Dans cette affaire, la cour constate une confusion des patrimoines entre la SAS GWDK et la SCI [V] ET MOI, notamment à travers des loyers excessifs et des réductions non justifiées. Cette situation caractérise des relations financières anormales justifiant une extension de la procédure collective.
La demande d’extension est donc confirmée, et la SCI [V] ET MOI est déboutée de sa demande en paiement d’indemnité pour frais irrépétibles. Les dépens d’appel sont ordonnés en frais privilégiés de procédure collective.
L’article L 621-2 alinéa 2 du code de commerce
L’article L 621-2 alinéa 2 du code de commerce énonce qu’à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. A cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent.
Les dispositions de cet article s’appliquent également en cas de liquidation judiciaire par renvoi de l’article L 641-1 du même code.
Il est constant que les deux critères principaux concernant la confusion des patrimoines, à savoir la confusion des comptes et les flux financiers anormaux sont alternatifs, étant précisé que la Cour de cassation a élargi la notion de flux financiers anormaux à celle de relations financières anormales.
Les relations financières anormales sont des transferts patrimoniaux effectués par action ou par abstention, l’anormalité résidant dans l’absence de contrepartie aux transferts patrimoniaux qui résultent de relations incompatibles avec des obligations réciproques normales.
Montage juridique commun mais à loyers excessifs
Au cas présent, Monsieur [O] [S] est associé majoritaire de la SAS GWDK qui exploite le restaurant et associé égalitaire de la SCI [V] ET MOI, avec son ex-compagne Madame [V] [D], propriétaire des locaux donnés à bail. Si cette situation de direction commune des deux sociétés, constitue un montage juridique commun, toutefois l’anormalité des relations financières est caractérisée lorsque le loyer manifestement excessif versé par la société commerciale à la SCI a été fixé, non pas en fonction de la valeur locative des lieux loués, mais en fonction des mensualités de l’emprunt remboursé par la SCI ou dans le seul but de récupérer le montant de l’investissement immobilier réalisé par celle-ci de sa demande en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
En l’espèce, aux termes du bail commercial du 17 novembre 2017, le montant du loyer versé par la SAS GDWK à la SCI [V] ET MOI a été fixé pour une surface de 265,13 m² (dont 96 m2 en tout de salles ) à la somme de 56.400 euros ht et hors charges par mois, soit 4.700 euros par mois.
Maître [Y], ès-qualités produit des annonces proposées par une agence immobilière spécialiste du local commercial à louer sur [Localité 7], et notamment une offre de local neuf équipé de restaurant pour un loyer annuel de 36.000 euros ht comparable aux locaux dont s’agit avec une salle de restauration de 100 m².
La SCI [V] ET MOI ne justifie d’aucun élément ayant commandé à la fixation du loyer tel que précité et ne communique pas non plus d’information sur le remboursement des mensualités de l’emprunt affecté à l’acquisition du local commercial.
Ainsi, il ressort des pièces que le loyer annuel a été ramené à 48.000 euros rétroactivement à compter du 1er février 2018 par avenant du 28 février 2019 non enregistré (soit 4.000 euros par mois) soit antérieurement à la période de pandémie COVID 19, puis à nouveau baissé à la somme de 35.000 euros par ans le 30 juin 2021.
De plus, par une assemblée générale extraordinaire du 9 avril 2021, les associés de la SCI [V] ET MOI, constatant une dette locative de la SAS GWDK au titre des loyers dus pour les années 2019, 2020 et 2021 pour un montant total de 115.000 euros, ont autorisé l’abandon pur et simple par la SCI [V] ET MOI d’une partie de la créance de loyers à hauteur de 48.000 euros, ramenant ainsi la dette locative de la SAS GWDK à la somme de 67.000 euros.
Ces réductions successives, outre l’annulation rétroactive de loyers sur l’année 2018 (donc indépendamment de toute crise sanitaire) démontrent que le montant du loyer facturé et versé par la SAS GWDK à la SCI [V] ET MOI était excessif depuis l’origine, étant souligné que la SAS GWDK a enregistré un bénéfice de 65.549 euros lors de l’exercice clos le 31 octobre 2021 et n’a justifié d’aucune contrepartie aux deux abandons de loyers.
Enfin l’examen de l’état du passif de la SAS GWDK révèle l’existence d’une créance déclarée de la SCI [V] ET MOI d’un montant global de 110.496 euros dont 106.039 euros de loyers et charges impayés sur la période 2019 à 2022 jusqu’à l’ouverture de la procédure collective.
La SCI [V] ET MOI ne prouve pas avoir initié une quelconque mesure de recouvrement de sa créance ou d’obtention de la résiliation du bail auprès de la SAS GWDK, cette dernière n’ayant que très partiellement procédé au règlement du loyer depuis 2018.
Cette situation est révélatrice de l’existence de relations incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales entre ces deux sociétés et d’une absence totale de contrepartie aux prestations intervenues entre ces deux sociétés. Par ailleurs, la créance de la SCI [V] ET MOI constitue la plus importante des créances déclarées au passif de la SAS GWDK (46%) ce que le dirigeant et associé commun de ces deux sociétés ne pouvait pas ignorer.
La confusion de patrimoines retenue
Le montant excessif du loyer fixé, le paiement partiel du loyer pourtant révisé à la baisse et l’absence de démarches actives pour recouvrer la créance ou obtenir la résiliation du bail caractérisent des relations financières anormales entre la SAS GWDK et la SCI [V] ET MOI justifiant une confusion des patrimoines.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET N°
du 13 février 2024
N° RG 23/01632 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMX2
S.C.I. [V] ET MOI
c/
PROCUREUR GÉNÉRAL
S.C.P. ANGEL [Y] DUVAL
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
Me Elizabeth BRONQUARD
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 13 FEVRIER 2024
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 03 octobre 2023 par le tribunal de commerce de TROYES
S.C.I. [V] et moi
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Pierre-Antoine JOUDELAT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de L’AUBE, avocat plaidant
INTIMEES :
Madame LA PROCUREURE GÉNÉRALE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Madame Caroline CHOPE,avocat général près la cour d’appel de REIMS
S.C.P. ANGEL [Y] DUVAL
SCP d’administrateurs judiciaires ayant son siège social à [Localité 7] [Adresse 4], représentée par son représentant légal domicilié de droit audit siège, en la personne de Maître [Y], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de société GWDK nommé en cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Troyes le 07 mars 2023 et en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI [V] ET MOI nommé en cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Troyes en date du 03 octobre 2023
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Elizabeth BRONQUARD, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Luc MOREAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition
DEBATS :
A l’audience publique du 15 janvier 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 février 2024
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 13 février 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement en date du 10 janvier 2023, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de redressement judiciaire, à l’égard de la société GWDK (SAS), ayant pour activité : restauration traditionnelle exploitée [Adresse 2] et a notamment désigné la SCP Philippe ANGEL – [M] [Y] – Sylvie DUVAL, prise en la personne de Maître [M] [Y], en qualité de mandataire judiciaire.
La période d’observation a été autorisée jusqu’au 10 juillet 2023.
Par jugement en date du 7 mars 2023, ce même tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans poursuite de l’activité et désigné Maître [Y] en qualité de liquidateur.
Par acte d’huissier en date du 17 février 2023, Maître [Y], ès-qualités, a fait assigner la société [V] ET MOI (SCI) devant le tribunal de commerce de Troyes aux fins de voir étendre à cette dernière la procédure ouverte à l’égard de la société GWDK .
La société [V] ET MOI (SCI) immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Troyes a pour activité : l’acquisition par voie d’achat ou d’apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l’aménagement, l’administration, la location et la vente (exceptionnelle) de tous biens et droits immobiliers, de tous biens et droits pouvant constituer l’accessoire, l’annexe ou le complément des biens et droits immobiliers.
Par jugement en date du 3 octobre 2023, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société [V] ET MOI et a prononcé la jonction avec la liquidation judiciaire ouverte à l’égard de la société GWDK.
Par un acte en date du 9 octobre 2023, la SCI [V] ET MOI a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 18 décembre 2023, la SCI [V] ET MOI conclut à l’annulation et subsidiairement à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner Maître [Y], ès-qualités, à lui payer la somme de 4.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Elle soutient que l’annulation de la décision est encourue car il ne résulte pas de sa lecture que le tribunal ait pris connaissance des dernières conclusions communiquées, ce dernier ne faisant mention à aucun moment des moyens et des prétentions de la défenderesse, ni du visa des dernières conclusions. Elle estime qu’un tel manquement porte atteinte à l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au respect du principe de la contradiction.
Sur le fond, elle expose que l’opération consistant à créer une SCI pour acquérir des immeubles au moyens d’emprunts et les louer à une société commerciale y exerçant son activité est un montage classique qui, à lui seul, ne suffit pas à établir la confusion des patrimoines des deux sociétés. Elle précise que les parties avaient fixé un loyer de 4.700 euros ht qui a été révisé à 4.000 euros rétroactivement au 1er janvier 2018 puis à nouveau révisé à 2.916 euros en juin 2021. Selon elle, ce loyer était justifié et Maître [Y] ne démontre pas le caractère excessif.
Elle affirme que l’abandon du loyer par le bailleur est possible et ne caractérise pas l’existence d’une confusion de patrimoines et que la signature du protocole d’accord d’avril 2021 entre dans le cadre d’un contexte économique particulier lié à la période COVID.
Elle ajoute que l’abandon de loyer a ouvert à la SCI [V] ET MOI un avantage fiscal et que celle-ci n’est au demeurant pas restée inactive face au non-paiement de certains loyers.
Subsidiairement, en cas d’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS GWDK à la SCI [V] ET MOI, elle demande à ce qu’il soit jugé que les associés de la SCI [V] ET MOI devront répondre des seules dettes de cette dernière société dont ils détiennent des parts.
Par écritures notifiées électroniquement le 14 décembre 2023, le ministère public conclut au rejet de la demande d’annulation et à la confirmation du jugement critiqué.
Il expose que s’agissant d’une procédure orale en vertu de l’article 853 du code de procédure civile, l’article 455 du code de procédure civile n’est pas applicable.
Il soutient que la SCI [V] ET MOI n’a pas recouvré les loyers pendant plusieurs années et n’a effectué aucune démarche probante en ce sens.
Il estime que la révision du montant du loyer à la baisse sur plusieurs années démontre le caractère excessif de ce dernier et insiste sur le fait que la SAS GWDK a cumulé une dette locative de 110.000 euros à l’égard de la SCI [V] ET MOI pendant plusieurs années, puis a abandonné une créance de loyer de 8.400 euros.
Il fait valoir que cette créance de loyers représente 46% de son passif, ce que la SCI [V] ET MOI ne pouvait pas ignorer.
Il ajoute que cette situation est révélatrice de l’existence de relations incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales et d’une absence totale de contrepartie aux prestations intervenues entre les deux structures.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 20 décembre 2023, Maître [Y], ès-qualités conclut au rejet de la demande d’annulation du jugement et à la confirmation du jugement déféré.
Il expose que s’agissant d’une procédure orale régie par l’article 853 du code de procédure civile, l’article 455 du même code n’est pas applicable et qu’en l’espèce le jugement mentionne les pièces du dossier.
Sur le fond, il expose que les relations anormales relevées s’expliquent par la direction commune de ces deux sociétés, assurée par Monsieur [O] [H], associé majoritaire de la SAS GWDK et associé égalitaire de la SCI [V] ET MOI, avec son ex-compagne Madame [V] [D].
Il soutient que le montant du loyer excessif fait obstacle à la cession du fonds de commerce de la SAS GWKD et indique que le montant moyen pour une même surface est de 1.500 euros ht.
Il fait valoir que la révision du loyer à la baisse, l’absence de paiement pendant plusieurs années et l’abandon d’une partie de la dette locative constituent un faisceau d’indices caractérisant des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines.
Il ajoute que la reconstitution d’un patrimoine commun permet d’apurer le passif commun, de réunir les actifs communs sans qu’il y ait besoin de tenir compte de leur affectation originelle entre les personnes visées par l’extension de la procédure, de sorte que ces personnes deviennent débitrice du passif commun, peu important qu’elles en soient ou non à l’origine.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
*Sur la demande d’annulation du jugement
L’article 455 du code de procédure civile énonce que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date.
Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.
La SCI [V] ET MOI reproche au tribunal de ne faire mention à aucun moment:
-des prétentions et des moyens de la SCI [V] ET MOI tant à titre principal qu’à titre subsidiaire,
-du visa des dernières conclusions communiquées au tribunal le 1er juin 2023,
ce qui a pour conséquence, selon elle, que le tribunal n’a pas pris la peine de garantir le fait que les prétentions et moyens de chaque partie ont été pris en compte pour statuer.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que selon l’article 853 du code de procédure civile, dans le cadre du livre VI du code de commerce sur les difficultés des entreprises, comprenant les dispositions sur les procédures collectives, la procédure est orale, de sorte que les écrits auxquels se réfèrent une partie et que mentionne le juge ont nécessairement pour date celle de l’audience.
Par ailleurs, il convient de souligner que dans le jugement critiqué, il est mentionné que :
-les parties ont comparu à l’audience du 26/09/2023 et notamment » LA SCI [V] ET MOI représentée par Maître Aurélien CASAUBON,
– » Attendu qu’il ressort des débats et des pièces du dossier ( ‘),
ce qui atteste du fait que le tribunal a pris en compte les éléments qui ont été exposés oralement par l’avocat de la SCI [V] ET MOI ainsi que les pièces qui ont été déposées par ce dernier au soutien de ses prétentions.
De plus, la cour relève que le jugement déféré comporte une motivation développée et qu’au surplus, la SCI [V] ET MOI n’indique pas à quelle prétention ou à quel moyen les premiers juges n’auraient pas répondu et ne caractérise au demeurant aucun grief concret.
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande d’annulation du jugement entrepris.
*Sur la demande d’extension de la procédure collective
L’article L 621-2 alinéa 2 du code de commerce énonce qu’à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. A cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent.
Les dispositions de cet article s’appliquent également en cas de liquidation judiciaire par renvoi de l’article L 641-1 du même code.
Il est constant que les deux critères principaux concernant la confusion des patrimoines, à savoir la confusion des comptes et les flux financiers anormaux sont alternatifs, étant précisé que la Cour de cassation a élargi la notion de flux financiers anormaux à celle de relations financières anormales.
Les relations financières anormales sont des transferts patrimoniaux effectués par action ou par abstention, l’anormalité résidant dans l’absence de contrepartie aux transferts patrimoniaux qui résultent de relations incompatibles avec des obligations réciproques normales.
Au cas présent, il convient de relever que Monsieur [O] [S] est associé majoritaire de la SAS GWDK qui exploite le restaurant et associé égalitaire de la SCI [V] ET MOI, avec son ex-compagne Madame [V] [D], propriétaire des locaux donnés à bail. Si cette situation de direction commune des deux sociétés, constitue un montage juridique commun, toutefois l’anormalité des relations financières est caractérisée lorsque le loyer manifestement excessif versé par la société commerciale à la SCI a été fixé, non pas en fonction de la valeur locative des lieux loués, mais en fonction des mensualités de l’emprunt remboursé par la SCI ou dans le seul but de récupérer le montant de l’investissement immobilier réalisé par celle-ci de sa demande en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
En l’espèce, aux termes du bail commercial du 17 novembre 2017, le montant du loyer versé par la SAS GDWK à la SCI [V] ET MOI a été fixé pour une surface de 265,13 m² (dont 96 m2 en tout de salles ) à la somme de 56.400 euros ht et hors charges par mois, soit 4.700 euros par mois.
Maître [Y], ès-qualités produit des annonces proposées par une agence immobilière spécialiste du local commercial à louer sur [Localité 7], et notamment une offre de local neuf équipé de restaurant pour un loyer annuel de 36.000 euros ht comparable aux locaux dont s’agit avec une salle de restauration de 100 m².
La SCI [V] ET MOI ne justifie d’aucun élément ayant commandé à la fixation du loyer tel que précité et ne communique pas non plus d’information sur le remboursement des mensualités de l’emprunt affecté à l’acquisition du local commercial.
Ainsi, il ressort des pièces que le loyer annuel a été ramené à 48.000 euros rétroactivement à compter du 1er février 2018 par avenant du 28 février 2019 non enregistré (soit 4.000 euros par mois) soit antérieurement à la période de pandémie COVID 19, puis à nouveau baissé à la somme de 35.000 euros par ans le 30 juin 2021.
De plus, par une assemblée générale extraordinaire du 9 avril 2021, les associés de la SCI [V] ET MOI, constatant une dette locative de la SAS GWDK au titre des loyers dus pour les années 2019, 2020 et 2021 pour un montant total de 115.000 euros, ont autorisé l’abandon pur et simple par la SCI [V] ET MOI d’une partie de la créance de loyers à hauteur de 48.000 euros, ramenant ainsi la dette locative de la SAS GWDK à la somme de 67.000 euros.
Ces réductions successives, outre l’annulation rétroactive de loyers sur l’année 2018 (donc indépendamment de toute crise sanitaire) démontrent que le montant du loyer facturé et versé par la SAS GWDK à la SCI [V] ET MOI était excessif depuis l’origine, étant souligné que la SAS GWDK a enregistré un bénéfice de 65.549 euros lors de l’exercice clos le 31 octobre 2021 et n’a justifié d’aucune contrepartie aux deux abandons de loyers.
Enfin l’examen de l’état du passif de la SAS GWDK révèle l’existence d’une créance déclarée de la SCI [V] ET MOI d’un montant global de 110.496 euros dont 106.039 euros de loyers et charges impayés sur la période 2019 à 2022 jusqu’à l’ouverture de la procédure collective.
La SCI [V] ET MOI ne prouve pas avoir initié une quelconque mesure de recouvrement de sa créance ou d’obtention de la résiliation du bail auprès de la SAS GWDK, cette dernière n’ayant que très partiellement procédé au règlement du loyer depuis 2018.
Cette situation est révélatrice de l’existence de relations incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales entre ces deux sociétés et d’une absence totale de contrepartie aux prestations intervenues entre ces deux sociétés. Par ailleurs, la créance de la SCI [V] ET MOI constitue la plus importante des créances déclarées au passif de la SAS GWDK (46%) ce que le dirigeant et associé commun de ces deux sociétés ne pouvait pas ignorer.
Le montant excessif du loyer fixé, le paiement partiel du loyer pourtant révisé à la baisse et l’absence de démarches actives pour recouvrer la créance ou obtenir la résiliation du bail caractérisent des relations financières anormales entre la SAS GWDK et la SCI [V] ET MOI justifiant une confusion des patrimoines.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, étant précisé que la confusion des patrimoines emporte la création d’une procédure collective unique avec une masse active et passive unique, de sorte que les personnes visées par l’extension de la procédure deviennent débitrices du passif commun.
Eu égard à la solution donnée au litige et à la nature de l’affaire, il convient de débouter la SCI [V] ET MOI de sa demande en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et d’ordonner l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande d’annulation du jugement formée par la SCI [V] ET MOI,
Confirme le jugement rendu le 3 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Troyes, en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Déboute la SCI [V] ET MOI de sa demande en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Ordonne l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de procédure collective.
Le greffier La présidente