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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022
(n° /2022, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/15325
N° Portalis 35L7-V-B7C-B54BY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2018 -Tribunal de commerce d’EVRY RG n° 2016L01535
APPELANTS
Madame [F] [G]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
née le 22 Juillet 1950 à MACEDO DE CAVALLEIROS (Portugal)
Monsieur [N] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le 28 Juillet 1981 à [Localité 9] (France)
Monsieur [C] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le 28 Juillet 1981 à [Localité 9] (France)
Représentés par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
INTIMES
Maître [X] [W] en qualité de Mandataire liquidateur de la SARL SBC
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Non assisté, non représenté
Madame [A] [L] épouse [S]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
née le 27 Mars 1962 à PENEDONO (Portugal)
Représentée par Me Marie-Dominique HYEST de la SCP COHEN-HYEST, avocat au barreau d’ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [V] [R] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRET :
– par défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Madame [F] [G] divorcée [D], appelée Madame [D] dans les pièces du marché et pour les besoins de la cause, a fait donation à ses deux fils, Monsieur [N] [D] et Monsieur [C] [D] chacun pour moitié, de la nue-propriété du pavillon à usage d’habitation dont elle est propriétaire [Adresse 1], selon acte authentique passé par devant Maître [E] [P], notaire associée à [Localité 8], le 27 décembre 2010, et ce en avancement de part successorale imputable sur la réserve des héritiers en application des dispositions de l’article 1077 du Code Civil.
Ella a déposé à la mairie de [Localité 10] le 4 août 2014, complétée le 24 septembre 2014, une demande de permis de construire pour une maison individuelle et/ou ses annexes, qui a été accordée par arrêté du maire en date du 27 octobre 2014 assortie des prescriptions énoncées à l’article 2.
Deux devis descriptifs ont été établis par la société SBC le 23 janvier 2015 portant l’un sur l’extension/surélévation d’une construction existante, tous corps d’état, au prix de 58 350 euros TTC et l’autre, sur des travaux de rénovation d’une construction existante, tous corps d’état, au prix de 65 000 euros TTC.
Trois contrats ont été émis par la société SBC en qualité de maître d’oeuvre’dont aucun exemplaire n’a été signé par le maître de l’ouvrage :
le 10 février 2015 pour des travaux de construction non décrits au contrat mais faisant référence aux plans et à la notice descriptive, au prix de 50 000 euros HT
le 14 février 2015 pour des travaux d’extension/surélévation et de rénovation au prix de 88 350 euros TTC pour la partie extension/surélévation + 65 000 euros TTC pour la partie rénovation,
le 14 février 2015 pour des travaux de construction au prix de 58 350 euros TTC pour la partie extension/surélévation + 35 000 euros TTC pour la partie rénovation (prix forfaitaire et définitif TVA calculée au taux en vigueur à la date de signature du contrat),
Une facture de 21 450 euros TTC a été acquittée par Madame [D] par virement bancaire à échéance au 22 mai 2015.
La société SBC a transmis à Madame [D] le 7 juillet 2015 une facture récapitulative des travaux afférents à la rénovation, à l’extension et à la plus value non prévue au contrat sollicitant, après déduction du règlement de 17 500 euros effectué le même jour, un restant dû de 32 500 euros.
Le 7 septembre 2015, la société SBC transmettait à Madame [D] un courrier signé «’ La Gérance’» au bas duquel est écrit manuscritement le nom «’ Tomo’», par lequel elle dénonçait l’impossibilité de parvenir à un accord sur le chantier, indiquant refuser pour l’avenir tout contact avec Madame [D] et demandant que les prochaines réunions se déroulent en présence de son fils à défaut de quoi le contrat serait annulé et les comptes établis entre les parties.
L’entreprise rappelait également dans le même courrier avoir été destinataire d’un chèque revenu impayé par le fait de la fausse déclaration de perte de chèque de l’acompte pour l’électricité d’un montant de 11 760 euros TTC. Elle en sollicitait le règlement sous 15 jours pour le redémarrage des travaux à défaut de quoi le contrat serait annulé définitivement.
Madame [D] a fait établir un constat de l’état du chantier par acte d’huissier du 23 septembre 2015.
Elle a sollicité un rapport de visite d’un architecte qui a été établi le 26 novembre 2015.
Par lettre du 4 février 2016 la société SBC informait le conseil de Madame [D] de la cessation de son activité au 31 décembre 2015 par suite de son dépôt de bilan.
Sur autorisation du président du Tribunal de Grande Instance de Créteil en date du 29 janvier 2016, Madame [D] a été autorisée à assigner d’heure à heure la société SBC et Madame [A] [L] [S] pour le 9 février 2016.
Par ordonnance de référé du 15 février 2016, rendue à la requête de Madame [G], le Président du Tribunal de Grande Instance de Créteil désignait Monsieur [U] [I] en qualité d’expert aux fins de décrire les malfaçons, non conformités et inachèvements allégués en détailler l’origine et les conséquences, dire si les travaux ont été exécutés conformément aux règles de l’art et donner son avis sur les solutions appropriées, les préjudices et les coûts induits par ces désordres.
Sur la requête des consorts [G] et [D], le Président du tribunal de Commerce d’Evry les a autorisés, par ordonnance du 24 mai 2016, à inscrire une hypothèque provisoire sur le bien immobilier cadastré section [Cadastre 6] pour une contenance de 4 ares 19 centiares, situé [Adresse 5] pour sûreté et conservation de la somme de 100 000 euros.
Cette ordonnance a été signifiée à Madame [A] [L] épouse [S] par exploit délivré le 9 juin 2016 dans les conditions fixées par les articles 656 et 658 du code de procédure civile, l’inscription ayant été publiée et enregistrée le 3 juin 2016 au Service de la Publicité Foncière de [Localité 7] 2.
Un accord a été signé le 21 juin 2016 entre Monsieur [K] [J] [S], Madame [A] [L] son épouse, gérante de société, pour que soit consignée entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau du Val de Marne une somme de 100 000 euros à valoir sur le produit de la vente du bien immobilier sis [Adresse 5] jusqu’au règlement de la procédure opposant le créancier et que dès réalisation de cette consignation, la main levée entière et définitive de l’inscription d’hypothèque soit donnée.
L’expert a organisé une réunion sur place le 11 mars 2016 et adressé une note aux parties le 15 mars 2016.
Le 2 août 2016 le conseil des consorts [G] et [D] informait l’expert que compte tenu de l’impécuniosité de la société SBC ils n’entendaient pas poursuivre les opérations d’expertise.
L’expert a déposé son rapport en l’état le 10 septembre 2016.
Maître [X] [W] désigné en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société SBC par le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 14 mai 2018, a écrit au conseil de Madame [G] le 5 juillet 2018 que le dossier étant sans incidence sur la procédure collective notamment à l’égard des créanciers, il n’envisageait pas de se faire représenter à la procédure.
Par actes du 29 juin et du 1er juillet 2016 délivrés à l’encontre de Madame [A] [L] épouse [S] et la société SBC prise en la personne de Maître [X] [W] en sa qualité de mandataire liquidateur ont saisi le tribunal de commerce d’Evry aux fins en substance’:
– à titre principal, de voir prononcer la nullité des trois contrats pour défaut de pouvoir
à titre subsidiaire, de voir prononcer la nullité de l’opération de rénovation, extension, surélévation, au titre des trois contrats, aux motifs du non respect des dispositions des articles L 232-1, L 232-2 et L 241-1 du code de la construction et de l’habitation, faute de souscription d’un contrat de louage d’ouvrage
à titre encore plus subsidiaire, ordonner la résolution de ces mêmes contrats sur le fondement de l’exception d’inexécution
fixer leur créance au passif de la société SBC à hauteur de 86 207,50 euros
condamner Madame [A] [L] épouse [S] à ce paiement au vu des fautes séparables de sa fonction de gérance qui lui sont imputables et engagent sa responsabilité
la condamner au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens et le coût de l’inscription d’hypothèque provisoire et le cas échéant définitive
ordonner l’exécution provisoire
Le jugement prononcé le 14 mai 2018 a’:
Dit valable en la forme les contrats du 10/02/2015 et du 14/02/2015 signés entre Madame [G] et la société SBC, la première ayant capacité à agir
Débouté Madame [G] et Messieurs [N] et [C] [D] de leur demande de nullité des contrats du 10 février et du 14 février 2015 au visa de l’article L 232-1 du Code de la construction et de l’habitation
Prononcé la résolution judiciaire desdits contrats
Fait droit à la demande de fixation de la créance de 86 207,50 euros au passif
Débouté Madame [G] et Messieurs [N] et [C] [D] de leur demande de paiement d’une indemnité de loyer de 985 euros par mois, de leurs demandes en paiement des dépens des deux instances en référé ayant abouti à la désignation de l’expert judiciaire, des honoraires de l’expert, du coût de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire et son éventuelle conversion en hypothèque judiciaire définitive et de leur demande d’exécution provisoire
Employé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Pour se déterminer ainsi le tribunal a’:
visant la capacité à agir de Madame [G] et l’article 2275 du Code civil, retenu que la société SBC au vu des éléments communiqués par la première, avait tous les éléments lui permettant de croire en sa qualité à agir
visant l’article L 232-1 du Code de la construction et de l’habitation, retenu que la description des travaux donnée au permis de construire ne correspond pas à celle de la construction d’une maison individuelle
visant l’article 1184 du Code civil, retenu l’existence de désordres incompatibles avec la tenue d’un chantier de travaux du bâtiment, dit que la somme globale de 86 207,50 euros perçue par la société SBC correspondant à 57 % de l’avancement des travaux n’est pas conforme avec l’état d’avancement du chantier et dit la résolution des contrats fondées, la société SBC étant dans l’incapacité de traiter correctement le chantier
sur la responsabilité personnelle de Madame [A] [L] épouse [S] dit que la preuve d’une faute détachable, intentionnelle, d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice des fonctions de gérant n’est pas rapportée ni celle du lien de causalité entre une faute délictuelle et le préjudice invoqué.
Dit que les mesures demandées avant tout procès sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile sont à la charge de celui qui les sollicite et en bénéficie, la partie défenderesse ne pouvant être considérée comme perdante compte tenu du dépôt du rapport d’expertise en l’état les demandeurs n’ayant pas opté pour la poursuite des investigations de l’expert.
Madame [F] [G], Messieurs [N] et [C] [D] ont interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 18 juin 2018.
La déclaration d’appel a été signifiée à la société SBC prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître [X] [W] le 20 juillet 2018 et les conclusions d’appel signifiées le 30 août 2018.
Maître [W] en cette qualité n’a pas constitué avocat dans les délais impartis.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 9 septembre 2019 Madame [F] [G], Messieurs [N] et [C] [D] demandent à la cour de’:
Les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes
Déclarer Madame [M] mal fondée en toutes ses contestations et demandes incidentes et l’en débouter
Infirmer le jugement entrepris
Statuant à nouveau,
Vu les dispositions des articles 1108, 1119, 1184, 1304 et 1382 du Code civil
Vu les dispositions de l’article L 223-22 du Code de commerce
Vu les dispositions de l’article L 112-6 du Code Monétaire et Financier
Vu les dispositions des articles L 232-1, L 232 et L 241-1 du Code de la construction et de l’Habitation
A titre principal,
Prononcer la nullité des trois contrats souscrits par Madame [F] [O] pour défaut de pouvoir
A titre subsidiaire,
Constater que l’opération de rénovation, extension, et surélévation du pavillon sis [Adresse 1] en ce qu’elle avait pour objet l’exécution de travaux de gros ‘uvre, de mise hors d’eau et hors d’air d’un immeuble à usage d’habitation ne comportant pas plus de deux logements, n’a pas fait l’objet de la souscription d’un contrat de louage d’ouvrage conforme aux dispositions des articles L 232-1 et L 232-2 du Code de la construction et de l’habitation alors qu’elle entre dans le champ d’application du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans
Prononcer en conséquence l’annulation des trois contrats à la date du 14 février 2015 aux torts exclusifs de la société SBC
A titre plus subsidiaire encore,
Confirmer la décision des premiers juges quant à la résolution de ces mêmes contrats sur le fondement de l’exception d’inexécution
En tout état de cause,
Confirmer la décision des premiers juges s’agissant de la fixation au passif de la société SBC de la créance des appelants à la somme de 86 207,50 euros montant des versements effectués
Constater par ailleurs que Madame [A] [M] épouse [S] a commis des fautes séparables de ses fonctions de gérante et engagé sa responsabilité
La condamner à payer à Madame [F] [G], Messieurs [N] et [C] [D]’:
la somme de 86 207,50 euros indûment perçue par la société SBC
une somme rigoureusement équivalente au montant total des loyers qu’ils ont dû acquitter inutilement depuis décembre 2015 jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir, augmentée d’une durée d’une année, délai nécessaire à la reprise et à l’achèvement de l’ouvrage
une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles
les entiers dépens dont ceux des deux instances en référé ayant eu pour objet la désignation d’un expert, ses honoraires, le coût de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire et son éventuelle conversion en hypothèque judiciaire définitive.
SUR QUOI,
LA COUR’:
1-La nullité du contrat pour «’défaut de pouvoir’» de Madame [F] [D] usufruitière de l’ouvrage
Les appelants font valoir que les juges se sont basés sur les articles 2274 et 2275 du Code civil qui sont sans rapport avec le fondement du litige, que l’usufruitier a, aux termes de l’article 578 du Code civil, la charge de conserver la substance de la chose et qu’en vertu des dispositions de l’article 1119 du même code, ensuite des conditions essentielles à la validité d’une convention énoncées par l’article 1108 du code civil, on ne peut stipuler que pour soi-même.
Ils infèrent de ces dispositions que la société SBC en sa qualité de professionnelle avait l’obligation de s’assurer de la qualité de son cocontractant pour s’engager, que la participation sans réserve des nus-propriétaires aux opérations d’expertise ne saurait faire présumer leur accord antérieur au contrat au vu de leur ampleur rendant nécessaires leur participation et qu’aucun aveu ne peut leur être opposé si ce n’est dans l’imaginaire de Madame [M].
Madame [S] oppose que la SARL SBC n’a jamais été informée de la qualité d’usufruitière de Madame [D] laquelle a donc commis une réticence dolosive dans le but de signer le contrat litigieux et que les nus-propriétaires, qui ont participé sans réserve aux opérations d’expertise et n’ont pas sollicité la nullité des contrats, ont accepté leur validité dont ils n’ont pas discuté le bien fondé en droit ni soutenu l’absence de capacité de leur mère alors que l’arrêté de permis de construire et les plans ont été établis au seul nom de Madame [D] qui a été présentée à l’huissier par son fils comme étant propriétaire de la maison.
Elle souligne en outre que l’article 599 du code civil n’interdit pas que l’usufruitier procède à des travaux de rénovation et d’extension dès lors que la substance du bien est conservée, que la jurisprudence citée par les appelants vise le cas d’un bail commercial consenti par un usufruitier lequel précisément a altéré la substance du bien initialement à usage d’habitation.
Elle soutient également que les appelants confondent à dessein le défaut de pouvoir et la capacité de contracter, pour tromper la religion de la cour alors que la difficulté de l’affaire ne réside pas dans les conditions de validité du contrat mais dans l’étendue des droits de Madame [D] au regard de l’article 578 du code civil.
Réponse de la cour’:
Les dispositions de l’article 578 du Code civil définissent l’usufruit comme : «’ le droit de jouir des choses comme le propriétaire lui-même mais à charge d’en conserver la substance’» et, selon les dispositions de l’article 599 alinéa 1et 2 du même code’: «’ Le propriétaire ne peut, par son fait ni de quelque manière que ce soit, nuire au droit de l’usufruitier.’ De son côté, l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée.»
Il suit de ces textes que l’usufruitier dispose sur le bien objet de son usufruit des plus larges prérogatives actives, à charge d’en conserver la substance et d’en respecter la destination.
Ces prérogatives emportent le droit de construire dès lors que cette construction n’altère pas la substance du terrain et le droit d’agrandir et de procéder aux travaux de rénovation du bien à charge d’en conserver la substance et d’assumer le coût exclusif des dépenses exposées sans recours contre les nus-propriétaires.
Par conséquent c’est avec raison que l’intimée souligne que la capacité de contracter de Madame [D] est inutilement remise en cause par les appelants tandis que la connaissance par les nus-propriétaires des opérations d’agrandissement et de rénovation du pavillon dont Madame [D] a conservé l’usufruit et leur acceptation ou non de ces mêmes travaux, est sans emport sur le pouvoir de l’usufruitière dont nul ne conteste que les travaux d’extension et de rénovation du bien entrepris n’ont porté aucune atteinte à la substance de celui-ci cependant qu’aucune réticence dolosive ne peut être imputée à Madame [D] quant au fait de n’avoir pas exposé à la SARL SBC sa qualité d’usufruitière, celle-ci étant sans incidence sur son droit à procéder aux travaux litigieux tandis que cette dernière n’avait pas à se livrer à des vérifications plus amples que celles résultant du permis de construire délivré à Madame [D] en sa qualité de maître de l’ouvrage.
Par conséquent et par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit valable de ce chef les contrats du 10 février 2015 et du 14 février 2015 signés par Madame [D].
2- La nullité des contrats au regard de la violation des dispositions de l’article L 232-1 du Code de la construction et de l’habitation
Les appelants soutiennent que les travaux visés dans les contrats correspondent bien à la définition de l’article L 231-1 du Code de la construction et de l’habitation ainsi qu’à la demande de permis de construire qui vise à la fois la réalisation d’une nouvelle construction et les travaux sur construction existante ; que contrairement à ce qui a été jugé, seule la nature des travaux engagés permet de distinguer ceux qui ressortissent des dispositions impératives des articles L 232-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et que le législateur n’a pas exclu que ces dispositions puissent s’appliquer à une opération d’envergure telle qu’elle puisse être assimilée à la construction d’une maison individuelle.
Ils se prévalent de la violation des dispositions de l’article L 232-1 du code de la construction et de l’habitation pour soutenir la nullité des contrats requalifiés en contrats de construction de maison individuelle par le fait qu’aucun des contrats ne comporte l’engagement de l’entrepreneur de fournir au plus tard à la date d’ouverture du chantier la justification de la garantie de livraison alors que la notice d’information conforme au modèle-type agréé visé à l’article L 231-9 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été jointe au contrat.
L’intimée oppose que Madame [D] n’a pas entrepris la construction d’une maison individuelle sans fourniture de plans mais qu’elle a procédé à des travaux de rénovation, d’extension et de surélévation de sa maison de sorte que les dispositions particulières du code de la construction et de l’habitation n’ont pas vocation à s’appliquer de même que la notice d’information tandis que seule la résiliation et non la nullité serait en toute hypothèse encourue, une remise en état de l’ouvrage étant en effet impossible.
Réponse de la cour’:
Le contrat de construction de maison individuelle est défini par les dispositions de l’article L 231-1 du Code de la construction et de l’habitation au Titre troisième Construction d’une Maison Individuelle et Chapitre premier Contrat de Construction de Maison Individuelle avec Fourniture du Plan en ces termes’:
Art. L. 231-1 ”'(L.’no’90-1129’du 19 déc. 1990,’art. 1er)”«’Toute personne qui se charge de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage d’après un plan qu’elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l’ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l’article L. 231-2.
Cette obligation est également imposée :
a) A toute personne qui se charge de la construction d’un tel immeuble à partir d’un plan fourni par un tiers à la suite d’un démarchage à domicile ou d’une publicité faits pour le compte de cette personne ;
b) A toute personne qui réalise une partie des travaux de construction d’un tel immeuble dès lors que le plan de celui-ci a été fourni par cette personne ou, pour son compte, au moyen des procédés visés à l’alinéa précédent.
Cette personne est dénommée constructeur au sens du présent chapitre et réputée constructeur de l’ouvrage au sens de l’article 1792-1 du code civil”(Abrogé par’Ord.’no’2020-71’du 29 janv. 2020,’art. 4 et 8,’à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 1er’juill. 2021) «reproduit à l’article L. 111-14».
Les dispositions de l’article L 231-2 visent les énonciations devant figurer au contrat relativement à la consistance et aux caractéristiques du bâtiment à construire, au coût de la construction, à l’indication de l’obtention du permis de construire, à la date d’ouverture du chantier, au délai d’exécution des travaux et aux pénalités prévues en cas de retard de livraison'(art. R. 231-14 ), à la référence à l’assurance de dommages souscrite par le maître de l’ouvrage, en application de l’article L. 242-1 du Code des assurances ainsi qu’aux justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat.
Les dispositions de l’article L 232-1 au Chapitre II définissent le Contrat de Construction de Maison Individuelle sans Fourniture du Plan.
En outre les dispositions des articles L 241-1 à L 241-9 du Titre Quatrième Dispositions Communes Diverses énoncent au Chapitre premier les dispositions pénales qui sanctionnent la violation de certaines dispositions du même code.
Le contrat de louage d’ouvrage et d’industrie, également appelé contrat d’entreprise, est défini par les dispositions de l’article 1710 du Code civil comme : «’ un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles.’»
Il résulte de ces dispositions lues ensemble, que l’obligation de conclure un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) vise tout constructeur se chargeant de l’exécution de la totalité des travaux de mise hors d’eau (couverture et étanchéité) et hors d’air (portes et fenêtres) avec ou sans fourniture de plan, le contrat d’entreprise ou marché de travaux pouvant être conclu si aucun des entrepreneurs concernés ne se charge de la totalité des travaux de gros ‘uvre, de mise hors d’eau et hors d’air.
En l’espèce la société SCB a été chargée par Madame [D] ensuite des contrats du 10 et du 14 février 2015 de l’exécution de travaux d’extension et de rénovation d’un bâtiment existant au vu d’une notice descriptive et de plans.
Le permis de construire accordé le 27 octobre 2014 précise qu’il s’agit de travaux sur construction existante comme le relève avec raison le tribunal s’agissant en l’espèce de l’extension d’un pavillon avec création d’un étage à la place du grenier et construction d’une annexe à cette habitation en fond de parcelle.
Par conséquent ces contrats ne sont pas assimilables à un CCMI avec ou sans fourniture plans mais à un contrat de louage d’ouvrage et ne peuvent donner lieu à l’application des dispositions de l’article L 232-1 du Code de la Construction et de l’Habitation.
Le jugement donc sera confirmé de ce chef.
3- La résolution des contrats pour inexécution imputable à la société SBC
Les appelants invoquent l’exception d’inexécution imputable à la société SBC au visa des dispositions de l’article 1184 du Code civil au vu des manquements caractérisés de la société intimée aux règles de l’art qu’ils ne caractérisent pas, sollicitant la confirmation du jugement de ce chef et soulignant que l’intimée ne saurait prétexter n’avoir pas été complètement réglée de ses situations de travaux pour justifier son abandon du chantier alors que les constatations cumulatives de l’expert judiciaire et de l’architecte démontrent que la plupart des travaux réalisés sont affectées de graves malfaçons et/ou de non conformité contractuelles.
L’intimée souligne que le jugement a mal évalué les éléments de la cause, que l’expertise judiciaire n’a pas été menée à son terme, un rapport de carence ayant été rendu par le fait des appelants sans que la société intimée ait pu faire valoir ses observations et alors qu’un chèque en paiement de ses prestations est revenu impayé. Elle souligne qu’il appartenait aux appelants de faire fixer contradictoirement le montant éventuel de leur préjudice financier, ce qu’ils n’ont pas fait et que ceux-ci ne produisent aucune pièce justifiant du quantum de leur préjudice alors que la société intimée a bien posé la charpente avec comble perdu conformément au permis de construire, aucun préjudice n’est chiffré.
Réponse de la cour’:
Selon les dispositions de l’article 1184 du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige’: «’ Dans les contrats synallagmatiques la condition résolutoire est toujours sous-entendue pour le cas où l’une des parties ne satisferait pas à son engagement’». L’exception d’inexécution tirée de ce principe est le droit pour une partie de suspendre l’exécution de ses obligations tant que son cocontractant n’a pas exécuté les siennes.
Madame [D] a pris l’initiative de faire dresser un constat de l’état du chantier par maître [Z], huissier au [Localité 8], le 23 septembre 2015 et a requis l’avis de l’architecte Monsieur [B] [Y] qui a visité le chantier le 26 novembre 2015.
Il n’est pas établi que la société SBC ait été convoquée lors du constat et de la visite de l’architecte auxquels elle n’était pas présente.
L’huissier a constaté que le chantier était en cours de réalisation et y a joint des photographies des ouvrages.
L’architecte, dans son rapport de visite, indique que les travaux ne sont pas conformes aux règles de l’art faute d’avoir assuré la solidité de l’ouvrage, que la construction n’est pas conforme à la réglementation relative au Code de la construction et de l’habitation, que la solidité de l’ouvrage n’est pas assurée et que de nombreuses prestations commandées n’ont pas été respectées.
Ce constat et ce rapport, au demeurant non contradictoirement établis à l’égard de la société SBC, ne caractérisent pas les désordres de manière précise et ne peuvent donc suffire à servir l’exception d’inexécution invoquée.
L’expert judiciaire a organisé une réunion sur place le 11 mars 2016 et adressé une note aux parties le 15 mars 2016.
Après avoir fait le constat de l’état d’avancement du chantier et examiné les pièces communiquées il a conseillé à Madame [O] et à Messieurs [D] de s’adjoindre un maître d’oeuvre, (architecte ou bureau d’études) afin d’organiser les sondages et différentes investigations nécessaires à l’analyse des désordres contradictoirement, invitant les parties sous un mois à lui faire connaître leur inrention quant à la poursuite des opérations d’expertise.
Le 2 août 2016 le conseil des consorts [G] et [D] informait l’expert que compte tenu de l’impécuniosité de la société SBC ils n’entendaient pas poursuivre les opérations d’expertise.
L’expert judiciaire a déposé un rapport de carence au vu du choix exprimé par les appelants.
Ce rapport décrit le chantier en cours d’exécution lot par lot et constate’:
des malfaçons affectant la charpente : poutres affaiblies par des percements, transmission de charges non correctement effectuées
des malfaçons affectant les murs porteurs’: linteaux ne reposant pas dans la maçonnerie, parois supportant une partie de l’étage non conforme,
une absence de pose des coffres des volets roulants,
une mise hors d’air non effectuée.
Cependant les constatations de l’expert ne permettent pas de caractériser le ou les dommages imputables aux désordres, les appelants n’ayant pas donné suite aux investigations préconisées par l’expert pour apprécier la nature et l’étendue des malfaçons décrites et les travaux nécessaires à leur reprise, de sorte qu’aucun préjudice réparable quantifiant la perte effective subie par les appelants, en conséquence des paiements acquittés et des réparations à entreprendre, n’est démontré.
Contrairement à ce qui a été jugé, en l’absence de preuve du préjudice réparable causé par les désordres il n’existe donc pas au dossier d’éléments permettant de retenir que la somme globale de 86 207,50 euros reconnue comme ayant été perçue par la société SBC, ne correspond pas à l’état d’avancement du chantier invoqué par le constructeur à hauteur de 57 %.
Cependant aucune justification n’est produite relativement aux raisons ayant conduit à l’abandon du chantier par la société SBC, l’intimée affirmant sans étayer son moyen, que Madame [D] serait devenue agressive, que les consorts [D] auraient interdit l’accès du chantier à la société SBC ce que rien n’établit quand par ailleurs aucune pièce, constat d’huissier, sommation interpellative, compte-rendu de chantier, ne vient démontrer la volonté de la société SBC de poursuivre et de finaliser le marché ayant pourtant été réglée de ses situations à hauteur de 57 % des travaux prévus au marché.
L’abandon du chantier imputable à la SARL SBC constitue donc un motif grave qui fonde l’exception d’inexécution invoquée et justifie le prononcé de la résolution des contrats aux torts exclusifs de la société SBC.
De ce chef, par substitution de motifs, le jugement sera confirmé.
4-Les préjudices
Les appelants exposent qu’aucune entreprise n’acceptera d’achever le chantier en l’état des graves malfaçons qui l’affectent car s’il en était autrement elle endosserait la responsabilité des malfaçons et qu’ils se trouvent ainsi contraints de continuer à payer un loyer dont le montant actuel est de 985 euros par mois alors qu’ils ne disposent pas des fonds nécessaires pour leur permettre de reprendre le chantier.
Ils soulignent qu’ils n’avaient pas les moyens de s’adjoindre un maître d’oeuvre alors que l’expert devait simplement donner son avis sur les devis qui peuvent lui être fournis de sorte qu’il ne peut leur être reproché de n’avoir pas donné suite à l’expertise.
Ils demandent la confirmation du jugement qui a fixé leur créance à la somme de 86 207,50 euros mais l’infirmation de la décision sur le rejet de leur demande de remboursement du loyer mensuel qu’ils sont contraints d’exposer depuis le mois de décembre 2015, ne pouvant occuper leur logement principal tant que les travaux ne sont pas achevés.
L’intimée oppose, sur le loyer dont le remboursement est demandé, que celui-ci est la contre-partie de l’occupation d’un logement et ne peut donner lieu à préjudice dans le principe et ce d’autant que le contrat de bail a été conclu au seul nom de [C] [D].
Elle fait valoir que la somme de 86 207,50 euros n’a pas été indument perçue, qu’elle correspond à des prestations réalisées par la société SBC et que les appelants ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude, étant à ce jour dans l’impossibilité de chiffrer leur préjudice par leur propre fait.
Réponse de la cour’:
Selon les dispositions de l’article 1149 du Code civil’: «’ Les dommages et intérêts dus au créancier s’entendent en général de la perte faite et du gain dont il a été privé.’»
Il a été vu que les constatations de l’expert ne permettent pas de caractériser un dommage certain à raison des désordres et que la preuve d’un préjudice réparable à raison de ceux-ci n’est pas rapportée.
Cependant, les pièces produites établissent que Madame [D] et ses deux fils habitent à la même adresse, chez Monsieur[C] [D], [Adresse 2]. Les quittances de loyers produites entre le 1er avril 2015 jusqu’au mois de juin 2018 mentionnent un loyer de 985 euros par mois tandis que l’abandon du chantier a mis les appelants dans l’impossibilité d’emménager dans l’immeuble dont les travaux sont inachevés par le fait de l’abandon du chantier imputable à la société SBC.
Par conséquent les appelants sont fondés à demander la fixation de leur créance à hauteur de 985 euros par mois au titre des loyers acquittés à compter de l’abandon du chantier au mois de septembre 2015, jusqu’au prononcé du jugement rendu le 14 mai 2018, majoré d’une année, délai minimum nécessaire à la reprise et à l’achèvement de l’ouvrage représentant la somme globale de 985 x 33 mois soit 32 505 euros.
De ce chef le jugement sera infirmé.
5- La responsabilité personnelle de la gérante Madame [M] épouse [S]
Les appelants soutiennent que la gérante a commis à titre personnel au moins deux infractions pénales lesquelles, même non poursuivies, n’empêchent pas de caractériser la faute comme étant d’une gravité incompatible avec l’exercice de ses fonctions sociales, s’agissant de l’acceptation du versement d’argent par la société SBC avant la signature d’un contrat, non conforme aux prescriptions de l’article L 232-2 du Code de la construction et de l’habitation et de l’absence de garantie de livraison. Ils soulignent que ces fautes ont des conséquences catastrophiques et que la perception d’espèces, non contestée par l’intimée, en violation de l’article L 112-6 du code monétaire et financier est bien une faute détachable des fonctions de gérant qui a contribué à fragiliser la trésorerie de la société en ne lui permettant plus de faire face à ses paiements. Ils produisent de la jurisprudence allant selon eux dans le sens de la reconnaissance de la faute personnelle du gérant en particulier lorsque celui-ci manque à son obligation de souscrire une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs.
L’intimée fait valoir que l’article L 223-22 du Code de commerce vise la mise en ‘uvre de la responsabilité du gérant dans des conditions strictes déterminées par la loi, que les demandes concernent de prétendues malfaçons commises par la SARL SBC et ne correspondent donc pas aux cas déterminés par la loi à savoir : l’infraction aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux SARL, la violation des statuts et les fautes commises dans la gestion.
S’agissant de la remise d’espèces, ils soutiennent que les dispositions de l’article L 241-1 du Code de la construction et de l’habitation ne sont applicables que devant le juge pénal, que ces sommes ont en tout état de cause été comptabilisées et qu’aucun détournement n’est argué à l’encontre de la société SBC.
Sur le non respect des dispositions de l’article L 112-6 du Code monétaire et financier, elle observe que les appelants ne qualifient pas la prétendue faute personnelle imputable à la gérante ni le préjudice en découlant, que le tribunal correctionnel n’a jamais été saisi et qu’aucune infraction ne lui a été reprochée tandis que Madame [S] reconnaît avoir reçu la somme alléguée par les appelants et que celle-ci de manière constante a bien été encaissée par la société SBC.
Réponse de la cour’:
Les dispositions de l’article L 223-22 du code de commerce énoncent en leur alinéa 1 que’: «’ Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.’»
Selon les dispositions de l’article L 241-1 du Code de la construction et de l’habitation’: «’ Toute personne qui aura exigé ou accepté un versement, un dépôt de fonds, une souscription ou une acceptation d’effets de commerce en violation des dispositions des’articles L. 212-10, L. 212-11,’L. 213-9,’L. 222-5’et du paragraphe II de’l’article L. 231-4’sera punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 9 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement.’»
Selon les dispositions de l’article L 112-6 du Code monétaire et financier’en leur alinéa 1′: «’ I. ‘ Ne peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique le paiement d’une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur, de la finalité professionnelle ou non de l’opération et de la personne au profit de laquelle le paiement est effectué.’»
Les dispositions de l’article D 112-3 du même code fixent ce montant, lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d’une activité professionnelle, à 1 000 euros pour les paiements effectués en espèces et à 3 000 euros pour les paiements effectués au moyen de monnaie électronique.
Il suit de ces textes lus ensemble, que le gérant d’une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice.
Il sera liminairement observé qu’il n’est en l’espèce pas excipé d’une faute imputable à la gérance au motif du défaut de souscription d’une assurance garantissant la responsabilité décennale du constructeur quand au demeurant les désordres invoqués, survenus avant réception, n’ont pas vocation à entrer dans le cadre de la garantie légale due par le constructeur pour les désordres visés à l’article 1792 du Code civil et dénoncés dans le délai de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage.
Il est par ailleurs établi et non contesté par l’intimée que des sommes ont été acquittées en espèces par Madame [D] à la société SBC, cependant l’infraction aux dispositions de l’article L 241-1 et 232-2 précitées qui renvoient aux dispositions de l’article L 231-4 lesquelles ressortissent du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, inapplicable au cas d’espèce, ne peuvent valablement être invoquées.
Il n’est pas contesté par la gérante Madame [S] que celle-ci ait reçu de Madame [D] pour paiement des travaux une somme en espèces d’un montant supérieur à 1 000 euros cependant les dispositions de l’article L 112-16 et D 112-3 du Code monétaire et financier ne sont applicables ensuite du III de l’article L 112-6, qu’aux paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s’obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement or, si aucune des parties ne fait référence dans le corps de ses écritures à un montant précis, le tribunal n’ayant lui-même pas précisé dans ces motifs le montant des espèces dont il retient qu’elles ont été perçues mais n’ont pas eu une influence directe sur le préjudice, il apparaît que Madame [D] a remis à la société SBC un chèque de 11 760 euros émis le 14 mai 2015 par une dénommée Madame [O], dont le paiement a été rejeté et qui a suscité une mise en demeure de régler de la part de la société SBC le 7 septembre 2015.
Par conséquent il n’est pas démontré que les conditions d’application de l’interdiction des paiements en espèces posées par l’article L 112-16 précitées aient été remplies à l’égard des appelants et à supposer même qu’elles le fûssent, dès lors que la responsabilité civile de la gérante ne peut être engagée qu’à l’égard des tiers auxquels cette faute a porté préjudice, en l’absence de démonstration d’un préjudice imputable au versement d’espèces, les appelants sont en tout état de cause infondés en leur demande de dommages et intérêts.
De ce chef et par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées par les appelants au titre de la responsabilité personnelle de la gérante de la société SBC.
6- Les frais irrépétibles et les dépens
Les appelants demandent condamnation des intimés aux dépens en ce compris les frais des deux instances de référé et le coût de l’inscription judiciaire provisoire d’hypothèque ainsi que son éventuelle conversion.
La société SBC prise en la personne de son mandataire liquidateur succombant en cause d’appel, les entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais exposés en référé et le coût de l’inscription judiciaire provisoire d’hypothèque et de son éventuelle conversion, seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire outre une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par les appelants en cause d’appel.
De ce chef le jugement qui n’a retenu au titre des dépens que les frais exposés en première instance devant le tribunal de commerce d’ Evry sera infirmé.
Madame [S] sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement sur la nature et sur le montant de la créance de Madame [F] [G] divorcée [D], de Monsieur [N] [D] et de Monsieur [C] [D] à l’égard de la SARL SBC représentée par Maître [X] [W] en sa qualité de mandataire liquidateur et sur les dépens’;
Statuant à nouveau de ces seuls chefs,
FIXE la créance de Madame [F] [G] divorcée [D], de Monsieur [N] [D] et de Monsieur [C] [D]’au titre des loyers acquittés par eux à la somme globale de 32 505 euros’;
DIT que les entiers dépens en ce compris les frais des deux instances de référé et le coût de l’inscription judiciaire provisoire d’hypothèque ainsi que son éventuelle conversion seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire’;
Y ajoutant,
FIXE la créance de Madame [F] [G] divorcée [D], de Monsieur [N] [D] et de Monsieur [C] [D]’au titre des frais irrépétibles exposés en appel à la somme de 5 000 euros’;
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions’;
La Greffière La Présidente