Motivation et recevabilité de l’appel dans une affaire de placement en rétention administrative

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Motivation et recevabilité de l’appel dans une affaire de placement en rétention administrative

Résumé de l’affaire

M. [X] [F] dit [D] [J] a été remis aux autorités suisses par un arrêté de la préfecture du Rhône le 19 juillet 2024. Suite à cela, il a été placé en rétention administrative le 20 juillet 2024. M. [X] [F] dit [D] [J] a contesté cette décision devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, qui a rejeté sa requête et ordonné la prolongation de sa rétention pour vingt-six jours. M. [X] [F] dit [D] [J] a interjeté appel de cette décision, arguant que le placement en rétention était injustifié. Lors de l’audience, il a expliqué ses problèmes de santé et son souhait de retourner en Suisse où il avait demandé l’asile.

L’essentiel

Irrégularité de la procédure

L’appel de M. [X] [F] dit [D] [J] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable.

Insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative

Attendu qu’il résulte de l’article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée ;

Cette motivation doit retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l’autorité administrative n’a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l’arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d’éléments factuels liés à la situation individuelle et personnelle de l’intéressé, et ce au jour où l’autorité administrative prend sa décision.

Erreur d’appréciation au regard du risque non négligeable de fuite

La régularité de la décision administrative s’apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l’administration à cette date et l’obligation de motivation ne peut s’étendre au-delà de l’exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.

Le conseil de M. [X] [F] dit [D] [J] soutient que l’autorité administrative a commis une erreur d’appréciation s’agissant de l’examen de ses garanties de représentation à défaut d’avoir pris en considération qu’une amie acceptait de l’héberger et qu’il avait toujours indiqué se nommer [X] [F].

En conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 juillet 2024
Cour d’appel de Lyon
RG
24/06148
N° RG 24/06148 – N° Portalis DBVX-V-B7I-P2F6

Nom du ressortissant :

[D] [O]

[O]

C/

MME LA PREFETE DU RHONE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Stéphanie LEMOINE, conseiller à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 18 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 26 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [X] [F] alias [D] [O]

né le 12 Juillet 1995 à [Localité 6] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]

comparant assisté de Maître Claire MANZONI, avocat au barreau de LYON, commis d’office

ET

INTIME :

MME LA PRÉFETE DU RHÔNE

[Adresse 1]

[Localité 2] (RHÔNE)

Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l’affaire en délibéré au 26 Juillet 2024 à 15 heures 45 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Un arrêté a été pris le 19 juillet 2024 par la préfecture du Rhône portant remise de M. [X] [F] dit [D] [J] aux autorités suisses.

Par décision en date du 20 juillet 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de M. [X] [F] dit [D] [J] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 20 juillet 2024.

Suivant requête du 23 juillet 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 23 juillet 2024, M. [X] [F] dit [D] [J] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet du Rhône.

Suivant requête du 23 juillet 2024, reçue le même jour, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 24 juillet 2024 à 17 heures 15, a :

‘ ordonné la jonction des deux procédures,

‘ déclaré recevable en la forme la requête de [D] [J],

‘ l’a rejetée au fond,

‘ déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de M. [X] [F] dit [D] [J],

‘ déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

‘ déclaré régulière la procédure diligentée à l’encontre de M. [X] [F] dit [D] [J] ,

‘ ordonné la prolongation de la rétention de M. [X] [F] dit [D] [J] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-six jours.

M. [X] [F] dit [D] [J] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 25 juillet 2024 à 12 heures 42 en faisant valoir que la décision de placement en rétention était insuffisamment motivée en droit et en fait, que celle-ci était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de la menace à l’ordre public, ainsi que de ses garanties de représentation, et qu’il n’y avait pas de nécessité de prononcer un placement en rétention.

M. [X] [F] dit [D] [J] a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et d’ordonner sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 26 juillet 2024 à 10 heures 30.

M. [X] [F] dit [D] [J] a comparu et a été assisté de son avocat.

Le conseil de M. [X] [F] dit [D] [J] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel.

Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée.

M. [X] [F] dit [D] [J] a eu la parole en dernier. Il a expliqué qu’il avait des problèmes de santé, qu’il avait vu un médecin au centre de rétention et qu’il avait besoin de subir des opérations. Il a expliqué qu’il avait fait une demande d’asile en Suisse et qu’il souhaitait retourner là bas.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de M. [X] [F] dit [D] [J] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable.

Sur le moyen pris du caractère erroné, insuffisant de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d’examen de la situation individuelle

Attendu qu’il résulte de l’article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée ;

Cette motivation doit retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l’autorité administrative n’a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l’arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d’éléments factuels liés à la situation individuelle et personnelle de l’intéressé, et ce au jour où l’autorité administrative prend sa décision.

Le conseil de M. [X] [F] dit [D] [J] prétend que l’arrêté de placement en rétention du préfet du Rhône est insuffisamment motivé en droit et en fait en ce qu’il ne fait pas mention de ce qu’il n’est pas fait mention qu’il réside en Suisse en qualité de demandeur d’asile, qu’il est venu en France pour rendre visite à son frère mais qu’il a eu un accident qui a nécessité qu’il soit hospitalisé à [Localité 3] et qu’il est allé loger dans un squat où il a été interpellé par la police et incarcéré.

En l’espèce, l’arrêté a retenu au titre de sa motivation que :

– le comportement de M. [X] [F] dit [D] [J] constitue une menace pour l’ordre public dans la mesure où il a été condamné le 15 avril 2024 par jugement du tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains à la peine de 6 mois d’emprisonnement et une interdiction du territoire français de dix ans pour des faits de recel;

– il ne justifie ni de circonstances exceptionnelles ni de garanties de représentation effective dans la mesure où il entré irrégulièrement sur le territoire français et s’y est maintenu sans être muni de documents et ne justifie pas d’un hébergement stable, ni de moyens d’existence, puisqu’il a déclaré être sans domicile fixe, « dormir à droite et à gauche » et avoir travaillé de manière non déclarée,

– il a déclaré avoir des broches dans le bras nécessitant des soins mais ces éléments ne font pas obstacle à un placement en centre de rétention et en tout état de cause, il peut toujours solliciter un examen médical.

Au regard de ces éléments, aucune erreur ou insuffisance de motivation n’est susceptible d’être caractérisée, le préfet ayant pris en considération les éléments de la situation personnelle de M. [X] [F] dit [D] [J] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée au regard de la menace pour l’ordre public.

Le moyen tiré de l’erreur ou l’insuffisance de motivation ne peut être accueilli.

Sur le moyen pris de l’erreur d’appréciation au regard du risque non négligeable de fuite

La régularité de la décision administrative s’apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l’administration à cette date et l’obligation de motivation ne peut s’étendre au-delà de l’exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.

Le conseil de M. [X] [F] dit [D] [J] soutient que l’autorité administrative a commis une erreur d’appréciation s’agissant de l’examen de ses garanties de représentation à défaut d’avoir pris en considération qu’une amie acceptait de l’héberger et qu’il avait toujours indiqué se nommer [X] [F].

La motivation de l’arrêté critiqué, d’ores et déjà citée plus haut, a souligné que [X] [F] avait déclaré dans son audition qu’il n’avait pas de domicile fixe.

Par ailleurs, il a reconnu à l’audience devant le juge des libertés et de la détention et à nouveau devant la cour qu’il avait utilisé le faux nom de [D] [J], de sorte que le risque non négligeable de fuite est parfaitement caractérisé.

Sur les moyens tirés de l’insuffisance de motivation au regard de la menace à l’ordre public et de l’erreur manifeste d’appréciation de la menace pour l’ordre public

C’est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que la décision de placement en rétention faisant état de sa condamnation le 15 avril 2024 par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains à la peine de 6 mois d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français de dix ans pour des faits de recel habituel provenant d’un délit, la menace à l’ordre public est caractérisée.

Ce moyen ne peut donc pas plus être accueilli.

En conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par M. [X] [F] dit [D] [J],

Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Manon CHINCHOLE Stéphanie LEMOINE


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