonnance, et permettant l’accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s’étendront à tous les sous domaines associés à un nom de domaine mentionné dans cette liste.

Ces mesures devront être mises en œuvre au plus tard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pour la durée visée au dispositif de la présente décision.
Les fournisseurs d’accès à internet devront informer la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le CNC des mesures mises en œuvre.

Le coût des mesures de blocage sera à la charge des fournisseurs d’accès internet.

Il est rappelé que l’actualisation des mesures ordonnées en cas d’évolution du litige en raison de la mise en oeuvre de moyens de contournement du blocage, pourra être envisagée par le tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond, mais également, sous réserve que soit caractérisée l’existence d’un trouble manifestement illicite, par le juge des référés.

En outre, la société Orange pourra en cas de difficulté notamment liées à des sur-blocages, en référer au président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d’être autorisée à lever la mesure de blocage, ce à quoi les demandeurs ne s’opposent pas.

Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Ordonne aux sociétés Orange, Bouygues Télécom, Free, SFR et SFR fibre de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites « NITROFLARE (ID – P12) », « RAPIDGATOR (ID -P11) », «STREAMTAPE (ID -P9) », « TURBOBIT (ID – P13) », « UPSTREAM (ID – P14) » à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaine et des sous-domaines associés, figurant dans le tableau annexé à la présente ordonnance et faisant partie de la minute, et ce, sans délai, et au plus tard dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant une durée de 18 mois à compter de la mise en oeuvre des mesures ordonnées ;

Dit que les fournisseurs d’accès à internet devront informer la fédération nationale des éditeurs de films, le syndicat de l’édition vidéo numérique, l’association des producteurs indépendants, l’union des producteurs de cinéma, le syndicat des producteurs indépendants et le Centre national du cinéma et de l’image animée de la réalisation de ces mesures en précisant éventuellement les difficultés qu’ils rencontreraient,

Dit que la fédération nationale des éditeurs de films, le syndicat de l’édition vidéo numérique, l’association des producteurs indépendants, l’union des producteurs de cinéma, le syndicat des producteurs indépendants et le Centre national du cinéma et de l’image animée devront dans ce cadre indiquer aux fournisseurs d’accès à internet, les noms de domaine dont ils auraient appris la fermeture ou la disparition, afin d’éviter des coûts de blocage inutiles,

Dit que le coût de la mise en œuvre des mesures ordonnées restera à la charge des fournisseurs d’accès à internet,

Dit qu’en cas d’évolution du litige notamment par la modification des noms de domaines ou chemins d’accès, la fédération nationale des éditeurs de films, le syndicat de l’édition vidéo numérique, l’association des producteurs indépendants, l’union des producteurs de cinéma, le syndicat des producteurs indépendants ainsi que le Centre national du cinéma et de l’image animée pourront en référer à la présente juridiction selon la procédure accélérée au fond ou en saisissant le juge des référés, en mettant en cause par voie d’assignation les parties présentes à cette instance ou certaines d’entre elles, afin que l’actualisation des mesures soit ordonnée ;

Donne acte à la fédération nationale des éditeurs de films, au syndicat de l’édition vidéo numérique, à l’association des producteurs indépendants, à l’union des producteurs de cinéma, au syndicat des producteurs indépendants ainsi qu’au Centre national du cinéma et de l’image animée de ce que ils ne s’opposent pas à ce que la société Orange sollicite judiciairement la mainlevée des mesures de blocage pour le cas où celles-ci conduiraient à des sur-blocages, dès lors qu’elle s’est préalablement et vainement rapprochée des demandeurs ;

Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision,

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Fait et jugé à Paris le 17 Janvier 2024

La greffièreLe président

 


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