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COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Cassation
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 584 F-B
Pourvoi n° Y 19-21.418
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021
La société Union Tank Eckstein GmbH & Co KG, dont le siège est [Adresse 1] (Allemagne), a formé le pourvoi n° Y 19-21.418 contre l’arrêt rendu le 10 avril 2019 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l’opposant à la société Transports Couteaux – Les Cars du Hainaut, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Union Tank Eckstein GmbH & Co KG, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Transports Couteaux – Les Cars du Hainaut, après débats en l’audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 10 avril 2019), par des contrats des 10 janvier et 6 février 1996, la société Union Tank Eckstein (la société UTA) a mis à la disposition de la société Transport Couteaux – Les Cars du Hainaut (la société Transport Couteaux) diverses cartes lui permettant de procéder à des paiements de fourniture de carburant, de péages autoroutiers et d’autres prestations de services, auprès de stations-service et d’instances partenaires, ces achats et prestations de services étant préfinancés puis facturés bimensuellement par la société UTA.
Dans la nuit du 29 au 30 septembre 2012, plusieurs autocars de la société Transports Couteaux, stationnés sur le parking de son dépôt, ont été visités et des cartes UTA ont été dérobées.
La société Transport Couteaux ayant refusé de s’acquitter du montant des opérations réalisées, postérieurement au vol, au moyen de ces cartes, la société UTA l’a assignée en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société UTA fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande [en paiement de la somme de 21 029,91 euros au titre des factures de prestations de services réalisées par l’intermédiaire des cartes de services UTA], alors « que la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur exclut de son champ d’application, en son article 3.k, les services fondés sur des instruments qui ne peuvent être utilisés qu’ “à l’intérieur d’un réseau limité de prestataires de services ou pour un éventail limité de biens ou de services” ; que les articles 60 et 61 de cette directive relatifs aux responsabilités respectives du prestataire de services de paiement et du payeur en cas d’opérations de paiement non autorisées, transposés en France aux articles L. 133-18 et L. 133-19 du code monétaire et financier, ne s’appliquent donc pas aux services relevant de l’exception consacrée par l’article 3.k ; que cette exception a été transposée en France à l’article L. 521-3, I, du code monétaire et financier ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que la société UTA relevait de l’exception codifiée à l’article L. 521-3, I e du code monétaire et financier, la cour d’appel a considéré qu’elle était néanmoins tenue d’appliquer les dispositions de l’article L. 133-19 du code monétaire et financier ; qu’en statuant ainsi, lorsqu’elle aurait à l’inverse dû en déduire que la société UTA échappait au régime de responsabilité mis en place par la directive 2007/64/CE, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 133-19 du code monétaire et financier, ensemble L. 521-3,I, du même code, dans leurs rédactions applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
3. La société Transports Couteaux conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit. Elle fait valoir que la société UTA n’a pas soutenu devant la cour d’appel que le législateur français aurait mal transposé la directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 en n’excluant pas expressément du champ d’application de l’article L. 133-19 du code monétaire et financier les services fondés sur des instruments qui ne peuvent être utilisés qu’à l’intérieur d’un réseau limité de prestataires de services ou pour un éventail limité de biens ou de services.
4. Cependant, la société UTA ayant soutenu, devant la cour d’appel, que, si elle était autorisée à fournir des services de paiement en application de la dérogation prévue par l’article L. 521-3 du code monétaire et financier, cette dérogation ne la soumettait pas pour autant aux dispositions des articles L. 133-1 et suivants de ce code.
5. Le moyen, qui n’est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 133-1, L. 133-19 et L. 521-3, I, du code monétaire et financier :
6. Si, selon le troisième de ces textes, par exception au monopole des prestataires de services de paiement, une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement, ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette entreprise n’appartient pas pour autant à la catégorie des prestataires de services de paiement, de sorte que, par application du premier de ces textes, les dispositions du deuxième ne lui sont pas applicables.
7. Pour rejeter la demande de la société UTA, l’arrêt retient que les dispositions de l’article L. 521-3 du code monétaire et financier, qui prévoient un régime dérogatoire à l’article L. 521-2, assimilent les entreprises qui sont soumises à ces dispositions aux entreprises relevant de l’article L. 521-1, auxquelles s’appliquent les règles de responsabilité des articles L. 133-1 et suivants, de sorte que, la société UTA relevant des dispositions de l’article L. 521-3 du code monétaire et financier, dès lors qu’elle fournit des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette société est tenue d’appliquer les dispositions des articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier, et notamment celles de l’article L. 133-19 de ce code.
8. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 avril 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;
Condamne la société Transports Couteaux – Les Cars du Hainaut aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Transports Couteaux – Les Cars du Hainaut et la condamne à payer à la société Union Tank Eckstein GmbH & Co KG la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.