Nécessité et étendue de l’expertise judiciaire en matière de pollution des eaux par les PFAS

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Nécessité et étendue de l’expertise judiciaire en matière de pollution des eaux par les PFAS

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne la présence de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans l’eau potable distribuée par le Syndicat mixte d’eau potable (SMEP) Rhône-Sud, provenant de la plateforme industrielle de [Localité 27]. Suite à la directive européenne sur la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine, le SMEP et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE ont été sommés de mettre en place un plan d’action pour réduire la présence de PFAS dans l’eau. La METROPOLE DE [Localité 25] a également engagé des actions pour lutter contre la pollution aux PFAS. Les entreprises SA ARKEMA FRANCE et SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE, situées sur la plateforme industrielle, ont été assignées en référé pour désigner un expert judiciaire. L’affaire est en attente de la décision du tribunal après une audience en mai 2024.

L’essentiel

Irregularité de la procédure

La demande d’expertise judiciaire est un moyen légal pour conserver ou établir la preuve de faits pouvant être déterminants dans un litige futur. Le juge a le pouvoir souverain d’apprécier l’existence d’un motif légitime pour ordonner une telle mesure, en se basant sur des faits plausibles et vérifiables. Dans le cas présent, les demandeurs ont justifié d’un motif légitime en démontrant que les défenderesses pourraient être à l’origine de la pollution des eaux en aval du site industriel, ce qui pourrait entraîner des coûts supplémentaires et des risques pour la santé et l’environnement.

Existence d’un motif légitime

La défenderesse a tenté de contester la demande d’expertise en arguant que les demandeurs ne subiraient aucun préjudice réparable et qu’ils ne pourraient pas demander la prise en charge des coûts supplémentaires. Cependant, ces arguments n’ont pas été jugés suffisants pour rejeter la demande, car la présence de PFAS dans les eaux brutes peut entraîner des surcoûts et des troubles dans l’exploitation, même si les valeurs limites sont respectées.

Mission d’expertise

Le juge a le pouvoir de définir le contenu et l’étendue de la mission de l’expert, en fonction des prétentions des parties. Dans ce cas, la mission d’expertise ne peut être restreinte à la liste des vingt PFAS prévue par la directive, car cela exclurait des investigations importantes. Il est donc nécessaire de désigner un collège d’experts pour mener à bien les investigations.

En conclusion, la demande d’expertise judiciaire a été jugée légitime et la mission des experts a été définie de manière à permettre une analyse complète de la situation. Les dépens ont été provisoirement condamnés aux parties perdantes, mais les frais irrépétibles ont été rejetés pour des raisons d’équité.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

2 août 2024
Tribunal judiciaire de Lyon
RG
24/00538
MINUTE N° :
ORDONNANCE DU : 02 Août 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00538 – N° Portalis DB2H-W-B7I-ZEJR
AFFAIRE : METROPOLE DE [Localité 25], EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE, SYNDICAT MIXTE D’EAU POTABLE (SMEP) RHONE-SUD C/ S.A. ARKEMA, S.A.S.U. DAIKIN CHEMICAL FRANCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

PRÉSIDENT : Monsieur Victor BOULVERT, Juge

GREFFIER : Madame Anne BIZOT

PARTIES :

DEMANDEURS

METROPOLE DE [Localité 25],
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 9]

représentée par Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Jean-Marc PETIT de la SELARLU Jean-Marc PETIT – AVOCAT, membre de l’AARPI ADALTYS, avocats au barreau de LYON (avocat plaidant)

Etablissement public industriel et commercial EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE,
pris en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 9]

représenté par Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Jean-Marc PETIT de la SELARLU Jean-Marc PETIT – AVOCAT, membre de l’AARPI ADALTYS, avocats au barreau de LYON (avocat plaidant)

SYNDICAT MIXTE D’EAU POTABLE (SMEP) RHONE-SUD,
pris en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 11]

représenté par Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Jean-Marc PETIT de la SELARLU Jean-Marc PETIT – AVOCAT, membre de l’AARPI ADALTYS, avocats au barreau de LYON (avocat plaidant)
DEFENDERESSES

S.A. ARKEMA,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 7] – [Localité 13]

représentée par Maître Kevin CHAPUIS, avocat au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maîtres Elodie SIMON et Cyril PHILIBERT, membres du Partnership Jones Day, avocats au barreau de PARIS (avocats plaidants)

S.A.S.U. DAIKIN CHEMICAL FRANCE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 18]

représentée par Maître Julien COMBIER de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Christophe PUEL de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de BORDEAUX (avocat plaidant)

Débats tenus à l’audience du 28 Mai 2024

Notification le
à :
Maître Kevin CHAPUIS – 2207 (expédition)
Maître Julien COMBIER de la SELAS FIDAL – 708 (expédition)
Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT – 658 (grosse + expédition)

Copie à :
Régie
Experts
Service suivi des expertises

EXPOSE DU LITIGE

La plateforme industrielle de [Localité 27] accueille une industrie chimique importante depuis les années 1960, laquelle a notamment fait usage de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), à la nocivité et à la persistance dans l’environnement reconnues. Parmi les entreprises installées sur ces sites industriels se trouvent la SA ARKEMA FRANCE et la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE.

Le Syndicat mixte d’eau potable (SMEP) Rhône-Sud assure la production, le traitement et la distribution d’eau potable à ses membres adhérents :
le Syndicat intercommunal de distribution d’eau du Sud-Ouest Lyonnais (SIDESOL) ;le Syndicat intercommunal des eaux de [Localité 19] et région ;le Syndicat intercommunal de distribution d’eau potable dela région de Millery-Mornant (MIMO) ;la Communauté d’agglomération Vienne-Condrieu Agglomération.
Dans le cadre de son activité, le SMEP Rhône-Sud exploite le champ captant de [Localité 17], situé le long du Rhône et en aval de la plateforme industrielle de [Localité 27].

Par ailleurs, l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE achète de l’eau :
au SMEP Rhône-Sud, pour alimenter les communes de [Localité 20] et [Localité 22] ;au SIDESOL, pour alimenter la commune de [Localité 26] ;au Syndicat intercommunal des eaux de [Localité 19] et région, pour alimenter la commune de [Localité 28] ;au MIMO, pour alimenter une partie de la commune de [Localité 16] ;de sorte que ces cinq communes sont alimentées par l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE avec de l’eau provenant du champ captant de [Localité 17].

La directive (UE) n° 2020/2184 du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, a fixé des valeurs limites de qualité et des obligations de surveillance des PFAS à mettre en œuvre par les Etats membres le 12 janvier 2026 au plus tard.

Cette directive a été transposée en France par l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022, ainsi que par les décrets n° 2022-1720 et 2022-1721 du 29 décembre 2022 et divers arrêtés du 30 décembre 2022, dont l’un modifiant l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a établi un rapport d’analyse de prélèvements de sol et de poussière collectés à proximité de la plateforme industrielle de [Localité 27] daté du mois de décembre 2022, concluant que « les niveaux de concentration en PFCA [acides carboxyliques perfluorés] à longues chaînes (≥ C9) relevés autour de ce site sont les plus élevés jamais publiés pour des sols prélevés en dehors de l’enceinte d’une usine. ». L’ANSES a par ailleurs souligné que son étude ne permettait pas de « délimiter la zone concernée, ni de caractériser d’autres compartiments potentiellement impactés comme l’air, les eaux souterraines […] et les mécanismes et dynamiques de transferts entre ces différents compartiments ».
Par délibération en date du 27 mars 2023, n° 2023-1647, la METROPOLE DE [Localité 25] a adopté une stratégie métropolitaine portant sur les pollutions aux PFAS et s’est engagée à financer un programme de recherche à leur sujet.

La METROPOLE DE [Localité 25] est également titulaire d’une compétence en matière d’assainissement collectif et se trouve impactée par la présence de PFAS dans l’eau potable
produite par le SMEP Rhône-Sud et achetée puis distribuée par l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA RGIE, qu’elle collecte dans son réseau d’assainissement ;produite par le SMEP Rhône-Sud et distribuée dans douze communes extérieures à la métropole, mais dont les eaux usées sont traitées par les stations d’épuration de la METROPOLE DE [Localité 25] ;ainsi que par le lessivage des sols lors d’épisodes pluvieux, qui conduit des poussières contenant des PFAS dans le réseau d’assainissement de la METROPOLE DE [Localité 25].

Par courriers en date du 25 octobre 2023, la préfète de la région Auvergne Rhône-Alpes a demandé au SMEP Rhône-Sud et à l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE d’établir et de lui communiquer sous deux mois un plan d’action visant au respect de la limite de qualité de la présence de vingt PFAS dans les eaux de consommation distribuées.

Le plan adopté conjointement par ces deux entités comporte deux phases :
la première consistant à diluer les eaux présentant une teneur en PFAS supérieure à la limite de qualité afin de réduire cette teneur dans l’eau distribuée ;la seconde tenant à l’élimination des PFAS au stade du traitement de l’eau dans l’usine de potabilisation du SMEP Rhône-Sud, avec la mise en œuvre d’un procédé de rétention sur charbon actif, cette phase appelant un investissement d’environ cinq millions d’euros HT sur la période 2024-2026, ainsi que des surcoûts de fonctionnements évalués à trois cent mille euros HT par an en 2024 et 2025, puis six cent mille euros HT par an à partir de 2026.
Les sites de la SA ARKEMA FRANCE et la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE situés sur la plateforme industrielle de [Localité 27] font l’objet de mesures de suivi et d’analyse de l’utilisation et du rejet de PFAS dans l’environnement, qui ont démontré l’utilisation actuelle de deux PFAS, le 6:2 FTS et le PFHxA, ainsi que le rejet d’autres PFAS dans l’eau et l’air.

Par actes de commissaire de justice en date du 19 mars 2024, la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE ont fait assigner en référé
la SA ARKEMA FRANCE ;la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE ;aux fins de voir désigner un expert judiciaire.

A l’audience du 28 mai 2024, la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE, représentés par leur avocat, ont soutenu oralement leurs conclusions notifiées par RPVA le 23 mai 2024 et demandé de :
ordonner une mesure d’expertise, selon la mission détaillée dans leurs conclusions ;réserver les dépens.La SA ARKEMA FRANCE, représentée par son avocat, a soutenu oralement ses conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2024 et demandé de :
à titre principal, rejeter la demande d’expertise formée à son encontre ;condamner les Demandeurs à lui payer la somme de 10 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;à titre subsidiaire, modifier la mission d’expertise conformément au dispositif de ses conclusions ;prendre acte des protestations et réserves quant à la mesure d’expertise sollicitée, aux frais avancés des Demandeurs ;réserver les dépens.
La SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE, représentée par son avocat, a soutenu oralement ses conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2024 et demandé de :
à titre principal, rejeter la demande d’expertise formée à son encontre ;condamner les Demandeurs à lui payer la somme de 5 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;à titre subsidiaire, modifier la mission d’expertise conformément au dispositif de ses conclusions ;prendre acte des protestations et réserves quant à la mesure d’expertise sollicitée, aux frais avancés des Demandeurs ;réserver les dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour le détail des moyens des parties, à leurs écritures précitées.

A l’issue de l’audience, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision à la date du 30 juillet 2024, par mise à disposition au greffe.

Le délibéré a été prorogé au 02 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la demande d’expertise judiciaire

L’article 1 et l’annexe I de l’arrêté du 11 janvier 2007, tel que modifié par l’arrêté du 30 décembre 2022, relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine, fixent à 0,10 µg / L la teneur limite en vingt PFAS des eaux destinées à la consommation humaine.

L’article 2 et l’annexe II de l’arrêté du 11 janvier 2007, tel que modifié par l’arrêté du 30 décembre 2022, relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine, fixent à 2,00 µg / L la teneur limite en vingt PFAS des eaux brutes utilisées pour la production d’eau destinée à la consommation humaine.

Aux termes de l’article 145 du Code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
L’existence d’un motif légitime, au sens de ce texte, est caractérisée par des faits plausibles, objectifs et vérifiables, de nature à rendre crédibles les allégations du demandeur et qui présentent un lien utile avec un potentiel litige futur, dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée.

L’appréciation de l’existence d’un motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction relève du pouvoir souverain du juge (Civ. 2, 14 mars 1984, 82-16.876 ; Civ. 2, 10 décembre 2020, 19-22.619), qui peut retenir, pour rejeter la demande, que la mesure serait inutile (Civ. 2, 20 mars 2014, 13-14.985 ; Civ. 2, 10 décembre 2020, 19-22.619). Tel est notamment le cas lorsque l’action au fond est manifestement irrecevable ou vouée à l’échec (Com., 18 janvier 2023, 22-19.539 ; Civ. 2, 5 octobre 2023, 23-13.104).

A. Sur l’existence d’un motif légitime

En l’espèce, les Demandeurs exposent qu’il serait légitime d’ordonner une mesure d’expertise judiciaire en ce qu’il serait établi que les Défenderesses ont utilisé et rejeté dans l’environnement des quantités importantes de PFAS et sont susceptibles d’être à l’origine d’une partie de la pollution des eaux en aval du site industriel de [Localité 27], en ce compris celles du champ captant de [Localité 17], et du dépassement des limites de qualité applicables. Ils ajoutent que sa pollution par les PFAS, désormais réglementée, va engendrer des coûts supplémentaires d’adaptation et d’exploitation des installations de potabilisation et d’épuration des eaux, mais peut aussi porter atteinte à la santé, l’environnement ou les écosystèmes, ainsi qu’à la confiance des usagers.

Pour s’opposer à la demande, la SA ARKEMA FRANCE fait tout d’abord valoir que la mesure d’expertise serait dépourvue de motif légitime du fait que toute action future serait manifestement vouée à l’échec.

Sur ce point, elle avance en premier lieu que les Demandeurs ne subiraient aucun préjudice réparable, actuel et certain, du fait de la présence de PFAS dans les eaux captées, qui n’engendreraient aucune majoration des contraintes d’exploitation, dès lors que les concentrations relevées demeureraient inférieures à la limite de qualité applicable aux eaux brutes. En effet, selon elle, la DREAL, l’ARS et les laboratoires IANESCO et CARSO mandatés par les Demandeurs n’ont pas observé de dépassement de la valeur de 2,00 µg / L de PFAS dans les eaux brutes, valeur permettant leur captage en vue de leur potabilisation.

Elle ajoute que les Demandeurs ne pourraient demander la prise en charge par des tiers des frais qui leur incombent dans le cadre de l’exercice de leur mission de service public, impliquant d’assurer la qualité de l’eau et donnant droit à la perception de redevances, payées par les usagers, pour couvrir le coût de son traitement, y compris au titre des pollutions non domestiques. Elle observe à ce titre que la demande de la préfète de région, par courrier du 25 octobre 2023, vise le respect de la valeur limite de qualité des PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine (0,1 µg / L pour vingt PFAS énumérés) et que le coût du plan d’action arrêté par les intéressés doit rester à leur charge.

Force est cependant de constater que l’arrêt invoqué par la Défenderesse (Civ. 3, 10 mars 2016, 14-29.515), n’a pas tout à fait la portée qu’elle lui prête.

En effet, cet arrêt, non publié, a simplement validé l’appréciation souveraine de la Cour d’appel en ce qu’elle avait retenu qu’en l’absence de contraintes d’exploitations majorées par rapport à celles qu’il devait assumer pour remplir sa mission de service public, de limitation des volumes captés, d’analyses excédant celles légalement prescrites et d’obligation de construire une usine à charbon actif, l’existence d’un trouble anormal de voisinage lié à la faible présence de pesticides dans quatre puits de captage de Barthelasse, exploités par le syndicat mixte des eaux région Rhône Ventoux, n’était pas démontrée.

D’une part, il ressort de cette décision que l’appréciation des faits caractérisant l’anormalité d’un trouble de voisinage relève de l’appréciation souveraine du juge du fond (déjà : Civ. 2, 29 novembre 1995, 93-18.036 ; Civ. 2, 19 mars 1997, 95-15.922) et que ce juge aurait pu adopter une position inverse pour retenir l’anormalité du trouble allégué, quand bien même les valeurs réglementaires étaient respectées, le respect de la législation n’excluant pas l’existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage (Civ. 3, 24 octobre 1990, 88-19.383 ; Civ. 3, 12 octobre 2005, 03-19.759).

D’autre part, si la valeur limite en PFAS des eaux brutes semble respectée, il appert que la présence de PFAS dans ces eaux est de nature à engendrer des surcoûts d’aménagement et de fonctionnement pour la rendre conforme à la valeur limite applicable aux eaux destinées à la consommation humaine, que les Demandeurs n’auraient pas eu à supporter en l’absence des PFAS que les Défenderesses reconnaissent avoir participé à diffuser dans l’eau et l’atmosphère, tout en contestant leur incidence sur la pollution des eaux litigieuses.

La nécessité de ces aménagements spécifiques et les surcoûts engendrés, estimés à cinq millions d’euros pour l’investissement et entre trois cents et six cents mille euros annuels pour le fonctionnement de l’usine de traitement du captage de [Localité 17], peuvent caractériser un trouble dans son exploitation, susceptible d’être qualifié d’anormal par le juge du fond, quand bien même il appartiendrait aux Demandeurs, dans le cadre de leur mission de service public, d’assurer la qualité de l’eau distribuée et en dépit de leur possibilité d’en faire supporter le coût aux consommateurs, usagers du service public.

Dès lors, la SA ARKEMA FRANCE échoue à démontrer que tout recours à son encontre serait manifestement voué à l’échec sur ce fondement.

Cette dernière poursuit, en second lieu, en arguant que les Demandeurs ne démontreraient aucune faute civile qui lui serait imputable et permettrait d’engager sa responsabilité délictuelle. Elle invoque le fait, à ce titre, que la pollution du site est multi-sources et qu’il ne serait pas possible de démontrer un lien de causalité entre ses propres rejets et la présence de PFAS dans le champ captant de [Localité 17].

Or, l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le demandeur établisse le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée (Civ. 2, 04 novembre 2021, 21-14.023), si bien que l’absence de preuve d’une faute extra-contractuelle de la Défenderesse ne constitue pas, à ce stade, un obstacle à la demande d’expertise.

Au demeurant, non seulement l’action pour trouble anormal du voisinage repose sur une responsabilité objective de l’auteur dudit trouble et n’appelle pas la démonstration d’une quelconque faute, mais les investigations pouvant être réalisées dans le cadre de la mission d’expertise pourraient démontrer l’existence de rejets, passés ou actuels, fautifs, quand bien même ils n’auraient pas été décelés par l’administration ou n’auraient pas pour conséquence dommageable un dépassement de la valeur limite en PFAS des eaux brutes du champ captant. Dans cette hypothèse, il appartiendrait au juge du fond de décider si le préjudice lié à la présence de cette pollution n’excédant pas ladite valeur limite serait indemnisable.

De plus, s’il est constant que d’autres entreprises ont pu émettre des rejets de PFAS pouvant participer à leur présence actuelle dans les eaux prélevées au niveau du champ de [Localité 17], il ressort des écritures des Demandeurs que seules les Défenderesses font l’objet d’un encadrement réglementaire spécifique sur la plateforme industrielle de [Localité 27].

En outre, le rapport du bureau d’études GINGER BURGEAP du 26 avril 2024, produit par la SA ARKEMA FRANCE en pièce n° 20, retient « une augmentation du nombre de substances PFAS détectées et de leur concentration entre l’amont et l’aval de chacun des 2 rejets [de la SA ARKEMA FRANCE] » (p. 40/40), rendant vraisemblable qu’elle en soit à l’origine.

Enfin, aucun élément avancé par la Défenderesse ne permet de retenir qu’une expertise judiciaire ne serait pas apte à attribuer, en tout ou partie, la présence des PFAS détectés à une activité spécifique ayant été ou étant exercée par la SA ARKEMA FRANCE, les substances employées étant déterminantes des PFAS susceptibles d’être émis et retrouvés dans l’environnement (pièces n° 21, 24 et 25 des Demandeurs en particulier).

La SA ARKEMA FRANCE soutient ensuite que la mesure d’expertise sollicitée serait inutile, en ce qu’elle n’entretiendrait pas de lien avec un litige éventuel et du fait qu’elle n’améliorerait pas la situation probatoire des Demandeurs.

Elle fait valoir à ce titre que les émissions de PFAS de son site ont déjà fait l’objet de différentes études et sont surveillées par des mesures administratives depuis le mois de juillet 2022.

Or, si des études indépendantes ont pu être réalisées et que d’autres investigations sont susceptibles d’être conduites par les autorités administratives, les rapports dont se prévaut principalement la SA ARKEMA FRANCE, qui constituent ses pièces n° 17 à 22, ont tous été commandés par ses soins au bureau d’études GINGER BURGEAP.

C’est donc à juste titre que les Demandeurs soulignent le fait que ces rapports, commandés par la Défenderesse au sujet de ses propres rejets, notamment historiques, alors qu’ils sont susceptibles d’engager sa responsabilité ou d’entraîner des mesures administratives à son encontre, ne présentent pas les mêmes garanties d’impartialité et d’objectivité que les investigations pouvant être réalisées par un expert judiciaire.

De même, la surveillance récente du site ne permet pas d’investiguer l’incidence de ses rejets historiques et la publicité de certaines informations ne constitue ni une garantie de leur exhaustivité, ni de leur fiabilité, l’ANSES ayant en particulier souligné, dans son étude du mois de décembre 2022, que « cette étude préliminaire montre que la recherche et la quantification de PFAS dans de telles matrices ne sont pas toujours simples et nécessitent un certain nombre de précautions analytiques ainsi qu’une information précise sur la robustesse des résultats rendus. Elle montre également que la liste des PFAS à prendre en compte dans le suivi d’un « hot-spot » est étroitement dépendante des matrices visées et des usages du site d’émission. » (p. 25/28).

Encore, les liens avancés par les Demandeurs dans leurs notes de bas de page n° 16 et 17 entre certaines études et les Défenderesses ou le site industriel de [Localité 27], mériteraient d’être confirmés. Une synthèse de la documentation déjà produite et la réalisation d’investigations complémentaires permettrait de clarifier le niveau d’imputabilité éventuelle de la présence de PFAS dans les eaux du champ captant de [Localité 17] aux Défenderesses, laquelle ne saurait être écartée par le seul rapport du cabinet GINGER BURGEAP du 16 novembre 2022.

De surcroît, la SA ARKEMA FRANCE est mal fondée à contester l’utilité de la mesure d’expertise qui pourrait confirmer ou infirmer les affirmations des Demandeurs, alors qu’elle-même réfute les conclusions qu’ils tirent des études versées aux débats et s’attache à celles du cabinet GINGER BURGEAP.

Il ressort de ces éléments que l’exécution d’investigations sous la conduite d’un expert judiciaire serait seule à même de permettre à une juridiction de disposer des éléments de faits et de l’analyse technique lui permettant de trancher l’éventuel litige afférent à la responsabilité alléguée de la SA ARKEMA FRANCE dans la présence de PFAS dans les eaux brutes du champ captant de [Localité 17].

Pour sa part, la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE conteste l’existence d’un motif légitime de la voir participer à l’expertise sollicitée aux motifs, premièrement, que les analyses réalisées par la DREAL, l’ARS et le laboratoire CARSO auraient démontré l’absence de non-conformité de la qualité des eaux brutes captées par le SMEP Rhône-Sud avec la valeur limite applicable.

Il est renvoyé sur ce point aux développements ci-dessus, traitant du même moyen développé par la SA ARKEMA FRANCE, qui ont conduit à retenir qu’il n’était pas de nature à priver la demande de motif légitime.

Elle expose, deuxièmement, que les Demandeurs ne rapporteraient pas la preuve du fait que les PFAS retrouvés dans les eaux brutes du champ captant de [Localité 17] aient pour origine des rejets dont elle serait l’auteur.

Pour ce faire, elle critique la pertinence des résultats des rapports produits ou invoqués par les Demandeurs, en particulier le rapport de l’ANSES qui constitue leur pièce n° 22, lequel ne tiendrait pas compte du traitement qu’elle opère et qui permettrait de limiter le rejet dans le Rhône de PFHxA à 1 kg par an. Elle ajoute que la DREAL aurait confirmé cet élément et qu’aucun des rapports ou articles produits n’établirait « scientifiquement » de lien entre les PFAS retrouvés et ceux émis par elle en amont du captage.

Comme cela a pu être relevé concernant la défense de la SA ARKEMA FRANCE, l’analyse d’un expert judiciaire permettra de vérifier « scientifiquement » les critiques émises au sujet du rapport de l’ANSES, de même que la méthodologie et la pertinence de l’avis de la DREAL dont se prévaut la Défenderesse et l’efficacité du traitement de ses rejets destinés à en retirer les PFAS, étant observé que ce traitement ne saurait exclure l’existence d’éventuels rejets historiques, ayant eu lieu avant sa mise en œuvre en 2017.

Par ailleurs, la prétendue démonstration à laquelle la Défenderesse se prête est dépourvue de toute valeur probante, dès lors que le postulat de départ relatif à l’ampleur de ses émissions de PFAS n’est pas démontré avec l’évidence requise en référé et qu’il ne tient pas compte de ses émissions antérieures, ni de la dynamique de diffusion des PFAS ou des interactions entre ces derniers.

En outre, la prise en compte du seul débit du Rhône, qui ne peut être comparé avec celui de la nappe alluviale dans laquelle est réalisé le captage, laquelle se trouve alimentée en eau et en poussières contenant des PFAS par d’autres sources que le fleuve, est manifestement dépourvue du caractère « technique » qui est prêté par la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE à son exercice.

Cette dernière explique encore que la pollution de l’eau par les PFAS aurait de multiples sources, si bien que les Demandeurs seraient incapables d’attribuer l’origine de cette pollution à une installation ou événement spécifique.

Ce nonobstant, le caractère historique des rejets de PFAS et la multiplicité des émetteurs potentiels ne saurait conduire à écarter, a priori, la possibilité pour un expert de chercher à imputer l’origine d’une partie d’entre eux à une activité spécifique, si bien qu’il n’est pas justifié du caractère factuellement inutile d’entreprendre des investigations en ce sens.

Partant, la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE ne démontre pas que la mesure d’expertise sollicitée serait dépourvue de pertinence à son endroit, alors qu’elle est susceptible d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige tenant à la recherche de sa responsabilité eu égard à la présence de de PFAS dans les eaux du champ captant de [Localité 17].

Par conséquent, la demande d’expertise, alors qu’un litige est en germe entre les parties et que sa solution pourrait dépendre des éléments recueillis par l’expert, repose sur un motif légitime.

B. Sur la mission d’expertise

Il est rappelé que le juge fixe souverainement le contenu et l’étendue de la mission de l’expert (Civ. 1, 26 novembre 1980, 79-13.870), de sorte qu’il arrête librement les termes de la mission qui lui est confiée, en rapport avec les prétentions des parties, sans être tenu de suivre les propositions qu’elles ont formulées.

En l’espèce, si c’est à bon droit que les Défenderesses rappellent qu’il ne saurait être demandé à l’expert de porter une appréciation d’ordre juridique, rien ne s’oppose à ce qu’il donne son avis sur le respect par les Défenderesses des conditions d’émission et des valeurs maximales d’émission successivement applicables aux émissions de PFAS.

Ensuite, la mission d’expertise ne saurait être restreinte à la liste des vingt PFAS prévue par la directive (UE) n° 2020/2184 du 16 décembre 2020, au regard desquels sont appréciées les valeurs limites dans les eaux brutes et destinées à la consommation humaine, dès lors que cela conduirait à exclure des investigations
le principal PFAS employé par la SA ARKEMA FRANCE à ce jour, à savoir le 6:2 FTS ;certains des vingt-huit PFAS visés par l’arrêté du 20 juin 2023, relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation ;de potentielles substances précurseurs des PFAS visés par la directive ou encore des produits de dégradation des PFAS qui pourraient constituer des indices de l’origine de la pollution du champ captant.
Par conséquent, la mission d’expertise sera celle mentionnée au dispositif de la présente décision.

C. Sur la désignation d’un collège d’experts

L’article 264 du code de procédure civile énonce : « Il n’est désigné qu’une seule personne à titre d’expert à moins que le juge n’estime nécessaire d’en nommer plusieurs. ».

En l’espèce, l’ampleur des investigations, la diversité des états et des milieux de diffusion, transformation et stockage des PFAS, la question de leur dynamique géographique et temporelle, ainsi que les interactions entre eux présentent une complexité et impliquent une charge de travail justifiant la désignation d’un collège d’experts.

Par conséquent, il conviendra de faire droit à la demande de désigner les experts visés au dispositif de la présente décision.

II. Sur les autres dispositions de la décision

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696, alinéa 1, du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. ».

En l’espèce, il est rappelé que le défendeur à la demande d’expertise fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile ne peut être qualifié de perdant au sens des articles 696 et 700 même code (Civ. 2, 10 février 2011, 10-11.774).

Par conséquent, la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE seront provisoirement condamnés aux entiers dépens.

Sur les frais irrépétibles

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. ».

En l’espèce, bien que la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE soient condamnés aux dépens, la SA ARKEMA FRANCE et la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE, dont la responsabilité est susceptible d’être recherchée à l’issue des opérations d’expertise, seront déboutées de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article précité.

Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. ».

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance provisoire rendue en premier ressort, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

ORDONNONS une mesure d’expertise judiciaire ;

DÉSIGNONS en qualité d’expert :

Monsieur [G] [B]
Cabinet ACONSULT
[Adresse 4]
[Localité 10]
Tél : [XXXXXXXX02]
Mél. : [Courriel 14]

inscrit sur la liste nationale des experts,

et

Monsieur [K] [F]
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 6]
Tél : [XXXXXXXX01]
Mél : [Courriel 24]

et

Monsieur [Z] [X]
[Adresse 8]
[Localité 12]
Port. : [XXXXXXXX03]
Mél : [Courriel 23]

inscrits sur la liste de la Cour d’Appel de LYON, avec pour mission de :

1. se faire communiquer tous documents et pièces qu’ils estimeront a priori utiles à l’accomplissement de leur mission, en particulier les documents contractuels, les rapports et analyses produits ou invoqués par les parties, les inventorier et en prendre connaissance ;

2. se rendre sur les lieux, plateforme industrielle de [Localité 27], dans les locaux des Défenderesses, sur le champ captant de [Localité 17] et dans tout autre endroit utile à leurs investigations, après y avoir convoqué les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et les visiter ;

3. recueillir les explications des parties, solliciter les pièces complémentaires apparaissant utiles au regard des dites explications et, le cas échéant, entendre tout sachant ;

4. décrire les familles ou sous-familles des PFAS employés ou émis par la plateforme industrielle de [Localité 27] depuis sa création ; estimer, pour chacune de ces familles ou sous-familles, les périodes et ampleurs des rejets dans l’environnement ;

5. au travers d’une étude documentaire et technique, exposer l’évolution chronologique de l’état des connaissances scientifiques en relation avec les effets potentiellement néfastes sur l’environnement et la santé des PFAS ; donner leur avis sur la date à partir de laquelle les entreprises de la plateforme industrielle de [Localité 27] ont nécessairement eu connaissance de ces effets ;

6. décrire et quantifier les émissions historiques de PFAS par les sites de la SA ARKEMA FRANCE et de la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE situés sur la plateforme industrielle de [Localité 27] ;

7. vérifier la conformité des usages et des émissions de PFAS sur les sites de la SA ARKEMA FRANCE et de la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE situés sur la plateforme de [Localité 27] par rapport aux normes successivement applicables jusqu’à ce jour ;

8. vérifier la présence de PFAS dans les eaux captées sur le champ captant de [Localité 17], alléguée par la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE ;

9. décrire les caractéristiques des PFAS dont la présence est avérée et leurs comportements respectifs, notamment en termes de dégradation et de transfert entre les milieux ;

10. préciser, pour les PFAS dont la présence est avérée dans les eaux captées, leurs niveaux de concentration :

10.1 dans les rejets émis dans l’air, l’eau et les sols, de manière générale par la plateforme industrielle de [Localité 27] et en particulier par la SA ARKEMA FRANCE et la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE ;

10.2 dans l’air, l’eau et le sol, entre la plateforme industrielle de [Localité 27] et le champ captant de [Localité 17], en particulier dans le Rhône et sa nappe ;

10.3 au niveau des puits de captage du champ captant de [Localité 17] ;

10.4 dans les eaux entrant dans la station de traitement du SMEP Rhône-Sud ;

10.5 en tout autre point ou milieu visant à déterminer si les PFAS mis en évidence dans les eaux captées ont pour origine le site industriel de [Localité 27] ou une autre source d’émission, en attribuer l’émission à une activité ou une entreprise dudit site, apprécier les dynamiques de transferts entre les milieux et les lieux et définir le processus de pollution des eaux captées ;

11. au vu des caractéristiques, comportements et concentrations relevés des PFAS dont la présence est avérée dans les eaux captées sur le champ captant de [Localité 17], décrire les éventuels processus de transfert (délais, modalités, conditions, etc.) de ces PFAS ou de leurs précurseurs entre :
les rejets atmosphériques, sous forme gazeuse ou de poussières ;les rejets dans les eaux, directs ou indirects, notamment par lessivage des sols ou rabattage de la nappe du Rhône ;émis par la plateforme industrielle de [Localité 27], et les eaux captées de [Localité 17], en tenant notamment compte des débits du fleuve et de la nappe ;

12. au vu des caractéristiques, comportements, concentrations et processus de transfert des PFAS dont la présence est avérée dans les eaux captées sur le champ captant de [Localité 17], préciser si la présence de PFAS dans ces eaux est imputable à la SA ARKEMA FRANCE, à la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE, à une autre entreprise ou activité identifiée, ou à toute autre cause ; le cas échéant, identifier les entreprises ayant exercé ou exerçant l’activité à l’origine de la pollution et déterminer la part d’imputabilité de la pollution des eaux captées par des PFAS à chacune des entreprises ou activités concernées ;

13. décrire les phénomènes de stockage, de relargage et de disparition des PFAS mis en évidence dans les eaux captées sur le champ captant de [Localité 27], ou de leurs précurseurs, et émettre un avis sur la durée de la pollution des eaux captées par ces PFAS au vu des concentrations relevées au point 6 ;

14. donner tout autre élément permettant d’apprécier les éventuelles responsabilités encourues du fait de la présence de PFAS dans les eaux captées sur le champ captant de [Localité 17] ;

15. décrire les travaux propres à remédier à la présence de PFAS dans ces eaux et préciser si des travaux sont à réaliser en urgence ; en chiffrer le coût après avoir, le cas échéant, examiné et discuté les devis présentés par les parties dans le délai qui leur aura été imparti ; préciser la durée des travaux préconisés, déterminer et prescrire si nécessaire les travaux urgents ;

16. indiquer tout élément paraissant utile à l’appréciation des préjudices de toute nature allégués par la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE, directs ou indirects, matériels ou immatériels, résultant des désordres constatés, et en donner une évaluation chiffrée ;

17. s’expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés sur les dires récapitulatifs et observations des parties produits dans le délai qui leur été aura imparti après le dépôt du pré-rapport, lequel devra répondre à tous les points de la mission et le cas échéant compléter ses investigations ;

18. faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

DISONS que chaque expert fera connaître sans délai son acceptation et qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement par ordonnance rendue d’office ou sur simple requête ;

FIXONS à 15 000,00 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que la METROPOLE DE LYON, le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE devront consigner, à hauteur de 5 000,00 euros chacun, à la Régie d’avances et de recettes du Tribunal judiciaire de LYON, avant le 30 novembre 2024 ;

RAPPELONS qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque, par application de l’article 271 du code de procédure civile ;

DISONS que les experts commenceront leurs opérations dès qu’ils seront avertis par le greffe de la consignation de la provision ou de la première échéance de celle-ci ;

DISONS que, pour exécuter leur mission, les experts seront saisis et procéderont conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du code de procédure civile ;

DISONS que les experts pourront s’adjoindre tout spécialiste de leur choix, à charge pour eux d’en informer le magistrat chargé du contrôle des expertises, le cas échéant de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport ; disons que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l’expert ;

RAPPELONS que les experts peuvent demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l’ordonner en cas de difficulté, y compris sous astreinte, ou à autoriser les experts à passer outre ou à déposer leur rapport en l’état ;

DISONS que les experts devront communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires, écrits auxquels ils devront répondre dans leur rapport définitif ;

DISONS que les experts devront déposer leur rapport au plus tard le 31 décembre 2025, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge chargé du contrôle ;

RAPPELONS qu’il appartient aux experts d’adresser un exemplaire de leur demande de rémunération aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception, lesquelles peuvent adresser, à l’expert et au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ;

RAPPELONS que l’article 173 du code de procédure civile fait obligation aux experts d’adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles à leur avocat ;

DELEGUONS au magistrat chargé du contrôle des expertises la mission d’en suivre les opérations et statuer sur tous incidents ;

CONDAMNONS provisoirement la METROPOLE DE [Localité 25], le SMEP Rhône-Sud et l’EPIC EAU DU [Localité 21] [Localité 25] – LA REGIE aux dépens de la présente instance, étant rappelé que le juge qui statue sur un litige peut condamner les parties aux dépens d’une autre instance, s’il s’agit de frais relatifs à une instance ayant préparé celle dont il est saisi ;

REJETONS les demandes de la SA ARKEMA FRANCE et de la SASU DAIKIN CHEMICAL FRANCE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELONS que la présente décision est, de droit, exécutoire à titre provisoire.

Fait à [Localité 25], le 02 août 2024.

Le Greffier Le Président


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