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Noms de domaine : 16 mars 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02591

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Noms de domaine : 16 mars 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02591

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°23/00043

N° RG N° RG 21/02591 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FTNT

———————————–

S.A.R.L. GERSTAECKER FRANCE LE GEANT DES BEAUX ARTS

C/

S.A.R.L. R ART

———————————–

Cour d’Appel de COLMAR

26 Juin 2019

Cour d’appel de

Arrêt du

Cour de cassation

Arrêt du

COUR D’APPEL DE METZ

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRÊT DU 16 MARS 2023

DEMANDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE :

S.A.R.L. GERSTAECKER FRANCE LE GEANT DES BEAUX ARTS Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Franck BERTHAULT,avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE :

S.A.R.L. R ART représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ avocat postulant et Me Olivier BEAUGRAND, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme Catherine DEVIGNOT, Conseillère

Mme Claire DUSSAUD, Conseillère

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 Décembre 2022 tenue en double rapporteurs par Mme Anne-Yvonne FLORES et Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrats, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré, pour l’arrêt être rendu le 06 Avril 2023.

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts (ci-après la SARL Gerstaecker) a été créée le 9 juin 1999 et est spécialisée dans la vente à distance et en ligne de matériels pour artistes. Elle exploite depuis 2005 le site internet «geant-beaux-arts.fr ».

La SARL R Art a été créée le 2 janvier 2004 et est propriétaire du domaine « beauxarts.fr », enregistré le 18 mai 2004.

En 2006, la SARL R Art a ouvert un magasin de vente de fournitures pour les beaux-arts et loisirs créatifs à [Localité 5].

Le 24 avril 2012, la SARL R Art a lancé un site de vente en ligne de produits du même type sous le nom «beauxarts.fr »

Le 28 septembre 2015, le conseil de la SARL Gerstaecker a adressé à la SARL R Art une mise en demeure de cesser d’utiliser le site «[07]» et de cesser toute référence dénigrante à la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts sur ledit site, leur page Facebook ou tout autre support.

Le 9 octobre 2015, le conseil de la SARL R Art s’est défendu de tout acte de concurrence déloyale ou de dénigrement, arguant être propriétaire du domaine «beauxarts.fr» depuis 2004.

Par acte d’huissier du 24 juin 2016, la SARL Gerstaecker a fait assigner la SARL R Art devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne aux fins :

– d’obtenir sa condamnation pour concurrence déloyale, parasitisme économique et dénigrement à lui payer la somme de 156.542 euros de dommages-intérêts

– de voir ordonner à la SARL R Art de :

*cesser d’utiliser le nom de domaine «[07]» et le nom commercial «beaux-arts» dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard

*supprimer toute référence au Géant des Beaux-arts sur son site internet, sa page Facebook et tout autre support papier ou numérique dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée

*faire apparaître sur la première page de son site internet et de façon visible dès l’ouverture de ladite page et ce dans un délai de 24 heures à compter de la signification du jugement et pendant une durée d’un an une mention intitulée publication judiciaire telle que détaillée dans ses conclusions

– de la voir condamnée à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

En réponse, la SARL R Art a soulevé l’incompétence du tribunal au profit du tribunal de grande instance de Paris et a conclu sur le fond au rejet de l’intégralité des demandes formées à son encontre ainsi qu’à la condamnation de la SARL Gerstaecker à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 juin 2017, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SARL R Art, a débouté la SARL Gerstaecker de ses demandes et a condamné cette dernière à payer à la SARL R Art la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a considéré que l’ensemble des agissements reprochés à la SARL R Art ne revêtait pas un caractère déloyal et que la SARL Gerstaecker ne démontrait aucun préjudice, même moral.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d’appel de Colmar le 30 juin 2017, la SARL Gerstaecker a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement d’infirmation du jugement rendu le 6 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Saverne.

Par arrêt du 26 juin 2019, la cour d’appel de Colmar a:

– confirmé le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne le 6 juin 2017,

Y ajoutant,

– condamné la SARL Gerstaecker aux entiers dépens,

– condamné la SARL Gerstaecker à verser à la SARL R Art la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL Gerstaecker.

La SARL Gerstaecker France le géant des beaux-arts a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.

Par arrêt du 13 octobre 2021, la cour de cassation a :

– cassé et annulé, sauf en ce qu’il avait confirmé le jugement qui avait rejeté une exception d’incompétence, l’arrêt rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar,

– remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Metz,

– condamné la SARL R Art aux dépens,

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la SARL R Art et l’a condamné à payer à la SARL Gerstaecker France le géant des beaux-arts la somme de 3.000 euros.

La Cour de cassation a tout d’abord considéré que la cour d’appel, qui avait retenu que la présence du terme «géant des» avant le terme «beaux-arts» dans le nom de domaine exploité par la SARL Gerstaecker était de nature à distinguer visuellement les deux noms de domaine lors des visites sur internet, n’avait pas violé les dispositions de l’article 1240 du code civil dans la mesure où elle n’avait pas subordonné le bien-fondé de l’action en concurrence déloyale au caractère original ou distinctif de l’élément dont la reprise était incriminée, mais l’avait pris en considération comme facteur pertinent d’appréciation de l’existence du risque de confusion allégué.

La Cour de cassation a ensuite relevé que la cour d’appel avait écarté l’existence d’un risque de confusion entre les deux noms de domaines et rejeté la demande en concurrence déloyale après avoir relevé que la SARL Gerstaecker produisait des échanges de mails démontrant qu’après une visite sur internet, des personnes confondaient les deux sociétés mais que si les pièces produites démontraient qu’une confusion avait pu exister, elle n’était pas préjudiciable à la SARL Gerstaecker alors qu’il s’infère nécessairement d’actes de concurrence déloyale résultant d’un tel risque de confusion un préjudice, fût-il seulement moral. Elle en a déduit que la cour d’appel avait violé l’article 1382 devenu 1240 du code civil.

Enfin, la Cour de cassation a souligné, au visa des articles L121-8 devenu L121 du code de la consommation et 1382 devenu 1240 du code civil, que la cour d’appel avait conclu que la publicité comparative diffusée par la SARL R Art était licite, et que l’arrêt par des motifs propres et adoptés, avait retenu qu’en se présentant comme une société française pour se démarquer de la SARL Gerstaecker tout en offrant à ses clients des frais de livraison identiques sur le continent et en Corse, à la différence de sa concurrente, la SARL R Art s’était limitée à affirmer la qualité de ses services en réponse aux interrogations des internautes et qu’il ne pouvait lui être imputé des propos dénigrants, cette information objective permettant une publicité comparative sur les coût de livraison, élément important en matière de vente en ligne. La Cour de cassation a cependant ajouté qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle l’y était invitée, si l’information suggérée, selon laquelle la SARL Gerstaecker n’était pas française, n’était pas de nature à induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adressait en raison de son caractère trompeur, la cour avait privé sa décision de base légale.

Par déclaration de saisine au greffe de la cour d’appel de Metz du 22 octobre 2021, la SARL Gerstaecker a saisi la cour d’appel de Metz aux fins de reprise d’instance après cassation.

Par conclusions déposées le 16 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL Gerstaecker demande à la cour, au visa de l’article 1382 devenu 1240 du code civil et des articles L121-8 et L121-9 devenus L122-1 et L122-2 du code de la consommation, de:

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

– juger que la SARL R Art a commis des actes de concurrence déloyale en utilisant et exploitant le nom de domaine «[07]» qui entretient la confusion avec le nom de domaine «[08]» qu’elle utilise et exploite

– juger que la SARL R Art a diffusé une publicité illicite comparative en ce (i) qu’elle suggère qu’elle n’est pas française, ce qui est faux et trompeur et de nature à induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse, (ii) ne compare pas objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de biens ou services et (iii) la discrédite et la dénigre,

– ordonner à la SARL R Art de cesser d’utiliser le nom de domaine «[07]» et le nom commercial «beaux-arts» dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

– ordonner à la SARL R Art de supprimer toute référence au géant des beaux-arts sur son site internet, sa page Facebook et tout autre support papier ou numérique, sauf à se conformer aux dispositions des articles L122-1 et suivants du code de la consommation, dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,

– condamner la SARL R Art à lui payer la somme de 156.542 euros en réparation de ses préjudices,

– ordonner à la SARL R Art de faire apparaître sur la première page de son site internet et de façon visible dès l’ouverture de ladite page, et ce dans un délai de 24 heures à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une durée d’un an, la mention suivante:

«PUBLICATION JUDICIAIRE

A la requête de la société GERSTAECKER LE GEANT DES BEAUX ARTS, la cour d’appel de Metz, par arrêt en date du ———–, a:

– Jugé que la société R ART a commis des actes de concurrence déloyale en utilisant et exploitant le nom de domaine «[07]» qui entretient la confusion avec le nom de domaine «[08]» utilisé et exploité par la société GERSTAECKER FRANCE LE GEANT DES BEAUX ARTS;

– Jugé que la société R ART a diffusé une publicité illicite en ce (i) qu’elle suggère que la société GERSTAECKER FRANCE LE GEANT DES BGEAUX ARTS n’est pas française, ce qui est faux et trompeur et de nature à induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse, (ii) ne compare pas objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de biens ou services et (iii) discrédite et dénigre la société

GERSTAECKER FRANCE LE GEANT DES BEAUX ARTS;

– Ordonné à la société R ART de cesser d’utiliser le nom de domaine «[07]» et le nom commercial “beaux-arts” dans un délai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard;

– Ordonné à la société R ART de supprimer toute référence au GEANT DES BEAUX ARTS sur son site internet, sa page Facebook et tout autre support papier ou numérique, sauf à se conformer aux dispositions des articles L122-1 et suivants du Code de la consommation;

– Condamné la société R ART à payer à la société GERSTAECKER FRANCE LE GEANT DES BEAUX ARTS la somme de 156.542 euros en réparation de ses préjudices;

– Ordonné à la société R ART de faire apparaître sur la première page de son site internet et de façon visible dès l’ouverture de ladite page le présent extrait de l’arrêt.»

– condamner la SARL R Art à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL R Art aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Laure-Anne Bai-Mathis, avocate au barreau de Metz, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

La SARL Gerstaecker expose, à titre liminaire, que son site internet «[08]» et celui de l’intimée «[08]» sont très similaires et vendent le même type de matériels, faisant des deux parties des concurrent directs commercialisant les mêmes matériels pour artistes. Elle considère que la confusion entre les deux sociétés est réelle et est démontrée par les échanges entre les clients et le webmaster de la page de la SARL R Art, constatés par huissier. Elle ajoute que cette confusion concerne aussi ses partenaires.

Elle souligne que si la SARL R Art a déposé le nom de domaine «beaux-arts.fr» depuis 2005 elle n’a débuté l’exploitation du nom de domaine «[07]» et du site internet correspondant qu’en avril 2012. Elle indique qu’elle exploite l’URL «geant-beaux-arts» depuis le 8 mars 2005 mais qu’à cette date, elle n’avait pas connaissance du nom de domaine «[07]» qui n’était pas exploité.

La SARL Gerstaecker estime que l’utilisation d’un nom commercial ou d’un nom de domaine qui crée un risque de confusion avec un concurrent est constitutive de concurrence déloyale, que celle-ci est caractérisée par le seul risque de confusion dans l’esprit d’un client d’attention moyenne et que l’absence d’originalité ou de distinction des noms de domaine est sans importance.

Elle considère que la confusion retenue par le tribunal de Saverne puis par la cour d’appel de Colmar n’a pas été remise en cause par la Cour de cassation.

La SARL Gerstaecker fait également valoir que la SARL R Art s’est livrée à une publicité comparative illicite le 27 juin 2015 en répondant à un client qui confondait les deux sites et que la SARL R Art a qualifié l’annonce en question de publicité comparative. Elle considère que cette annonce ne remplit pas les conditions de licéité car elle est trompeuse et de nature à induire en erreur puisque le webmaster de la SARL R Art insinue qu’elle ne serait pas une société française, violant l’article L121-8 devenu L122-1 du code de la consommation.

Elle ajoute que la publicité ne compare pas objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de biens ou services puisque la comparaison porte sur l’origine et la nationalité des sociétés concurrentes, ce qui ne constitue pas une caractéristique d’un produit ou d’un service et que cette comparaison n’est pas objective n’ayant pas été effectuée de façon neutre, sans parti pris et fondée sur des éléments mesurables ou quantifiables.

Elle considère que cette publicité comparative illicite constitue un acte de dénigrement et que les termes de la publicité ainsi que les propos tenus par le webmaster de la SARL R Art qui critique ses méthodes commerciales et le prix de la livraison nuisent à sa réputation, la discréditent et la dénigrent.

La SARL Gerstaecker fait valoir que son préjudice s’infère nécessairement des actes déloyaux constatés et que la seule confusion créée entre deux concurrents est à l’origine d’un trouble commercial. Elle estime en outre que la réalité du préjudice économique, à savoir les détournements de clientèle résultant de la confusion, est indéniable, et que les pratiques déloyales portent atteinte à son image. Enfin, elle sollicite la condamnation de l’intimée à cesser ces agissements et demande la publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir afin d’informer le public des pratiques illicites mises en ‘uvre par la SARL R Art à son préjudice.

Par conclusions déposées le 14 février 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL R Art demande à la cour, au visa de l’article 1382 devenu 1240 du code civil et de l’article L121-8 de la consommation de:

– rejeter l’appel de la SARL Gerstaecker et le dire mal fondé,

– dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en ses prétentions,

– dire et juger la SARL Gerstaecker mal fondée en ses demandes et l’en débouter,

Y faisant droit,

– confirmer le jugement rendu le 6 juin 2017 par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne en l’ensemble de ses dispositions,

– condamner la SARL Gerstaecker à lui verser la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL Gerstaecker aux dépens.

La SARL R Art soutient que la société appelante n’est devenue la «SARL Gerstaecker France le géant des beaux-arts » qu’à compter du 31 mars 2005 et qu’à la date de cette modification de dénomination sociale, l’appelante savait nécessairement que le nom de domaine «beauxarts.fr» était déposé et qu’il lui appartenait.

Elle conteste l’existence d’actes de concurrence déloyale lui étant imputables. Elle soutient ainsi qu’il n’y a aucun risque de confusion. La SARL R Art considère que les titulaires de noms de domaine descriptifs doivent supporter qu’un nom de domaine proche puisse exister parallèlement. Elle ajoute que la banalité des termes composant un nom de domaine prive son titulaire du droit d’invoquer l’existence de parasitisme ou d’actes de concurrence déloyale. Elle souligne ainsi que le terme «beaux-arts» reste banal, usuel et purement descriptif et qu’elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale en utilisant et en exploitant ce nom de domaine. Elle déclare que le terme «beaux-arts» définit parfaitement le contenu du site internet de la SARL R Art lequel constitue une plate-forme dédiée aux beaux-arts et que celui-ci est employé dans son sens usuel. Elle conclut que l’usage dudit terme par la SARL Gerstaecker ne saurait être considéré comme original et justifier sa protection au titre de la concurrence déloyale. En outre, elle relève que la première page de résultats de la recherche internet des mots clés «géant beaux arts» mène au site internet de la SARL Gerstaecker et non au sien. Elle affirme que son exploitation du nom de domaine «[07]» ne peut conduire en aucune manière à détourner la clientèle de la SARL Gerstaecker sur internet et que cette dernière ne peut prétendre immobiliser dans son patrimoine un terme usuel et descriptif et de la priver de son usage en l’absence d’agissements fautifs de sa part.

L’intimée ajoute que la SARL Gerstaecker ne démontre pas que la confusion est en rapport avec l’utilisation des noms de domaine. Elle fait valoir que les deux sociétés ont une activité commune de vente de produits liés aux beaux-arts, qu’il est naturel que de manière anecdotique des clients confondent l’un et l’autre et que de telles confusions peuvent exister avec d’autres entreprises concurrentes dont 685 utilisent le terme « beaux-arts» dans leur nom de domaine. Elle considère que les pièces produites par la SARL Gerstaecker n’établissent pas non plus avec certitude une confusion de consommateurs moyens du fait de l’utilisation des noms de domaine.

Elle souligne que la SARL Gerstaecker ne peut prétendre qu’elle ignorait que le nom de domaine litigieux était déposé alors qu’elle avait elle-même décidé, en mai 2005, de développer son activité de vente en ligne sur le nom de domaine «[08]». Elle soutient que le fait d’utiliser sans ajout le terme « beaux-arts » dans son nom de domaine n’est pas à lui seul un acte de concurrence déloyale.

Elle considère que la SARL Gerstaecker France n’évoque, ni ne rapporte la preuve, d’aucun élément fautif lui étant imputable. Elle explique se différencier de ses concurrents et adopter une stratégie de développement qui lui est propre en proposant notamment, en plus de la vente de matériel nécessaire à la pratique des beaux-arts, des cours ainsi que des tutoriels en ligne et en exploitant deux autres sites internet ainsi qu’une application mobile relatifs aux beaux-arts.

S’agissant d’une publicité comparative illicite, l’intimée souligne que les réponses opérées par le webmaster de la SARL R Art au message litigieux du 27 juin 2015 ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une campagne publicitaire et que le webmaster n’a pas choisi personnellement et arbitrairement le ou les critères de comparaison servant à développer son message. Elle ajoute que les propos écrits du webmaster relatifs aux frais de port qu’elle pratique ne sont pas de nature à induire en erreur et relèvent d’une présentation objective des frais de livraison pratiqués et que de tels frais de livraisons constituent un critère de comparaison admis dans le cadre de la publicité comparative. Elle considère qu’en l’absence d’élément de dénigrement et en l’absence de toute comparaison, il n’y a aucune publicité comparative illicite pouvant être sanctionnée, soulignant que la volonté du webmaster n’était pas la confusion mais la distinction.

L’intimée fait valoir que le fait d’affirmer qu’elle est une entreprise française n’est pas attentatoire au crédit ou à la réputation de la SARL Gerstaecker et ne sous-entend pas que l’appelante ne serait pas une entreprise française.

Sur la cessation d’utilisation du nom de domaine «[07]», l’intimée soutient qu’elle est propriétaire du nom de domaine susmentionné et qu’ordonner la cessation de l’utilisation de ce nom de domaine sans la cantonner à un usage prohibé par la loi constituerait une atteinte à l’un des attributs de son droit de propriété.

Elle s’oppose à toute indemnisation, relevant que le lien de causalité avec les confusions invoquées n’est pas prouvé, étant ajouté qu’il n’est pas établi que les cas de confusion invoqués par l’appelant soient dus aux deux noms de domaine en cause.

Elle conclut en outre que la SARL Gerstaecker ne justifie pas que la confusion prétendue lui aurait porté préjudice, soulignant que celle-ci réclame de manière arbitraire et injustifiée une indemnisation correspondant à 1% de son chiffre d’affaires total alors même que le litige porte uniquement sur la vente en ligne sur internet.

Elle ajoute que la SARL Gerstaecker ne prouve d’aucune manière un préjudice, qu’elle tire au contraire profit des initiatives touchant au domaine de beaux-arts qu’elle met en ‘uvre, et qu’elle ne rapporte pas non plus la preuve de la faute personnelle qu’elle aurait commise puisque les deux sites ne sont pas comparables. Elle ajoute qu’elle n’a aucun intérêt à cultiver une confusion et qu’il n’est pas rapporté la preuve que la perte de chiffre d’affaires soit en lien avec les faits imputés.

Enfin, sur la mesure de publication, la SARL R Art indique que la mesure de publicité requise n’est nullement justifiée et qu’aucun moyen n’est allégué par la SARL Gerstaecker justifiant une telle mesure de publicité.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

L’ancien article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et devenu depuis l’article 1240 du même code dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’action en concurrence déloyale de la SARL Gerstaecker, fondée sur les dispositions de cet article, implique ainsi l’existence d’une faute. Il appartient donc à l’appelante de rapporter la preuve des agissements déloyaux qu’elle invoque.

Sur l’existence d’actes de concurrence déloyale

* Sur le risque de confusion du nom de domaine «[07]» avec celui de «[08]»

La concurrence déloyale pour l’exploitation d’un nom de domaine identique, quasi identique ou similaire à un nom de domaine exploité antérieurement pour une même activité ou une activité similaire est caractérisée lorsqu’il existe un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Le risque doit être apprécié en prenant en considération un client d’attention moyenne.

Il convient de préciser que le caractère original ou distinctif du nom de domaine repris n’est pas une condition du bien-fondé de l’action mais peut seulement constituer un facteur pertinent pour l’examen du risque de confusion.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que la SARL Gerstaecker France a été créée en 1999 et s’est appelée la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts à compter de mars 2005, date à laquelle elle a également créé son site internet « le géant des beaux arts » sous le nom de domaine «[08]». Ce nom de domaine a d’ailleurs été déposé et enregistré en mars 2005, étant observé qu’elle exploitait depuis 2003 la vente en ligne sous le nom de domaine de «[09]».

La SARL Gerstaecker a pour activité, selon l’extrait Kbis produit, l’importation, l’exportation, la fabrication, la vente de gros et de détail, ainsi que la vente par correspondance de produits artistiques. Son siège social est à [Localité 6]. Si les pièces versées aux débats démontrent que de nombreux magasins à l’enseigne «le Géant des Beaux arts» existent dans de grandes villes en France, il s’agit de SARL distinctes et exploitées de manière autonome. L’activité de l’appelante s’exerce donc uniquement au travers de la vente à distance.

La SARL R Art a été créée en février 2004. L’extrait Kbis versé aux débats précise que son activité est l’exposition, la vente, le dépôt-vente, le négoce, la promotion valorisantes d”uvres d’art, peintures sculptures. Il est également constant qu’en 2006 la SARL R Art a ouvert un magasin de vente de matériel destiné aux artistes à [Localité 5], son siège social, et qu’en 2011 elle a créé son site internet «BeauxArts.fr» sous le nom de domaine «[07]» afin de vendre également en ligne du matériel pour artistes. A partir de fin 2011, elle a également créé une chaîne YouTube «beauxArts.fr» avec des videos de tutoriels «les vidéos de [G]» ainsi que des pages Facebook « beauxarts» et «[G] des beaux arts».

Il est ainsi établi que la SARL Gerstaecker et la SARL R Art exercent la même activité de vente en ligne de matériels d’artistes, même si la SARL R Art a ensuite complété son offre par la création d’autres sites internet sous d’autres noms de domaines consacrés à des vidéos de cours et à des expositions («cours.beauxarts» et «exposbeauxarts»). Leurs activités exercées sous le nom de domaine «www.beaux-arts.fr» et sous celui de «[08]» sont donc concurrentes depuis 2011.

La SARL R Art justifie avoir enregistré son nom de domaine depuis mai 2004. Cependant, il convient de rappeler que l’acquisition d’un nom de domaine ne résulte pas de sa réservation ou de son enregistrement mais de son exploitation effective. Or, la SARL R Art n’a exploité le nom de domaine qu’elle avait déposé qu’en 2011, soit postérieurement à l’exploitation par la SARL Gerstaecker de son site internet «[08]» débutée en 2005. Le moyen tiré de l’antériorité de l’enregistrement de son nom de domaine par la SARL R Art est donc indifférent.

L’examen des pièces relatives aux deux sites internet permet de constater que si la charte graphique des sites internet de chacune des parties est différente notamment en raison de l’utilisation de couleurs dominantes et de logos distincts, l’organisation et la présentation générale des deux sites sont similaires et ce d’autant plus que les catégories de produits proposés sont quasi identiques.

En outre, les deux noms de domaine sont très proches et ressemblants puisqu’il est seulement ajouté pour le site de la SARL Gerstaecker le terme «géant». Il existe ainsi un risque de confusion des deux sites pour un consommateur moyennement attentif, notamment un risque que celui-ci croie que «[07]» est une émanation de «[08]» et qu’il s’agit d’un même groupe.

D’ailleurs, la SARL Gerstaecker produit un procès-verbal de constat établi par huissier les 12 et 13 octobre 2015 qui a constaté que la confusion entre les deux sites avait eu lieu à plusieurs reprises au regard des mails adressés au site «géant des beaux-arts» par des clients du site «beauxarts».

Ainsi il a pu relever que le 16 juillet 2015 une gagnante de bons d’achats lors d’un salon adressait un mail à «[08]» pour lui demander comment les utiliser alors qu’elle les avait obtenus par l’intimée. Il a également noté que le 2 octobre 2015 une internaute se présentant comme une cliente «beaux-arts» sollicitait sur le site «[08]» des fournitures gratuites et des chèques cadeaux contre publicité pour un salon qu’elle devait organiser.

L’huissier a également constaté que dans les avis émis sur la page Facebook «beauxarts» un client remerciait «[G] pour ses videos» et précisait qu’il était depuis client à Géant des beaux-arts. Apprenant qu’il avait confondu les deux sociétés, ce client a ensuite indiqué qu’il pensait « que c’était la même maison ». Il est aussi mentionné un message de juin 2015 concernant les frais de livraison dans lequel un client confond les deux sociétés.

La SARL Gerstaecker produit également des échanges de mails démontrant que des clients ont écrit sur son site pour demander des précisions sur un concours qu’ils avaient gagnés ou sur des codes promotionnels ou sur l’achat de produits, alors que Beaux-arts était concerné, étant précisé qu’il est également produit des échanges démontrant que des clients contactent «[07]» au lieu de «[08]».

En outre, il est versé aux débats des échanges de mails postérieurs au constat d’huissier, datant de juillet 2016, de juin et d’octobre 2017, où des clients s’adressent à «[08]» pour parler de vidéos postées par «[G]» de Beaux-Arts.

Il résulte des pièces produites que la confusion entre les deux sites émane non seulement de clients particuliers, mais aussi d’associations, l’une d’elle, organisatrice de manifestations artistiques ayant transmis à l’appelante un dossier de partenariat alors que celui-ci mentionne expressément «partenariat beaux-arts». Il faut donc considérer que la confusion ou le risque de confusion concerne non seulement le consommateur moyennement attentif mais également des clients plus spécialisés, habitués à commander du matériel artistique.

La mauvaise foi ou l’élément intentionnel n’étant pas nécessaire pour retenir un acte de concurrence déloyale, il importe peu que, dans ses échanges avec les clients ayant confondu les deux sites, le webmaster de «[07]» ait précisé et rappelé qu’il s’agissait de deux sociétés différentes. Les moyens invoqués à ce titre sont donc inopérants.

Si la SARL R Art conteste la valeur probante de certaines pièces produites par la SARL Gerstaecker, il n’est cependant pas utile de les examiner une à une dans la mesure où l’importance du risque n’a pas à être prise en compte pour déterminer le caractère déloyal de l’utilisation d’un nom de domaine similaire par une entreprise concurrente. Il est seulement nécessaire d’établir que le risque existe et est suffisamment consistant. Or il est établi que le risque de confusion entre les deux noms de domaines qui renvoient aux deux sites est réel puisque la confusion s’est produite à plusieurs reprises.

L’utilisation du nom de domaine «[07]» par la SARL R Art, entraînant la confusion avec le nom de domaine «[08]» alors que celui était exploité antérieurement par la SARL Gerstaecker constitue une faute et relève des actes de concurrence déloyale, étant observé que, contrairement aux dispositions des motifs du jugement entrepris, le risque de confusion et le détournement de clientèle sont deux actes de concurrence déloyale distincts et que le détournement de clientèle n’est pas un élément nécessaire pour constater un risque de confusion.

* Sur l’existence d’un dénigrement dû à une publicité comparative illicite

La directive 84/450/ CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des états membres en matière de publicité trompeuse définit la publicité comme «toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services y compris les bien immeubles, les droits et les obligations.»

La notion de publicité s’entend également comme tout moyen d’information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats qui peuvent être attendus du bien ou du service qui lui est proposé.

Si la SARL R Art conteste désormais la qualification de publicité au message invoqué par la SARL Gerstaecker au titre de l’existence d’un dénigrement, il convient de relever qu’elle reconnaissait, dans son pourvoi devant la Cour de cassation et produit devant la cour de céans par l’appelante, que les propos invoqués par la SARL Gerstaecker «peuvent sans aucun doute être qualifiés de publicité comparative telle qu’elle est définie par la directive 2006/114/CE (‘) l’article L121-8 du code de la consommation dans sa version applicable, puisque émanant de la société R Art, ils font référence à la SARL Gerstaecker le Géant des Beaux Arts».

De plus, contrairement aux affirmations de la SARL R Art, il peut y avoir une publicité comparative même si elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’une campagne publicitaire.

Les propos invoqués par la SARL Gerstaecker à l’appui de ses prétentions sont datés du 27 juin 2015 et ont été tenus sur la page Facebook «beauxarts.fr» par son webmaster «[G]» en réponse à une remarque d’un client qui confondait les deux sociétés et faisait des observations sur le coût des frais de livraison pratiqués par le Géant des beaux arts.

En répondant de manière publique à ce client : «je ne suis pas le Géant des Beaux Arts!! Nous sommes une boîte française installée dans le nord de la France. Je t’en supplie [S] ne confond pas!! (‘) ma boîte n’est pas le géant. Absolument RIEN à voir entre Gerstaecker et [G]» puis en ajoutant : «et donc, chez beauxarts.fr les frais d’envoi en Corse sont les mêmes que pour la métropole (‘) (normal, nos colis partent de France… héhé!)», le webmaster a ainsi, dans le cadre de l’activité commerciale de la SARL R Art, fait publiquement la promotion de ses biens et services. Il s’agit donc bien d’une publicité.

L’article 121-8 devenu l’article L122-1 du code de la consommation dispose :

«Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :

1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.»

L’article 121-9 devenu l’article 122-9 2° dans sa version antérieure au 15 décembre 2019 dispose en outre que: «La publicité comparative ne peut (‘) entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent».

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que toute publicité, qui met en comparaison des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur et compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

En l’espèce, en soulignant dans son message qu’elle est une société française, installée dans le nord de la France tout en suggérant que tel n’est pas le cas de la SARL Gerstaecker, la SARL R Art a de ce fait induit en erreur les personnes auxquelles cette information s’adressait et a délivré un message trompeur puisque le siège social de la SARL Gerstaecker se situe en France, à [Localité 6].

Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés, il y a lieu de considérer que le caractère trompeur de cette publicité, auprès de consommateurs susceptibles de vouloir privilégier dans leurs achats une société française et pour lesquels cet élément est déterminant, est un acte de dénigrement qui constitue un acte de concurrence déloyale.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SARL Gerstaecker de ses demandes.

Sur l’indemnisation du préjudice subi par la SARL Gerstaecker

* Sur la demande de dommages et intérêts

Il s’infère nécessairement d’actes de concurrence déloyale résultant d’un risque de confusion un préjudice ne serait-ce que moral.

De même le dénigrement résultant d’une publicité comparative illicite est générateur d’un trouble commercial et entraîne nécessairement un préjudice.

Si la SARL Gerstaecker, qui invoque ces deux préjudices, invoque également un préjudice économique et évalue le montant des dommages subis au titre des agissements déloyaux de la SARL R Art à 1% de son chiffre d’affaire pour l’année 2014, elle ne produit cependant aucune pièce comptable permettant de justifier qu’elle a effectivement subi une baisse de son chiffre d’affaire à hauteur de ce pourcentage depuis que la SARL R Art a créé son site internet. Aucune indemnité ne sera donc allouée à l’appelante au titre d’un préjudice économique.

En revanche, il convient de relever que le risque de confusion par la clientèle entre les deux parties au litige existe depuis 2011, la confusion étant elle-même établie depuis 2015. Le préjudice subi à ce titre doit cependant être nuancé dans la mesure où les pièces produites démontrent que la confusion entre les deux sociétés existe également au bénéfice de la SARL Gerstaecker.

Par ailleurs, le fait d’avoir suggéré publiquement en 2015 que la SARL Gerstaecker ne serait pas une société française porte atteinte à l’image de la société auprès des clients souhaitant privilégier leurs achats auprès de sociétés françaises.

Dès lors, au regard de ces éléments, il convient d’allouer à la SARL Gerstaecker en réparation du préjudice moral qu’elle a subi la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts.

* Sur les demandes tendant à faire cesser les agissements déloyaux

En outre, afin qu’il n’y ait plus de risque de confusion avec le Géant des Beaux-Arts, l’intimée doit modifier tant son nom de domaine que son nom commercial, étant rappelée que chacune de ces sociétés est connue sur le plan national.

Si la SARL R Art soutient qu’elle en est propriétaire, il convient de rappeler que l’article 544 du code civil qu’elle invoque précise que l’usage du droit de propriété ne doit pas être prohibé par les lois ou les règlements. Ainsi, l’usage de son droit de propriété sur son nom de domaine ne doit pas porter préjudice à autrui et ne peut faire obstacle à ce qu’il soit mis fin à un acte de concurrence déloyale tel que la confusion.

Dès lors, la SARL R Art sera condamnée à cesser d’utiliser le nom de domaine «[07]» ainsi que le nom commercial «beaux-arts» et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt, la durée de l’astreinte ne pouvant toutefois excéder 6 mois.

La SARL R Art sera également condamnée à supprimer toute référence aux Géant des Beaux-arts sur son site internet, sa page Facebook et tout autre support papier ou numérique, sauf à se conformer aux dispositions des articles L122-1 et suivants du code de la consommation, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à l’expiration de ce délai de 6 mois, la durée de l’astreinte ne pouvant excéder 6 mois.

*Sur la demande de publication du jugement

Par application des dispositions de l’ancien article 1382 du code civil devenu l’article 1240 du même code, la réparation du préjudice subi par la SARL Gerstaecker doit être intégrale sans excéder toutefois le montant du dommage.

Il résulte des motifs susvisés que le préjudice subi par la SARL Gerstaecker est déjà réparé par l’octroi de dommages et intérêts ainsi que par les condamnations prononcées contre la SARL R Art pour faire cesser les agissements déloyaux.

Dès lors, il y a lieu de considérer qu’ajouter aux condamnations déjà prononcées la publication du présent arrêt sur le site internet de la SARL R Art serait une sanction disproportionnée et excèderait le préjudice subi par la SARL Gerstaecker.

En conséquence, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera également infirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile;

La SARL R Art qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile l’équité commande en outre de condamner la SARL R Art à payer à la SARL Gerstaecker la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter la SARL R Art de sa demande formée au même titre.

La SARL R Art qui succombe également en appel sera condamnée aux dépens qui comprendront également ceux engagés devant la cour d’appel de Colmar.

L’équité commande de condamner la SARL R Art à payer à la SARL Gerstaecker la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter l’intimée de ses prétentions formées sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Saverne du 6 juin 2017 en ce qu’il a:

– débouté la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts de l’ensemble de ses demandes

– condamné la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts au paiement d’une d’indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, et, statuant à nouveau,

Condamne la SARL R Art à payer à la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la SARL R Art à cesser d’utiliser le nom de domaine «[07]» ainsi que le nom commercial «beaux-arts» et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt, la durée de l’astreinte ne pouvant toutefois excéder 6 mois ;

Condamne la SARL R Art à supprimer toute référence aux Géant des Beaux-arts sur son site internet, sa page Facebook et tout autre support papier ou numérique, sauf à se conformer aux dispositions des articles L122-1 et suivants du code de la consommation, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, à l’expiration de ce délai de 6 mois, la durée de l’astreinte ne pouvant excéder 6 mois ;

Déboute la SARL Gerstaecker du surplus de ses demandes ;

Condamne la SARL R Art aux dépens de première instance ;

Condamne la SARL R Art à payer à la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL R Art de sa demande formée sur ce même fondement ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL R Art aux dépens de l’appel ainsi qu’aux dépens de l’appel formé devant la cour d’appel de Colmar ;

Condamne la SARL R Art à payer à la SARL Gerstaecker France Le Géant des Beaux-Arts la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL R Art de sa demande formée sur ce même fondement.

La Greffière La Présidente de chambre

 


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